Antoine-Laurent de Lavoisier

Traité élémentaire de chimie,

présenté dans un ordre nouveau et d'après les découvertes modernes

(Paris: Chez Cuchet, 1789)


TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE DE CHIMIE.

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

Je n'avais pour objet, lorsque j'ai entrepris cet ouvrage, que de donner plus de développement au Mémoire que j'ai lu à la séance publique de l'Académie des sciences du mois d'avril 1787, sur la nécessité de réformer et de perfectionner la nomenclature de la chimie. C'est en m'occupant de ce travail que j'ai mieux senti que je ne l'avais encore fait jusqu'alors l'évidence des principes qui ont été posés par l'abbé de Condillac dans sa Logique et dans quelques autres de ses ouvrages. Il y établit que nous ne pensons qu 'avec le secours des mots ; que les langues sont de véritables méthodes analytiques ; que l'algèbre la plus simple, la plus exacte et la mieux adaptée à son objet de toutes les manières de s 'énoncer, est à la fois une langue et une méthode analytique ; enfin, que l'art de raisonner se réduit en une langue bien faite. Et en effet, tandis que je croyais ne m'occuper que de nomenclature, tandis que je n'avais pour objet que de perfectionner le langage de la chimie, mon ouvrage s'est transformé


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insensiblement entre mes mains, sans qu'il m'ait été possible de m'en défendre, en un traité élémentaire de chimie. L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science et la science de la nomenclature tient à ce que toute science physique est nécessairement formée de trois choses : la série des faits qui constituent. la science ; les idées qui les rappellent ; les mots qui les expriment. Le mot doit faire naître l'idée ; l'idée doit peindre le fait : ce sont trois empreintes d'un même cachet ; et, comme ce sont les mots qui conservent les idées et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner le langage sans perfectionner la science, ni la science sans le langage, et que, quelque certains que fussent les faits, quelque justes que fussent les idées qu'ils auraient fait naître, ils ne transmettraient encore que des impressions fausses, si nous n'avions pas des expressions exactes pour les rendre. La première partie de ce traité fournira à ceux qui voudront bien le méditer des preuves fréquentes de ces vérités ; mais, comme je me suis vu forcé d'y suivre un ordre qui diffère essentiellement de celui qui a été adopté jusqu'à présent dans tous les ouvrages de chimie, je dois compte des motifs qui m'y ont déterminé. C'est un principe bien constant, et dont la généralité est bien reconnue dans les mathématiques, comme dans tous les genres de connaissances, que nous ne pouvons procéder, pour nous instruire, que du connu à l'inconnu. Dans notre première enfance nos idées viennent de nos besoins ; la sensation de nos besoins fait naître l'idée des objets propres à les satisfaire, et insensiblement, par une suite de sensations, d'observations et d'analyses, il se forme une génération successive d'idées toutes liées les unes aux autres, dont un observateur attentif peut même, jusqu'à un certain point, retrouver le fil et l'enchaînement, et qui constituent l'ensemble de ce que nous savons.


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Lorsque nous nous livrons pour la première fois à l'étude dune science, nous sommes, par rapport à cette science, dans un état très-analogue à celui dans lequel sont les enfants, et la marche que nous avons à suivre est précisément celle que suit la nature dans la formation de leurs idées. De même que, dans l'enfant, l'idée est un effet de la sensation, que c'est la sensation qui fait naître l'idée, de même aussi, pour celui qui commence à se livrer à l'étude des sciences physiques, les idées ne doivent être qu'une conséquence, une suite immédiate d'une expérience ou d'une observation. Qu'il me soit permis d'aj outer que celui qui entre dans la carrière des sciences est dans une situation moins avantageuse que l'enfant même qui acquiert ses premières idées ; si l'enfant, s'est trompé sur les effets salutaires ou nuisibles des objets qui l'environnent, la nature lui donne des moyens multipliés de se rectifier. A chaque instant le jugement qu'il a porté se trouve redressé par l'expérience. La privation ou la douleur viennent à la suite d'un jugement faux ; la jouissance et le plaisir à la suite d'un jugement juste. On ne tarde pas, avec de tels maîtres, à devenir conséquent, et on raisonne bientôt juste quand on ne peut raisonner autrement sous peine de privation ou de souffrance. Il n'en est pas de même dans l'étude et dans la pratique des sciences : les faux jugements que nous portons n'intéressent ni notre existence ni notre bien-être ; aucun intérêt physique ne nous oblige de nous rectifier : l'imagination, au contraire, qui tend à nous porter continuellement au delà du vrai ; l'amour-propre et la confiance en nous- mêmes, qu'il sait si bien nous inspirer, nous sollicitent à tirer des conséquences qui ne dérivent pas immédiatement des faits ; en sorte que nous sommes en quelque façon intéressés à nous séduire nous-mêmes. Il n'est donc pas étonnant que, dans les sciences physiques en général, on ait souvent supposé au lieu


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de conclure, que les suppositions transmises d'âge en âge soient devenues de plus en plus imposantes par le poids des autorités qu'elles ont acquises, et qu'elles aient enfin été adoptées et regardées comme des vérités fondamentales, même par de très-bons esprits. Le seul moyen de prévenir ces écarts consiste à supprimer, ou au moins à simplifier autant qu'il est possible, le raisonnement, qui est de nous et qui seul peul nous égarer ; à le mettre continuellement à l'épreuve de l'expérience ; à ne conserver que les faits qui ne sont que des données de la nature, et qui ne peuvent nous tromper ; à ne chercher la vérité que dans l'enchaînement naturel des expériences et des observations, de la même manière que les mathématiciens parviennent à la solution d'un problème par le simple arrangement des données, et en réduisant le raisonnement à des opérations si simples, à des jugements si courts, qu'ils ne perdent jamais de vue l'évidence qui leur sert de guide. Convaincu de ces vérités, je me suis imposé la loi de ne procéder jamais que du connu à l'inconnu, de ne déduire aucune conséquence qui ne dérive immédiatement des expériences et des observations, et d'enchaîner les faits et les vérités chimiques dans l'ordre le plus propre à en faciliter l'intelligence aux commençants. Il était impossible qu'en m'assujettissant à ce plan je ne m'écartasse pas des routes ordinaires. C'est en effet un défaut commun à tous les cours et à tous les traités de chimie, de supposer, dès les premiers pas, des connaissances que l'élève ou le lecteur ne doivent acquérir que dans les leçons subséquentes. On commence dans presque tous par traiter des principes des corps ; par expliquer la table des affinités, sans s'apercevoir qu'on est obligé de passer en revue dés le premier jour les principaux phénomènes de la chimie, de se servir d'expressions qui n'ont point été définies, et de supposer la science acquise par ceux auxquels on se propose


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de l'enseigner. Aussi est-il reconnu qu'on n'apprend que peu de chose dans un premier cours de chimie ; qu'une année suffit à peine pour familiariser l'oreille avec le langage, les yeux avec les appareils, et qu'il est presque impossible de former un chimiste en moins de trois ou quatre ans. Ces inconvénients tiennent moins à la nature des choses qu'à la forme de l'enseignement, et c'est ce qui m'a déterminé à donner à la chimie une marche qui me parait plus conforme à celle de la nature. Je ne me suis pas dissimulé qu'en voulant éviter un genre de difficultés je me jetais dans un autre, et qu'il me serait impossible de les surmonter tontes ; mais je crois que celles qui restent n'appartiennent point à l'ordre que je me suis prescrit ; qu'elles sont plutôt une suite de l'état d'imperfection où est encore la chimie. Cette science présente des lacunes nombreuses, qui interrompent la série des faits, et qui exigent des raccordements embarrassants et difficiles. Elle n'a pas, comme la géométrie élémentaire, l'avantage d'être une science complète et dont toutes les parties sont étroitement liées entre elles ; mais en même temps sa marche actuelle est si rapide, les faits s'arrangent d'une manière si heureuse dans la doctrine moderne, que nous pouvons espérer, même de nos jours, de la voir s'approcher beaucoup du degré de perfection qu'elle est susceptible d'atteindre. Cette loi rigoureuse, dont je n'ai pas dû m'écarter, de ne rien conclure au delà de ce que les expériences présentent, et de ne jamais suppléer au silence des faits, ne m'a pas permis de cour prendre dans cet ouvrage la partie de la chimie la plus susceptible, peut-être, de devenir un jour une science exacte : c'est celle qui traite des affinités chimiques ou attractions électives. M. Geoffroy, M. Gellert, M. Bergman, M. Schéele, M. de Morveau, M. Kirwan et beaucoup d'autres, ont déjà rassemblé une multitude de faits particuliers, qui n'attendent plus que la place qui doit leur


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être assignée ; mais les données principales manquent, ou du moins celles que nous avons ne sont encore ni assez précises ni assez certaines pour devenir la base fondamentale sur laquelle doit reposer une partie aussi importante de la chimie. La science des affinité est d'ailleurs à la chimie ordinaire ce que la géométrie transcendante est à la géométrie élémentaire, et je n'ai pas cru devoir compliquer par d'aussi grandes difficultés des éléments simples et faciles, qui seront, à ce que j'espère, à la portée d'un très-grand nombre de lecteurs. Peut-être un sentiment d'amour-propre a-t-il, sans que je m'en rendisse compte à moi- même, donné du poids à ces réflexions. M. de Morveau est au moment de publier l'article Affinité de l'Encyclopédie méthodique, et j'avais bien des motifs pour redouter de travailler en concurrence avec lui. On ne manquera pas d'être surpris de ne point trouver dans un traité élémentaire de chimie un chapitre sur les parties constituantes et élémentaires des corps ; mais je ferai remarquer ici que cette tendance que nous avons à vouloir que tous les corps de la nature ne soient composés que de trois ou quatre éléments tient à un préjugé qui nous vient originairement des philosophes grecs. L'admission de quatre éléments, qui, par la variété de leurs proportions, composent tous les corps que nous connaissons, est une pure hypothèse, imaginée longtemps avant qu'on eût les premières notions de la physique expérimentale et de la chimie. On n'avait point encore de faits, et l'on formait des systèmes ; et aujourd'hui que nous avons rassemblé des faits, il semble que nous nous efforcions de les repousser, quand ils ne cadrent pas avec nos préjugés ; tant il est vrai que le poids de l'autorité de ces pères de la philosophie humaine se fait encore sentir, et qu'elle pèsera sans doute encore sur les générations à venir. Une chose très-remarquable, c'est que, tout en enseignant la


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doctrine des quatre éléments, il n'est aucun chimiste qui, par la force des faits, n'ait été conduit à en admettre un plus grand nombre. Les premiers chimistes qui ont écrit depuis le renouvellement des lettres regardaient le soufre et le sel comme des substances, élémentaires qui entraient dans la combinaison d'un grand nombre de corps : ils reconnaissaient donc l'existence de six éléments au lieu de quatre. Becher admettait trois terres, et cétait de leur combinaison et de la différence des proportions que résultait suivant lui, la différence qui existe entre les substances métalliques. Stahl a modifié ce système : tous les chimistes qui lui ont succédé se sont permis d'y faire des changements, même d'en imaginer d'autres, mais tous se sont laissé entraîner à l'esprit de leur siècle, qui se contentait d'assertions sans preuves, ou du moins qui regardait souvent comme telles de très-légères probabilités. Tout ce qu'on peut dire sur le nombre et sur la nature des éléments se borne, suivant moi, à des discussions purement métaphysiques : ce sont des problèmes indéterminés qu'on se propose de résoudre, qui sont susceptibles dune infinité de solutions, mais dont il est très-probable qu'aucune en particulier n'est d'accord avec la nature. Je me contenterai donc de dire que, si par le nom d'éléments nous entendons désigner les molécules simples et indivisibles qui composent les corps, il est probable que nous ne les connaissons pas : que, si, au contraire, nous attachons au nom d'éléments ou de principes des corps l'idée du dernier terme auquel parvient l'analyse, toutes les substances que nous n'avons encore pu décomposer par aucun moyen sont pour nous des éléments ; non pas que nous puissions assurer que ces corps, que nous regardons comme simples, ne soient pas eux-mêmes composés de deux ou même d'un plus grand nombre de principes ; mais, puisque ces principes ne se séparent jamais, ou plutôt puisque nous n'avons aucun moyen de les séparer, ils agissent à notre égard à la ma- [manière]


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nière des corps simples, et nous ne devons les supposer composés qu'au moment où l'expérience et l'observation nous en auront fourni la preuve. Ces réflexions sur la marche des idées s'appliquent naturellement au choix des mots qui doivent les exprimer. Guidé par le travail que nous avons fait en commun en 1787, M. de Morveau, M. Berthollet, M. de Fourcroy et moi, sur la nomenclature de la chimie, j'ai désigné, autant que je l'ai pu, les substances simples par des mots simples, et ce sont elles que j'ai été obligé de nommer les premières. On peut se rappeler que nous nous sommes efforcé de conserver à toutes les substances les noms qu'elles portent dans la société ; nous ne nous sommes permis de les changer que dans deux cas : le premier à l'égard des substances nouvellement découvertes et qui n'avaient point encore été nommées, ou du moins pour celles qui ne l'avaient été que depuis peu de temps, et dont les noms encore nouveaux n'avaient point été sanctionnés par une adoption générale ; le second, lorsque les noms adoptés, soit par les anciens, soit par les modernes, nous ont paru entrainer des idées évidemment fausses, lorsqu'ils pouvaient faire confondre la substance qu'ils désignaient avec d'autres, qui sont douées de propriétés différentes ou opposées. Nous n'avons fait alors aucune difficulté de leur en substituer d'autres, que nous avons empruntés principalement du grec ; nous avons fait en sorte qu'ils exprimassent la propriété la plus générale, la plus caractéristique de la substance, et nous y avons trouvé l'avantage de soulager la mémoire des commençants, qui retiennent difficilement un mot nouveau lorsqu'il est absolument vide de sens, et de les accoutumer de bonne heure à n'admettre aucun mot sans y attacher une idée. A l'égard des corps qui sont formés de la réunion de plusieurs substances simples, nous les avons désignés par des noms com- [composés]


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posés comme le sont les substances elles-mêmes ; mais, comme le nombre des combinaisons binaires est déjà très-considérable, nous serions tombés dans le désordre et dans la confusion, si nous ne nous fussions pas attachés à former des classes. Le nom de classes et de genres est, dans l'ordre naturel des idées, celui qui rappelle la propriété commune à un grand nombre d'individus ; celui d'espèces, au contraire, est celui qui ramène l'idée aux propriétés particulières à quelques individus. Ces distinctions ne sont pas faites, comme on pourrait le penser, seulement par la métaphysique ; elles le sont par la nature. Un enfant, dit l'abbé de Condillac, appelle du nom d'arbre le premier arbre que nous lui montrons. Un second arbre qu'il voit ensuite lui rappelle la même idée, il lui donne le même nom ; de même à un troisième, à un quatrième, et voilà le mot d'arbre, donné d'abord à un individu, qui devient pour lui un nom de classe ou de genre, une idée abstraite qui comprend tous les arbres en général. Mais, lorsque nous lui aurons fait remarquer que tous les arbres ne servent pas aux mêmes usages, que tous ne portent pas les mêmes fruits, il apprendra bientôt à les distinguer par des noms spécifiques et particuliers. Cette logique est celle de toutes les sciences ; elle s'applique naturellement à la chimie. Les acides, par exemple, sont composés de deux substances de l'ordre de celles que nous regardons comme simples, l'une qui constitue l'acidité et qui est commune à tous ; c'est de cette substance que doit être emprunté le nom de classe ou de genre ; l'autre qui est propre à chaque acide, qui les différencie les uns des autres, et c'est de cette substance que doit être emprunté le nom spécifique. Mais, dans la plupart des acides, les deux principes constituants, le principe acidifiant et le principe acidifié, peuvent exister dans des proportions différentes, qui constituent toutes des points d'équi- [équilibre]


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libre ou de saturation ; c'est ce qu'on observe dans l'acide sulfurique et dans l'acide sulfureux ; nous avons exprimé ces deux états du même acide en faisant varier la terminaison du nom spécifique. Les substances métalliques qui ont été exposées à l'action réunie de l'air et du feu perdent leur éclat métallique, augmentent de poids et prennent une apparence terreuse ; elles sont, dans cet état, composées, comme les acides, d'un principe qui est commun à toutes, et d'un principe particulier propre à chacune ; nous avons dû également les classer sous un nom générique dérivé du principe commun, et le nom que nous avons adopté est celui d'oxyde ; nous les avons ensuite différenciées les unes des autres par le nom particulier du métal auquel elles appartiennent. Les substances combustibles, qui, dans les acides et dans les oxydes métalliques, sont un principe spécifique et particulier, sont susceptibles de devenir à leur tour un principe commun à un grand nombre de substances. Les combinaisons sulfureuses ont été longtemps les seules connues en ce genre ; on sait aujourd'hui, d'après les expériences de MM. Vandermonde, Monge et Berthollet que le charbon se combine avec le fer, et, peut-être avec plusieurs autres métaux ; qu'il en résulte, suivant les proportions, de l'acier de la plombagine, etc. On sait également, d'après les expériences de M. Pelletier, que le phosphore se combine avec un grand nombre de substances métalliques. Nous avons encore rassemblé ces différentes combinaisons sous des noms génériques dérivés de celui de la substance commune, avec une terminaison, qui rappelle cette analogie, et nous les avons spécifiées par un autre nom, dérivé de leur substance propre. La nomenclature des êtres composés de trois substances simples présentait un peu plus de difficultés en raison de leur nombre, et surtout parce qu'on ne peut exprimer la nature de leurs principes


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constituants sans employer des noms plus composés. Nous avons eu à considérer dans les corps qui forment cette classe, tels que les sels neutres, par exemple, 1° le principe acidifiant, qui est commun à tous ; 2° le principe acidifiable, qui constitue leur acide propre ; 3° la base saline, terreuse ou métallique, qui détermine l'espèce particulière de sel. Nous avons emprunté le nom de chaque classe de sels de celui du principe acidifiable, commun à tous les individus de la classe ; nous avons ensuite distingué chaque espèce par le nom de la base saline, terreuse ou métallique, qui lui est particulière. Un sel, quoique composé des trois mêmes principes, peut être cependant dans des états très-différents, par la seule différence de leur proportion. La nomenclature que nous avons adoptée aurait été défectueuse si elle n'eût pas exprimé ces différents états, et nous y sommes principalement parvenus par des changements de terminaison, que nous avons rendue uniforme pour un même état des différents sels. Enfin nous sommes arrivés au point que, par le mot seul on reconnaît sur-le-champ quelle est la substance combustible qui entre dans la combinaison dont il est question ; si cette substance combustible est combinée avec le principe acidifiant, et dans quelle proportion ; dans quel état est cet acide ; à quelle base il est uni ; s'il y a saturation exacte ; si c'est l'acide ou bien la base qui est en excès. On conçoit qu'il n' a pas été possible de remplir ces différentes vues sans blesser quelquefois des usages reçus, et sans adopter des dénominations qui ont paru dures et barbares dans le premier moment ; mais nous avons observé que l'oreille s'accoutumait promptement aux mots nouveaux, surtout lorsqu'ils se trouvaient liés à un système général et raisonné. Les noms, au surplus, qui s'employaient avant nous tels que ceux de poudre d'algaroth, de


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sel alembroth, de pompholix, d'eau phagédénique, de turbith minéral, de colcothar, et beaucoup d'autres, ne sont ni moins durs, ni moins extraordinaires ; il faut une grande habitude et beaucoup de mémoire pour se rappeler les substances qu'ils expriment, et surtout pour reconnaître à quel genre de combinaison ils appartiennent. Les noms d'huile de tartre par défaillance, d'huile de vitriol, de beurre d'arsenic et d'antimoine, de fleurs de zinc, etc. sont plus impropres encore, parce qu'il font naître des idées fausses ; parce qu'il n'existe, à proprement parler, dans le règne minéral et surtout, dans le règne métallique, ni beurres, ni huiles, ni fleurs ; enfin parce que les substances qu'on désigne sous ces noms trompeurs sont de violents poisons. On nous a reproché, lorsque nous avons publié notre Essai de Nomenclature chimique, d'avoir changé la langue que nos maîtres ont parlée, qu'ils ont illustrée, et qu' ils nous ont transmise ; mais on a oublié que c'étaient Bergman et Macquer qui avaient eux-mêmes sollicité cette réforme. Le savant professeur d'Upsal, M. Bergman, écrivait à M. de Morveau, dans les derniers temps de sa vie : Ne faites grâce à aucune dénomination impropre : ceux qui savent déjà entendront toujours ; ceux qui ne savent pas encore entendront plus tôt. Peut-être serait-on plus fondé à me reprocher de n'avoir donné, dans l'ouvrage que je présente au public, aucun historique de l'opinion de ceux qui m'ont précédé ; de n'avoir présenté que la mienne, sans discuter celle des autres. Il en est résulté que je n'ai pas toujours rendu à mes confrères, encore moins aux chimistes étrangers, la justice qu'il était dans mon intention de leur rendre ; mais je prie le lecteur de considérer que, si l'on accumulait les citations dans un ouvrage élémentaire, si l'on s'y livrait à de longues discussions sur l'historique de la science et sur les travaux de ceux qui l'ont professée, on perdrait de vue le véritable objet


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qu'on s'est proposé, et l'on formerait un ouvrage d'une lecture tout à fait fastidieuse pour les commençants. Ce n'est ni l'histoire de la science, ni celle de l'esprit humain, qu'on doit faire dans un traité élémentaire ; on ne doit y chercher que la facilité, la clarté ; on en doit soigneusement écarter tout ce qui pourrait tendre à détourner l'attention. C'est un chemin qu'il faut continuellement aplanir, dans lequel il ne faut laisser subsister aucun obstacle qui puisse apporter le moindre retard. Les sciences présentent déjà par elles-mêmes assez de difficultés, sans en appeler encore qui leur sont étrangères. Les chimistes s'apercevront facilement, d'ailleurs, que je n'ai presque fait usage, dans la première partie, que des expériences qui me sont propres. Si quelquefois il a pu m'échapper d'adopter, sans les citer, les expériences ou les opinions de M. Berthollet, de M. de Fourcroy, de M. de Laplace, de M. Monge, et de ceux, en général, qui ont adopté les mêmes principes que moi, c'est que l'habitude de vivre ensemble, de nous communiquer nos idées, nos observations, notre manière de voir, a établi entre nous une sorte de communauté d'opinions, dans laquelle il nous est souvent difficile à nous-mêmes de distinguer ce qui nous appartient plus particulièrement. Tout ce que je viens d'exposer sur l'ordre que je me suis efforcé de suivre dans la marche des preuves et des idées n'est applicable qu'à la première partie de cet ouvrage : c'est elle seule qui contient l'ensemble de la doctrine que j'ai adoptée ; c'est à elle seule que j'ai cherché à donner la forme véritablement élémentaire. La seconde partie est principalement formée des tableaux de la nomenclature des sels neutres. J'y ai joint seulement des explications très-sommaires, dont l'objet est de faire connaître les procédés les plus simples pour obtenir les différentes espèces d'acides connus : cette seconde partie ne contient rien qui me soit propre ;


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elle ne présente qu'un abrégé très-concis de résultats extraits de différents ouvrages. Enfin j'ai donné dans la troisième partie une description détaillée de toutes les opérations relatives à la chimie moderne. Un ouvrage de ce genre paraissait désiré depuis longtemps, et je crois qu'il sera de quelque utilité. En général, la pratique des expériences, et surtout des expériences modernes, n'est point assez répandue ; et peut-être, si, dans les différents mémoires que j'ai donnés à l'Académie, je me fusse étendu davantage sur le détail des manipulations, me serais-je fait plus facilement entendre, et la science aurait-elle fait des progrès plus rapides. L'ordre des matières, dans cette troisième partie, m'a paru à peu près arbitraire, et je me suis seulement attaché à classer dans chacun des huit chapitres qui la composent les opérations qui ont ensemble le plus d'analogie. On s'apercevra aisément que cette troisième partie n'a pu être extraite d'aucun ouvrage, et que, dans les articles principaux, je n'ai pu être aidé que de ma propre expérience. Je terminerai ce discours préliminaire en transcrivant littéralement quelques passages de M. l'abbé de Condillac, qui me paraissent peindre avec beaucoup de vérité l'état où était la chimie dans des temps très-rapprochés du nôtre (1). Ces passages, qui n'ont point été faits exprès, n'en acquerront que plus de force, si l'application en paraît juste. “ Au lieu d'observer les choses que nous voulions connaître, nous avons voulu les imaginer. De supposition fausse en supposition fausse, nous nous sommes égarés parmi une multitude d'erreurs ; et ces erreurs étant devenues des préjugés, nous les cavons prises par cette raison pour des principes ; nous nous sommes donc égarés de plus en plus. Alors nous n'avons su raisonner que d'après les mauvaises habitudes que nous avions con- [contractées]

(1) Partie II, chapitre I.


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tractées. L'art d'abuser des mots sans les bien entendre a été pour nous l'art de bien raisonner
Quand les choses sont parvenues à ce point, quand les erreurs se sont ainsi accumulées, il n'y a qu'un moyen de remettre de l'ordre dans la faculté de penser : c'est d'oublier tout ce que nous avons appris, de reprendre nos idées à leur origine, d'en suivre la génération, et de refaire, comme dit Bacon, l'entendement humain. Ce moyen est d'autant plus difficile qu'on se croit plus instruit. Aussi des ouvrages où les sciences seraient traitées avec une grande netteté, une grande précision, un grand ordre, ne seraient-ils pas à la portée de tout le monde. Ceux qui n'auraient rien étudié les entendraient mieux que ceux qui ont fait de grandes études, et surtout que ceux qui ont écrit beaucoup sur les sciences. ” M. l'abbé de Condillac ajoute à la fin du chapitre V : “ Mais enfin les sciences ont fait des progrès, parce que les philosophes ont mieux observé, et qu'ils ont mis dans leur langage la précision et l'exactitude qu'ils avaient mises dans leurs observations : ils ont corrigé la langue, et l'on a mieux raisonné. ”


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PREMIÈRE PARTIE.

DE LA FORMATION DES FLUIDES AÉRIFORMES ET DE LEUR DÉCOMPOSITION ; DE LA COMBUSTION DES CORPS SIMPLES ET DE LA FORMATION DES ACIDES. CHAPITRE PREMIER. DES COMBINAISONS DU CALORIQUE ET DE LA FORMATION DES FLUIDES ÉLASTIQUES AÉRIFORMES.

C'est un phénomène constant dans la nature, et dont la généralité a été bien établie par Boerhave, que, lorsqu'on échauffe un corps quelconque, solide ou fluide, il augmente de dimension dans tous les sens. Les faits sur lesquels on s'est fondé pour restreindre la généralité de ce principe ne présentent que des résultats illusoires, ou du moins dans lesquels se compliquent des circonstances étrangères qui en imposent ; mais, lorsqu'on est parvenu à séparer les effets et à les rapporter chacun à la cause à laquelle ils appartiennent, on s'aperçoit que l'écartement des molécules par la chaleur est une loi générale et constante de la nature. Si, après avoir échauffé jusqu'à un certain point un corps solide, et en avoir ainsi écarté de plus en plus toutes les molécules, on le laisse refroidir, ces mêmes molécules se rapprochent les unes des autres dans la même proportion, suivant laquelle elles avaient été écartées ; le corps repasse par les mêmes degrés d'extension qu'il avait parcourus ; et, si on le ramène à la même température qu'il avait en commençant l'expérience, il reprend sensiblement le volume qu'il avait d'abord. Mais, comme nous sommes bien éloignés de pouvoir obtenir un degré de froid absolu, comme nous ne connaissons aucun degré de refroi- [refroidissement]


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dissement que nous ne puissions supposer susceptible d'être augmenté, il en résulte que nous n'avons pas encore pu parvenir à rapprocher, le plus qu'il est possible, les molécules d'aucun corps, et que, par conséquent, les molécules d'aucun corps ne se touchent dans la nature ; conclusion très-singulière, et à laquelle cependant il est impossible de se refuser. On conçoit que les molécules des corps étant ainsi continuellement sollicitées par la chaleur à s'écarter les unes des autres, elles n'auraient aucune liaison entre elles, et qu'il n'y aurait aucun corps solide, si elles n'étaient retenues par une autre force qui tendit à les réunir, et pour ainsi dire à les enchaîner, et cette force, quelle qu'en soit la cause, a été nommée attraction. Ainsi les molécules des corps peuvent vitre considérées comme obéissant à deux forces, l'une répulsive, l'autre attractive, entre lesquelles elles sont en équilibre. Tant que la dernière de ces forces, l'attraction, est victorieuse, le corps demeure dans l'état solide ; si, au contraire, l'attraction est la plus faible, si la chaleur a tellement écarté les unes des autres les molécules du corps, qu'elles soient hors de la sphère d'activité de leur attraction, elles perdent l'adhérence qu'elles avaient entre elles, et le corps cesse d'être un solide. L'eau nous présente continuellement un exemple de ces phénomènes : au-dessous de zéro du thermomètre français, elle est dans l'état solide et elle porte le nom de glace ; au-dessus de ce même terme, ses molécules cessent d'are retenues par leur attraction réciproque, et elle devient ce qu'on appelle un liquide ; enfin, au-dessus de 80 degrés, ses molécules obéissent à la répulsion occasionnée par la chaleur ; l'eau prend l'état de vapeur ou de gaz, et elle se transforme en un fluide aériforme. On en peut dire autant de tous les corps de la nature : ils sont ou solides ou liquides, ou dans l'état élastique et aériforme, suivant le rapport qui existe entre la force attractive de leurs molécules et la force répulsive de la chaleur, ou, ce qui revient au même, suivant le degré de chaleur auquel ils sont exposés.


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Il est difficile de concevoir ces phénomènes sans admettre qu'ils sont l'effet d'une substance réelle et matérielle, d'un fluide très-subtil, qui s'insinue à travers les molécules de tous les corps et qui les écarte ; et, en supposant même due l'existence de ce fluide fût une hypothèse, on verra dans la suite qu'elle explique d'une manière très-heureuse les phénomènes de la nature. Cette substance, quelle qu'elle soit, étant la cause de la chaleur, ou, en d'autres termes, la sensation que nous appelons chaleur étant l'effet de l'accumulation de cette substance, on ne peut pas, dans un langage rigoureux, la désigner par le nom de chaleur, parce que la même dénomination ne peut pas exprimer la cause et l'effet. C'est ce qui m'avait déterminé, dans le mémoire que j'ai publié en 1777 (1), à la désigner sous le nom de fluide igné et de matière de la chaleur. Depuis, dans le travail que nous avons fait en commun, M. de Morveau, M. Berthollet, M. de Fourcroy et moi, sur la réforme du langage chimique, nous avons cru devoir bannir ces périphrases qui allongent le discours, qui le rendent plus traînant, moins précis, moins clair, et qui souvent même ne comportent pas des idées suffisamment justes. Nous avons en conséquence désigné la cause de la chaleur, le fluide éminemment élastique qui la produit, par le nom de calorique. Indépendamment de ce que cette expression remplit notre objet dans le système que nous avons adopté, elle a encore un autre avantage, c'est de pouvoir s'adapter à toutes sortes d'opinions ; puisque, rigoureusement parlant, nous ne sommes pas même obligés de supposer que le calorique soit une matière réelle ; il suffit, comme on le sentira mieux par la lecture de ce qui va suivre, que ce soit une cause répulsive quelconque qui écarte les molécules de la matière, et on peut ainsi en envisager les effets d'une manière abstraite et mathématique. La lumière est-elle une modification du calorique, ou bien le calorique est-il une modification de la lumière ? C'est sur quoi il est impossible de prononcer dans l'état actuel de nos connaissances. Ce qu'il

(1) Recueil de l'Académie, 1777, p. 420.


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y a de certain, c'est que, dans un système où l'on s'est fait une loi de n'admettre que des faits, et où l'on évite, autant qu'il est possible, de rien supposer au delà de ce qu'ils présentent, on doit provisoirement désigner par des noms différents ce qui produit des effets différents. Nous distinguerons donc la lumière du calorique ; mais nous n'en conviendrons pas moins que la lumière et le calorique ont des qualités qui leur sont communes, et que, dans quelques circonstances, ils se combinent à peu près de la même manière et produisent une partie des mêmes effets. Ce que je viens de dire suffirait déjà pour bien déterminer l'idée qu'on doit attacher au mot de calorique ; mais il me reste une tâche plus difficile à remplir, c'est de donner des idées justes de la manière dont le calorique agit sur les corps. Puisque cette matière subtile pénètre à travers les pores de toutes les substances que nous connaissons, puisqu'il n'existe pas de vases à travers lesquels elle ne s'échappe, et qu'il n'en est, par conséquent, aucun qui puisse la contenir sans perte, on ne peut en connaître les propriétés que par des effets qui, la plupart, sont fugitifs et difficiles à saisir. C'est sur les choses qu'on ne peut ni voir ni palper qu'il est surtout important de se tenir en garde contre les écarts de l'imagination, qui tend touj ours à s'élancer au delà du vrai, et qui a bien de la peine à se renfermer dans le cercle étroit que les faits lui circonscrivent. Nous venons de voir que le même corps devenait solide ou liquide, ou fluide aériforme, suivant la quantité de calorique dont il était pénétré, ou, pour parler d'une manière plus rigoureuse, suivant que la force répulsive du calorique était égale à l'attraction de ses molécules, ou qu'elle était plus forte ou plus faible qu'elle. Mais, s'il n'existait que ces deux forces, les corps ne seraient liquides qu'à un degré indivisible du thermomètre, et ils passeraient brusquement de l'état de solide à celui de fluide élastique aériforme. Ainsi l'eau, par exemple, à l'instant mène où elle cesse d'être glace, commencerait à bouillir ; elle se transformerait en un fluide aériforme, et ses molécules s'écarteraient indéfiniment dans l'espace. S'il n'en est


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pas ainsi, c'est qu'une troisième force, la pression de l'atmosphère, met obstacle à cet écartement, et c'est par cette raison que l'eau demeure dans l'état fluide depuis zéro jusqu'à 80 degrés du thermomètre français ; la quantité de calorique qu'elle reçoit dans cet intervalle est insuffisante pour vaincre l'effort occasionné par la pression de l'atmosphère. On voit donc que, sans la pression de l'atmosphère, nous n'aurions pas de liquide constant ; nous ne verrions les corps dans cet état qu'au moment précis on ils se fondent : la moindre augmentation de chaleur qu'ils recevraient ensuite en écarterait sur-le-champ les parties et les disperserait. Il y a plus, sans la pression de l'atmosphère, nous n'aurions pas, à proprement parler, de guides aériformes. En effet, au moment où la force de l'attraction serait vaincue par la force répulsive du calorique, les molécules s'éloigneraient indéfiniment, sans que rien limitât leur écartement, si ce n'est leur propre pesanteur, qui les rassemblerait pour former une atmosphère. De simples réflexions sur les expériences les plus connues suffisent pour faire apercevoir la vérité de ce que je viens d'énoncer. Elle se trouve d'ailleurs confirmée d'une manière évidente par l'expérience qui suit, dont j'ai déjà donné le détail à l'Académie en 1777. (Voy. Mém. de l'Académie, p.426.) On remplit d'éther sulfurique (1) un petit vase de verre étroit A (pl. VII, fig. 17), monté sur son pied P. Ce vase ne doit pas avoir plus de 12 à 15 lignes de diamètre et environ 2 pouces de hauteur. On couvre ce vase avec une vessie humectée, qu'on assujettit autour du col du vase par un grand nombre de tours de gros fil bien serrés ; pour plus grande sûreté, on remet une seconde vessie par- dessus la première, et on l'assujettit de la même manière. Ce vase doit être tellement rempli d'éther, qu'il ne reste aucune portion d'air entre la liqueur et la vessie ;

(1) Je donnerai ailleurs la définition de la liqueur qu'on nomme éther, et j'en développerai les propriétés. Je ma contenterai de dire dans ce moment qu'on désigne par ce nom une liqueur inflammable très-volatile, d'une pesanteur spécifique beaucoup moindre que l'eau et même que l'esprit-de-vin.


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on le place ensuite sous le récipient BCD d'une machine pneumatique dont le haut B doit être garni d'une boîte à cuir, traversée par une tige EF, dont l'extrémité F se termine en une pointe ou lame très-aiguë : à ce même récipient doit être adapté un baromètre GH. Lorsque tout est ainsi disposé, on fait le vide sous le récipient ; puis, en faisant descendre la tige pointue EF, on crève la vessie. Aussitôt l'éther commence à bouillir avec une étonnante rapidité, il se vaporise et se transforme en un fluide élastique aériforme qui occupe tout le récipient. Si la quantité d'éther est assez considérable pour que, la vaporisation finie, il en reste encore quelques gouttes dans la fiole, le fluide élastique qui s'est produit est susceptible de soutenir le baromètre adapté à la machine pneumatique à 8 ou 10 pouces environ pendant l'hiver, et à 20 et 25 pendant les chaleurs de l'été. On peut, pour rendre cette expérience plus complète, introduire un petit thermomètre dans le vase A qui contient l'éther, et on s'aperçoit qu'il descend considérablement pendant tout le temps que dure la vaporisation. On ne fait autre chose, dans cette expérience, que de supprimer le poids de l'atmosphère, qui, dans l'état ordinaire, pèse sur la surface de l'éther, et les effets qui en résultent prouvent évidemment deux choses : la première, qu'au degré de température dans lequel nous vivons l'éther serait constamment dans l'état d'un guide aériforme, si la pression de l'atmosphère n'y mettait obstacle ; la seconde, que ce passage de l'état liquide à l'état aériforme est accompagné d'un refroidissement considérable, par la raison que, pendant la vaporisation, une partie du calorique, qui était dans un état de liberté, ou au moins d'équilibre, dans les corps environnants, se combine avec l'éther pour le porter à l'état de fluide aériforme. La même expérience réussit avec tous les fluides évaporables, tels que l'esprit-de-vin ou alcool, l'eau et le mercure même ; avec cette différence cependant que l'atmosphère d'alcool qui se forme sous le récipient ne peut soutenir le baromètre adapté à la machine pneumatique, en hiver, qu'à un pouce au-dessus de son niveau, et à quatre


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ou cinq en été ; que l'eau ne le soutient qu'à quelques lignes, et le mercure à quelques fractions de ligne. Il y a donc moins de fluide vaporisé lorsqu'on opère avec l'alcool que lorsqu'on opère avec l'éther ; moins encore avec l'eau, et surtout avec le mercure ; par conséquent, moins de calorique employé et moins de refroidissement, ce qui cadre parfaitement avec le résultat des expériences. Un autre genre d'expérience prouve encore d'une manière aussi évidente que l'état aériforme est une modification des corps, et qu'elle dépend du degré de température et de pression qu'ils éprouvent. Nous avons fait voir, M. de Laplace et moi, dans un mémoire que nous avons lu à l'Académie en 1777, mais qui n'a pas été imprimé, que, lorsque l'éther était soumis à une pression de 28 pouces de mercure, c'est-à-dire à une pression égale à celle de l'atmosphère, il entrait en ébullition à 32 ou 33 degrés du thermomètre de mercure. M. de Luc, qui a fait des recherches analogues sur l'esprit-de-vin, a reconnu qu'il entrait en ébullition à 67 degrés. Enfin tout le monde sait que l'eau commence à bouillir à 80 degrés. L'ébullition n'étant autre chose que la vaporisation d'un fluide, ou le moment de son passage de l'état liquide à celui d'un fluide élastique aériforme, il était évident qu'en tenant constamment de l'éther à une température supérieure à 33 degrés et au degré habituel de pression de l'atmosphère, on devait l'obtenir dans l'état d'un fluide aériforme ; que la même chose devait arriver à l'esprit-de-vin au-dessus de 67 degrés, et à l'eau au-dessus de 80 ; c'est ce qui s'est trouvé parfaitement confirmé par les expériences suivantes (1) : J'ai rempli avec de l'eau à 35 ou 36 degrés du thermomètre un grand vase ABCD (pl. VII, fig.15) ; je le suppose transparent pour mieux faire sentir ce qui se passe dans son intérieur ; on peut encore tenir les mains assez longtemps dans de l'eau à ce degré sans s'incommoder. J'y ai plongé des bouteilles à goulot renversé F, G, qui s'y sont emplies, après quoi je les ai retournées de manière qu'elles eussent leur goulot en en-bas, et appliqué contre le fond du vase.

(1) Mém. de l'Académie, 1780, p.335.


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Les choses étant ainsi disposées, j'ai introduit de l'éther sulfurique dans un très-petit matras, dont le col abc était doublement recourbé ; j'ai plongé ce matras dans l'eau du vase ABCD, et j'ai engagé, comme on le voit représenté dans la figure 15, l'extrémité de son col abc dans le goulot d'une des bouteilles F. Dès que l'éther a commencé à ressentir l'impression de la chaleur, il est entré en ébullition, et le calorique qui s'est combiné avec lui l'a transformé en un fluide élastique aériforme, dont j'ai rempli successivement plusieurs bouteilles F, G. Ce n'est point ici le lieu d'examiner la nature et les propriétés de ce fluide aériforme, qui est très-inflammable ; mais, sans anticiper sur des connaissances que je ne dois pas supposer au lecteur, je ferai observer, en me fixant sur l'objet qui nous occupe dans ce moment, que l'éther, d'après cette expérience, est tout près de ne pouvoir exister dans la planète que nous habitons que dans l'état aériforme ; que, si la pesanteur de notre atmosphère n'équivalait qu'à une colonne de 20 ou 24 pouces de mercure au lieu de 28, nous ne pourrions obtenir l'éther dans l'état liquide, au moins pendant l'été ; que la formation de l'éther serait par conséquent impossible sur les montagnes un peu élevées, et qu'il se convertirait en gaz à mesure qu'il serait formé, à moins qu'on n'employât des ballons très-forts pour le condenser, et. qu'on ne joignit le refroidissement à la pression. Enfin, que le degré de la chaleur du sang étant à peu près celui où l'éther passe de l'état liquide à l'état aériforme, il doit se vaporiser dans les premières voies, et qu'il est très-vraisemblable que les propriétés de ce médicament tiennent à cet effet, pour ainsi dire, mécanique. Ces expériences réussissent encore mieux avec l'éther nitreux, parce qu'il se vaporise à un degré de chaleur moindre que l'éther sulfurique. A l'égard de l'alcool ou esprit-de- vin, l'expérience, pour l'obtenir dans l'état aériforme, présente un peu plus de difficulté, parce que ce fluide n'étant susceptible de se vaporiser qu'à 67 degrés du thermomètre de Réaumur, il faut que l'eau du bain soit entretenue presque bouillante, et qu'à ce degré il n'est plus possible d'y plonger les mains. Il était évident que la même chose devait arriver à l'eau ; que ce


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fluide devait également se transformer en gaz en l'exposant à un degré de chaleur supérieur à celui qui le fait bouillir ; mais, quoique convaincus de cette vérité, nous avons cru cependant, M.de Laplace et moi, devoir la confirmer par une expérience directe, et en voici le résultat. Nous avons rempli de mercure une jarre de verre A (pl. VII, fig.5), dont l'ouverture était retournée en en-bas, et nous avons passé dessous une soucoupe B, également remplie de mercure. Nous avons introduit dans cette jarre environ 2 gros d'eau, qui ont gagné le haut cd de la jarre, et qui se sont rangés au-dessus de la surface du mercure ; puis nous avons plongé le tout dans une grande chaudière de fer EFGH, placée sur un fourneau GHIK ; cette chaudière était remplie d'eau salée en ébullition, dont la température excédait 85 degrés du thermomètre ; on sait, en effet, que l'eau chargée de sel est susceptible de prendre un degré de chaleur supérieur de plusieurs degrés à celui de l'eau bouillante. Dès que les 2 gros d'eau placés dans la partie supérieure cd de la jarre ou du tube ont eu atteint la température de 80 degrés ou environ, ils sont entrés en ébullition, et, au lieu d'occuper, comme ils le faisaient, le petit espace ACD, ils se sont convertis en un fluide aériforme qui fa remplie tout entière ; le mercure est même descendu un peu au-dessous de son niveau, et la jarre aurait été renversée, si elle n'avait été très-épaisse, par conséquent fort pesante, et si elle n'avait d'ailleurs été assujettie à la soucoupe par du fil de fer. Sitôt qu'on retirait la jarre du bain d'eau salée, l'eau se condensait et le mercure remontait ; mais elle reprenait l'état aériforme quelques instants après que l'appareil avait été replongé. Voilà donc un certain nombre de substances qui se transforment eu un fluide aériforme à des degrés de chaleur très-voisins de ceux dans lesquels nous vivons. Nous verrons bientôt qu'il en est d'autres, tels que l'acide marin ou muriatique, l'alcali volatil ou ammoniaque, l'acide carbonique ou air fixe, l'acide sulfureux, etc. qui demeurent constamment dans l'état aériforme, au degré habituel de chaleur et, de pression de l'atmosphère. Tous ces faits particuliers, dont il me serait facile de multiplier les


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exemples, m'autorisent à faire un principe général de ce que j'ai déjà annoncé plus haut, que presque tous les corps de la nature sont susceptibles d'exister dans trois états différents : dans l'état de solidité, dans l'état de liquidité et dans l'état aériforme, et que ces trois états d'un même corps dépendent de la quantité de calorique qui lui est combinée. Je désignerai dorénavant ces fluides aériformes sous le nom générique de gaz, et je dirai en conséquence que, dans toute espèce de gaz, on doit distinguer le calorique qui fait, en quelque façon, l'office de dissolvant., et la substance qui est combinée avec lui et qui forme sa base. C'est à ces bases des différents gaz qui sont encore peu connues, que nous avons été obligés de donner des noms. Je les indiquerai dans le chapitre IV de cet ouvrage, après que j'aurai rendu compte de quelques phénomènes qui accompagnent l'échauffement et le refroidissement des corps, et que j'aurai donné des idées plus précises sur la constitution de notre atmosphère. Nous avons vu que les molécules de tous les corps de la nature étaient dans un état d'équilibre entre l'attraction, qui tend à les rapprocher et à les réunir, et les efforts du calorique, qui tend à les écarter. Ainsi, non-seulement le calorique environne de toutes parts les corps, mais encore il remplit les intervalles que leurs molécules laissent entre elles. On se formera une idée de ces dispositions, si l'on se figure un vase rempli de petites balles de plomb et dans lequel on verse une substance en poudre très-fine, telle que du sablon ; on conçoit que cette substance se répandra uniformément dans les intervalles que les balles laissent entre elles et les remplira. Les balles, dans cet exemple, sont au sablon ce que les molécules des corps sont au calorique ; avec cette différence que, dans l'exemple cité, les balles se touchent, au lieu que les molécules des corps ne se touchent pas, et qu'elles sont toujours maintenues à une petite distance les unes des autres par l'effort du calorique. Si, à des balles, dont la figure est ronde, on substituait des hexaèdres, des octaèdres, ou des corps d'une figure régulière quelconque et d'une


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égale solidité, la capacité des vides qu'ils laisseraient entre eux ne serait plus la même, et l'on ne pourrait plus y loger une aussi grande quantité de sablon. La même chose arrive à l'égard de tous les corps de la nature ; les intervalles que leurs molécules laissent entre elles ne sont pas tous d'une égale capacité. Cette capacité dépend de la figure de ces molécules, de leur grosseur et de la distance les unes des autres à laquelle elles sont maintenues, suivant le rapport qui existe entre leur force d'attraction et la force répulsive qu'exerce le calorique. C'est dans ce sens qu'on doit entendre cette expression, capacité des corps pour maintenir la matière de la chaleur ; expression fort juste, introduite par les physiciens anglais, qui ont eu les premiers des notions exactes à cet égard. Un exemple de ce qui se passe dans l'eau, et quelques réflexions sur la manière dont ce fluide mouille et pénètre les corps, rendra ceci plus intelligible ; on ne saurait trop s'aider, dans les choses abstraites, de comparaisons sensibles. Si l'on plonge dans l'eau des morceaux de différents bois, égaux en volume, d'un pied cube, par exemple, ce fluide s'introduira peu à peu dans leurs pores ; ils se gonfleront et augmenteront de poids ; mais chaque espèce de bois admettra dans ses pores une quantité d'eau différente ; les plus légers et les plus poreux en logeront davantage ; ceux qui seront compactes et serrés n'en laisseront pénétrer qu'une très- petite quantité ; enfin la proportion d'eau qu'ils recevront dépendra encore de la nature des molécules constituantes du bois, de l'affinité plus ou moins grande qu'elles auront avec l'eau, et les bois très-résineux, par exemple, quoique très-poreux, en admettront très-peu. On pourra donc dire que les différentes espèces de bois ont une capacité différente pour recevoir de l'eau ; on pourra même connaître, par l'augmentation de poids, la quantité qu'ils en auront absorbée ; mais, comme on ignorera la quantité d'eau qu'ils contenaient avant leur immersion, il ne sera pas possible de connaître la quantité absolue qu'ils en contiendront en en sortant. Les mêmes circonstances ont lieu à l'égard des corps qui sont plongés dans le calorique ; en observant cependant que l'eau est un fluide in- [incompressible]


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compressible, tandis que le calorique est doué d'une grande élasticité, ce qui signifie, en d'autres termes, que les molécules du calorique ont une grande tendance à s'écarter les unes des autres, quand une force quelconque les a obligées de se rapprocher, et l'on conçoit que cette circonstance doit apporter, des changements très- notables dans les résultats. Les choses amenées à ce point de clarté et de simplicité, il me sera aisé de faire entendre quelles sont les idées qu'on doit attacher à ces expressions, calorique libre et calorique combiné, quantité spécifique de calorique contenue dans les différents corps, capacité pour contenir le calorique, chaleur latente, chaleur sensible, toutes expressions qui ne sont point synonymes, mais qui, d'après ce que je viens d'exposer, ont un sens strict et déterminé. C'est ce sens que je vais chercher encore à fixer par quelques définitions. Le calorique libre est celui qui n'est engagé dans aucune combinaison. Comme nous vivons au milieu d'un système de corps avec lesquels le calorique a de l'adhérence, il en résulte que nous n'obtenons jamais ce principe dans l'état de liberté absolue. Le calorique combiné est celui qui est enchaîné dans les corps par la force d'affinité ou d'attraction, et qui constitue une partie de leur substance, même de leur solidité. On entend par cette expression, calorique spécifique des corps, la quantité de calorique respectivement nécessaire pour élever d'un même nombre de degrés la température de plusieurs corps égaux en poids. Cette quantité de calorique dépend de la distance des molécules des corps, de leur adhérence plus ou moins grande ; et c'est cette distance, ou plutôt l'espace qui en résulte, qu'on a nommé, comme je l'ai déjà observé, capacité pour contenir le calorique. La chaleur, considérée comme sensation, ou, en d'autres termes, la chaleur sensible, n'est que l'effet produit sur nos organes par le passage du calorique qui se dégage des corps environnants. En général, nous n'éprouvons de sensation que par un mouvement quelconque, et l'on pourrait poser comme un axiome, point de mouvement, point de sensa- [sensation]


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tion. Ce principe général s'applique naturellement au sentiment du froid et du chaud : lorsque nous touchons un corps froid, le calorique, qui tend à se mettre en équilibre dans tous les corps, passe de notre main dans le corps que nous touchons, et nous éprouvons la sensation du froid. L'effet contraire arrive lorsque nous touchons un corps chaud : le calorique passe du corps à notre main, et nous avons la sensation de la chaleur. Si le corps et la main sont du même degré de température, ou à peu près, nous n'éprouvons aucune sensation, ni de froid ni de chaud, parce qu'alors il n'y a pas de mouvement, point de transport de calorique, et qu'encore une fois il n'y a pas de sensation sans un mouvement qui l'occasionne. Lorsque le thermomètre monte, c'est une preuve qu'il y a du calorique libre qui se répand dans les corps environnants : le thermomètre, qui est au nombre de ces corps, en reçoit sa part, en raison de sa masse et de la capacité qu'il a lui-même pour contenir le calorique. Le changement qui arrive dans le thermomètre n'annonce donc qu'un déplacement de calorique, qu'un changement arrivé à un système de corps dont il fait partie ; il n'indique tout au plus que la portion de calorique qu'il a reçue, mais il ne mesure pas la quantité totale qui a été dégagée, déplacée ou absorbée. Le moyen le plus simple et le plus exact pour remplir ce dernier objet est celui imaginé par M. de Laplace, et qui est décrit dans les Mémoires de l'Académie, année 1780, p.364. On en trouve aussi une explication sommaire à la tin de cet ouvrage. Il consiste à placer le corps ou la combinaison d'où se dégage le calorique au milieu d'une sphère creuse de glace : la quantité de glace fondue est une expression exacte de la quantité de calorique qui s'est dégagée. On peut, à l'aide de l'appareil que nous avons fait construire d'après cette idée, connaître, non pas, comme on l'a prétendu, la capacité qu'ont les corps pour contenir le calorique, mais le rapport des augmentations ou diminutions que reçoivent ces capacités, par des nombres déterminés de degrés du thermomètre. Il est facile, avec le même appareil, et par diverses combinaisons d'expériences, de connaître la quantité de calorique nécessaire pour convertir les corps so- [solides]


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lides en liquides, et ceux-ci en fluides aériformes, et, réciproquement, ce que les fluides élastiques abandonnent de calorique quand ils deviennent liquides, et ceux-ci quand ils redeviennent solides. On pourra donc parvenir un jour, lorsque les expériences auront été assez multipliées, à déterminer le rapport de calorique qui constitue chaque espèce de gaz. Je rendrai compte, dans un chapitre particulier, des principaux résultats que nous avons obtenus en ce genre. Il me reste, en finissant cet article, à dire un mot sur la cause de l'élasticité des gaz et des fluides en vapeurs. Il n'est pas difficile d'apercevoir que cette élasticité tient à celle du calorique, qui paraît être le corps éminemment élastique de la nature. Rien de plus simple que de concevoir qu'un corps devient élastique en se combinant avec un autre qui est lui-même doué de cette propriété. Mais il faut convenir que c'est expliquer l'élasticité par l'élasticité ; qu'on ne fait par là que reculer la difficulté, et qu'il reste toujours à expliquer ce que c'est que l'élasticité, et pourquoi le calorique est élastique. En considérant l'élasticité dans un sens abstrait, elle n'est autre chose que la propriété qu'ont les molécules d'un corps de s'éloigner les unes des autres, lorsqu'on les a forcées de s'approcher. Cette tendance qu'ont les molécules du calorique à s'écarter a lieu même à de fort grandes distances. On en sera convaincu, si l'on considère que l'air est susceptible d'un grand degré de compression ; ce qui suppose que ses molécules sont déjà très-éloignées les unes des autres, car la possibilité de se rapprocher suppose une distance au moins égale à la quantité du rapprochement. Or ces molécules de l'air, qui sont déjà très-éloignées entre elles, tendent encore à s'éloigner davantage : en effet, si on fait le vide de Boyle dans un très-vaste récipient, les dernières portions d'air qui y restent se répandent uniformément dans toute la capacité du vase, quelque grand qu'il soit ; elles le remplissent en entier et pressent ses parois ; or cet effet ne peut s'expliquer qu'en supposant que les molécules font un effort en tout sens pour s'écarter, et l'on ne connaît point la distance à laquelle ce phénomène s'arrête. II y a donc une véritable répulsion entre les molécules des fluides


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élastiques, ou du moins les choses se passent de la même manière que si cette répulsion avait lieu, et on aurait quelque droit d'en conclure que les molécules du calorique se repoussent les unes les autres. Cette. force de répulsion une fois admise, les explications relatives à la formation des fluides aériformes ou gaz deviendraient fort simples ; mais il faut convenir, en même temps, qu'une force répulsive entre des molécules très-petites, qui agit à de grandes distances, est difficile à concevoir. Il paraîtrait peut-être plus naturel de supposer que les molécules du caloriques s'attirent plus entre elles que ne le font les molécules des corps, et qu'elles ne les écartent que pour obéir à la force d'attraction qui les oblige de se réunir. Il se passe quelque chose d'analogue à ce phénomène, quand on plonge une éponge sèche dans de l'eau : elle se gonfle ; ses molécules s'écartent les unes des autres, et l'eau remplit tous les intervalles. Il est clair que cette éponge, en se gonflant, a acquis plus de capacité pour contenir de l'eau qu'elle n'en avait auparavant. Mais peut-on dire que l'introduction de l'eau entre ses molécules leur ait communiqué une force répulsive qui tende à les écarter les unes des autres ? Non, sans doute ; il n'y a, au contraire, que des forces attractives qui agissent dans ce cas, et ces forces sont : 1° la pesanteur de l'eau et l'action qu'elle exerce en tous sens comme tous les fluides ; 2° la force attractive des molécules de l'eau les unes à l'égard des autres ; 3° la force attractive des molécules de l'éponge entre elles ; enfin l'attraction réciproque des molécules de l'eau et de celles de l'éponge. Il est aisé de concevoir que c'est de l'intensité et du rapport de toutes ces forces que dépend l'explication du phénomène. Il est probable que l'écartement des molécules des corps par le calorique tient de même à une combinaison de différentes forces attractives, et c'est le résultat de ces forces que nous cherchons à exprimer d'une manière plus concise et plus conforme à l'état d'imperfection de nos connaissances, lorsque nous disons que le calorique communique une force répulsive aux molécules des corps.


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CHAPITRE II. VUES GÉNÉRALES SUR LA FORMATION ET LA CONSTITUTION DE L'ATMOSPHÈRE DE LA TERRE.

Les considérations que je viens de présenter sur la formation des fluides élastiques aériformes, ou gaz, jettent un grand jour sur la manière dont se sont formées, dans l'origine des choses, les atmosphères des planètes, et notamment celle de la terre. On conçoit que cette dernière doit être le résultat et le mélange, 1° de toutes les substances susceptibles de se vaporiser ou plutôt de rester dans l'état aériforme, au degré de température dans lequel nous vivons, et à une pression égale au poids d'une colonne de mercure de 27 pouces de hauteur ; 2° de toutes les substances fluides ou concrètes susceptibles de se dissoudre dans cet assemblage de différents gaz. Pour mieux fixer nos idées relativement à cette matière sur laquelle on n'a point encore assez réfléchi, considérons un moment ce qui arriverait aux différentes substances qui composent le globe, si la température en était brusquement changée. Supposons, par exemple, que la terre se trouvât transportée tout à coup dans une région beaucoup plus chaude du système solaire, dans la région de Mercure, par exemple, où la chaleur habituelle est probablement fort supérieure à celle de l'eau bouillante : bientôt l'eau, tous les fluides susceptibles de se vaporiser à des degrés voisins de l'eau bouillante, et le mercure lui-même, entreraient en expansion ; ils se transformeraient en fluides aériformes ou gaz, qui deviendraient parties de l'atmosphère. Ces nouvelles espèces d'air se méleraient avec celles déjà existantes, et il en résulterait des décompositions réciproques, des combinaisons nouvelles. jusqu'à ce que, les différentes affinités se trouvant. satisfaites, les principes qui composeraient. ces différents airs ou gaz arrivassent à un état de repos. Mais une considération qui ne doit pas échapper, c'est que cette


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vaporisation même aurait des bornes ; en effet, à mesure que la quantité des fluides élastiques augmenterait, la pesanteur de l'atmosphère s'accroîtrait en proportion ; or, puisqu'une pression quelconque est un obstacle à la vaporisation, puisque les fluides les plus évaporables peuvent résister, sans se vaporiser, à une chaleur très-forte, quand on y oppose une pression proportionnellement plus forte encore ; enfin, puisque l'eau elle-même et tous les liquides peuvent éprouver, dans la machine de Papin, une chaleur capable de les faire rougir, on conçoit que la nouvelle atmosphère arriverait à un degré de pesanteur tel, que l'eau qui n'aurait pas été vaporisée jusqu'alors cesserait de bouillir et resterait dans l'état de liquidité ; en sorte que, même dans cette supposition comme dans toute autre de même genre, la pesanteur de l'atmosphère serait limitée et ne pourrait pas excéder un certain terme. On pourrait porter ces réflexions beaucoup plus loin, et examiner ce qui arriverait aux pierres, aux sels et à la plus grande partie des substances fusibles qui composent le globe ; ou conçoit qu'elles se ramolliraient, qu'elles entreraient en fusion et formeraient des fluides ; mais ces dernières considérations sortent de mon objet, et je me hâte d'y rentrer. Par un effet contraire, si la terre se trouvait tout à coup placée dans des régions très- froides, l'eau qui forme aujourd'hui nos fleuves et nos mers, et probablement le plus grand nombre des fluides que nous connaissons, se transformerait en montagnes solides, en rochers très-durs, d'abord diaphanes, homogènes et blancs comme le cristal de roche, mais qui, avec le temps, se mêlant avec des substances de différente nature, deviendraient des pierres opaques diversement colorées. L'air, dans cette supposition, ou au moins une partie des substances aériformes qui le composent, cesseraient sans cloute d'exister dans l'état de vapeurs élastiques, faute d'un degré de chaleur suffisant ; elles reviendraient donc à l'état de liquidité, et il en résulterait de nouveaux liquides dont nous n'avons aucune idée. Ces deux suppositions extrêmes font voir clairement : 1° que solidité, liquidité, élasticité, sont trois états différents de la même matière, trois


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modifications particulières, par lesquelles presque toutes les substances peuvent successivement passer, et qui dépendent uniquement du degré de chaleur auquel elles sont exposées, c'est-à-dire de la quantité de calorique dont elles sont pénétrées ; 2° qu'il est très-probable que l'air est un fluide naturellement en vapeurs, ou, pour mieux dire, que notre atmosphère est un composé de tous les fluides susceptibles d'exister dans un état de vapeurs et d'élasticité constante, au degré habituel de chaleur et de pression que nous éprouvons ; 3° qu'il ne serait pas, par conséquent, impossible qu'il se rencontrât dans notre atmosphère des substances extrêmement compactes, des métaux mêmes, et qu'une substance métallique, par exemple, qui serait un peu plus volatile que le mercure, serait dans ce cas. On sait que, parmi les fluides que nous connaissons, les uns, comme l'eau et l'alcool ou esprit-de-vin, sont susceptibles de se mêler les uns avec les autres dans toutes proportions ; les autres, au contraire, comme le mercure, l'eau et l'huile, ne peuvent contracter que des adhérences momentanées ; ils se séparent les uns des autres lorsqu'ils ont été mélangés, et se rangent en raison de leur gravité spécifique. La même chose doit, ou au moins peut arriver dans l'atmosphère ; il est possible, il est même probable, qu'il s'est formé dans l'origine et qu'il se forme tous les jours des gaz qui ne sont que difficilement miscibles à l'air de l'atmosphère, et qui s'en séparent ; si ces gaz sont plus légers, ils doivent se rassembler dans les régions élevées et y former des couches qui nagent sur l'air atmosphérique. Les phénomènes qui accompagnent les météores ignés me portent à croire qu'il existe ainsi dans le haut de l'atmosphère une couche d'un fluide inflammable, et que c'est au point de contact de ces deux couches d'air que s'opèrent les phénomènes de l'aurore boréale et des autres météores ignés. Je me propose de développer mes idées à cet égard dans un mémoire particulier.


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CHAPITRE III. ANALYSE DE L'AIR DE L'ATMOSPHÈRE, SA RÉSOLUTION EN DEUX FLUIDES ÉLASTIQUES, L'UN RESPIRABLE, L'AUTRE NON RESPIRABLE.

Telle est donc a priori la constitution de notre atmosphère ; elle doit être formée de la réunion de toutes les substances susceptibles de demeurer dans l'état aériforme au degré habituel de température et de pression que nous éprouvons. Ces fluides forment une masse de nature à peu près homogène, depuis la surface de la terre jusqu'à la plus grande hauteur à laquelle on soit encore parvenu, et dont la densité décroît en raison inverse des poids dont elle est chargée ; mais, comme je l'ai dit, il est possible que cette première couche soit recouverte d'une ou de plusieurs autres, de fluides très-différents. II nous reste maintenant à déterminer quel est le nombre et quelle est la nature des fluides élastiques qui composent cette couche inférieure que nous habitons, et c'est sur quoi l'expérience va nous éclairer. La chimie moderne a fait à cet égard un grand pas, et les détails dans lesquels je vais entrer feront connaître que l'air de l'atmosphère est peut-être, de toutes les substances de cet ordre, celle dont l'analyse est la plus exactement et la plus rigoureusement faite. La chimie présente, en général, deux moyens pour déterminer la nature des parties constituantes d'un corps, la composition et la décomposition. Lors, par exemple, que l'on a combiné ensemble de l'eau et de l'esprit-de-vin ou alcool, et que, par le résultat de ce mélange, on a formé l'espèce de liqueur qui porte le nom d'eau-de-vie dans le commerce, on a droit d'en conclure que l'eau-de-vie est un composé d'alcool et d'eau ; mais on peut arriver à la même conclusion par voie de décomposition, et en général on ne doit être pleinement satisfait, en chimie, qu'autant qu'on a pu réunir ces deux genres de preuves.


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On a cet avantage dans l'analyse de l'air de l'atmosphère, on peut le décomposer et le recomposer, et je me bornerai à rapporter ici les expériences les plus concluantes qui aient été faites à cet égard. Il n'en est presque aucunes qui ne me soient devenues propres, soit parce que je les ai faites le premier, soit parce que je les ai répétées sous un point de vue nouveau, sous celui d'analyser l'air de l'atmosphère. J'ai pris (pl. II, fig. 14 ) un matras A de 36 pouces cubiques environ de capacité, dont le col BCDE était très-long, et avait 6 à 7 lignes de grosseur intérieurement. Je l'ai courbé, comme on le voit représenté (pl. IV, fig.2), de manière qu'il pût être placé dans un fourneau MMNN, tandis que l'extrémité E de son col irait s'engager sous la cloche FG, placée dans un bain de mercure RRSS. J'ai introduit dans ce matras 4 onces de mercure très-pur, puis, en suçant avec un siphon que j'ai introduit sous la cloche FG, j'ai élevé le mercure jusqu'en LL ; j'ai marqué soigneusement cette hauteur avec une bande de papier collé, et j'ai observé exactement le baromètre et le thermomètre. Les choses ainsi préparées, j'ai allumé du feu dans le fourneau MMNN, et je l'ai entretenu presque continuellement pendant douze jours, de manière que le mercure fût échauffé jusqu'au degré nécessaire pour le faire bouillir. Il ne s'est rien passé de remarquable pendant tout le premier jour : le mercure, quoique non bouillant, était dans un état d'évaporation continuelle, il tapissait l'intérieur des vaisseaux de gouttelettes, d'abord très-fines, qui allaient ensuite en augmentant, et qui, lorsqu'elles avaient acquis un certain volume, retombaient d'elles- mêmes au fond du vase et se réunissaient au reste du mercure. Le second jour, j'ai commencé à voir nager sur la surface du mercure de petites parcelles rouges, qui, pendant quatre ou cinq jours, ont augmenté en nombre et en volume, après quoi elles ont cessé de grossir et sont restées absolument dans le mène état. Au bout de douze jours, voyant que la calcination du mercure ne faisait plus aucun progrès, j'ai éteint le feu et j'ai laissé refroidir les vaisseaux. Le volume de l'air contenu, tant dans le matras que dans son col et sous la partie vide de la cloche,


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réduit à une pression de 28 pouces et à 10 degrés du thermomètre, était, avant l'opération, de 50 pouces cubiques environ. Lorsque l'opération a été finie, ce même volume, à pression et à température égales, ne s'est plus trouvé que de 42 à 43 pouces ; il y avait eu par conséquent une diminution de volume d'un sixième environ. D'un autre côté, ayant rassemblé soigneusement les parcelles rouges qui s'étaient formées, et les ayant séparées, autant qu'il était possible, du mercure coulant dont elles étaient baignées, leur poids s'est trouvé de 45 grains. J'ai été obligé de répéter plusieurs fois cette calcination du mercure en vaisseaux clos, parce qu'il est difficile, dans une seule et même expérience, de conserver l'air dans lequel on a opéré, et les molécules rouges ou chaux de mercure qui s'est formée. Il m'arrivera souvent de confondre ainsi, dans un même récit, le résultat de deux ou trois expériences de même genre. L'air qui restait après cette opération, et qui avait été réduit aux cinq sixièmes de son volume par la calcination du mercure, n'était. plus propre à la respiration ni à la combustion ; car les animaux qu'on y introduisait y périssaient en peu d'instants, et les lumières s'y éteignaient sur-le-champ, comme si on les eût plongées dans de l'eau. D'un autre côté, j'ai pris les 45 grains de matière rouge qui s'était formée pendant l'opération, je les ai introduits dans une très-petite cornue de verre, à laquelle était adapté un appareil propre à recevoir les produits liquides et aériformes qui pourraient se séparer ; ayant allumé du feu dans le fourneau, j'ai observé qu'à mesure que la matière rouge était échauffée, sa couleur augmentait d'intensité. Lorsque ensuite la cornue a approché de l'incandescence, la matière rouge a commencé à perdre peu à peu de son volume, et en quelques minutes elle a entièrement disparu ; en même temps il s'est condensé dans le petit récipient 41 grains 1/2 de mercure coulant, et il a passé sous la cloche 7 à 8 pouces cubiques d'un fluide élastique beaucoup plus propre que l'air de l'atmosphère à entretenir la combustion et la respiration des animaux. Ayant fait passer une portion de cet air dans un tube de verre d'un


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pouce de diamètre, et y ayant plongé une bougie, elle y répandait un éclat éblouissant ; le charbon, au lieu de s'y consumer paisiblement comme dans l'air ordinaire, y brûlait avec flamme et une sorte de décrépitation, à la manière du phosphore, et avec une vivacité de lumière que les yeux avaient peine à supporter. Cet air que nous avons découvert presque en même temps, M. Priestley, M. Schéele et moi, a été nommé, par le premier, air déphlogistiqué ; par le second, air empyréal. Je lui avais d'abord donné le nom d'air éminemment respirable ; depuis on y a substitué celui d'air vital. Nous verrons bientôt ce qu'on doit penser de ces dénominations. En réfléchissant sur les circonstances de cette expérience, on voit que le mercure, en se calcinant, absorbe la partie salubre et respirable de l'air, ou, pour parler d'une manière plus rigoureuse, la base de cette partie respirable ; que la portion d'air qui reste est une espèce de mofette, incapable d'entretenir la combustion et la respiration ; l'air de l'atmosphère est donc composé de deux fluides élastiques de nature différente et pour ainsi dire opposée. Une preuve de cette importante vérité, c'est qu'en recombinant les deux fluides élastiques qu'on a ainsi obtenus séparément, c'est-à-dire les 42 pouces cubiques de mofette ou air non respirable, et les 8 pouces cubiques d'air respirable, on reforme de l'air, en tout semblable à celui de l'atmosphère, et qui est propre, à peu près au même degré, à la combustion, à la calcination des métaux et à la respiration des animaux. Quoique cette expérience fournisse un moyen infiniment simple d'obtenir séparément les deux principaux fluides élastiques qui entrent dans la composition de notre atmosphère, elle ne nous donne pas des idées exactes sur la proportion de ces deux fluides. L'affinité du mercure pour la partie respirable de l'air, ou plutôt pour sa base, n'est pas assez grande pour qu'elle puisse vaincre entièrement les obstacles qui s'opposent à cette combinaison. Ces obstacles sont l'adhérence des deux fluides constitutifs de l'air de l'atmosphère et la force d'affinité qui unit la base de l'air vital au calorique ; en conséquence, la calci- [calcination]


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nation du mercure finie, ou au moins portée aussi loin qu'elle peut l'être dans une quantité d'air déterminée, il reste encore un peu d'air respirable combiné avec la mofette, et le mercure ne peut en séparer cette dernière portion. Je ferai voir, dans la suite, que la proportion d'air respirable et d'air non respirable qui entre dans la composition de l'air atmosphérique est dans le rapport de 97 à 73, au moins dans les climats que nous habitons ; je discuterai en même temps les causes d'incertitude qui existent encore sur l'exactitude de cette proportion. Puisqu'il y a décomposition de l'air dans la calcination du mercure, puisqu'il y a fixation et combinaison de la base de la partie respirable avec le mercure, il résulte des principes que j'ai précédemment exposés, qu'il doit y avoir dégagement de calorique et de lumière, et l'on ne saurait douter que ce dégagement n'ait lieu en effet ; mais deux causes empêchent qu'il ne soit rendu sensible dans l'expérience dont je viens de rendre compte. La première, parce que, la calcination durant pendant plusieurs jours, le dégagement de chaleur et de lumière, réparti sur un aussi long intervalle de temps, est infiniment faible pour chaque instant en particulier ; la seconde, parce que, l'opération se faisant dans un fourneau et à l'aide du feu, la chaleur occasionnée par la calcination, se confond avec celle du fourneau. Je pourrais ajouter que la partie respirable de l'air, ou plutôt sa base, en se combinant avec le mercure, n'abandonne pas la totalité du calorique qui lui était uni, qu'une partie demeure engagée dans la nouvelle combinaison ; mais cette discussion et les preuves que je serais obligé de rapporter ne seraient pas à leur place ici. Il est, au surplus, aisé de rendre sensible le dégagement de la chaleur et de la lumière en opérant d'une manière plus prompte la décomposition de l'air. Le fer, qui a beaucoup plus d'affinité que le mercure avec la base de la partie respirable de l'air, en fournit un moyen. Tout le monde connaît aujourd'hui la belle expérience de M. Ingenhousz sur la combustion du fer. On prend un bout de fil de fer très-fin BC (pl. IV, fig. 17), tourné en spirale ; on fixe l'une de ses extrémités B dans un bouchon de liége A, destiné à boucher la bouteille DEFG.


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On attache, à l'autre extrémité de ce fil de fer, un petit morceau d'amadou C. Les choses ainsi disposées, on emplit, avec de l'air dépouillé de sa partie non respirable, la bouteille DEFG. On allume l'amadou C, puis on l'introduit promptement, ainsi que le fil de fer BC dans la bouteille, et on la bouche comme on le voit dans la figure que je viens de citer. Aussitôt que l'amadou est plongé dans l'air vital, il commence à briller avec un éclat éblouissant ; il communique l'inflammation au fer, qui brûle lui-même en répandant de brillantes étincelles, lesquelles tombent au fond de la bouteille, en globules arrondis, qui deviennent noirs en se refroidissant, et qui conservent un reste de brillant métallique. Le fer, ainsi bridé, est plus cassant et plus fragile que ne le serait le verre lui-même ; il se réduit. facilement en poudre et est encore attirable à l'aimant, moins cependant qu'il ne l'était avant sa combustion. M. Ingenhousz n'a examiné ni ce qui arrivait au fer, ni ce qui arrivait à l'air dans cette opération, en sorte que je me suis trouvé obligé de la répéter avec des circonstances différentes et dans un appareil plus propre à répondre à mes vues. J'ai rempli une cloche A (pl. IV, fig.3), de 6 pintes environ de capacité, d'air pur, autrement dit de la partie éminemment respirable de l'air. J'ai transporté, à l'aide d'un vase très-plat, cette cloche sur un bain de mercure contenu dans le bassin BC, après quoi j'ai séché soigneusement, avec du papier gris, la surface du mercure, tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur de la cloche. Je me suis muni, d'un autre côté, d'une petite capsule de porcelaine D, plate et évasée, dans laquelle j'ai placé de petits copeaux de fer tournés en spirale, et que j'ai arrangés de la manière qui m’a paru la plus favorable pour que la combustion se communiquât à toutes les parties. A l'extrémité d'un de ces copeaux j'ai attaché un petit morceau d'amadou, et j'y ai ajouté un fragment de phosphore qui pesait à peine un seizième de grain. J'ai introduit la capsule sous la cloche en soulevant un peu cette dernière. Je n'ignore pas que, par cette manière de procéder, il se mêle une petite portion


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d'air commun avec l'air de la cloche ; mais ce mélange, qui est peu considérable lorsqu'on opère avec adresse, ne nuit point au succès de l'expérience. Lorsque la capsule D est introduite sous la cloche, on suce une partie de l'air qu'elle contient, afin d'élever le mercure dans son intérieur jusqu'en EF ; on se sert à cet effet d'un siphon GHI, qu'on passe par-dessous, et, pour qu'il ne se remplisse pas de mercure, on tortille un petit morceau de papier à son extrémité. Il y a un art pour élever ainsi en suçant le mercure sous la cloche ; si on se contentait d'aspirer l'air avec le poumon, on n'atteindrait qu'à une très-médiocre élévation, par exemple, d'un pouce ou d'un pouce et demi tout au plus, tandis que, par l'action des muscles de la bouche, on élève, sans se fatiguer, ou au moins sans risquer de s'incommoder, le mercure jusqu'à 6 à 7 pouces. Après que tout a été ainsi préparé, on fait rougir au feu un fer recourbé MN (pl. IV, fig. 16), destiné à ces sortes d'expériences ; on le passe par-dessous la cloche, et, avant qu'il ait eu le temps de se refroidir, on l'approche du petit morceau de phosphore contenu dans la capsule de porcelaine D ; aussitôt le phosphore s'allume, il communique son inflammation à l'amadou, et celui-ci la communique au fer. Quand les copeaux ont été bien arrangés, tout le fer brûle jusqu'au dernier atome, en répandant une lumière blanche, brillante, et semblable à celle qu'on observe dans les étoiles d'artifice chinois. La grande chaleur qui s'opère pendant cette combustion liquéfie le fer, et il tombe en globules ronds de grosseur différente, dont le plus grand nombre reste dans la capsule, et dont quelques-uns sont lancés au dehors et nagent sur la surface du mercure. Dans le premier instant de la combustion il y a une légère augmentation dans le volume de l'air, en raison de la dilatation occasionnée par la chaleur ; mais bientôt une diminution rapide succède à la dilatation ; le mercure remonte dans la cloche, et, lorsque la quantité de fer est suffisante et que l'air avec lequel on opère est bien pur, on parvient à l'absorber presque en entier.


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Je dois avertir ici qu'à moins qu'on ne veuille faire des expériences de recherches, il vaut mieux ne brûler que des quantités médiocres de fer. Quand on veut pousser trop loin l'expérience et absorber presque tout l'air, la capsule D, qui nage sur le mercure, se rapproche trop de la voûte de la cloche, et la grande chaleur, jointe au refroidissement subit occasionné par le contact du mercure, fait éclater le verre : le poids de la colonne de mercure, qui vient à tomber rapidement dès qu'il s'est fait une fêlure à la cloche, occasionne un flot qui fait jaillir une grande partie de ce fluide hors du bassin. Pour éviter ces inconvénients et être sûr du succès de l'expérience, on ne doit guère brûler plus d'un gros et demi de fer sous une cloche de 8 pintes de capacité. Cette cloche doit être forte, afin de résister au poids de mercure qu'elle est destinée à contenir. Il n'est pas possible de déterminer à la fois, dans cette expérience, le poids que le fer acquiert et les changements arrivés à l'air. Si c'est l'augmentation de poids du fer et son rapport avec l'absorption de l'air, dont on cherche à connaître la quantité, on doit avoir soin de marquer très-exactement sur la cloche, avec un trait de diamant, la hauteur du mercure avant et après l'expérience ; on passe ensuite sous la cloche le siphon GH (pl. IV, fig.3), garni d'un papier qui empêche qu'il ne s'emplisse de mercure. On met le pouce sur l'extrémité g, et on rend l'air peu à peu en soulevant le pouce. Lorsque le mercure est descendu à son niveau, on enlève doucement la cloche, on détache de la capsule les globules de fer qui y sont contenus, on rassemble soigneusement ceux qui pourraient s'être éclaboussés et qui nagent sur le mercure, et on pèse le tout. Ce fer est dans l'état de ce que les anciens chimistes ont nommé éthiops martial, il a une sorte de brillant métallique, il est très-cassant, très-friable, et se réduit en poudre sous le marteau et sous le pilon. Lorsque l'opération a bien réussi, avec 100 grains de fer on obtient 135 à 136 grains d'éthiops. On peut donc compter sur une augmentation de poids au moins de 35 livres par quintal. Si l'on a donné à cette expérience toute l'attention qu'elle mérite, l'air se trouve diminué d'une quantité en poids exactement égale à


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celle dont le fer est augmenté. Si donc on a brûlé 100 grains de fer, et que l'augmentation de poids que ce métal a acquise ait été de 35 grains, la diminution du volume de l’air est assez exactement de 70 pouces cubiques, à raison d'un demi- grain par pouce cube. On verra, dans la suite de ces Mémoires, que le poids de l'air vital est, en effet, assez exactement d'un demi-grain par pouce cube. Je rappellerai ici une dernière fois que, dans toutes les expériences de ce genre, on ne doit point oublier de ramener par le calcul le volume de l'air, au commencement et à la fin de l'expérience, à celui qu'on aurait eu à 10 degrés du thermomètre et à une pression de 28 pouces ; j'entrerai dans quelques détails sur la manière de faire ces corrections, à la fin de cet ouvrage. Si c'est sur la qualité de l'air restant dans la cloche qu'on se propose de faire des expériences, on opère d'une manière un peu différente. On commence alors, après que la combustion est faite et que les vaisseaux sont refroidis, par retirer le fer et la capsule qui le contenait, en passant la main sous la cloche à travers le mercure ; ensuite on introduit, sous cette même cloche, de la potasse ou alcali caustique, dissous dans l'eau, du sulfure de potasse, ou telle autre substance qu'on juge à propos, pour examiner l'action qu'elles exercent sur l'air. Je reviendrai, dans la suite, sur ces moyens d'analyse de l'air, quand j'aurai fait connaître la nature de ces différentes substances, dont je ne parle qu'accidentellement dans ce moment. On finit par introduire sous cette même cloche autant d'eau qu'il est nécessaire pour déplacer tout le mercure ; après quoi on passe dessous un vaisseau ou espèce de capsule très-plate, avec laquelle on la transporte dans l'appareil pneumato-chimique ordinaire à l'eau, où l'on opère plus en grand et avec plus de facilité. Lorsqu'on a employé du fer très-doux et très-pur, et que la portion respirable de l'air dans lequel s'est faite la combustion était exempte de tout mélange d'air non respirable, l'air qui reste, après la combustion, se trouve aussi pur qu'il l'était avant la combustion ; mais il est rare que le fer ne contienne pas une petite quantité de matière char- [charbonneuse]


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bonneuse, l'acier surtout en contient toujours. Il est de même extrêmement difficile d'obtenir la portion respirable de l'air parfaitement pure ; elle est presque touj ours mêlée d'une petite portion de la partie non respirable ; mais cette espèce de mofette ne trouble en rien le résultat de l'expérience, et elle se retrouve à la fin en même quantité qu'au commencement. J'ai annoncé qu'on pouvait déterminer de deux manières la nature des parties constituantes de l'air de l'atmosphère : par voie de décomposition et par voie de composition. La calcination du mercure nous a fourni l'exemple de l'une et de l'autre, puisque, après avoir enlevé à la partie respirable sa base par le mercure, nous la lui avons rendue pour reformer de l'air en tout semblable à celui de l'atmosphère. Mais on peut également opérer cette composition de l'air en empruntant de différents règnes les matériaux qui doivent le former. On verra dans la suite que, lorsqu'on dissout des matières animales dans de l'acide nitrique, il se dégage une grande quantité d'un air qui éteint les lumières, qui est nuisible pour les animaux, et qui est en tout semblable à la partie non respirable de l'air de l'atmosphère. Si à 73 parties de ce fluide élastique on en ajoute 27 d'air éminemment respirable, tiré du mercure réduit en chaux rouge par la calcination, on forme un fluide élastique parfaitement semblable à celui de l'atmosphère, et qui en a toutes les propriétés. Il y a beaucoup d'autres moyens de séparer la partie respirable de l'air de la partie non respirable ; mais je ne pourrais les exposer ici sans emprunter des notions qui, dans l'ordre des connaissances, appartiennent aux chapitres suivants. Les expériences, d'ailleurs, que j'ai rapportées, suffisent pour un traité élémentaire ; et, dans ces sortes de matières, le choix des preuves est plus important que leur nombre. Je terminerai cet article en indiquant une propriété qu'a l'air de l'atmosphère, et qu'ont en général tous les fluides élastiques ou gaz que nous connaissons : c'est celle de dissoudre l'eau. La quantité d'eau qu'un pied cube d'air de l'atmosphère peut dissoudre est, suivant les expériences de M. de Saussure, de 12 grains ; d'autres fluides élas­[élastiques]


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tiques, tels que l'acide carbonique, paraissent en dissoudre davantage ; mais on n'a point fait encore d'expériences exactes pour en déterminer la quantité. Cette eau, que contiennent les fluides élastiques aériformes donne lieu, dans quelques expériences, à des phénomènes particuliers, qui méritent beaucoup d'attention, et qui ont souvent jeté les chimistes dans de grandes erreurs.


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CHAPITRE IV. NOMENCLATURE DES DIFFÉRENTES PARTIES CONSTITUTIVES DE L'AIR DE L'ATMOSPHÈRE.

Jusqu'ici j'ai été forcé de me servir de périphrases pour désigner la nature des différentes substances qui composent notre atmosphère, et j'ai adopté provisoirement ces expressions : partie respirable, partie non respirable de l'air. Les détails dans lesquels je vais entrer exigent que je prenne une marche plus rapide, et qu'après avoir cherché à donner des idées simples des différentes substances qui entrent dans la composition de l'air de l'atmosphère, je les exprime égaiement par des mots simples. La température de la planète que nous habitons se trouvant très-voisine du degré où l'eau passe de l'état liquide à l'état solide, et réciproquement, et ce phénomène s'opérant fréquemment sous nos yeux, il n'est pas étonnant que, dans toutes les langues, au moins dans les climats où l'on éprouve une sorte d'hiver, on ait donné un nom à l'eau devenue solide par l'absence du calorique. Mais il n'a pas dû en être de même de l'eau réduite à l'état de vapeur par une plus grande addition de calorique. Ceux qui n'ont pas fait une étude particulière de ces objets ignorent encore qu'à un degré un peu supérieur à celui de l'eau bouillante l'eau se transforme en un fluide élastique aériforme, susceptible, comme tous les gaz, d'être reçu et contenu dans des vaisseaux, et qui conserve sa forme gazeuse tant qu'il éprouve une température supérieure à 80 degrés, jointe à une pression égale à celle d'une colonne de 28 pouces de mercure. Ce phénomène ayant échappé à la multitude, aucune langue n'a désigné l'eau dans cet état par un nom particulier, et il en est de même de tous les fluides, et, en général, de toutes les substances qui ne sont point susceptibles de se vaporiser au degré habituel de température et de pression dans lequel nous vivons.


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Par une suite de la même cause on n'a point donné de nom à la plupart des fluides aériformes dans l'état liquide ou concret ; on ignorait que ces fluides fussent le résultat de la combinaison d'une base avec le calorique, et, comme on ne les avait jamais vus dans l'état de liquide ni de solide, leur existence sous cette forme était inconnue même des physiciens. Nous n'avons pas jugé qu'il nous fût permis de changer des noms reçus et consacrés dans la société par un antique usage. Nous avons donc attaché aux mots d'eau et de glace leur signification vulgaire ; nous avons de même exprimé par le mot d'air la collection des fluides élastiques qui composent notre atmosphère ; mais nous ne nous sommes pas crus obligés au même respect pour des dénominations très-modernes nouvellement proposées par les physiciens. Nous avons pensé que nous étions en droit de les rejeter et de leur en substituer d'autres moins propres à induire en erreur ; et, lors même que nous nous sommes déterminés à les adopter, nous n'avons fait aucune difficulté de les modifier et d'y attacher des idées mieux arrêtées et plus circonscrites. C'est principalement du grec que nous avons tiré les mots nouveaux, et nous avons fait en sorte que lent, étymologie rappelât l'idée des choses que nous nous proposions d'indiquer ; nous nous sommes attachés surtout à n'admettre que des mots courts et, autant qu'il était possible, qui fussent susceptibles de former des adjectifs et des verbes. D'après ces principes, nous avons conservé, à l'exemple de M. Macquer, le nom de gaz employé par Vanhelmont, et nous avons rangé sous cette dénomination la classe nombreuse des fluides élastiques aériformes, en faisant cependant une exception pour l'air de l'atmosphère. Le mot gaz est donc pour nous un nom générique, qui désigne le dernier degré de saturation d'une substance quelconque par le calorique : c'est l'expression d'une manière d'être des corps. Il s'agissait ensuite de spécifier chaque espèce de gaz, et nous y sommes parvenus en empruntant un second nom de celui de sa base. Nous appellerons donc, gaz aqueux l'eau combinée avec le calorique et dans l'état de fluide élastique aériforme ; la combinaison de l'éther avec le calorique sera


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le gaz éthéré ; celle de l'esprit-de-vin avec le calorique sera le gaz alcoolique ; nous aurons de même le gaz acide muriatique, le gaz ammoniac et ainsi de tous les autres. Je m'étendrai davantage sur cet article, quand il sera question de nommer les différentes bases. On a vu que l’air de l'atmosphère était principalement composé de deux fluides aériformes ou gaz, l'un respirable, susceptible d'entretenir la vie des animaux, dans lequel les métaux se calcinent et les corps combustibles peuvent brûler ; l'autre, qui a des propriétés absolument opposées, que les animaux ne peuvent respirer, qui ne peut entretenir la combustion, etc. Nous avons donné à la base de la portion respirable de l'air le nom d'oxygène, en le dérivant de deux mots grecs όξύς, acide, γείνομαι, j'engendre, parce qu'en effet une des propriétés les plus générales de cette base est de former des acides en se combinant avec la plupart des substances. Nous appellerons donc gaz oxygène la réunion de cette base avec le calorique. Sa pesanteur dans cet état est assez exactement d'un demi-grain poids de marc par pouce cube, ou d'une once et demie par pied cube, le tout à 10 degrés de température et à 28 pouces du baromètre. Les propriétés chimiques de la partie non respirable de l'air de l'atmosphère n'étant pas encore très-bien connues, nous nous sommes contentés de déduire le nom de sa base de la propriété qu'a ce gaz de priver de la vie les animaux qui le respirent, nous l'avons donc nommé azote, de l'α privatif des Grecs, et de ζωή, vie ; ainsi la partie non respirable de l'air sera le gaz azotique. Sa pesanteur est de 1 once 2 gros 48 grains le pied cube, ou de 0 grain, 4444 le pouce cube. Nous ne nous sommes pas dissimulé que ce nom présentait quelque chose d'extraordinaire ; mais c'est le sort de tous les noms nouveaux ; ce n'est que par l'usage qu'on se familiarise avec eux. Nous en avons d'ailleurs cherché longtemps un meilleur, sans qu'il nous ait été possible de le rencontrer ; nous avions été tentés d'abord de le nommer gaz alcaligène, parce qu'il est prouvé, par les expériences de M. Berthollet, comme on le verra dans la suite, que ce gaz entre dans la composition de l'alcali volatil ou ammoniaque ; mais, d'un autre côté,


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nous n'avons point encore la preuve qu'il soit un des principes constitutifs des autres alcalis ; il est d'ailleurs prouvé qu'il entre également dans la combinaison de l'acide nitrique ; on aurait donc été tout aussi fondé à le nommer principe nitrigène. Enfin, nous avons dû rejeter un nom qui comportait une idée systématique, et nous n'avons pas risqué de nous tromper en adoptant celui d'azote et de gaz azotique, qui n'exprime qu'un fait, ou plutôt qu'une propriété : celle de priver de la vie les animaux qui respirent ce gaz. J'anticiperais sur des notions réservées pour des articles subséquents, si je m'étendais davantage sur la nomenclature des différentes espèces de gaz. Il me suffit d'avoir donné ici, non la dénomination de tous, mais la méthode de les nommer tous. Le mérite de la nomenclature que nous avons adoptée consiste principalement en ce que, la substance simple étant nommée, le nom de tous ses composés découle nécessairement de ce premier mot.


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CHAPITRE V. DE LA DÉCOMPOSITION DU GAZ OXYGENE PAR LE SOUFRE, LE PHOSPHORE ET LE CHARBON, ET DE LA FORMATION DES ACIDES EN GÉNÉRAL.

Un des principes qu'on ne doit jamais perdre de vue, dans l’art de faire des expériences, est de les simplifier le plus qu'il est possible, et d'en écarter toutes les circonstances qui peuvent en compliquer les effets. Nous n'opérerons donc pas, dans les expériences qui vont faire l'objet de ce chapitre, sur de l'air de l’atmosphère, qui n'est point une substance simple. Il est bien vrai que le gaz azotique, qui fait une partie du mélange qui le constitue, parait être purement passif dans les calcinations et les combustions ; mais, comme il les ralentit, et comme il n'est pas impossible même qu'il en altère les résultats dans quelques circonstances, il m'a paru nécessaire de bannir cette cause d'incertitude. J'exposerai donc, dans les expériences dont je vais rendre compte, le résultat des combustions tel qu'il a lieu dans l'air vital ou gaz oxygène pur, et j'avertirai seulement des différences qu'elles présentent quand le gaz oxygène est mêlé de différentes proportions de gaz azotique. J'ai pris une cloche de cristal A (pl. IV, fig. 3), de 5 à 6 pintes de capacité, je l'ai emplie de gaz oxygène sur de l'eau, après quoi je l'ai transportée sur le bain de mercure au moyen d'une capsule de verre que j'ai passée par-dessous ; j'ai ensuite séché la surface du mercure et j'y ai introduit 65 grains 1/4 de phosphore de Kunkel, que j'ai divisés dans deux capsules de porcelaine, semblables à celle qu'on voit en D (fig. 3), sous la cloche A ; et, pour pouvoir allumer chacune de ces deux portions séparément, et que l'inflammation ne se communiquât pas de l'une à l’autre, j'ai recouvert l'une des deux avec un petit carreau de verre. Lorsque tout a été ainsi préparé, j'ai élevé le mercure


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dans la cloche à la hauteur EF, en suçant avec un siphon de verre GHI (même figure), qu'on introduit par-dessous la cloche : pour qu'il ne se remplisse pas en passant à travers le mercure, on tortille, à son extrémité I, un petit morceau de papier. Puis, avec un fer recourbé, rougi au feu, représenté fig. 16, j'ai allumé successivement le phosphore des deux capsules, en commençant par celle qui n'était point recouverte avec un carreau de verre. La combustion s'est faite avec une grande rapidité, avec une flamme brillante et un dégagement considérable de chaleur et de lumière. Il y a eu, dans le premier instant, une dilatation considérable du gaz oxygène, occasionnée par la chaleur ; mais bientôt le mercure a remonté au-dessus de son niveau, et il y a eu une absorption considérable ; en même temps tout l'intérieur de la cloche s'est tapissé de flocons blancs, légers, qui n'étaient autre chose que de l'acide phosphorique concret. La quantité de gaz oxygène employée était, toutes corrections faites, au commencement de l'expérience, de 162 pouces cubiques ; elle s'est trouvée, à la fin, seulement de 23 pouces 1/4 ; la quantité de gaz oxygène absorbée avait donc été de 138 pouces 3/4 ou de 69 grains,375. La totalité du phosphore n’était pas brûlée ; il en restait dans les capsules quelques portions, qui, lavées, pour en séparer l'acide, et séchées, se sont trouvées peser environ 16 grains 1/4, ce qui réduit à peu près à 45 grains la quantité de phosphore brûlée ; je dis à peu près, parce qu'il ne serait pas impossible qu'il n'y eût eu 1 ou 2 grains d'erreur sur le poids du phosphore restant après la combustion. Ainsi, dans cette opération, 45 grains de phosphore se sont combinés avec 69 grains,375 d'oxygène ; et, comme rien de pesant ne passe à travers le verre, on a droit d'en conclure que le poids de la substance quelconque qui a résulté de cette combinaison, et qui s'était rassemblée en flocons blancs, devait s'élever à la somme du poids de l'oxygène et de celui du phosphore, c'est-à-dire à 114 grains,375. On verra bientôt que ces flocons blancs ne sont autre chose qu'un acide concret. En réduisant ces quantités au quintal, on trouve qu'il faut employer 154 livres


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d'oxygène pour saturer 100 livres de phosphore, et qu'il en résulte 254 livres de flocons blancs ou acide phosphorique concret. Cette expérience prouve, d'une manière évidente, qu'à un certain degré de température l'oxygène a plus d'affinité avec le phosphore qu'avec le calorique ; qu'en conséquence le phosphore décompose le gaz oxygène, qu'il s'empare de sa base, et qu'alors le calorique, qui devient libre, s'échappe et se dissipe en se répartissant dans les corps environnants. Mais, quelque concluante que fût cette expérience, elle n'était pas encore suffisamment rigoureuse ; en effet, dans l'appareil que j'ai employé et que je viens de décrire, il n'est pas possible de vérifier le poids des flocons blancs ou de l'acide concret qui s'est formé ; on ne peut le conclure que par voie de calcul et en le supposant égal à la somme du poids de l'oxygène et du phosphore ; or, quelque évidente que fût cette conclusion, il n'est jamais permis, en physique et en chimie, de supposer ce qu'on peut déterminer par des expériences directes. J'ai donc cru devoir refaire cette expérience un peu plus en grand et avec un appareil différent. J'ai pris un grand ballon de verre A (pl. IV, fig.4), dont l'ouverture EF avait 3 pouces de diamètre. Cette ouverture se recouvrait avec une plaque de cristal usée à l'émeri, laquelle était percée de deux trous pour le passage des tuyaux yyy, xxx. Avant de fermer le ballon avec sa plaque, j'y ai introduit un support BC, surmonté d'une capsule de porcelaine D, qui contenait 150 grains de phosphore. Tout étant ainsi disposé, j'ai adapté la plaque de cristal sur l'ouverture du matras, et j'ai luté avec du lut gras, que j'ai recouvert avec des bandes de linge imbibées de chaux et de blanc d'œuf; lorsque ce lut a été bien séché, j'ai suspendu tout cet appareil au bras d'une balance et j'en ai déterminé le poids à un grain ou un grain et demi près. J'ai ensuite adapté le tuyau xxx à une petite pompe pneumatique, et j'ai fait le vide ; après quoi, ouvrant un robinet adapté au tuyau yyy, j'ai introduit du gaz oxygène dans le ballon. Je ferai observer que ce genre d'expérience se fait avec assez de facilité, et surtout avec


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beaucoup d'exactitude, au moyen de la machine hydro-pneumatique dont nous avons donné la description, M. Meunier et moi, dans les Mémoires de l'Académie, année 1782, page 466, et dont on trouvera une explication dans la dernière partie de cet ouvrage ; qu'on peut, à l'aide de cet instrument, auquel M. Meunier a fait, depuis, des additions et des corrections importantes, connaître d'une manière rigoureuse la quantité de gaz oxygène introduite dans le ballon, et celle qui s'est consommée pendant le cours de l'opération. Lorsque tout a été ainsi disposé, j'ai mis le feu au phosphore avec un verre ardent. La combustion a été extrêmement rapide, accompagnée d'une grande flamme et de beaucoup de chaleur ; à mesure qu'elle s'opérait, il se formait une grande quantité de flocons blancs qui s'attachaient sur les parois intérieures du vase, et qui bientôt l'ont obscurci entièrement. L'abondance des vapeurs était même telle, que, quoiqu'il rentrât continuellement de nouveau gaz oxygène, qui aurait dû entretenir la combustion, le phosphore s'est bientôt éteint. Ayant laissé refroidir parfaitement tout l'appareil, j'ai commencé par m'assurer de la quantité de gaz oxygène qui avait été employée, et par peser le ballon avant de l'ouvrir. J'ai ensuite lavé, séché et pesé la petite quantité de phosphore qui était restée dans la capsule et qui était de couleur jaune d'ocre, afin de la déduire de la quantité totale de phosphore employée dans l'expérience. Il est clair qu'à l'aide de ces différentes précautions il m'a été facile de constater : 1° le poids du phosphore brûlé ; 2° celui des flocons blancs obtenus par la combustion ; 3° le poids du gaz oxygène qui s'était combiné avec le phosphore. Cette expérience m'a donné à peu près les mêmes résultats que la précédente : il en a également résulté que le phosphore, en brûlant, absorbait un peu plus d'une fois et demie son poids d'oxygène, et j'ai acquis, de plus, la certitude que le poids de la nouvelle substance produite était égal à la somme du poids du phosphore brûlé et de l'oxygène qu'il avait absorbé, ce qu'il était, au surplus, facile de prévoir a priori. Si le gaz oxygène qu'on a employé dans cette expérience était pur, le résidu qui reste après la combustion est également pur ; ce qui


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prouve qu'il ne s'échappe rien du phosphore qui puisse altérer la pureté de l'air, et qu'il n'agit qu'en enlevant au calorique sa base, c'est-à-dire l'oxygène qui y était uni. J'ai dit plus haut que, si on brûlait un corps combustible quelconque dans une sphère creuse de glace ou dans tout autre appareil construit sur le même principe, la quantité de glace fondue pendant la combustion était une mesure exacte de la quantité de calorique dégagé. On peut consulter à cet égard le mémoire que nous avons donné en commun à l'Académie, M. de Laplace et moi, année 1780, page 355. Ayant soumis la combustion du phosphore à cette épreuve, nous avons reconnu qu'une livre de phosphore, en brûlant, fondait un peu plus de 100 livres de glace. La combustion du phosphore réussit également dans l'air de l'atmosphère, avec ces deux différences seulement : 1° que la combustion est beaucoup moins rapide, attendu qu'elle est ralentie par la grande proportion de gaz azotique qui se trouve mêlé avec le gaz oxygène ; 2° que le cinquième de l'air, tout au plus, est seulement absorbé, parce que cette absorption se faisant toute aux dépens du gaz oxygène, la proportion du gaz azotique devient telle, vers la fin de l'opération, que la combustion ne peut plus avoir lieu. Le phosphore, par sa combustion, soit dans l'air ordinaire, soit dans le gaz oxygène, se transforme, comme je l'ai déjà dit, en une matière blanche floconneuse très-légère, et il acquiert des propriétés toutes nouvelles ; d'insoluble qu'il était dans l'eau, non- seulement il devient soluble, mais il attire l'humidité contenue dans l'air avec une étonnante rapidité, et il se résout en une liqueur beaucoup plus dense que l'eau, et d'une pesanteur spécifique beaucoup plus grande. Dans l'état de phosphore, et avant sa combustion, il n'avait presque aucun goût ; par sa réunion avec l'oxygène il prend un goût extrêmement aigre et piquant ; enfin, de la classe des combustibles il passe dans celle des substances incombustibles, et il devient ce qu'on appelle un acide. Cette conversibilité d'une substance combustible en un acide par l'addition de l'oxygène est, comme nous le verrons bientôt, une pro- [propriété]


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priété commune à un grand nombre de corps ; or, en bonne logique, on ne peut se dispenser de désigner sous un nom commun toutes les opérations qui présentent des résultats analogues ; c'est le seul moyen de simplifier l'étude des sciences, et il serait impossible d'en retenir tous les détails, si on ne s'attachait à les classer. Nous nommerons donc oxygénation la conversion du phosphore en un acide, et en général la combinaison d'un corps combustible quelconque avec l'oxygène. Nous adopterons également l'expression d'oxygéner, et je dirai, en conséquence, qu'en oxygénant le phosphore on le convertit en un acide. Le soufre est également un corps combustible, c'est-à-dire qui a la propriété de décomposer l'air et d'enlever l'oxygène au calorique. On peut s'en assurer aisément par des expériences toutes semblables à celles que je viens de détailler pour le phosphore ; mais je dois avertir qu'il est impossible, en opérant de la même manière sur le soufre, d'obtenir des résultats aussi exacts que ceux qu'on obtient avec le phosphore, par la raison que l'acide qui se forme par la combustion du soufre est difficile à condenser ; que le soufre lui-même brûle avec beaucoup de difficulté, et qu'il est susceptible de se dissoudre dans les différents gaz. Mais ce que je puis assurer, d'après mes expériences, c'est que le soufre, en brûlant, absorbe de l'air ; que l'acide qui se forme est beaucoup plus pesant que n'était le soufre, que son poids est égal à la somme du poids du soufre et de l'oxygène qu'il a absorbés ; enfin, que cet acide est pesant, incombustible, susceptible de se combiner avec l'eau en toutes proportions ; il ne reste d'incertitude que sur la quantité de soufre et d'oxygène qui constituent cet acide. Le charbon, que tout, jusqu'à présent, porte à faire regarder comme une substance combustible simple, a également la propriété de décomposer le gaz oxygène et d'enlever sa base au calorique ; mais l'acide qui résulte de cette combustion ne se condense pas au degré de pression et de température dans lequel nous vivons, il demeure dans l'état de gaz, et il faut une grande quantité d'eau pour l'absorber. Cet acide, au surplus, a toutes les propriétés communes aux acides, mais dans


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un degré plus faible, et il s'unit comme eux à toutes les bases susceptibles de former des sels neutres. On peut opérer la combustion du charbon, comme celle du phosphore, sous une cloche de verre A (pl. IV, fig.3), remplie de gaz oxygène et renversée dans du mercure ; mais, comme la chaleur d'un fer chaud, et même rouge, ne suffirait pas pour l'allumer, on ajoute, par-dessus le charbon, un petit fragment d'amadou et ou petit atome de phosphore, qu'on allume avec un fer rouge ; l'inflammation se communique ensuite à l'amadou, puis au charbon. On trouve le détail de cette expérience, Mémoires de l'Académie, année 1781, page 448. On y verra qu'il faut 72 parties d'oxygène en poids pour en saturer 28 de charbon, et que l'acide aériforme qui est produit a une pesanteur justement égale à la somme des poids du charbon et de l'oxygène qui ont servi à le former. Cet acide aériforme a été nommé air fixe ou air fixé par les premiers chimistes qui l’ont découvert ; ils ignoraient alors si c'était de l'air semblable à celui de l'atmosphère ou un autre fluide élastique, vicié et gâté par la combustion ; mais, puisqu'il est constant aujourd'hui que cette substance aériforme est un acide, qu'il se forme, comme tous les autres acides, par l'oxygénation d'une base, il est aisé de voir que le nom d'air fixe ne lui convient point. Ayant essayé, M. de Laplace et moi, de brûler du charbon dans l'appareil propre à déterminer la quantité de calorique dégagée, nous avons trouvé qu'une livre de charbon, en brûlant, fondait 96 livres 6 onces de glace ; 2 livres 9 onces i gros i o grains d'oxygène se combinent avec le charbon dans cette opération, et il se forme 3 livres 9 onces 1 gros 10 grains de gaz acide ; ce gaz pèse 0 grain, 695 le pouce cube, ce qui donne 34242 pouces cubiques pour le volume total de gaz acide qui se forme par la combustion d'une livre de charbon. Je pourrais multiplier beaucoup plus les exemples de ce genre, et faire voir, par une suite de faits nombreux, que la formation des acides s'opère par l'oxygénation d'une substance quelconque ; mais la marche que je me suis engagé à suivre, et qui consiste à ne procéder que du


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connu à l'inconnu, et à ne présenter au lecteur que des exemples puisés dans des choses qui lui ont été précédemment expliquées, m'empêche d'anticiper ici sur les faits. Les trois exemples, d'ailleurs, que je viens de citer, suffisent pour donner une idée claire et précise de la manière dont se forment les acides. On voit que l'oxygène est un principe commun à tous, et que c'est lui qui constitue leur acidité ; qu'ils sont ensuite différenciés les uns des autres par la nature de la substance acidifiée. Il faut donc distinguer, dans tout acide, la base acidifiable, à laquelle M. de Morveau a donné le nom de radical, et le principe acidifiant, c'est-à-dire l'oxygène.


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CHAPITRE VI. DE LA NOMENCLATURE DES ACIDES EN GENERAL, ET PARTICULIEREMENT DE CEUX TIRES DU SALPÊTRE ET DU SEL MARIN.

Rien n'est plus aisé, d'après les principes posés dans le chapitre précédent, que d'établir une nomenclature méthodique des acides : le mot acide sera le nom générique ; chaque acide sera ensuite différencié dans le langage comme il l’est dans la nature, par le nom de sa base ou de son radical. Nous nommerons donc acides, en général, le résultat de la combustion ou de l'oxygénation du phosphore, du soufre et du charbon. Nous nommerons le premier de ces résultats acide phosphorique : le second, acide sulfurique ; le troisième, acide carbonique. De même, dans toutes les occasions qui pourront se présenter, nous emprunterons du nom de la base la désignation spécifique de chaque acide. Mais une circonstance remarquable que présente l'oxygénation des corps combustibles, et, en général, d'une partie des corps qui se transforment en acides, c'est qu'ils sont susceptibles de différents degrés de saturation ; et, les acides qui en résultent, quoique formés de la combinaison des deux mêmes substances, ont des propriétés fort différentes, qui dépendent de la différence de proportion. L’acide phosphorique, et surtout l'acide sulfurique, en fournissent des exemples. Si le soufre est combiné avec peu d’oxygène, il forme, à ce premier degré d'oxygénation, un acide volatil d'une odeur pénétrante et qui a des propriétés toutes particulières. Une plus grande proportion d'oxygène le convertit en un acide fixe, pesant, sans odeur, et qui donne, dans les combinaisons, des produits fort différents du premier. Ici, le principe de notre méthode de nomenclature semblait se trouver en défaut, et il paraissait difficile de tirer du nom de la base acidifiable deux déno­[dénominations]


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minations qui exprimassent, sans circonlocution et sans périphrase, les deux degrés de saturation. Mais la réflexion, et plus encore peut-être la nécessité, nous ont ouvert de nouvelles ressources, et nous avons cru pouvoir nous permettre d'exprimer les variétés des acides par de simples variations dans les terminaisons. L'acide volatil du soufre avait été désigné par Stahl sous le nom d'acide sulfureux ; nous lui avons conservé ce nom, et nous avons donné celui de sulfurique à l'acide du soufre complétement saturé d'oxygène. Nous dirons donc, en nous servant de ce nouveau langage, que le soufre, en se combinant avec l'oxygène, est susceptible de deux degrés de saturation : le premier constitue l'acide sulfureux, qui est pénétrant et volatil ; le second constitue l'acide sulfurique, qui est inodore et fixe. Nous adopterons ce même changement de terminaison pour tous les acides qui présenteront plusieurs degrés de saturation ; nous aurons donc également un acide phosphoreux et un acide phosphorique, un acide acéteux et un acide acétique, et ainsi des autres. Toute cette partie de la chimie aurait été extrêmement simple, et la nomenclature des acides n'aurait rien présenté d'embarrassant, si, lors de la découverte de chacun d'eux, on eût connu son radical ou sa base acidifiable. L'acide phosphorique, par exemple, n'a été découvert que postérieurement à la découverte du phosphore, et le nom qui lui a été donné a été dérivé en conséquence de celui de la base acidifiable dont il est formé. Mais, lorsque, au contraire, l'acide a été découvert avant la base, ou plutôt lorsque, à l'époque où l'acide a été découvert, on ignorait quelle était la base acidifiable à laquelle il appartenait, alors on a donné à l'acide et à la base des noms qui n'avaient aucun rapport entre eux, et non-seulement on a surchargé la mémoire de dénominations inutiles, mais encore on a porté dans l'esprit des commençants, et même des chimistes consommés, des idées fausses, que le temps seul et la réflexion peuvent effacer. Vous citerons pour exemple l'acide du soufre. C'est du vitriol de fer qu'on a retiré cet acide dans le premier âge de la chimie ; et on l’a nommé acide vitriolique, en empruntant son nom de celui de la


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substance dont il était tiré. On ignorait alors que cet acide fût le même que celui qu'on obtenait du soufre par la combustion. Il en est de même de l'acide aériforme auquel on a donné originairement le nom d'air fixe ; on ignorait que cet acide fit le résultat de la combinaison du carbone avec l'oxygène. De là une infinité de dénominations qui lui ont été données, et dont aucune ne transmet des idées justes. Rien ne nous a été plus facile que de corriger et de modifier l'ancien langage à l'égard de ces acides ; cous avons converti le nom d'acide vitriolique en celui d'acide sulfurique, et celui d'air fixe en celui d'acide carbonique ; mais il ne nous a pas été possible de suivre le même plan à l'égard des acides dont la base nous était inconnue. Nous nous sommes trouvés alors forcés de prendre nue marche inverse, et, au lieu de conclure le nom de l'acide de celui de la base, nous avons nommé, au contraire, la base d'après la dénomination de l'acide. C'est ce qui nous est arrivé pour l'acide qu'on retire du sel marin ou sel de cuisine. Il suffit, pour dégager cet acide, de verser de l'acide sulfurique sur du sel marin : aussitôt il se fait une vive effervescence, il s'élève des vapeurs blanches d'une odeur très-pénétrante, et, en faisant légèrement chauffer, on dégage tout l'acide. Comme il est naturellement dans l'état de gaz au degré de température et de pression dans lequel nous vivons, il faut des précautions particulières pour le retenir. L'appareil le plus commode et le plus simple, pour les expériences en petit, consiste en une petite cornue G (pl. V, fig.5), dans laquelle on introduit du sel marin bien sec ; on verse dessus de l'acide sulfurique concentré, et aussitôt on engage le bec de la cornue sous de petites jarres ou cloches de verre A (même figure), qu'on a préalablement remplies de mercure. A mesure que le gaz acide se dégage, il passe dans la jarre et gagne le haut en déplaçant le mercure. Lorsque le dégagement se ralentit, on chauffe légèrement et on augmente le feu jusqu'à ce qu'il ne passe plus rien. Cet acide a une grande affinité avec l’eau, et cette dernière en absorbe une énorme quantité. On peut s'en assurer en introduisant une petite couche d'eau dans la jarre de verre qui le contient ; en un instant l'acide se combine avec elle et disparaît


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en entier. On profite de cette circonstance, dans les laboratoires et dans les arts, pour obtenir l'acide du sel marin sous la forme de liqueur. On se sert, à cet effet, de l'appareil représenté pl. IV, fig. 1. Il consiste : l° dans une cornue A, où l'on introduit le sel marin, et dans laquelle on verse de l'acide sulfurique par la tubulure H ; 2° dans le ballon CB destiné à recevoir la petite quantité de liqueur qui se dégage ; 3° dans une suite de bouteilles à deux goulots LL 'L "L''', qu'on remplit d'eau à moitié. Cette eau est destinée à absorber le gaz acide qui se dégage pendant la distillation. Cet appareil est plus amplement décrit dans la dernière partie de cet ouvrage. Quoiqu'on ne soit encore parvenu ni à composer, ni à décomposer l'acide qu'on retire du sel marin, on ne peut douter cependant qu'il ne soit formé, comme tous les autres, de la réunion d'une base acidifiable avec l'oxygène. Nous avons nommé cette base inconnue base muriatique, radical muriatique, en empruntant ce nom, à l'exemple de M. Bergman et de M. de Morveau, du mot latin maria, donné anciennement au sel marin. Ainsi, sans pouvoir déterminer quelle est exactement la composition de l'acide muriatique, nous désignerons sous cette dénomination un acide volatil, dont l'état naturel est d'être sous forme gazeuse au degré de chaleur et de pression que nous éprouvons, qui se combine avec l'eau en très-grande quantité et avec beaucoup de facilité, enfin dans lequel le radical acidifiable tient si fortement à l'oxygène, qu'on ne connaît, jusqu'à présent, aucun moyen de les séparer. Si un jour on vient à rapporter le radical muriatique à quelque substance connue, il faudra bien alors changer sa dénomination et lui donner un nom analogue à celui de la base dont la nature aura été découverte. L'acide muriatique présente au surplus une circonstance très-remarquable : il est, comme l'acide du soufre et comme plusieurs autres, susceptible de différents degrés d'oxygénation ; mais l'excès d'oxygène produit en lui un effet tout contraire à celui qu'il produit dans l'acide du soufre. Un premier degré d'oxygénation transforme le soufre en un


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acide gazeux volatil, qui ne se mêle qu'en petite quantité avec l'eau : c'est celui que nous désignons avec Stahl sous le nom d'acide sulfureux. Une dose plus forte d'oxygène le convertit en acide sulfurique, c'est-à-dire en un acide qui présente des dualités acides plus marquées, qui est beaucoup plus fixe, qui ne peut exister dans l'état de gaz qu'à une haute température, qui n'a point d'odeur, et qui s'unit à l'eau en très-grande quantité. C'est le contraire dans l'acide muriatique ; l'addition d'oxygène le rend plus volatil, d'une odeur plus pénétrante, moins miscible à l'eau, et diminue ses qualités acides. Nous avions d'abord été tentés d'exprimer ces deux degrés de saturation, comme nous l'avions fait pour l'acide du soufre, en faisant varier les terminaisons. Nous aurions nommé l'acide le moins saturé d'oxygène acide muriateux, et le plus saturé, acide muriatique ; mais nous avons cru que cet acide, qui présente des résultats particuliers, et dont on ne connaît aucun autre exemple en chimie, demandait une exception, et nous nous sommes contentés de le nommer acide muriatique oxygéné. Il est un autre acide que nous nous contenterons de définir comme nous l'avons l'ait pour l'acide muriatique, quoique sa base soit mieux connue : c'est celui que les chimistes ont désigné jusqu'ici sous le nom d'acide nitreux. Cet acide se tire du nitre ou salpêtre par des procédés analogues à ceux qu'on emploie pour obtenir l'acide muriatique. C'est également par l'intermède de l'acide sulfurique qu'on le chasse de la base à laquelle il est uni, et on se sert de même, à cet effet, de l'appareil représenté pl. IV, fig. 1. A mesure que l'acide passe, une partie se condense dans le ballon, l'autre est absorbée par l'eau des bouteilles LL 'L "L ''', qui devient d'abord verte, puis bleue, et enfin jaune, suivant le degré de concentration de l'acide. Il se dégage pendant cette opération une grande quantité de gaz oxygène mêlé d'un peu de gaz azotique. L'acide qu'on tire ainsi du salpêtre est composé, comme tous les autres, d'oxygène uni à une base acidifiable, et c'est même le premier dans lequel l'existence de l'oxygène ait été bien démontrée. Les deux principes qui le constituent tiennent peu ensemble, et on les sépare aisément en présentant à l’oxygène une substance avec laquelle il ait


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plus d'affinité qu'il n'en a avec la base acidifiable qui constitue l'acide du nitre. C'est par des expériences de ce genre qu'on est parvenu à reconnaître que l'azote ou base de la mofette entrait dans sa composition, qu'elle était sa base acidifiable. L'azote est donc véritablement le radical nitrique, ou l'acide du nitre est un véritable acide azotique. On voit donc que, pour être d'accord avec nous-mêmes et avec nos principes, nous aurions du adopter l'une ou l'autre de ces manières de nous énoncer. Nous en avons été détournés cependant par différents motifs : d'abord il nous a paru difficile de changer le nom de nitre ou de salpêtre généralement adopté dans les arts, dans la société et dans la chimie. Nous n'avons pas cru, d'un autre côté, devoir donner à l'azote le nom de radical nitrique, parce que cette substance est également la base de l'alcali volatil ou ammoniaque, comme l'a découvert M. Berthollet. Nous continuerons donc de désigner sous le nom d'azote la base de la partie non respirable de l'air atmosphérique, qui est en même temps le radical nitrique et le radical ammoniac. Nous conserverons également le nom de nitreux et de nitrique à l'acide tiré du nitre ou salpêtre. Plusieurs chimistes d'un grand poids ont désapprouvé notre condescendance pour les anciennes dénominations ; ils auraient préféré que nous eussions dirigé uniquement nos efforts vers la perfection de la nomenclature, que nous eussions reconstruit l'édifice du langage chimique de fond en comble, sans nous embarrasser de le raccorder avec d'anciens usages dont le temps effacera insensiblement le souvenir ; et c'est ainsi que nous nous sommes trouvés exposés à la fois à la critique et aux plaintes des deux partis opposés. L'acide du nitre est susceptible de se présenter dans un grand nombre d'états qui dépendent du degré d'oxygénation qu'il a éprouvé, c'est-à-dire de la proportion d'azote et d'oxygène qui entre dans sa composition. Un premier degré d'oxygénation de l'azote constitue un gaz particulier, que nous continuerons de désigner sous le nom de gaz nitreux : il est composé d'environ deux parties en poids d'oxygène et d'une d'azote, et dans cet état il est immiscible à l'eau. Il s'en faut beaucoup que l'azote, dans ce gaz, soit saturé d'oxygène ; il lui reste, au contraire,


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une grande affinité pour ce principe, et il l'attire avec une telle activité, qu'il l'enlève même à l'air de l'atmosphère, sitôt qu'il est en contact avec lui. La combinaison du gaz nitreux avec l'air de l'atmosphère est même devenue un des moyens qu'on emploie pour déterminer la quantité d'oxygène contenue dans ce dernier, et pour juger de son degré de salubrité. Cette addition d'oxygène convertit le gaz nitreux en un acide puissant, qui a une grande affinité avec l'eau, et qui est susceptible lui-même de différents degrés d'oxygénation. Si la proportion de l'oxygène et de l'azote est au­dessous de trois parties contre une, l'acide est rouge et fumant ; dans cet état nous le nommons acide nitreux ; on peut, en le faisant légèrement chauffer, en dégager du gaz nitreux. Quatre parties d'oxygène contre une d'azote donnent un acide blanc et sans couleur, plus fixe au feu que le précédent, qui a moins d'odeur, et dont les deux principes constitutifs sont plus solidement combinés ; nous lui avons donné, d'après les principes exposés ci-dessus, le nom d'acide nitrique. Ainsi l'acide nitrique est l'acide du nitre surchargé d'oxygène ; l'acide nitreux est l'acide du nitre surchargé d'azote, ou, ce qui est la même chose, de gaz nitreux ; enfin le gaz nitreux est l'azote qui n'est point assez saturé d'oxygène pour avoir les propriétés des acides. C’est ce que nous nommerons plus bas un oxyde. une grande affinité pour ce principe, et il l'attire avec une telle activité, qu'il l'enlève même à l'air de l'atmosphère, sitôt qu'il est en contact avec lui. La combinaison du gaz nitreux avec l'air de l'atmosphère est même devenue un des moyens qu'on emploie pour déterminer la quantité d'oxygène contenue dans ce dernier, et pour juger de son degré de salubrité. Cette addition d'oxygène convertit le gaz nitreux en un acide puissant, qui a une grande affinité avec l'eau, et qui est susceptible lui-même de différents degrés d'oxygénation. Si la proportion de l'oxygène et de l'azote est au­dessous de trois parties contre une, l'acide est rouge et fumant ; dans cet état nous le nommons acide nitreux ; on peut, en le faisant légèrement chauffer, en dégager du gaz nitreux. Quatre parties d'oxygène contre une d'azote donnent un acide blanc et sans couleur, plus fixe au feu que le précédent, qui a moins d'odeur, et dont les deux principes constitutifs sont plus solidement combinés ; nous lui avons donné, d'après les principes exposés ci-dessus, le nom d'acide nitrique. Ainsi l'acide nitrique est l'acide du nitre surchargé d'oxygène ; l'acide nitreux est l'acide du nitre surchargé d'azote, ou, ce qui est la même chose, de gaz nitreux ; enfin le gaz nitreux est l'azote qui n'est point assez saturé d'oxygène pour avoir les propriétés des acides. C’est ce que nous nommerons plus bas un oxyde.


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CHAPITRE VII. DE LA DÉCOMPOSITION DU GAZ OXYGÈNE PAR LES MÉTAUX, ET DE LA FORMATION DES OXYDES MÉTALLIQUES.

Lorsque les substances métalliques sont échaudées à un certain degré de température, l'oxygène a plus d'affinité avec elles qu'avec le calorique : en conséquence toutes les substances métalliques, si l'on en excepte l'or, l'argent et le platine, ont la propriété de décomposer le gaz oxygène, de s'emparer de sa base et d'en dégager le calorique. On a déjà vu plus haut comment s'opérait cette décomposition de l'air par le mercure et par le fer ; on a observé que la première ne pouvait être regardée que comme une combustion lente ; que la dernière, au contraire, était très-rapide et accompagnée d'une flamme brillante. S'il est nécessaire d'employer un certain degré de chaleur dans ces opérations, c'est pour écarter les unes des autres les molécules du métal, et diminuer leur affinité d'agrégation, ou, ce qui est la même chose, l'attraction qu'elles exercent les unes sur les autres. Les substances métalliques, pendant leur calcination, augmentent de poids à proportion de l'oxygène qu'elles absorbent ; en même temps elles perdent leur éclat métallique et se réduisent en une poudre terreuse. Les métaux, dans cet état, ne doivent point être considérés comme entièrement saturés d'oxygène, par la raison que leur action sur ce principe est balancée par la force d'attraction qu'exerce sur lui le calorique. L'oxygène, dans la calcination des métaux, obéit donc réellement à deux forces, à celle exercée par le calorique et à celle exercée par le métal ; il ne tend à s'unir à ce dernier qu'en raison de la différence de ces deux forces, de l'excès de l'une sur l'autre, et cet excès, en général, n'est pas fort considérable. Aussi les substances métalliques, en s'oxygénant dans l'air et dans le gaz oxygène, ne se con- [convertissent]


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vertissent-elles point en acides, comme le soufre, le phosphore et le charbon : il se forme des substances intermédiaires qui commencent à se rapprocher de l'état salin, mais qui n'ont pas encore acquis toutes les propriétés salines. Les anciens ont donné le nom de chaux, non seulement aux métaux amenés à cet état, mais encore à toute substance qui avait été exposée longtemps à l'action du feu sans se fondre. Ils ont fait, en conséquence, du mot chaux, un nom générique, et ils ont confondu sous ce nom, et la pierre calcaire, qui, d'un sel neutre qu'elle était dans la calcination, se convertit en feu, en un alcali terreux en perdant moitié de son poids, et les métaux qui s'associent par la même opération une nouvelle substance dont la quantité excède quelquefois moitié de leur poids, et qui les rapproche de l'état d'acide. Il aurait été contraire à nos principes de classer sous un même nom des substances différentes, et surtout de conserver aux métaux une dénomination si propre à faire naître des idées fausses. Nous avons en conséquence proscrit l'expression de chaux métalliques, et nous y avons substitué celui d'oxydes, du grec όξύς. On voit, d'après cela, combien le langage que nous avons adopté est fécond et expressif : un premier degré d'oxygénation constitue les oxydes ; un second degré constitue les acides terminés en eux, comme l'acide nitreux, l'acide sulfureux ; un troisième degré constitue les acides en ique, tels que l'acide nitrique, l'acide sulfurique ; enfin nous pouvons exprimer un quatrième degré d'oxygénation des substances, en ajoutant l'épithète d'oxygéné, comme nous l'avons admis pour l'acide muriatique oxygéné. Nous ne nous sommes pas contentés de désigner sous le nom d'oxydes la combinaison des métaux avec l'oxygène ; nous n'avons fait aucune difficulté de nous en servir pour exprimer le premier degré d'oxygénation de toutes les substances, celui qui, sans les constituer acides, les rapproche de l'état salin. Nous appellerons donc oxyde de soufre le soufre devenu mou par un commencement de combustion ; nous appellerons oxyde de phosphore la substance jaune que laisse le phosphore quand il a brêlé.


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Nous dirons de même que le gaz nitreux, qui est le premier degré d'oxygénation de l'azote, est un oxyde d'azote. Enfin, le règne végétal et le règne animal auront leurs oxydes, et je ferai voir, dans la suite, combien ce nouveau langage jettera de lumières sur toutes les opérations de l'art et de la nature. Les oxydes métalliques ont, comme nous l'avons déjà fait observer, presque tous des couleurs qui leur sont propres, et ces couleurs varient, non-seulement pour les différents métaux, mais encore suivant le degré d'oxygénation du même métal. Nous nous sommes donc trouvés obligés d'aj outer à chaque oxyde deux épithètes, l'une qui indiquât le métal oxydé, l'autre sa couleur ; ainsi nous dirons oxyde noir de fer, oxyde rouge de fer, oxyde jaune de fer ; et ces expressions répondront à celles d'éthiops martial, de colcothar, de rouille de fer ou d'ocre. Nous dirons de même oxyde gris de plomb, oxyde jaune de plomb, oxyde rouge de plomb, et ces expressions désigneront la cendre de plomb, le massicot et le minium. Ces dénominations seront quelquefois un peu longues, surtout quand on voudra exprimer si le métal a été oxydé à l'air, s'il l’a été par la détonation avec le nitre ou par l'action des acides ; mais au moins elles seront touj ours justes, et feront naître l'idée précise de l'objet qui y correspond. Les tables jointes à cet ouvrage rendront ceci plus sensible.


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CHAPITRE VIII. DU PRINCIPE RADICAL DE L'EAU, ET DE SA DÉCOMPOSITION PAR LE CHARBON ET PAR LE FEU.

Jusqu'à ces derniers temps on avait regardé l'eau comme une substance simple, et les anciens n'avaient fait aucune difficulté de la qualifier du nom d'élément : c'était sans doute une substance élémentaire pour eux, puisqu'ils n'étaient point parvenus à la décomposer, ou au moins puisque les décompositions de l'eau qui s'opéraient journellement sous leurs yeux avaient échappé à leurs observations ; mais on va voir que l'eau n'est plus un élément pour nous. Je ne donnerai point ici l'histoire de cette découverte, qui est très-moderne, et qui même est encore contestée. On peut consulter à cet égard les Mémoires de l'Académie des sciences, année 1781. Je me contenterai de rapporter les principales preuves de la décomposition et de la recomposition de l'eau ; j'ose dire que, quand on voudra bien les peser sans partialité, on les trouvera démonstratives.

PREMIÈRE EXPÉRIENCE. PRÉPARATION.

On prend un tube de verre EF (pl. VII, fig.2), de 8 à 12 lignes de diamètre, qu'on fait passer à travers un fourneau, en lui donnant une légère inclinaison de E en F. A l'extrémité supérieure E de ce tube, on ajuste une cornue de verre A, qui contient une quantité d'eau distillée bien connue, et à son extrémité F, un serpentin SS', qui s'adapte en S' au goulot d'un flacon H à deux tubulures ; enfin, à l'une des deux tubulures du flacon s'adapte un tube de verre recourbé KK, destiné à conduire les fluides aériformes ou gaz dans un appareil propre à en déterminer la qualité et la quantité.


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Il est nécessaire, pour assurer le succès de cette expérience, que le tube EF soit de verre vert bien cuit et d'une fusion difficile ; on l'enduit, en outre, d'un lut d'argile mêlée avec du ciment fait avec des poteries de grès réduites en poudre ; et, dans la crainte qu'il ne fléchisse par le ramollissement, on le soutient dans son milieu avec une barre de fer qui traverse le fourneau. Des tuyaux de porcelaine sont préférables à ceux de verre, mais il est difficile de s'en procurer qui ne soient pas poreux, et presque touj ours on y découvre quelques trous qui donnent passage à l'air ou aux vapeurs. Lorsque tout a été ainsi disposé, on allume du feu dans le fourneau EFCD, et on l'entretient de manière à faire rougir le tube de verre EF, sans le fondre ; en même temps on allume assez de feu dans le fourneau VVXX, pour entretenir toujours bouillante l'eau de la cornue A. EFFET. A mesure que l'eau de la cornue A se vaporise par l'ébullition, elle remplit l'intérieur du tube EF, et elle en chasse l'air commun qui s'évacue par le tube KK ; le gaz aqueux est ensuite condensé par le refroidissement dans le serpentin SS', et il tombe de l'eau goutte à goutte dans le flacon tubulé H. En continuant cette opération jusqu'à ce que toute l'eau de la cornue A soit évaporée, et en laissant bien égoutter les vaisseaux, on retrouve dans le flacon H une quantité d'eau rigoureusement égale à celle qui était dans la cornue A, sans qu'il y ait eu dégagement d'aucun gaz ; en sorte que cette opération se réduit à une simple distillation ordinaire, dont le résultat est absolument le même que si l'eau n'eût point été portée à l'état incandescent en traversant le tube intermédiaire EF.

DEUXIÈME EXPÉRIENCE. PRÉPARATION.

On dispose tout comme dans l'expérience précédente, avec cette


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différence seulement, qu'on introduit dans le tube EF 28 grains de charbon concassé en morceaux de médiocre grosseur, et qui préalablement a été longtemps exposé à une chaleur incandescente dans des vaisseaux fermés. On fait, comme dans l'expérience précédente, bouillir l’eau de la cornue A, jusqu'à évaporation totale. EFFET. L'eau de la cornue A se distille dans cette expérience comme dans la précédente ; elle se condense dans le serpentin et coule goutte à goutte dans le flacon H ; mais en même temps il se dégage une quantité considérable de gaz qui s'échappe par le tuyau KK, et qu'on recueille dans un appareil convenable. L'opération finie, on ne retrouve plus dans le tube EF que quelques atomes de cendre ; les 28 grains de charbon ont totalement disparu. Les gaz qui se sont dégagés, examinés avec soin, se trouvent peser ensemble (1) 113 grains 7/10 ; ils sont de deux espaces, savoir : 144 pouces cubiques de gaz acide carbonique pesant 100 grains, et 380 pouces cubiques d'un gaz extrêmement léger pesant 13 grains 7/10, et qui s'allume par l'approche d'un corps enflammé lorsqu'il a le contact de l'air. Si on vérifie ensuite le poids de l'eau passée dans le flacon, on la trouve diminuée de 85 grains 7/10. Ainsi, dans cette expérience, 85 grains 7/10 d'eau, plus 28 grains de charbon ont formé 100 grains d'acide carbonique, plus 13 grains 7/10 d'un gaz particulier susceptible de s'enflammer. Mais j'ai fait voir plus haut que, pour former 100 grains de gaz acide carbonique, il fallait unir 72 grains d'oxygène à 28 grains de charbon ; donc les 28 grains de charbon placés dans le tube de verre ont enlevé à l'eau 72 grains d'oxygène ; donc 85 grains 7/10 d'eau sont composés de 72 grains d'oxygène et de 13 grains 7/10 d'un gaz susceptible de s'enflammer. On verra bientôt qu'on ne peut pas supposer que

(1) On trouvera, dans la dernière partie de cet ouvrage, le détail des procédés qu’on emploie pour séparer les différentes espèces de gaz et pour les peser.


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ce gaz ait été dégagé du charbon, et qu'il est conséquemment un produit de l'eau. J'ai supprimé, dans l'exposé de cette expérience, quelques détails qui n'auraient servi qu'à la compliquer et à jeter de l'obscurité dans les idées des lecteurs ; le gaz inflammable, par exemple, dissout un peu de charbon, et cette circonstance en augmente le poids et diminue au contraire l'acide carbonique ; l'altération qui en résulte dans les quantités n'est pas très-considérable, mais j'ai cru devoir les rétablir par calcul et présenter l'expérience dans toute sa simplicité, et comme si cette circonstance n'avait pas lieu. Au surplus, s'il restait quelques nuages sur la vérité des conséquences que je tire de cette expérience, ils seraient bientôt dissipés par les autres expériences que je vais rapporter à l'appui.

TROISIÈME EXPÉRIENCE. PRÉPARATION.

On dispose tout l'appareil comme dans l'expérience précédente, avec cette différence seulement, qu'au lieu des 28 grains de charbon on met dans le tube EF (pl. VII, fig. 11) 274 grains de petites lames de fer très-doux roulées en spirales. On fait rougir le tube comme dans les expériences précédentes ; on allume du feu sous la cornue A, et on entretient l'eau qu'elle contient toujours bouillante, jusqu'à ce qu'elle soit entièrement évaporée, qu'elle ait passé en totalité dans le tube EF et qu'elle se soit condensée dans le flacon H. Il ne se dégage point de gaz acide carbonique dans cette expérience, mais seulement un gaz inflammable treize fois plus léger que l'air de l'atmosphère : le poids total qu'on en obtient est de 15 grains, et son volume est d'environ 416 pouces cubiques. Si on compare la quantité d'eau primitivement employée avec celle restante dans le flacon H, on trouve un déficit de 100 grains. D'un autre côté, les 274 grains de fer renfermés dans le tube EF se trouvent peser 85 grains de plus que


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lorsqu'on les y a introduits, et leur volume se trouve considérablement augmenté ; ce fer n'est presque plus attirable à l'aimant, il se dissout sans effervescence dans les acides ; en un mot, il est dans l'état d'oxyde noir, précisément comme celui qui a été brûlé dans le gaz oxygène.

RÉFLEXIONS.

Le résultat de cette expérience présente une véritable oxydation du fer par beau, oxydation toute semblable à celle qui s'opère dans l’air à l'aide de la chaleur. 100 grains d'eau ont été décomposés : 85 d'oxygène se sont unis au fer pour le constituer dans l'état d'oxyde noir, et il s'est dégagé 16 grains d'un gaz inflammable particulier ; donc l'eau est composée d'oxygène et de la base d'un gaz inflammable, dans la proportion de 85 parties contre 15. Ainsi l'eau, indépendamment de l'oxygène, qui est un de ses principes, et qui lui est commun avec beaucoup d'autres substances, en contient un autre qui lui est propre, qui est son radical constitutif, et auquel nous nous sommes trouvés forcés de donner un nom. Aucun ne nous a paru plus convenable que celui d'hydrogène, c'est-à-dire “ principe générateur de l'eau, ” de ΰδωρ, eau, et de γείνομαι, j'engendre. Nous appellerons gaz hydrogène la combinaison de ce principe avec le calorique, et le mot d'hydrogène seul exprimera la base de ce même gaz, le radical de l'eau (1). Voilà donc un nouveau corps combustible, c'est-à-dire un corps qui a assez d'affinité avec l'oxygène pour l'enlever au calorique, et pour décomposer l'air ou le gaz oxygène. Ce corps combustible a lui-même une telle affinité avec le calorique, qu'à moins qu'il ne soit engagé dans une combinaison il est touj ours dans l'état aériforme ou de gaz, (1) On a critiqué même avec assez det’amertume cette expression hydrogène, parce quet’on a prétendu quet’elle signifiait fils de let’eau, et non pas qui engendre let’eau. Mais quet’importe, si let’expression est également juste dans les deux sens. Les expériences rapportées dans ce chapitre prouvent que let’eau, en se décomposant, donne naissance à let’hydrogène, et surtout que let’hydrogène donne naissance à let’eau en se combinant avec let’oxygène. On peut donc dire également que let’eau engendre let’hydrogène et que let’hydrogène engendre let’eau.


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au degré habituel de pression et de température dans lequel nous vivons. Dans cet état de gaz, il est environ treize fois plus léger que l'air de l'atmosphère ; il n'est point absorbable par l'eau, mais il est susceptible d'en dissoudre une petite quantité ; enfin il ne peut servir à la respiration des animaux. La propriété de brûler et de s'enflammer n'étant, pour ce gaz, comme pour tous les autres combustibles, que la propriété de décomposer l’air et d'enlever l'oxygène au calorique, on conçoit qu'il ne peut brûler qu'avec le contact de l'air ou du gaz oxygène. Aussi, lorsqu'on emplit une bouteille de ce gaz et qu'on l'allume, il brûle paisiblement au goulot de la bouteille et ensuite dans son intérieur, à mesure que l’air extérieur y pénètre ; mais la combustion est successive et lente ; elle n'a lieu qu'à la surface, où le contact des deux airs ou gaz s'opère. Il n’en est pas de même lorsqu'on mêle ensemble les deux airs avant de les allumer : si, par exemple, après avoir introduit dans une bouteille à goulot étroit une partie de gaz oxygène, et ensuite deux de gaz hydrogène, on approche de son orifice un corps enflammé, tel qu'une bougie ou un morceau de papier allumé, la combustion des deux gaz se fait, d'une manière instantanée et avec une forte explosion. On ne doit faire cette expérience que dans une bouteille de verre vert très-forte, qui n'excède pas une pinte de capacité, et qu'on enveloppe même d'un linge ; autrement on s'exposerait à des accidents funestes par la rupture de la bouteille, dont les fragments pourraient être lancés à de grandes distances. Si tout ce que je viens d'exposer sur la décomposition de l'eau est exact et vrai, si réellement cette substance est composée, comme j'ai cherché à l'établir, d'un principe qui lui est propre, d'hydrogène combiné avec l'oxygène, il en résulte qu'en réunissant ces deux principes on doit refaire de l'eau, et c'est ce qui arrive en effet, comme on va en juger par l'expérience suivante.


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QUATRIÈME EXPÉRIENCE. - RECOMPOSITION DE L’EAU. PRÉPARATION.

On prend un ballon A de cristal (pl. IV, fig.5), à large ouverture, et dont la capacité soit de 30 pintes environ ; on y mastique une platine de cuivre BC percée de quatre trous auxquels aboutissent quatre tuyaux. Le premier Hh est destiné à s'adapter, par son extrémité h, à une pompe pneumatique par le moyen de laquelle on peut faire le vide dans le ballon. Un second tuyau gg communique, par son extrémité MM, avec un réservoir de gaz oxygène, et est destiné à l'amener dans le ballon. Un troisième dDd' communiqua, par son extrémité dNN, avec un réservoir de gaz hydrogène ; l'extrémité d' de ce tuyau se termine par une ouverture très-petite, et à travers laquelle une très-petite aiguille peut à peine passer. C'est par cette petite ouverture que doit sortir le gaz hydrogène contenu dans le réservoir ; et, pour qu'il y ait une vitesse suffisante, on doit lui faire éprouver une pression de 1 ou 2 pouces d'eau. Enfin, la platine BC est percée d'un quatrième trou, lequel est garni d'un tube de verre mastiqué, à travers lequel passe un fil de métal GL, à l'extrémité L duquel est adaptée une petite boule, afin de pouvoir tirer une étincelle électrique de L en d' pour allumer, comme on le verra bientôt, le gaz hydrogène. Le fil de métal GL est mobile dans le tube de verre, afin de pouvoir éloigner la boule L de l'extrémité d' de l'ajutoir Dd'. Les trois tuyaux dDdç gg, Hh sont chacun garnis de leur robinet. Pour que le gaz hydrogène et le gaz oxygène arrivent bien secs par les tuyaux respectifs qui doivent les amener au ballon A, et qu'ils soient dépouillés d'eau autant qu'ils le peuvent être, on les fait passe à travers des tubes MM, NN, d'un pouce environ de diamètre, qu'on remplit, d'un sel très-déliquescent, c'est-à-dire qui attire l'humidité de l'air avec beaucoup d'avidité, tels que l'acétite de potasse, le muriate ou le nitrate de chaux. (Voy. quelle est la composition des sels dans la seconde partie de cet ouvrage.) Ces sels doivent être en poudre gros- [grossière]


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sière, afin qu'ils ne puissent pas faire masse, et que le gaz passe facilement à travers les interstices que laissent les morceaux. On doit s'être prémuni d'avance d'une provision suffisante de gaz oxygène bien pur ; et, pour s'assurer qu'il ne contient point d'acide carbonique, on doit le laisser longtemps en contact avec de la potasse dissoute dans de l'eau, et qu'on a dépouillée de son acide carbonique par de la chaux ; on donnera plus bas quelques détails sur les moyens d'obtenir cet alcali. On prépare avec le même soin le double de gaz hydrogène. Le procédé le plus sûr pour l'obtenir exempt de mélange consiste à le tirer de la décomposition de l'eau par du fer bien ductile et bien pur. Lorsque ces deux gaz sont ainsi préparés, ou adapte la pompe pneumatique au tuyau Hh, et on fait le vide dans le grand ballon A ; on y introduit ensuite l'un ou l'autre des deux gaz, mais de préférence le gaz oxygène par le tuyau gg, puis on oblige, par un certain degré de pression, le gaz hydrogène à entrer dans le même ballon par le tuyau dDdç dont l'extrémité d' se termine en pointe. Enfin on allume ce gaz à l'aide d'une étincelle électrique. En fournissant ainsi de chacun des deux airs, on parvient à continuer très-longtemps la combustion. J'ai donné ailleurs la description des appareils que j'ai employés pour cette expérience, et j'ai expliqué comment on parvient à mesurer les quantités de gaz consommées avec une rigoureuse exactitude. (Voy. la troisième partie de cet ouvrage.) EFFET. A mesure que la combustion s'opère, il se dépose de l'eau sur les parois intérieures du ballon ou matras ; la quantité de cette eau augmente peu à peu, elle se réunit en grosses gouttes, qui coulent et se rassemblent dans le fond du vase. En pesant le matras avant et après l'opération, il est facile de connaître la quantité d'eau qui s'est ainsi rassemblée. On a donc, dans cette expérience, une double vérification : d'une part le poids des gaz employés, de l'autre celui de l'eau formée ; et ces deux quantités doivent


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être égales. C'est par une expérience de ce genre que nous avons reconnu, M. Meusnier et moi, qu'il fallait 85 parties, en poids, d'oxygène, et 15 parties, également en poids, d'hydrogène, pour composer 100 parties d'eau. Cette expérience, qui n'a point encore été publiée, a été faite en présence d'une commission nombreuse de l'Académie ; nous y avons apporté les attentions les plus scrupuleuses, et nous avons lieu de la croire exacte à un deux-centième près tout au plus. Ainsi, soit qu'on opère par voie de décomposition ou de recomposition, on peut regarder comme constant et aussi bien prouvé qu'on puisse le faire en chimie et en physique, que l'eau n'est point une substance simple, qu'elle est composée de deux principes : l'oxygène et l'hydrogène ; et que ces deux principes, séparés l'un de l'autre, ont, tellement d'affinité avec le calorique, qu'ils ne peuvent exister que sous forme de gaz, au degré de température et de pression dans lequel nous vivons. Ce phénomène de la décomposition et de la recomposition de l'eau s'opère continuellement sous nos yeux, à la température de l'atmosphère et par l'effet des affinités composées. C'est à cette décomposition que sont dus, comme nous le verrons bientôt, au moins jusqu'à un certain point, les phénomènes de la fermentation spiritueuse, de la putréfaction et même de la végétation. Il est bien extraordinaire qu'elle ait échappé jusqu'ici à l'oeil attentif des physiciens et des chimistes, et on doit en conclure que, dans les sciences comme dans la morale, il est difficile de vaincre les préjugés dont on a été originairement imbu, et de suivre une autre route que celle dans laquelle on est accoutumé de marcher. Je terminerai cet article par une expérience beaucoup moins probante que celles que j'ai précédemment rapportées, mais qui m'a paru cependant faire plus d'impression qu'aucune autre sur un grand nombre de personnes. Si on brûle 1 livre ou 16 onces d'esprit-de-vin ou alcool dans un appareil propre à recueillir toute l'eau qui se dégage pendant la combustion, on en obtient 17 à 18 onces (1). Or une matière quel- [quelconque]

(1) Voy. La description de cet appareil dans la troisième partie de cet ouvrage.


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conque ne peut rien fournir dans une expérience au delà de la totalité de son poids ; il faut donc qu'il s'ajoute une autre substance à l'esprit-de-vin pendant sa combustion ; or j'ai fait voir que cette autre substance était la base de l'air, l'oxygène. L'esprit-de-vin contient donc un des principes de l'eau, l'hydrogène, et c'est l'air de l'atmosphère qui fournit l'autre, l'oxygène : nouvelle preuve que l'eau est une substance composée.


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CHAPITRE IX. DE LA QUANTITÉ DE CALORIQUE QUI SE DÉGAGE DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE COMBUSTION.

Nous avons vu qu’en opérant une combustion quelconque dans une sphère de glace creuse, et en fournissant, pour l’entretenir, de l’air à zéro du thermomètre, la quantité de glace fondue dans l’intérieur de la sphère donnait une mesure, sinon absolue, du moins relative, des quantités de calorique dégagé. Nous avons donné, M. de Laplace et moi, la description de l’appareil que nous avons employé dans ce genre d’expériences. (Voy. Mémoires de l ’Académie des sciences, année 1780, p. 355 ; voy. aussi la troisième partie de cet ouvrage.) Ayant essayé de déterminer les quantités de glace qui se fondaient par la combustion de trois des quatre substances combustibles simples, savoir, le phosphore, la carbone et l’hydrogène, nous avons obtenu les résultats qui suivent : Pour la combustion d’une livre de phosphore, 100 livres de glace. Pour la combustion d’une livre de carbone, 96 livres 8 onces. Pour la combustion d’une livre de gaz hydrogène, 295 livres 9 onces 3 gros 1/2. La substance qui se forme par le résultat de la combustion du phosphore étant un acide concret, il est probable qu’il reste très-peu de calorique dans cet acide, et que par conséquent cette combustion fournit un moyen de connaître, à très-peu de chose près, la quantité considérable de calorique, comme le phosphore en contenait aussi une portion avant la combustion, l’erreur ne pourrait jamais être que de la différence, et par conséquent, de peu d’importance. J’ai fait voir, page 51, qu’une livre de phosphore, en brûlant, ab- [absorbait]


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sorbait 1 livre 8 onces d’oxygène ; et, puisqu’il y a en même temps 100 livres de glace fondue, il en résulte que la quantité de calorique contenue dans une livre de gaz oxygène est capable de faire fondre 66 livres 10 onces 5 gros 24 grains de glace. Une livre de charbon, en brûlant, ne fait fondre que 96 livres 8 onces de glace, mais il s’absorbe en même temps 2 livres 9 onces 1 gros 10 grains de gaz oxygène. Or, en partant des résultats obtenus dans la combustion du phosphore, 2 livres 9 onces 1 gros 10 grains de gaz oxygène devraient abandonner assez de calorique pour fondre 171 livres 6 onces 5 gros de glace. Il disparaît donc, dans cette expérience, une quantité de calorique qui aurait été suffisante pour faire fondre 74 liv. 14 onces 5 gros de glace ; mais, comme l’acide carbonique n’est point, comme le phosphorique, dans l’état concret après la combustion, qu’il est au contraire dans l’état gazeux, il a fallu nécessairement une quantité de calorique pour le porter à cet état, et c’est cette quantité qui se trouve manquante dans la combustion ci-dessus. En la divisant par le nombre de livres d’acides carbonique qui se forment par la combustion d’une livre de charbon, on trouve que la quantité de calorique nécessaire pour porter une livre d’acide carbonique de l’état concret à l’état gazeux ferait fondre 20 livres 15 onces 5 gros de glace. On peut faire un semblable calcul sur la combustion de l’hydrogène et sur la formation de l’eau ; une livre de ce fluide élastique absorbe, en brûlant, 5 livres 10 onces 5 gros 24 grains d’oxygène, et fait fondre 295 livres 2 onces 3 gros 1/2 de glace. Or 5 livres 10 onces 5 gros 24 grains de gaz oxygène, en passant de l’état aériforme à l’état solide, perdraient, d’après les résultats obtenus dans le calorique du phosphore, assez de calorique pour faire fondre une quantité de glace égale à : 377 liv. 12 onc. 3 gros. Il ne s’en dégage, dans la combustion du gaz hydrogène, que : 295 liv. 2onc. 3 1/2 gros. Il en reste donc, dans l’eau qui se forme, lors même qu’elle est ramenée à zéro du thermomètre : 82 liv. 9 onc. 7 1/2 gros.


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Or, comme il se forme 6 livres 10 onces 5 gros 24 grains d’eau dans la combustion d’une livre de gaz hydrogène, il en résulte qu’il reste dans chaque livre d’eau, à zéro du thermomètre, une quantité de calorique égale à celle nécessaire pour fondre 12 livres 5 onces 2 gros 48 grains de glace, sans parler même de celui contenu dans le gaz hydrogène, dont il est impossible de tenir compte dans cette expérience, parce que nous n’en connaissons pas la quantité. D’où l’on voit que l’eau, même dans l’état de glace, contient encore beaucoup de calorique, et que l’oxygène en conserve une quantité très-considérable en passant dans cette combinaison. De ces diverses tentatives on peut résumer les résultats qui suivent : COMBUSTION DU PHOSPHORE. Quantité de phosphore brûlé : 1 livre. Quantité de gaz oxygène nécessaire pour la combustion : 1 livre 8 onces. Quantité d’acide phosphorique obtenu : 2 livres 8 onces. Quantité de calorique dégagé par la combustion d’une livre de phosphore, exprimée par la quantité de livres de glace qu’il peut fondre : 100,00000 Quantité de calorique dégagé de chaque livre de gaz oxygène dans la combustion du phosphore. : 66,66667 Quantité de calorique qui se dégage dans la formation d’une livre d’acide phosphorique : 40,00000 Quantité de calorique resté dans chaque livre d’acide phosphorique : 0,00000 On suppose ici que l’acide phosphorique ne conserve aucune portion de calorique, ce qui n’est pas rigoureusement vrai ; mais la quantité, comme on l’a déjà observé plus haut, en est probablement très-petite, et on ne la suppose nulle que faute de la pouvoir évaluer.


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COMBUSTION DU CHARBON. Quantité de charbon brûlé. : 1livre. Quantité de gaz oxygène absorbé pendant la combustion : 2 livres 9 onces 1 gros 10 grains. Quantité d’acide carbonique formé : 3 livres 9 onces 1 gros 10 grains Quantité de calorique dégagé par la combustion d’une livre de charbon, exprimée par la quantité de livres de glace qu’il peut fondre : 96,50000 Quantité de calorique dégagé de chaque livre de gaz oxygène : 37,52823 Quantité de calorique qui se dégage dans la formation d’une livre de gaz acide carbonique : 27,02024 Quantité de calorique que conserve une livre d’oxygène dans cette combustion : 29,13844 Quantité de calorique nécessaire pour porter une livre d’acide carbonique à l’état de gaz : 20,97960

COMBUSTION DU GAZ HYDROGÈNE.

Quantité de gaz hydrogène brûlé : 1 livre Quantité de gaz oxygène employé pour la combustion : 5 livres 10 onces 5 gros 24 grains Quantité d’eau formée : 6 livres 10 onces 5 gros 24 grains Quantité de calorique dégagé par la combustion d’une livre de gaz hydrogène : 295,58950 Quantité de calorique dégagé par chaque livre de gaz oxygène : 52,16280 Quantité de calorique qui se dégage pendant la formation d’une livre d’eau : 44,33840 Quantité de calorique que conserve une livre d’oxygène dans sa combustion avec l’hydrogène : 14,50386 Quantité de calorique que conserve une livre d’eau à zéro : 12,32823 DE LA FORMATION DE L’ACIDE NITRIQUE. Lorsque l’on combine du gaz nitreux avec du gaz oxygène pour former de l’acide nitrique ou nitreux, il y a une légère chaleur produite ; mais elle beaucoup moindre que celle qui a lieu dans les autres combinaisons de l’oxygène ; d’où il résulte, par une conséquence né- [nécessaire]


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cessaire, que le gaz oxygène, en se fixant dans l’acide nitrique, retient une grande partie du calorique qui lui était combiné dans l’état de gaz. Il n’est point impossible sans doute de déterminer la quantité de calorique qui se dégage pendant la réunion des deux gaz, et on en conclurait facilement ensuite celle qui demeure engagée dans la combinaison. On parviendrait à obtenir la première de ces données en opérant la combinaison du gaz nitreux et du gaz oxygène dans un appareil environné de glace ; mais, comme il se dégage peu de calorique dans cette combinaison, on ne pourrait réussir à en déterminer la quantité qu’autant qu’on opérerait très en grand avec des appareils embarrassants et compliqués ; et c’est ce qui nous a empêché jusqu’ici, M. de Laplace et moi, de la tenter. En attendant, on peut déjà y suppléer par des calculs qui ne peuvent pas s’écarter beaucoup de la vérité. Nous avons fait détoner, M. de Laplace et moi, dans un appareil à glace une proportion convenable de salpêtre et de charbon, et nous avons observé qu’une livre de salpêtre pouvait, e détonant ainsi, fondre 12 livres de glace. Mais une livre de salpêtre, comme on le verra dans la suite, contient : Potasse : 7 onces 6 gros 51,84 grains= 4515,84 grains Acide sec : 8 onces 1 gros 20,16 grains = 4700,1 6grains Et les 8 onces 1 gros 20 grains 16 d’acide sont eux-mêmes composés de : Oxygène : 6 onces 3 gros 66,34 grains = 3738,34 grains Mofette : 1 once 5 gros 25,82 grains = 96 1,82 grains On a donc réellement brûlé, dans cette opération, 2 gros 1 grain 1/3 de charbon, à l’aide de 3738 grains, 34, ou 6 onces 3 gros 66 grains, 34 d’oxygène ; et puisque la quantité de glace fondue dans cette combustion a


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été de 12 livres, il en résulte qu’une livre de gaz oxygène, brûlé de la même manière, fondrait : 29,58320 A quoi ajoutant, pour la quantité de calorique que conserve une livre d’oxygène dans sa combinaison avec le charbon, pour constituer l’acide carbonique dans l’état de gaz, et qui est, comme on l’a vu plus haut, de : 29,13844 On a, pour la quantité totale de calorique que contient une livre d’oxygène, lorsqu’il est combiné dans l’acide nitrique : 58,72164 On a vu, par le résultat de la combustion du phosphore, que, dans l’état de gaz oxygène, il en contenait au moins : 66,66667 Donc, en se combinant avec l’azote pour former de l’acide nitrique, il n’en perd que : 7,94502 Des expériences ultérieures apprendront si ce résultat, déduit par le calcul, s’accorde avec des opérations plus directes. Cette énorme quantité de calorique que l’oxygène porte avec lui dans l’acide nitrique explique pourquoi, dans toutes les détonations du nitre, ou, pour mieux dire, dans toutes les occasions où l’acide nitrique se décompose, il y a un si grand dégagement de calorique. COMBUSTION DE LA BOUGIE. Après avoir examiné quelques cas de combustions simples, je vais donner des exemples de combustions plus composées ; je commence par la cire. Une livre de cette substance, en brûlant paisiblement dans l’appareil à glace destin à mesurer les quantités de calorique, fond 133 livres 2 onces 5 gros 1/3 de glace. Or une livre de bougie, suivant les expériences que j ’ai rapportées, Mémoires de l’Académie, année 1784, p.606, contient : Charbon : 13 onces 1 gros 23 grains Hydrogène : 2 onces 6 gros 49 grains


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Les 13 onces 1 gros 23 grains de charbon, d’après les expériences ci-dessus rapportées, doivent fondre : 79,39390 Les 2 onces 6 gros 49 grains d’hydrogène devaient fondre : 52,37605 Total : 131,76995 On voit par ces résultats que la quantité de calorique qui se dégage de la bougie qui brûle est assez exactement égale à celle qu'on obtiendrait en brûlant séparément un poids de charbon et d'hydrogène égal à celui qui entre dans sa combinaison. Les expériences sur la combustion de la bougie ayant été répétées plusieurs fois, j'ai lieu de présumer qu'elles sont exactes. COMBUSTION DE L'HUILE D'OLIVES. Nous avons enfermé dans l'appareil ordinaire une lampe qui contenait une quantité d'huile d'olives bien connue ; et, l'expérience finie, nous avons déterminé exactement le poids de l'huile qui avait été consommée et celui de la glace qui avait été fondue ; le résultat a été qu'une livre d'huile d'olives, en brûlant, pouvait fondre 148 livres 14 onces 1 gros de glace. Mais une livre d’huile d’olives, d’après les expériences que j ’ai rapportées, Mémoires de l’Académie, année 1784, et dont on trouvera un extrait dans le chapitre suivant, contient : Charbon : 12 onces 5 gros 5 grains. Hydrogène : 3 onces 2 gros 67 grains La combustion de 12 onces 5 gros 5 grains de charbon ne fondre que 76,18723 livres de glace. Et celle de 3 onces 2 gros 67 grains d’hydrogène 62,15053 livres de glace. Total : 138,33776 livres de glace. Il s’est fondu : 148,88330 livres de glace. Le dégagement de calorique a donc été plus considérable qu’il ne devait l’être d’une quantité équivalente à : 10,54554 livres de glace.


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Cette différence, qui n'est pas au surplus très-considérable, peut tenir ou à des erreurs inévitables dans les expériences de ce genre, ou à ce que la composition de l'huile n'est pas encore assez rigoureusement connue. Mais il en résulte touj ours qu'il y a déjà beaucoup d'ensemble et d'accord dans la marche des expériences relatives à la combinaison et au dégagement du calorique. Ce qui reste à faire dans ce moment, et dont nous sommes occupés, est de déterminer ce que l'oxygène conserve de calorique dans sa combinaison avec les métaux pour les convertir en oxydes ; ce que l'hydrogène en contient dans les différents états dans lesquels il peut exister ; enfin, de connaître d'une manière plus exacte la quantité de calorique qui se dégage dans la formation de l'eau. Il nous reste, sur cette détermination, une incertitude assez grande, qu'il est nécessaire de lever par de nouvelles expériences. Ces différents points bien connus, et nous espérons qu'ils le seront bientôt, nous nous trouverons vraisemblablement obligés de faire des corrections, peut-être même assez considérables, à la plupart des résultats que je viens d'exposer ; mais je n'ai pas cru que ce fût une raison de différer d'en aider ceux qui pourront se proposer de travailler sur le même objet. Il est difficile, quand on cherche les éléments d'une science nouvelle, de ne pas commencer par des à peu près, et il est rare qu'il soit possible de la porter, dès le premier jet, à son état de perfection.


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CHAPITRE X. DE LA COMBINAISON DES SUBSTANCES COMBUSTIBLES LES UNES AVEC LES AUTRES.

Les substances combustibles étant en général celles qui ont une grande appétence pour l'oxygène, il en résulte qu'elles doivent avoir de l'affinité entre elles, qu'elles doivent tendre à se combiner les unes avec les autres, quae sunt eadem uni tertio sunt eadem inter se ; et c'est ce qu'on observe en effet. Presque tous les métaux, par exemple, sont susceptibles de se combiner les uns avec les autres, et il en résulte un ordre de composés qu'on nomme alliage dans les usages de la société. Rien ne s'oppose à ce que nous adoptions cette expression : ainsi nous dirons que la plupart des métaux s'allient les uns avec les autres ; que les alliages, comme toutes les combinaisons, sont susceptibles d'un ou de plusieurs degrés de saturation ; que les substances métalliques, dans cet état, sont en général plus cassantes que les métaux purs, surtout lorsque les métaux alliés diffèrent beaucoup par leur degré de fusibilité ; enfin, nous ajouterons que c'est à cette différence des degrés de fusibilité des métaux que sont dus une partie des phénomènes particuliers que présentent les alliages, tels, par exemple, que la propriété qu'ont quelques espèces de fer d'être cassants à chaud. Ces fers doivent être considérés comme un alliage de fer pur, métal presque infusible, avec une petite quantité d'un autre métal, quel qu'il soit, qui se liquéfie à une chaleur beaucoup plus douce. Tant qu'un alliage de cette espèce est froid, et que les deux métaux sont dans l'état solide, il peut être malléable ; mais, si on le chauffe à un degré suffisant pour liquéfier, celui des deux métaux qui est le plus fusible, les parties liquides interposées entre les solides doivent rompre la solution de continuité, et le fer doit devenir cassant.


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A l'égard des alliages de mercure avec les métaux, ou a coutume de les désigner sous le nom d'amalgame, et nous n'avons vu aucun inconvénient à leur conserver cette dénomination. Le soufre, le phosphore, le charbon, sont également susceptibles de se combiner avec les métaux : les combinaisons du soufre ont été en général désignées sous le nom de pyrites ; les autres n'ont point été nommées, ou, du moins, elles ont reçu des dénominations si modernes, que rien ne s'oppose à ce qu'elles soient changées. Nous avons donné aux premières de ces combinaisons le nom de sulfures, aux secondes celui de phosphures, enfin aux troisièmes celui de carbures. Ainsi le soufre, le phosphore, le charbon, oxygénés, forment des oxydes ou des acides ; mais, lorsqu'ils entrent dans des combinaisons sans s'être auparavant oxygénés, ils forment des sulfures, des phosphures et des carbures. Nous étendrons même ces dénominations aux combinaisons alcalines : ainsi nous désignerons sous le nom de sulfure de potasse la combinaison du soufre avec la potasse ou alcali fixe végétal, et sous le nom de sulfure d'ammoniaque la combinaison du soufre avec l'alcali volatil ou ammoniaque. L'hydrogène, cette substance éminemment combustible, est aussi susceptible de se combiner avec un grand nombre de substances combustibles. Dans l'état de gaz, il dissout le carbone, le soufre, le phosphore et plusieurs métaux. Nous désignerons ces combinaisons sous le nom de gaz hydrogène carboné, de gaz hydrogène sulfuré, de gaz hydrogène phosphoré. Le second de ces gaz, le gaz hydrogène sulfuré, est celui que les chimistes ont désigné sous le nom de gaz hépatique, et que M. Schéele a nommé gaz puant du soufre ; c'est à lui que quelques eaux minérales doivent leurs vertus ; c'est aussi à son émanation que les déjections animales doivent principalement leur odeur infecte. A l'égard du gaz hydrogène phosphoré, il est remarquable par la propriété qu'il a de s'enflammer spontanément lorsqu'il a le contact de l'air ou mieux encore celui du gaz oxygène, comme l'a découvert M. Gengembre. Ce gaz a l'odeur du poisson pourri, et il est probable


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qu'il s'exhale en effet un véritable gaz hydrogène phosphoré de la chair des poissons par la putréfaction. Lorsque l'hydrogène et le carbone s'unissent ensemble sans que l'hydrogène ait été porté à l'état de gaz par le calorique, il en résulte une combinaison particulière, connue sous le nom d'huile, et cette huile est ou fixe ou volatile, suivant les proportions de l'hydrogène et du carbone. Il ne sera pas inutile d'observer ici qu'un des principaux caractères qui distingue les huiles fixes retirées des végétaux par expression d'avec les huiles volatiles ou essentielles, c'est que les premières contiennent un excès de carbone qui s'en sépare lorsqu'on les échauffe au delà du degré de l'eau bouillante ; les huiles volatiles, au contraire, étant formées d'une plus juste proportion de carbone et d'hydrogène, ne sont point susceptibles d'être décomposées à un degré de chaleur supérieur à l'eau bouillante ; les deux principes qui les constituent demeurent unis ; ils se combinent avec le calorique pour former nu gaz, et c'est dans cet état que les huiles passent dans la distillation. J'ai donné la preuve que les huiles étaient ainsi composées d'hydrogène et de carbone dans un mémoire sur la combinaison de l'esprit-de-vin et des huiles avec l'oxygène, imprimé dans le Recueil de l'Académie, année 1784, p.593. On y verra que les huiles fixes, en brûlant. dans le gaz oxygène, se convertissent en eau et en acide carbonique, et qu'en appliquant le calcul à l'expérience elles sont composées de 21 parties d'hydrogène et de 79 parties de carbone. Peut-être les substances huileuses solides, telles que la cire, contiennent-elles en outre un peu d'oxygène, auquel elles doivent leur état solide. Je suis au surplus occupé, dans ce moment, d'expériences qui donneront un grand développement à toute cette théorie. C'est une question bien digne d'être examinée, de savoir si l'hydrogène est susceptible de se combiner avec le soufre, le phosphore, et même avec les métaux dans l'état concret. Rien n'indique sans doute a priori que ces combinaisons soient impossibles ; car, puisque les corps combustibles sont, en général, susceptibles de se combiner les uns avec


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les autres, on ne voit pas pourquoi l'hydrogène ferait exception. Mais, en même temps, aucune expérience directe ne prouve encore ni la possibilité ni l'impossibilité de cette union. Le fer et le zinc sont, de tous les métaux, ceux dans lesquels on serait le plus en droit de soupçonner une combinaison d'hydrogène, mais, en même temps, ces métaux ont la propriété de décomposer l'eau ; et, comme, dans les expériences chimiques, il est difficile de se débarrasser des derniers vestiges d'humidité, il n'est pas facile de s'assurer si les petites portions de gaz hydrogène qu'on obtient, dans quelques expériences sur ces métaux, leur étaient combinées, ou bien si elles proviennent de la décomposition de quelques molécules d'eau. Ce qu'il y a de certain, c'est que, plus on prend soin d'écarter l'eau de ce genre d'expériences, plus la quantité de gaz hydrogène diminue, et qu'avec de très-grandes précautions on parvient à n'en avoir que des quantités presque insensibles. Quoi qu'il en soit, que les corps combustibles, notamment le soufre, le phosphore et les métaux, soient susceptibles ou non d'absorber de l'hydrogène, on peut assurer au moins qu'il ne s'y combine qu'en très-petite quantité, et que cette combinaison, loin d'être essentielle à leur constitution, ne peut être regardée que comme une addition étrangère qui en altère la pureté. C'est au surplus à ceux qui ont embrassé ce système à prouver, par des expériences décisives, l'existence de cet hydrogène, et, jusqu'à présent, ils n'ont donné que des conjectures appuyées sur des suppositions.


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CHAPITRE XI. CONSIDÉRATIONS SUR LES OXYDES ET LES ACIDES À PLUSIEURS BASES, ET SUR LA COMPOSITION DES MATIÈRES VÉGÉTALES ET ANIMALES.

Nous avons examiné dans le chapitre V et dans le chapitre VIII quel était le résultat de la combustion et de l'oxygénation des quatre substances combustibles simples : le phosphore, le soufre, le carbone et l'hydrogène ; nous avons fait voir, dans le chapitre X, que les substances combustibles simples étaient susceptibles de se combiner les unes avec les autres pour former des corps combustibles composés, et nous avons observé que les huiles en général, principalement les huiles fixes des végétaux, appartenaient à cette classe, et qu'elles étaient toutes composées d'hydrogène et de carbone. Il me reste à traiter, dans ce chapitre, de l'oxygénation des corps combustibles composés, à faire voir qu'il existe des acides et des oxydes à base double et triple, que la nature nous en fournit à chaque pas des exemples, et que c'est principalement par ce genre de combinaison qu'elle est parvenue à former avec un aussi petit nombre d'éléments ou de corps simples, une aussi grande variété de résultats. On avait très-anciennement remarqué qu'en mêlant ensemble de l'acide muriatique et de l'acide nitrique il en résultait un acide mixte, qui avait des propriétés fort différentes de celles des deux acides dont il était composé. Cet acide a été célèbre par la propriété qu'il a de dissoudre l'or, le roi des métaux dans le langage alchimique, et c'est de là que lui a été donnée la qualification brillante d'eau régale. Cet acide mixte, comme l'a très-bien prouvé M. Berthollet, a des propriétés particulières dépendantes de l'action combinée de ses deux bases acidifiables, et nous avons cru, par cette raison, devoir lui conserver un nom particulier. Celui d 'acide nitro-muriatique nous a paru le plus con- [convenable]


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venable, parce qu'il exprime la nature des deux substances qui entrent dans sa composition. Mais ce phénomène, qui n'a été observé que pour l'acide nitro-muriatique, se présente continuellement dans le règne végétal : il est infiniment rare d'y trouver un acide simple, c'est-à-dire qui ne soit composé que d'une seule base acidifiable. Tous les acides de ce règne ont pour base l'hydrogène et le carbone, quelquefois l'hydrogène, le carbone et le phosphore, le tout combiné avec une proportion plus ou moins considérable d'oxygène. Le règne végétal a également des oxydes qui sont formés des mêmes bases doubles et triples, mais moins oxygénées. Les acides et oxydes du règne animal sont encore plus composés : il entre dans la combinaison de la plupart quatre bases acidifiables : l'hydrogène, le carbone, le phosphore et l'azote. Je ne m'étendrai pas beaucoup ici sur cette matière, sur laquelle il n'y a pas longtemps que je me suis formé des idées claires et méthodiques ; je la traiterai plus à fond dans des mémoires que je prépare pour l'Académie. La plus grande partie de mes expériences sont faites, mais il est nécessaire que je les répète et que je les multiplie davantage, afin de pouvoir donner des résultats exacts pour les quantités. Je me contenterai, en conséquence, de faire une courte énumération des oxydes et acides végétaux et animaux, et de terminer cet article par quelques réflexions sur la constitution végétale et animale. Les oxydes végétaux à deux bases sont le sucre, les différentes espèces de gomme, que nous avons réunies sous le nom générique de muqueux, et l'amidon. Ces trois substances ont pour radical l'hydrogène et le carbone combinés ensemble, de manière à ne former qu'une seule base, et portés à l'état d'oxyde par une portion d'oxygène ; ils ne diffèrent que par la proportion des principes qui composent la base. On peut, de l'état d'oxyde, les faire passer à celui d'acide en leur combinant une nouvelle quantité d'oxygène, et on forme ainsi, suivant le degré d'oxygénation et la proportion de l'hydrogène et du carbone, les différents acides végétaux.


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Il ne s'agirait plus, pour appliquer à la nomenclature des acides et des oxydes végétaux les principes que nous avons précédemment établis pour les oxydes et les acides minéraux, que de leur donner des noms relatifs à la nature des deux substances qui composent leur base. Les oxydes et les acides végétaux seraient alors des oxydes et des acides hydro-carboneux ; bien plus, on aurait encore, dans cette méthode, l'avantage de pouvoir indiquer sans périphrases quel est le principe qui est en excès, comme M. Rouelle l'avait imaginé pour les extraits végétaux ; il appelait extracto-résineux celui où l'extrait dominait, et résino-extractif celui qui participait davantage de la résine. En partant des mêmes principes, et en variant les terminaisons pour donner encore plus d'étendue à ce langage, on aurait, pour désigner les acides et les oxydes végétaux, les dénominations suivantes : Oxyde hydro-carboneux. Oxyde hydro-carbonique. Oxyde carbone-hydreux. Oxyde carbone-hydrique. Acide hydro-carboneux. Acide hydro-carbonique. Acide hydro-carbonique oxygéné. Acide carbone-hydreux. Acide carbone-hydrique. Acide carbone-hydrique oxygéné. Il est probable que cette variété de langage sera suffisante pour indiquer toutes les variétés que nous présente la nature, et qu'à mesure que les acides végétaux seront bien connus ils se rangeront naturellement, et pour ainsi dire d'eux-mêmes, dans le cadre que nous venons de présenter. Mais il s'en faut bien que nous soyons encore en état de pouvoir faire une classification méthodique de ces substances ; nous savons quels sont les principes qui les composent, et il ne me


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reste plus aucun doute à cet égard ; mais les proportions sont encore inconnues. Ce sont ces considérations qui nous ont déterminés à conserver provisoirement les noms anciens ; et maintenant encore que je suis un peu plus avancé dans cette carrière que je ne l'étais à l'époque où notre essai de nomenclature a paru, je me reprocherais de tirer des conséquences trop décidées d'expériences qui ne sont pas encore assez précises ; mais, en convenant que cette partie de la chimie reste en souffrance, je puis y ajouter l'espérance qu'elle sera bientôt éclaircie. Je me trouve encore plus impérieusement forcé de prendre le même parti à l'égard des oxydes et des acides à trois et quatre bases, dont le règne animal présente un grand nombre d'exemples, et qui se rencontrent même quelquefois dans le règne végétal. L'azote, par exemple, entre dans la composition de l'acide prussique, il s'y trouve joint a l'hydrogène et au carbone pour former une base triple ; il entre également, à ce qu'on peut croire, dans l'acide gallique. Enfin, presque tous les acides animaux ont pour base l'azote, le phosphore, l'hydrogène et le carbone. Une nomenclature qui entreprendrait d'exprimer à la fois ces quatre bases serait méthodique sans doute, elle aurait l'avantage d'exprimer des idées claires et déterminées ; mais cette cumulation de substantifs et d'adjectifs grecs et latins, dont les chimistes mêmes n'ont point encore admis généralement l'usage, semblerait présenter un langage barbare, également difficile à retenir et à prononcer. La perfection, d'ailleurs, de la science doit précéder celle du langage, et il s'en faut bien que cette partie de la chimie soit encore parvenue au point auquel elle doit arriver un jour. Il est donc indispensable de conserver, au moins pour un temps, les noms anciens pour les acides et oxydes animaux. Nous nous sommes seulement permis d'y faire quelques légères modifications : par exemple, de terminer en eux la dénomination de ceux dans lesquels nous soupçonnons que le principe acidifiable est en excès, et de terminer au contraire en ique le nom de ceux dans lesquels nous avons lieu de croire que l'oxygène est prédominant.


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Les acides végétaux qu'on connaît jusqu'à présent sont au nombre de treize ; savoir : L'acide acéteux. L'acide acétique. L'acide oxal ique. L'acide tartareux. L'acide pyro-tartareux. L'acide citrique. L'acide malique. L'acide pyro-muqueux. L'acide pyro-ligneux. L'acide gallique. L'acide benzoïque. L'acide camphorique. L'acide succinique. Quoique tous ces acides soient, comme je l'ai dit, principalement et presque uniquement composés d'hydrogène, de carbone et d'oxygène, ils ne contiennent cependant, à proprement parler, ni eau, ni acide carbonique, ni huile, mais seulement les principes propres à les former. La force d'attraction qu'exercent réciproquement l'hydrogène, le carbone et l'oxygène, est, dans ces acides, dans un état d'équilibre qui ne peut exister qu'à la température dans laquelle nous vivons : pour peu qu'on les échauffe au delà du degré de l'eau bouillante, l'équilibre est rompu ; l'oxygène et l'hydrogène se réunissent pour former de l'eau ; une portion de carbone s'unit à l'hydrogène pour produire de l'huile ; il se forme aussi de l'acide carbonique par la combinaison du carbone et de l'oxygène ; enfin il se trouve presque touj ours une quantité excédante de charbon qui reste libre. C'est ce que je me propose de développer un peu davantage dans le chapitre suivant. Les oxydes du règne animal sont encore moins connus que ceux du règne végétal, et leur nombre même est encore indéterminé. La partie rouge du sang, la lymphe, presque toutes les sécrétions, sont de véritables oxydes, et c'est sous ce point de vue qu'il est important de les étudier.


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Quant aux acides animaux, le nombre de ceux qui sont connus se borne actuellement à six ; encore est-il probable que plusieurs de ces acides rentrent les uns dans les autres, ou au moins ne diffèrent que d'une manière peu sensible. Ces acides sont : L'acide lactique. L'acide saccho-lactique. L'acide bombique. L'acide formique. L'acide sébacique. L'acide prussique. Je ne place pas l'acide

phosphorique au rang des acides animaux, parce qu'il appartient également aux trois règnes. La connexion des principes qui constituent les acides et les oxydes animaux n'est pas plus solide que celle des acides et des oxydes végétaux ; un très-léger changement dans la température suffit pour la troubler, et c'est ce que j'espère rendre plus sensible par les observations que je vais rapporter dans le chapitre suivant.


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CHAPITRE XII. DE LA DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES VÉGÉTALES ET ANIMALES PAR L'ACTION DU FEU.

Pour bien concevoir ce qui se passe dans la décomposition des substances végétales par le feu, il faut non-seulement considérer la nature des principes qui entrent dans leur composition, mais encore les différentes forces d'attraction que les molécules de ces principes exercent les unes sur les autres, et en même temps celle que le calorique exerce sur eux. Les principes vraiment constitutifs des végétaux se réduisent à trois, comme je viens de l'exposer dans le chapitre précédent : l'hydrogène, l'oxygène et le carbone. Je les appelle constitutifs, parce qu'ils sont communs à tous les végétaux, qu'il ne peut exister de végétaux sans eux, à la différence des autres substances, qui ne sont essentielles qu'à la constitution de tel végétal en particulier, mais non pas de tous les végétaux en général. De ces trois principes, deux, l'hydrogène et l'oxygène, ont une grande tendance à s'unir au calorique et à se convertir en gaz ; tandis que le carbone, au contraire, est un principe fixe, et qui a très-peu d'affinité avec le calorique. D'un autre côté, l'oxygène, qui tend avec un degré de force à peu près égal à s'unir, soit avec l'hydrogène, soit avec le carbone, à la température habituelle dans laquelle nous vivons, a, au contraire, plus d'affinité avec le carbone à une chaleur rouge ; l'oxygène quitte en conséquence, à ce degré, l'hydrogène, et s'unit au carbone, pour former de l'acide carbonique. Je me servirai quelquefois de cette expression chaleur rouge, quoiqu'elle n'exprime pas un degré de chaleur bien déterminé, mais beaucoup supérieure cependant à celle de l'eau bouillante.


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Quoique nous soyons bien éloignés de connaître la valeur de toutes ces forces, et, de pouvoir en exprimer l'énergie par des nombres, ait moins sommes-nous certains, par ce qui se passe journellement sous nos yeux, que, quelque variables qu'elles soient en raison du degré de température, ou, ce qui est la meule chose, en raison de la quantité de calorique avec ; lequel elles sont combinées, elles sont toutes à peu près en équilibre à la température dans laquelle nous vivons ; ainsi les végétaux ne contiennent ni huile, ni eau, ni acide carbonique (1), mais ils contiennent les éléments de toutes ces substances. L'hydrogène n'est point combiné, ni avec l'oxygène, ni avec le carbone, et réciproquement ; mais les molécules de ces trois substances forment une combinaison triple, d'où résultent le repos et l'équilibre. Un changement très-léger dans la température suffit pour renverser tout cet échafaudage de combinaisons, s'il est permis de se servir de cette expression. Si la température à laquelle le végétal est exposé n’excède pas beaucoup celle de l'eau bouillante, l'hydrogène et l'oxygène se réunissent, et forment de l'eau qui passe dans la distillation ; une portion d'hydrogène et de carbone s'unissent ensemble pour former de l'huile volatile, une autre portion de carbone devient libre, et, comme le principe le plus fixe, il reste dans la cornue. Mais si, au lieu d'une chaleur voisine de l'eau bouillante, on applique à une substance végétale une chaleur rouge, alors ce n'est plus de l'eau qui se forme, ou plutôt même celle qui pouvait s'être formée par la première impression de la chaleur se décompose ; l’oxygène s'unit au carbone, avec lequel il a plus d'affinité à ce degré, il se forme de l'acide carbonique, et l'hydrogène devenu libre s'échappe sous la forme de gaz, en s'unis- [unissant]

(1) On conçoit que je suppose ici des végétaux réduits à l’état de dessiccation parfaite, et qu’à l’égard de l’huile je n’entends pas parler des végétaux qui en fournissent, soit par expression à froid, soit par une chaleur qui n’excède pas celle de l’eau bouillante.

Il n’est ici question que de l’huile empyreumatique qu’on obtient par la distillation à feu nu, à un degré de feu supérieur à l’eau bouillante. C’est cette huile seule que j ’annonce être un produit de l’opération. On peut voir ce que j ’ai publié, à cet égard, dans le volume de l’Académie, année 1786.


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sant au calorique. Non-seulement, à ce degré, il ne se forme point d'huile, mais, s'il s'en était formé, elle serait décomposée. On voit donc que la décomposition des matières végétales se fait à ce degré, en vertu d'un jeu d'affinités doubles et triples, et que, tandis que le carbone attire l'oxygène pour former de l'acide carbonique, le calorique attire l'hydrogène pour former du gaz hydrogène. Il n'est point de substance végétale dont la distillation ne fournisse la preuve de cette théorie, si toutefois on peut appeler de ce nom un simple énoncé des faits. Qu'on distille du sucre ; tant qu'on ne lui fera éprouver qu'une chaleur inférieure à celle de l'eau bouillante, il ne perdra qu'un peu d'eau de cristallisation, il sera toujours du sucre, et il en conservera toutes les propriétés ; mais, sitôt qu'on l'expose à une chaleur tant soit peu supérieure à celle de l'eau bouillante, il noircit ; une portion de carbone se sépare de la combinaison, en même temps il passe de l'eau légèrement acide et un peu d'huile ; le charbon qui reste dans la cornue forme près d'un tiers du poids originaire. Le jeu des affinités est encore plus compliqué dans les plantes qui contiennent de l'azote, comme les crucifères, et dans celles qui contiennent du phosphore ; mais, comme ces substances n'entrent qu'en petite quantité dans leur combinaison, elles n'apportent pas de grands changements, au moins en apparence, dans les phénomènes de la distillation ; il paraît que le phosphore demeure combiné, avec le charbon, qui lui communique de la fixité. Quant à l'azote, il s'unit à l'hydrogène pour former de l'ammoniaque ou alcali volatil. Quant à l’azote, il s’unit à l’hydrogène pour former de l’ammoniaque ou alcali volatil. Les matières animales étant composées à peu près des mêmes principes que les plantes crucifères, leur distillation donne le même résultat ; mais, comme elles contiennent plus d'hydrogène et plus d'azote, elles fournissent plus d'huile et plus d'ammoniaque. Pour faire connaître avec quelle ponctualité cette théorie rend compte de tous les phénomènes qui ont lieu dans la distillation des matières animales, je ne citerai qu'un fait : c'est la rectification et la décomposition totale des huiles volatiles animales, appelées vulgairement huiles de Dippel. Ces huiles, lorsqu'on les obtient par une première distillation à feu nu,


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sont brunes parce qu'elles contiennent un peu de charbon presque libre, mais elles deviennent blanches par la rectification. Le carbone tient si peu à ces combinaisons, qu'il s'en sépare par leur simple exposition à l'air. Si on place une huile volatile animale bien rectifiée, et par conséquent blanche, limpide et transparente, sous une cloche remplie de gaz oxygène, en peu de temps le volume du gaz diminue et il est absorbé par l'huile. L'oxygène se combine avec l'hydrogène de l'huile pour former de l'eau, qui tombe au fond ; en même temps la portion de charbon qui était combinée avec l'hydrogène devient libre et se manifeste par sa couleur noire. C'est par cette raison que ces huiles ne se conservent blanches et claires qu'autant qu'on les enferme dans des flacons bien bouchés, et qu'elles noircissent dès qu'elles ont le contact de l'air. Les rectifications successives de ces mêmes huiles présentent un autre phénomène confirmatif de cette théorie. A chaque fois qu'on les distille, il reste un peu de charbon au fond de la cornue ; en même temps il se forme un peu d'eau par la combinaison de l'oxygène de l'air des vaisseaux avec l'hydrogène de l'huile. Comme ce même phénomène a lieu à chaque distillation de la même huile, il en résulte qu'au bout d'un grand nombre de rectifications successives, surtout si on opère à un degré de feu un peu fort, et dans des vaisseaux d'une capacité un peu grande, la totalité de l'huile se trouve décomposée, et l'on parvient à la convertir entièrement en eau et en charbon. Cette décomposition totale de l'huile, par des rectifications répétées, est beaucoup plus longue et beaucoup plus difficile, quand on opère avec des vaisseaux d'une petite capacité, et surtout à un degré de feu lent et peu supérieur à celui de l'eau bouillante. Je rendrai compte à l'Académie, dans un mémoire particulier, du détail de mes expériences sur cette décomposition des huiles ; mais ce que j'ai dit me paraît suffire pour donner des idées précises de la constitution des matières végétales et animales, et de leur décomposition par le feu.


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CHAPITRE XIII. DE LA DÉCOMPOSITION DES OXYDES VÉGÉTAUX PAR LA FERMENTATION VINEUSE.

Tout le monde sait comment se font le vin, le cidre, l'hydromel, et en général toutes les boissons fermentées spiritueuses. On exprime le jus des raisins et des pommes, on étend d'eau ce dernier ; on met la liqueur dans de grandes cuves, et on la tient dans un lieu dont la température soit au moins de 10 degrés du thermomètre de Réaumur. Bientôt il s'y excite un mouvement rapide de fermentation, des bulles d'air nombreuses viennent crever à la surface, et, quand la fermentation est à son plus haut période, la quantité de ces bulles est si grande, la quantité de gaz qui se dégage est si considérable, qu'on croirait que la liqueur est sur un brasier ardent qui y excite une violente ébullition. Le gaz qui se dégage est de l'acide carbonique, et, quand on le recueille avec soin, il est parfaitement pur et exempt du mélange de toute autre espèce d'air ou de gaz. Le suc des raisins, de doux et de sucré qu'il était, se change, dans cette opération, en une liqueur vineuse, qui, lorsque la fermentation est complète, ne contient plus de sucre, et dont on peut retirer par distillation une liqueur inflammable, qui est connue dans le commerce et dans les arts sous le nom d'esprit-de-vin. On sent que, cette liqueur étant un résultat de la fermentation d'une matière sucrée quelconque suffisamment étendue d'eau, il aurait été contre les principes de notre nomenclature de la nommer plutôt esprit-de-vin qu'esprit de cidre, ou esprit de sucre fermenté. Nous avons donc été forcés d'adopter un nom plus général, et celui d'alcool, qui nous vient des Arabes, nous a paru propre à remplir notre objet. Cette opération est une des plus frappantes et des plus extraordinaires de toutes celles que la chimie nous présente, et nous avons à


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examiner d'où vient le gaz acide carbonique qui se dégage, d'où vient l'esprit inflammable qui se forme, et comment un corps doux, un oxyde végétal, peut se transformer ainsi en deux substances si différentes, dont l'une est combustible, l'autre éminemment incombustible. On voit que, pour arriver à la solution de ces deux questions, il fallait d'abord bien connaître l'analyse et la nature du corps susceptible de fermenter, et les produits de la fermentation ; car rien ne se crée, ni dans les opérations de l'art, ni dans celles de la nature, et l'on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l'opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu'il n'y a que des changements, des modifications. C'est sur ce principe qu'est fondé tout l'art de faire des expériences en chimie : on est obligé de supposer dans toutes une véritable égalité ou équation entre les principes du corps qu'on examine et ceux qu'on en retire par l'analyse. Ainsi, puisque du moût de raisin donne du gaz acide carbonique et de l'alcool, je puis dire que le moût de raisin  acide carbonique + alcool. Il résulte de là qu'on peut parvenir de deux manières à éclaircir ce qui se passe dans la fermentation vineuse : la première, en déterminant bien la nature et les principes du corps fermentescible ; la seconde, en observant bien les produits qui en résultent par la fermentation, et il est évident que les connaissances que l'on peut acquérir sur l'un conduisent à des conséquences certaines sur la nature des autres, et réciproquement. Il était important, d'après cela, que je m'attachasse à bien connaître les principes constituants du corps fermentescible. On conçoit que, pour y parvenir, je n'ai pas été chercher les sucs de fruits très-composés, et dont une analyse rigoureuse serait peut- être impossible. J'ai choisi, de tous les corps susceptibles de fermenter, le plus simple, le sucre, dont l'analyse est facile, et dont j'ai déjà précédemment fait connaître la nature. On se rappelle que cette substance est un véritable oxyde végétal, un oxyde à deux bases ; qu'il est composé d'hydrogène et de carbone porté à l'état d'oxyde par une certaine proportion d'oxygène, et que ces trois principes sont dans un état d'équilibre qu'une force très-légère


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suffit pour rompre. Une longue suite d'expériences faites par différentes voies, et que j'ai répétées bien des fois, m'a appris que les proportions des principes qui entrent dans la composition du sucre sont à peu près les suivantes : Hydrogène : 8 parties. Oxygène : 64 parties Carbone : 28 parties Total : 100 parties. Pour faire fermenter le sucre, il faut d'abord l'étendre d’environ quatre parties d'eau. Mais de l'eau et du sucre mêlés ensemble, dans quelque proportion que ce soit, ne fermenteraient jamais seuls, et l'équilibre subsisterait touj ours entre les principes de cette combinaison, si on ne les rompait par un moyen quelconque. Un peu de levure de bière suffit pour produire cet effet et pour donner le premier mouvement à la fermentation ; elle se continue ensuite d'elle-même jusqu'à la fin. Je rendrai compte ailleurs des effets de la levure et de ceux des ferments en général. J'ai communément employé 10 livres de levure en pâte pour 1 quintal de sucre, et une quantité d'eau égale à quatre fois le poids du sucre. Ainsi la liqueur fermentescible se trouvait composée ainsi qu'il suit ; je donne ici les résultats de mes expériences tels que je les ai obtenus, et en conservant même jusqu'aux fractions que m'a données le calcul de réduction. MATÉRIAUX DE LA FERMENTATION POUR UN QUINTAL DE SUCRE. Livres. Onces. Gros. Grains. Eau : 400l livres Sucre : 100 livres Levure de bière en pâte, composée d’Eau : 7 livres 3 onces 6 gros 44 grain. Levure de bière en pâte, composée de : Levure sèche 7 livres 12 onces 1 gros 28 grain Total : 510 livres


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DÉTAIL DES PRINCIPES CONSTITUANTS DES MATÉRLAUX DE LA FERMENTATION.

407 Livres 3 onces 6 gros 44 grains d’eau composées de : Hydrogène :61 livres 1 onces 2 gros 71,40 grains Oxygène : 346 livres 2 onces 3 gros 44,60 grains 100 Livres de sucre composées de : Hydrogène : 8 livres Oxygène : 64 livres Carbone : 28 livres 2 Livres 12 onces 1 gros 28 grains de levure sèche composée de : Carbone : 12 onces 4 gros 59,00 grains Azote : 5 gros 2,94 grains Hydrogène : 4 onces 5 gros 9,30 grains Oxygène : 1 livres 10 onces 2 gros 28,76 grains Total : 510 livres

RÉCAPITULATION DES PRINCIPES CONSTITUANTS DES MATÉRIAUX DE LA FERMENTATION.

Oxygène : de l’eau. : 340 livres de l’eau de la levure : 6 Livres 2 onces 3 gros 44,60 grains du sucre : 64 livres de la levure. : 1 livres 10 onces 2 gros 28,76 grains Total : 411 livres 12 onces 6 gros 1,36 grains Hydrogène : de l’eau. : 60 livres de l’eau de la levure : 1 livres 1 onces 2 gros 7 1,40 du sucre : 8 livres de la levure : 4 onces 5 gros 9,30 grains Total : 69 Livres 6 onces 8,70 grains Carbone : du sucre : 28 livres de la levure : 12 onces 4 gros 59,00 grains Total : 28 livres 12 onces 4 gros 59,00 grains Azote de la levure : 5 gros 2,94 grains Total : 510 livres Après avoir bien déterminé quelle est la nature et la quantité des principes qui constituent les matériaux de la fermentation, il reste à examiner quels en sont les produits. Pour parvenir à les connaître,


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j'ai commencé par renfermer les 510 livres de liqueur ci-dessus dans un appareil, par le moyen duquel je pouvais, non-seulement déterminer la qualité et la quantité des gaz à mesure qu'ils se dégageaient, mais encore peser chacun des produits séparément, à telle époque de la fermentation que je le jugeais à propos. Il serait trop long de décrire ici cet appareil, qui se trouve, au surplus, décrit dans la troisième partie de cet ouvrage. Je me bornerai donc à rendre compte des effets. Une heure ou deux après que le mélange est fait, surtout si la température dans laquelle on opère est de 15 à 18 degrés, on commence à apercevoir les premiers indices de la fermentation : la liqueur se trouble et devient écumeuse, il s’en dégage des bulles qui viennent crever à la surface ; bientôt la quantité de ces bulles augmente, et il se fait un dégagement abondant et rapide de gaz acide carbonique très-pur accompagné d'écume, qui n'est autre chose que de la levure qui se sépare. Au bout de quelques jours, suivant le degré de chaleur, le mouvement et le dégagement de gaz diminue, mais il ne cesse pas entièrement, et ce n'est qu'après un intervalle de temps assez long que la fermentation est achevée. Le poids de l'acide carbonique sec qui se dégage dans cette opération est de 35 livres 5 onces 4 gros 19 grains. Ce gaz entraîne, en outre, avec lui une portion assez considérable d'eau qu'il tient en dissolution, et qui est environ de 13 livres 14 onces 5 gros. Il reste dans le vase dans lequel on opère une liqueur vineuse légèrement acide, d'abord trouble, qui s'éclaircit ensuite d'elle-même, et qui laisse déposer une portion de levure. Cette liqueur pèse en totalité 460 livres 11 onces 6 gros 53 grains. Enfin, en analysant séparément toutes ces substances, et en les résolvant dans leurs parties constituantes, on trouve, après un travail très-pénible, les résultats qui suivent, qui seront détaillés dans les Mémoires de l'Académie.


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TABLEAU DES RÉSULTATS OBTENUS PAR LA FERMENTATION. [tableau non reproduit sous cette version]


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RÉCAPITULATION DES RÉSULTATS OBTENUS PAR LA FERMENTATION. [tableau non reproduit sous cette version]

Quoique, dans ces résultats, j'aie porté jusqu'aux grains la précision du calcul, il s'en faut bien que ce genre d'expérience puisse comporter encore une aussi grande exactitude ; mais, comme je n'ai opéré que sur quelques livres de sucre, et que, pour établir des comparaisons, j'ai été obligé de les réduire au quintal, j'ai cru devoir laisser subsister les fractions telles que le calcul me les a données. En réfléchissant sur les résultats que présentent les tableaux ci-dessus, il est aisé de voir clairement ce qui se passe dans la fermentation vineuse. On remarque d'abord que, sur les 100 livres de sucre


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qu'on a employées, il y a eu 4 livres 1 once 4 gros 3 grains qui sont restées dans l’état de sucre non décomposé, en sorte qu'on n'a réellement opéré que sur 95 livres 14 onces 3 gros 69 grains de sucre, c'est-à-dire sur 61 livres 6 onces 45 grains d'oxygène, sur 7 livres 10 onces 6 gros 6 grains d'hydrogène, et sur 26 livres 13 onces 5 gros 19 grains de carbone. Or, en comparant ces quantités, on verra qu'elles sont suffisantes pour former tout l'esprit-de-vin ou alcool, tout l'acide carbonique et tout l'acide acéteux qui a été produit par l'effet de la fermentation. Il n'est donc point nécessaire de supposer que l’eau se décompose dans cette opération, à moins que l'on ne prétende que l'oxygène et l'hydrogène sont dans l'état d'eau dans le sucre ; ce que je ne crois pas, puisque j'ai établi, au contraire, qu'en général les trois principes constitutifs des végétaux, l'hydrogène, l’oxygène et le carbone, étaient entre eux dans un état d'équilibre ; que cet état d'équilibre subsistait tant qu'il n'était point troublé, soit par un changement de température, soit par une double affinité, et que ce n'était qu'alors que les principes, se combinant deux à deux, formaient de l'eau et de l’acide carbonique.

Les effets de la fermentation vineuse se réduisent donc à séparer en deux portions le sucre, qui est un oxyde, à oxygéner l’une aux dépens de l’autre pour en former de l’acide carbonique ; à désoxygéner l’autre en faveur de la première pour en former une substance combustible, qui est l’alcool ; en sorte que, s’il était possible de recombiner ces deux substances, l’alcool et l’acide carbonique, on reformerait du sucre. Il est à remarquer, au surplus, que l’hydrogène et le carbone ne sont pas dans l’état d’huile dans l’alcool ; ils sont combinés avec une portion d’oxygène qui les rend miscibles à l’eau ; les trois principes, l’oxygène, l’hydrogène et la carbone, sont donc encore ici dans une espèce d’état d’équilibre ; et en effet, en les faisant passer à travers un tube de verre ou de porcelaine rougi au feu, on les recombine deux à deux, et on retrouve de l’eau, de l’hydrogène, de l’acide carbonique et du carbone. J’avais remarqué d’une manière formelle, dans mes premiers mémoires


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sur la formation de l'eau, que cette substance, regardée comme un élément, se décomposait dans un grand nombre d'opérations chimiques, notamment dans la fermentation vineuse ; je supposais alors qu'il existait de l'eau toute formée dans le sucre, tandis que je suis persuadé aujourd'hui qu'il contient seulement les matériaux propres à la former. On conçoit qu'il a dû m'en coûter pour abandonner mes premières ides ; aussi n'est-ce qu'après plusieurs années de réflexions, et d'après une longue suite d'expériences et d'observations sur les végétaux, que le m'y suis déterminé. Je terminerai ce que j'ai à dire sur la fermentation vineuse, en faisant observer qu'elle peut fournir un moyen d'analyse du sucre, et, en général, des substances végétales susceptibles de fermenter. En effet, comme je l'ai déjà indiqué au commencement de cet article, je puis considérer les matières mises à fermenter et le résultat obtenu après la fermentation comme une équation algébrique ; et, en supposant successivement chacun des éléments de cette équation inconnus, j'en puis tirer une valeur et rectifier ainsi l'expérience par le calcul, et le calcul par l'expérience. J'ai souvent profité de cette méthode pour corriger les premiers résultats de mes expériences, et pour me guider dans les précautions à prendre pour les recommencer ; mais ce n'est pas ici le moment d'entrer dans ces détails, sur lesquels je me suis, au surplus, étendu fort au long dans le mémoire que j'ai donné à l'Académie sur la fermentation vineuse, et qui sera incessamment imprimé.


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CHAPITRE XIV. DE LA FERMENTATION PUTRIDE.

Je viens de faire voir comment le corps sucré se décomposait, lorsqu'il était étendu d'une certaine quantité d'eau et à l'aide d'une douce chaleur ; comment les trois principes qui le constituent, l'oxygène, l'hydrogène et le carbone, qui étaient dans un état d'équilibre, et qui ne formaient, dans l'état de sucre, ni de l'eau, ni de l'huile, ni de l'acide carbonique, se séparaient pour se combiner dans un autre ordre ; comment une portion de carbone se réunissait à l'oxygène pour former de l'acide carbonique ; comment une autre portion de carbone se combinait avec l'hydrogène et avec de l'eau pour former de l'alcool. Les phénomènes de la putréfaction s'opèrent de même en vertu d'affinités très- compliquées. Les trois principes constitutifs du corps cessent également, dans cette opération, d'être dans un état d'équilibre ; au lieu d'une combinaison ternaire, il se forme des combinaisons binaires ; mais le résultat de ces combinaisons est bien différent de celui que donne la fermentation vineuse. Dans cette dernière, une partie des principes de la substance végétale, l'hydrogène par exemple, reste uni à une portion d'eau et de carbone pour former de l'alcool. Dans la fermentation putride, au contraire, la totalité de l'hydrogène se dissipe sous la forme de gaz hydrogène ; en même temps l'oxygène et le carbone, se réunissant au calorique, s'échappent sous la forme de gaz acide carbonique. Enfin, quand l'opération est entièrement achevée, surtout si la quantité d'eau nécessaire pour la putréfaction n'a pas manqué, il ne reste plus que la terre du végétal mêlée d'un peu de carbone et de fer. La putréfaction des végétaux n'est donc autre chose qu'une analyse complète des substances végétales, dans laquelle la totalité de leurs


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principes constitutifs se dégage sous forme de gaz, à l'exception de la terre, qui reste dans l'état de ce qu'on nomme terreau. Je donnerai, dans la troisième partie de cet ouvrage, une idée des appareils qu'on peut employer pour ce genre d'expériences. Tel est le résultat de la putréfaction, quand le corps qu'on y soumet ne contient que de l'oxygène, de l'hydrogène, du carbone et un peu de terre ; mais ce cas est rare, et il paraît même que ces substances, lorsqu'elles sont seules, fermentent difficilement, qu'elles fermentent mal, et qu'il faut un temps considérable pour que la putréfaction soit complète. Il n'en est pas de même quand la substance mise à fermenter contient de l'azote, et c'est ce qui a lieu à l'égard de toutes les matières animales et même d'un assez grand nombre de matières végétales. Ce nouvel ingrédient favorise merveilleusement la putréfaction :c'est pour cette raison qu'on mélange les matières animales avec les végétales, lorsqu'on veut hâter la putréfaction, et c'est dans ce mélange que consiste presque toute la science des amendements et des fumiers. Mais l'introduction de l'azote dans les matériaux de la putréfaction ne produit pas seulement l'effet d'en accélérer les phénomènes, elle forme, en se combinant avec l'hydrogène, une nouvelle substance connue sous le nom d'alcali volatil ou ammoniaque. Les résultats qu'on obtient, en analysant les matières animales par différents procédés, ne laissent aucun doute sur la nature des principes qui constituent l'ammoniaque. Toutes les fois qu'on sépare préalablement l'azote de ces matières, elles ne donnent plus d'ammoniaque, et elles n'en donnent qu'autant qu'elles contiennent de l'azote. Cette composition de l'ammoniaque est d'ailleurs confirmée par des expériences analytiques que M. Berthollet a détaillées dans les Mémoires de l'Académie, année 1785 p. 316 ; il a donné différents moyens de décomposer cette substance, et d'obtenir séparément les deux principes, l'azote et l'hydrogène, qui entrent dans sa combinaison. J'ai déjà annoncé plus haut (voy. chap. x) que les corps combustibles étaient presque tous susceptibles de se combiner les uns avec les autres. Le gaz hydrogène a éminemment cette propriété : il dissout le carbone,


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le soufre et le phosphore, et il résulte de ces combinaisons ce que j'ai appelé plus haut gaz hydrogène carboné, gaz hydrogène sulfuré, gaz hydrogène phosphoré. Les deux derniers de ces gaz ont une odeur particulière et très-désagréable : celle du gaz hydrogène sulfuré a beaucoup de rapport avec celle des neufs gâtés et corrompus ; celle du gaz hydrogène phosphoré est absolument la même que celle du poisson pourri ; enfin l'ammoniaque a une odeur qui n'est ni moins pénétrante, ni moins désagréable que les précédentes. C'est de la combinaison de ces différentes odeurs que résulte celle qui s'exhale des matières animales en putréfaction, et qui est si fétide. Tantôt c'est l'odeur de l'ammoniaque qui est prédominante, et on la reconnaît aisément à ce qu'elle pique les yeux ; tantôt c'est celle du soufre, comme dans les matières fécales ; tantôt enfin c'est celle du phosphore, comme dans le hareng pourri. J'ai supposé jusqu'ici que rien ne dérangeait le cours de la fermentation et n'en troublait les effets. Mais M. de Fourcroy et M. Thouret ont observé, relativement à des cadavres enterrés à une certaine profondeur et garantis jusqu'à un certain point du contact de l'air, des phénomènes particuliers. Ils ont remarqué que souvent la partie musculaire se convertissait en une véritable graisse animale. Ce phénomène tient à ce que, par quelque circonstance particulière, l'azote que contenaient ces matières animales aura été dégagé, et à ce qu'il n'est resté que de l'hydrogène et du carbone, c'est-à-dire les matériaux propres à faire de la graisse. Cette observation sur la possibilité de convertir en graisse les matières animales peut conduire un jour à des découvertes importantes sur le parti qu'on en peut tirer pour les usages de la société. Les déjections animales, telles que les matières fécales, sont principalement composées de carbone et d'hydrogène ; elles se rapprochent donc beaucoup de l'état d'huile, et en effet elles en fournissent beaucoup par la distillation à feu nu. Mais l'odeur insoutenable qui accompagne tous les produits qu'on en retire ne permet pas d'espérer de longtemps qu'on puisse les employer à autre chose qu'à faire des engrais. Je n'ai donné dans ce chapitre que des aperçus, parce que la com- [composition]


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position des matières animales n'est pas encore très-exactement connue. On sait qu'elles sont composées d'hydrogène, de carbone, d'azote, de phosphore, de soufre ; le tout porté à l'état d'oxyde par une quantité plus ou moins grande d'oxygène, mais on ignore absolument, quelle est la proportion de ces principes. Le temps complétera cette partie de l'analyse chimique comme il en a complété déjà quelques autres.


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CHAPITRE XV. DE LA FERMENTATION ACÉTEUSE.

La fermentation acéteuse n'est autre chose que l'acidification du vin qui se fait à l'air libre par l'absorption de l'oxygène. L'acide qui en résulte est l'acide acéteux, vulgairement appelé vinaigre ; il est composé d'une proportion, qui n'a point encore été déterminée, d'hydrogène et de carbone combinés ensemble et portés à l'état d'acide par l'oxygène. Le vinaigre étant un acide, l'analogie conduisait seule à conclure qu'il contenait de l'oxygène ; mais cette vérité est prouvée de plus par des expériences directes. Premièrement, le vin ne peut se convertir en vinaigre qu'autant qu'il a le contact de l'air, et qu'autant que cet air contient du gaz oxygène. Secondement, cette opération est accompagnée d'une diminution de volume de l'air dans lequel elle se fait, et cette diminution de volume est occasionnée par l'absorption du gaz oxygène. Troisièmement, on peut transformer le vin en vinaigre en l'oxygénant par quelque autre moyen que ce soit. Indépendamment de ces faits, qui prouvent que l'acide acéteux est un résultat de l'oxygénation du vin, une expérience de M. Chaptal, professeur de chimie à Montpellier, fait voir clairement ce qui se passe dans cette opération. Il prend du gaz acide carbonique dégagé de la bière en fermentation ; il en imprègne de l'eau jusqu'à saturation, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle en ait absorbé environ une quantité égale à son volume ; il met cette eau à la cave dans des vaisseaux qui ont communication avec l'air, et, au bout de quelque temps, le tout se trouve converti en acide acéteux. Le gaz acide carbonique des cuves de bière en fermentation n'est pas entièrement pur, il est mêlé d'un peu d'alcool qu'il tient en dissolution ; il y a donc dans l'eau imprégnée d'acide


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carbonique dégagé de la fermentation vineuse tous les matériaux nécessaires pour former de l'acide acéteux. L'alcool fournit l'hydrogène et une portion de carbone ; l'acide carbonique fournit du carbone et de l’oxygène ; enfin l'air de l’atmosphère doit fournir ce qui manque d'oxygène pour porter le mélange à l'état d'acide acéteux. On voit par là qu'il ne faut qu'aj outer de l'hydrogène à l’acide carbonique pour le constituer acide acéteux, ou, pour parler plus généralement, pour le transformer en un acide végétal quelconque, suivant le degré d'oxygénation ; qu'il ne faut, au contraire, que retrancher de l’hydrogène aux acides végétaux pour les convertir en acide carbonique. Je ne m'étendrai pas davantage sur la fermentation acéteuse, à l'égard de laquelle nous n'avons pas encore d'expériences exactes ; les faits principaux sont connus, mais l'exactitude numérique manque. On voit d'ailleurs que la théorie de l’acétification est étroitement liée à celle de la constitution de tous les acides et oxydes végétaux, et nous ne connaissons point encore la proportion des principes dont ils sont composés. Il est aisé de s'apercevoir cependant que toute cette partie de la chimie marche rapidement, comme toutes les autres, vers sa perfection, et qu'elle est beaucoup plus simple qu'on ne l'avait cru jusqu'ici.


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CHAPITRE XVI. DE LA FORMATION DES SELS NEUTRES ET DE DIFFÉRENTES BASES QUI ENTRENT DANS LEUR COMPOSITION.

Nous avons vu comment un petit nombre. de substances simples, ou au moins qui n'ont point été décomposées jusqu'ici, telles que l'azote, le soufre, le phosphore, le carbone, le radical muriatique et l’hydrogène, formaient, en se combinant avec l'oxygène, tous les oxydes et les acides du règne végétal et du règne animal ; nous avons admiré avec quelle simplicité de moyens la nature multipliait les propriétés et les formes, soit en combinant ensemble jusqu'à trois et quatre bases acidifiables dans différentes proportions, soit en changeant la dose d'oxygène destiné à les acidifier. Nous ne la trouverons ni moins variée, ni moins simple, ni surtout moins féconde, dans l’ordre des choses que nous allons parcourir. Les substances acidifiables, en se combinant avec l'oxygène et en se convertissant en acides, acquièrent une grande tendance à la combinaison ; elles deviennent susceptibles de s'unir avec des substances terreuses et métalliques ; et c'est de cette réunion que résultent les sels neutres. Les acides peuvent donc être regardés comme de véritables principes salifiants, et les substances auxquelles ils s'unissent pour former des sels neutres, comme des bases salifiables ; c'est précisément de la combinaison des principes salifiants avec les bases salifiables que nous allons nous occuper dans cet article. Cette manière d'envisager les acides ne me permet pas de les regarder comme des sels, quoiqu'ils aient quelques-unes de leurs propriétés principales. telles que la solubilité dans l'eau, etc. Les acides, comme je l’ai déjà fait observer, résultent d'un premier ordre de combinaisons ; ils sont formés de la réunion de deux principes simples, ou


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au moins qui se comportent à la manière des principes simples, et ils sont par conséquent, pour me servir de l'expression de Stahl, dans l'ordre des mixtes. Les sels neutres, au contraire, sont d'un autre ordre de combinaisons : ils sont formés de la réunion de deux mixtes, et ils rentrent dans la classe des composés. Je ne rangerai pas non plus, par la même cause, les alcalis (1) ni les substances terreuses, telles que la chaux, la magnésie, etc. dans la classe des sels, et je ne désignerai par ce non que des composés formés de la réunion d'une substance simple oxygénée et d'une base quelconque. Je me suis suffisamment étendu, dans les chapitres précédents, sur la formation des acides, et je n'ajouterai rien à cet égard ; mais je n'ai rien dit encore des bases qui sont susceptibles de se combiner avec eux pour former des sels neutres ; ces bases, que je nomme salifiables, sont : La potasse, La soude, L'ammoniaque, La chaux, La magnésie, La baryte, L'alumine, Et toutes les substances métalliques. Je vais dire un mot de l'origine et de la nature de chacune de ces bases en particulier. DE LA POTASSE. Nous avons déjà fait observer que, lorsqu'on échauffait une substance végétale dans un appareil distillatoire, les principes qui la composent, l'oxygène, l'hydrogène et le carbone, et qui formaient une combinaison triple dans un état d'équilibre, se réunissaient deux à deux en obéissant

(1) On regardera peut-être comme un défaut de la méthode que j'ai adoptée, de m'avoir contraint à rejeter les alcalis de la classe des sels, et je conviens que c'est un reproche qu'on peul lui faire ; mais cet inconvénient se trouve compensé par de si grands avantages, que je n'ai pas cru qu'il dût m'arrêter.


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aux affinités qui doivent avoir lieu suivant le degré de température. Ainsi, à la première impression du feu, et dès que la chaleur excède celle de l'eau bouillante, l’oxygène et l'hydrogène se réunissent pour former de l'eau. Bientôt après une portion de carbone et une d'hydrogène se combinent pour former de l'huile. Lorsque ensuite, par le progrès de la distillation, on est parvenu à une chaleur rouge, l'huile et l'eau même qui s'étaient formées se décomposent ; l'oxygène et le carbone forment l’acide carbonique, une grande quantité de gaz hydrogène devenue libre se dégage et s'échappe ; enfin il ne reste plus que du charbon dans la cornue. La plus grande partie de ces phénomènes se retrouvent dans la combustion des végétaux à l’air libre ;mais alors la présence de l’air introduit dans l'opération trois ingrédients nouveaux, dont deux au moins apportent des changements considérables dans les résultats de l'opération. Ces ingrédients sont l'oxygène de l'air, l'azote et le calorique. A mesure que l’hydrogène du végétal ou celui qui résulte de la décomposition de l'eau est chassé par le progrès du feu sous la forme de gaz hydrogène, il s'allume au moment où il a le contact de l'air, il reforme de l'eau, et le calorique des deux gaz qui devient libre, au moins pour la plus grande partie, produit la flamme. Lorsque ensuite tout le gaz hydrogène a été chassé, brûlé et réduit en eau, le charbon qui reste brûle à son tour, mais sans flamme ; il forme de l’acide carbonique, qui s'échappe, emportant avec lui une portion de calorique qui le constitue dans l’état de gaz ; le surplus du calorique devient libre, s'échappe et produit la chaleur et la lumière qu'on observe dans la combustion du charbon. Tout le végétal se trouve ainsi réduit en eau et en acide carbonique ; il ne reste qu'une petite portion d'une matière terreuse grise, connue sous le nom de cendre, et qui contient les seuls principes vraiment fixes qui entrent dans la constitution des végétaux. Cette terre ou cendre, dont le poids n'excède pas communément le vingtième de celui du végétal, contient une substance d'un genre particulier, connue sous le nom d'alcali fixe végétal ou de potasse.


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Pour l'obtenir, on passe de l'eau sur les cendres ; l'eau se charge de la potasse, qui est dissoluble, et elle laisse les cendres, qui sont insolubles ; en évaporant ensuite l'eau, on obtient la potasse, qui est fixe. même à un très-grand degré de chaleur, et qui reste sous forme blanche et concrète. Mon objet n'est point de décrire ici l'art de préparer la potasse, encore moins les moyens de l'obtenir pure ; je n'entre même ici dans ces détails que pour obéir à la loi que je me suis faite de n'admettre aucun mot qui n'ait été défini. La potasse qu'on obtient par ce procédé est toujours plus ou moins saturée d'acide carbonique, et la raison en est facile à saisir : comme la potasse ne se forme, ou au moins n'est rendue libre qu'à mesure que le charbon du végétal est converti en acide carbonique par l'addition de l'oxygène, soit de l'air, soit de l'eau, il en résulte que chaque molécule de potasse se trouve, au moment de sa formation, en contact avec une molécule d'acide carbonique, et, comme il y a beaucoup d'affinité entre ces deux substances, il doit y avoir combinaison. Quoique l'acide carbonique soit celui de tous les acides qui tient le moins à la potasse, il est cependant difficile d'en séparer les dernières portions. Le moyen le plus habituellement employé consiste à dissoudre la potasse dans de l'eau, à y ajouter deux ou trois fois son poids de chaux vive, à filtrer et à évaporer dans des vaisseaux fermés ; la substance saline qu'on obtient est de la potasse presque entièrement dépouillée d'acide carbonique. Dans cet état, elle est non-seulement dissoluble dans l'eau, au moins à partie égale, mais elle attire encore celle de l'air avec une étonnante avidité ; elle fournit en conséquence un moyen de sécher l'air ou les gaz auxquels elle est exposée. Elle est également soluble dans l'esprit-de-vin ou alcool, à la différence de celle qui est saturée d'acide carbonique, qui n'est pas soluble dans ce dissolvant. Cette circonstance a fourni à M. Berthollet un moyen d'avoir de la potasse parfaitement pure. Il n'y a point de végétaux qui ne donnent plus ou moins de potasse par incinération, mais on ne l'obtient pas également pure de tous ;


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elle est ordinairement mêlée avec différents sels, qu'il est aisé d'en séparer. On ne peut guère douter que les cendres, autrement dit la terre, que laissent les végétaux lorsqu'on les brûle, ne préexistât dans ces végétaux antérieurement à la combustion ; cette terre forme, à ce qu'il paraît, la partie osseuse, la carcasse du végétal. Mais il n'en est pas de même de la potasse : on n'est encore parvenu à séparer cette substance des végétaux qu'en employant des procédés ou des intermèdes qui peuvent fournir de l'oxygène et de l'azote, tels que la combustion ou la combinaison avec l'acide nitrique ; en sorte qu'il n'est point démontré que cette substance ne soit pas un produit de ces opérations. J'ai commencé une suite d'expériences sur cet objet, dont je serai bientôt en état de rendre compte. DE LA SOUDE. La soude est, comme la potasse, un alcali qui se tire de la lixiviation des cendres des plantes, mais de celles seulement qui croissent aux bords de la mer, et principalement du cali, d'où est venu le nom d'alcali qui lui a été donné par les Arabes ; elle a quelques propriétés communes avec la potasse, mais elle en a d'autres qui l'en distinguent. En général, ces deux substances portent chacune, dans toutes les combinaisons salines, des caractères qui leur sont propres. La soude, telle qu'on l'obtient de la lixiviation des plantes marines, est le plus souvent entièrement saturée d'acide carbonique, mais elle n'attire pas, comme la potasse, l'humidité de l'air ; au contraire, elle s'y dessèche, ses cristaux s'effleurissent et se convertissent en une poussière blanche qui a toutes les propriétés de la soude, et qui n'en diffère que parce qu'elle a perdu son eau de cristallisation. On ne connaît pas mieux, jusqu'ici, les principes constituants de la soude que ceux de la potasse, et on n'est pas même certain si cette substance est toute formée dans les végétaux, antérieurement à la combustion. L'analogie pourrait porter à croire que l'azote est un des principes constituants des alcalis en général, et on en a la preuve à l'égard


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de l’ammoniaque, comme je vais l'exposer ; mais on n'a, relativement à la potasse et à la soude, que de légères présomptions, qu'aucune expérience décisive n'a encore confirmées.

DE L’AMMONIAQUE.

Comme nous n'avions aucune connaissance précise à présenter sur la composition de la soude et de la potasse, nous avons été obligé de nous borner, dans les deux paragraphes précédents, à indiquer les substances dont on les retire et les moyens qu'on emploie pour les obtenir. Il n'en est pas de même de l'ammoniaque, que les anciens ont nommée alcali volatil. M. Berthollet, dans un mémoire imprimé dans le Recueil de l'Académie, année 1784, p. 3 16, est parvenu à prouver, par voie de décomposition, que i 1000 parties de cette substance en poids étaient composées d'environ 807 d'azote et de 193 d'hydrogène. C'est principalement par la distillation des matières animales qu'on obtient cette substance ; l'azote, qui est un de leurs principes constituants, s'unit à la proportion d'hydrogène propre à cette combinaison, et il se forme de l'ammoniaque ; mais on ne l'obtient point pure dans cette opération, elle est mêlée avec de l'eau, de l'huile, et en grande partie saturée d'acide carbonique. Pour la séparer de toutes ces substances, on la combine d'abord avec un acide, tel, par exemple, que l'acide muriatique ; on l'en dégage ensuite, soit par une addition de chaux, soit par une addition de potasse. Lorsque l'ammoniaque a été. ainsi amenée à son plus grand degré de pureté, elle ne peut plus exister que sous forme gazeuse, à la température ordinaire dans laquelle nous vivons ; elle a une odeur excessivement pénétrante. L'eau en absorbe une très­grande quantité, surtout si elle est froide et si on ajoute la pression au refroidissement ; ainsi saturée d'ammoniaque, elle a été appelée alcali volatil fluor ; nous l'appellerons simplement ammonia que ou ammonia que en liqueur, et nous désignerons la mène substance, quand elle sera dans l'état aériforme, par le nom de gaz ammoniac.


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DE LA CHAUX, DE LA MAGNÉSIE, DE LA BARYTE ET DE L'ALUMINE.

La composition de ces quatre terres est absolument inconnue ; et, comme on n'est point encore parvenu à déterminer quelles sont leurs parties constituantes et élémentaires, nous sommes autorisés, en attendant de nouvelles découvertes, à les regarder comme des êtres simples : l’art n'a donc aucune part à la formation de ces terres, la nature nous les présente toutes formées. Mais, comme elles ont. la plupart, surtout les trois premières, une grande tendance à la combinaison, on ne les trouve jamais seules. La chaux est presque touj ours saturée d'acide carbonique, et, dans cet état, elle forme la craie, les spaths calcaires, une partie des marbres, etc. Quelquefois elle est saturée d'acide sulfurique, comme dans le gypse et les pierres à plâtre ; d'autres fois, combinée avec l'acide fluorique, elle forme le spath fluor ou vitreux. Enfin les eaux de la mer et des fontaines salées en contiennent de combinée avec l'acide muriatique. C'est, de toutes les bases salifiables, celle qui est le plus abondamment répandue dans la nature. On rencontre la magnésie dans un grand nombre d'eaux minérales ; elle y est le plus communément combinée avec l'acide sulfurique ; on la trouve aussi très- abondamment dans l'eau de la mer, où elle est combinée avec l'acide muriatique ; enfin elle entre dans la composition d'un grand nombre de pierres. La baryte est beaucoup moins abondante que les deux terres précédentes ; on la trouve dans le règne minéral combinée avec l'acide sulfurique, et elle forme alors le spath pesant ; quelquefois, mais plus rarement, elle est combinée avec l'acide carbonique. L'alumine, ou base de l'alun, a moins de tendance à la combinaison que les précédentes ; aussi la trouve-t-on souvent à l'état d'alumine, sans être combinée avec aucun acide. C'est principalement dans les argiles qu'on la rencontre ; elle en fait, à proprement parler, la base.


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DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES.

Les métaux, à l'exception de l'or et quelquefois de l'argent, se présentent rarement, dans le règne minéral, sous leur forme métallique ; ils sont communément ou plus ou moins saturés d'oxygène, ou combinés avec du soufre, de l'arsenic, de l'acide sulfurique, de l'acide muriatique, de l'acide carbonique, de l'acide phosphorique. La docimasie et la métallurgie enseignent à les séparer de toutes ces substances étrangères, et nous renvoyons aux ouvrages qui traitent de cette partie de la chimie. Il est probable que nous ne connaissons qu'une partie des substances métalliques qui existent dans la nature ; toutes celles, par exemple, qui ont plus d'affinité avec l'oxygène qu'avec le carbone ne sont pas susceptibles d'être réduites ou ramenées à l'état métallique, et elles ne doivent se présenter à nos yeux que sous la forme d'oxydes, qui se confondent pour nous avec les terres. Il est très-probable que la baryte, que nous venons de ranger dans la classe des terres, est dans ce cas ; elle présente, dans le détail des expériences, des caractères qui la rapprochent beaucoup des substances métalliques. Il serait possible, à la rigueur, que toutes les substances auxquelles nous donnons le nom de terres ne fussent que des oxydes métalliques irréductibles par les moyens que nous employons. Quoi qu'il en soit, les substances métalliques que nous connaissons. celles que nous pouvons obtenir dans l'état métallique, sont au nombre de dix-sept, savoir : L'arsenic. Le molybdène, Le manganèse, Le nickel, Le bismuth, L'antimoine. Le zinc, Le fer, L'étain, Le tungstène, Le plomb, Le cuivre, Le mercure, Le cobalt, L'argent, Le platine, L'or.


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Je ne considérerai ces métaux que comme des bases salifiables, et je n'entrerai dans aucun détail sur leurs propriétés relatives aux arts et aux usages de la société. Chaque métal, sous ces points de vue, exigerait un traité complet. et je sortirais absolument des bornes que je me suis prescrites.


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CHAPITRE XVII.

SUITE DES RÉFLEXIONS SUR LES BASES SALIFIABLES, ET SUR LA FORMATION DES SELS NEUTRES.

Telles sont les bases salifiables, c'est-à-dire susceptibles de se combiner avec les acides et de former des sels neutres. Mais il faut observer que les alcalis et les terres entrent purement et simplement dans la composition des sels neutres, sans aucun intermède qui serve à les unir ; tandis qu'au contraire les métaux ne peuvent se combiner avec les acides qu'autant qu'ils ont été préalablement plus ou moins oxygénés. On peut donc rigoureusement dire que les métaux ne sont point dissolubles dans les acides, mais seulement les oxydes métalliques. Ainsi, lorsqu'on met une substance métallique dans un acide, la première condition pour qu'elle puisse s'y dissoudre est qu'elle puisse s'y oxyder, et elle ne le peut qu'en enlevant de l'oxygène ou à l'acide ou à l'eau dont cet acide est étendu ; c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'une substance métallique ne peut se dissoudre dans un acide qu'autant que l'oxygène qui entre, soit dans la composition de l'eau, soit dans celle de l'acide, a plus d'affinité avec le métal qu'il n'en a avec l'hydrogène ou la base acidifiable ; ou, ce qui revient encore au même, qu'il n'y a de dissolution métallique qu'autant qu'il y a décomposition de l'eau ou de l'acide. C'est de cette observation simple, qui a échappé, même à l'illustre Bergman, que dépend l'explication des principaux phénomènes des dissolutions métalliques. Le premier de tous et le plus frappant est l'effervescence, ou, pour parler d'une manière moins équivoque, le dégagement de gaz qui a lieu pendant la dissolution. Ce gaz, dans les dissolutions par l'acide nitrique, est du gaz nitreux ; dans les dissolutions par l'acide sulfurique, il est ou du gaz acide sulfureux, ou du


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gaz hydrogène, suivant que c'est aux dépens de l'acide sulfurique ou de l'eau que le métal s'est oxydé. Il est sensible que l'acide nitrique et l'eau étant composés l'un et l'autre de substances qui séparément ne peuvent exister que dans l'état de gaz, du moins à la température dans laquelle nous vivons, aussitôt qu'on leur enlève l'oxygène, le principe qui lui était uni doit entrer sur-le-champ en expansion, il doit prendre la forme gazeuse, et c'est ce passage rapide de l'état liquide à l'état gazeux qui constitue l'effervescence. Il en est de même de l'acide sulfurique ; les métaux, en général, surtout par la voie humide, n'enlèvent point à cet acide la totalité de l'oxygène ; ils ne le réduisent point en soufre, mais en acide sulfureux qui ne peut également exister que dans l'état de gaz au degré de température et de pression dans lequel nous vivons. Cet acide doit donc se dégager sous la forme de gaz, et c'est encore à ce dégagement qu'est due l'effervescence. Un second phénomène est que toutes les substances métalliques se dissolvent sans effervescence dans les acides quand elles ont été oxydées avant la dissolution : il est clair qu'alors le métal n'ayant plus à s'oxyder, il ne tend plus à décomposer ni l'acide ni l'eau ; il ne doit donc plus y avoir d'effervescence, puisque l'effet qui le produisait n'a plus lieu. Un troisième phénomène est que tous les métaux se dissolvent sans effervescence dans l'acide muriatique oxygéné : ce qui se passe dans cette opération mérite quelques réflexions particulières. Le métal, dans ce cas, enlève à l'acide muriatique oxygéné son excès d'oxygène ; il se forme d'une part un oxyde métallique, et de l'autre de l'acide muriatique ordinaire. S'il n'y a pas d'effervescence dans ces sortes de dissolutions, ce n'est pas qu'il ne soit de l'essence de l'acide muriatique d'exister, sous la forme de gaz, au degré de température dans lequel nous vivons, mais ce gaz trouve dans l'acide muriatique oxygéné plus d'eau qu'il n'en faut pour être retenu et pour demeurer sous forme liquide ; il ne se dégage donc pas comme l'acide sulfureux, et, après s'être combiné avec l'eau dans le premier instant, il se combine paisiblement ensuite avec l'oxyde métallique qu'il dissout.


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Un quatrième phénomène est que les métaux qui ont peu d'affinité pour l'oxygène, et qui n'exercent pas sur ce principe une action assez forte pour décomposer, soit l'acide, soit l'eau, sont absolument indissolubles : c'est par cette raison que l'argent, le mercure, le plomb, ne sont pas dissolubles dans l'acide muriatique, lorsqu'on les présente à cet acide dans leur état métallique ; mais, si on les oxyde auparavant, de quelque manière que ce soit, ils deviennent aussitôt très-dissolubles, et la dissolution se fait sans effervescence. L’oxygène est donc le moyen d'union entre les métaux et les acides ; et cette circonstance, qui a lieu pour tous les métaux comme pour tous les acides, pourrait porter à croire que toutes les substances qui ont une grande affinité avec les acides contiennent de l'oxygène. Il est donc assez probable que les quatre terres salifiables que nous avons désignées ci-dessus contiennent de l'oxygène, et que c'est par ce latus qu'elles .s'unissent aux acides. Cette considération semblerait. appuyer ce que j'ai précédemment avancé à l'article des terres, que ces substances pourraient bien n'être autre chose que des métaux oxydés, avec lesquels l'oxygène a plus d'affinité qu'il n'en a avec le charbon, et qui, par cette circonstance, sont irréductibles. Au reste ce n'est ici qu'une conjecture que des expériences ultérieures pourront seules ou confirmer ou détruire. Les acides connus jusqu'ici sont les suivants ; nous allons, en les désignant, indiquer le nom du radical ou base acidifiable dont ils sont composés.

NOMS DES ACIDES. NOM DE LA BASE ACIDIFIABLE, OU RADICAL, DE CHAQUE ACIDE, AVEC DES OBSERVATIONS. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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[Tableau non reproduit dans cette version.] On voit que le nombre des acides est de quarante-huit, en y com- [comprenant]


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prenant les dix-sept acides métalliques, qui sont encore peu connus, mais sur lesquels M. Berthollet va donner incessamment un travail important. On ne peut pas encore se flatter sans doute de les avoir tous découverts ; mais il est probable, d'un autre côté, qu'un examen plus approfondi fera connaître que plusieurs des acides végétaux regardés comme différents rentrent les uns dans les autres. Au reste, on ne peut présenter ici le tableau de la chimie que dans l'état où elle est, et tout ce qu'on peut faire, c'est de donner des principes pour nommer, en conformité du même système, les corps qui pourront être découverts dans la suite. Le nombre des bases salififiables, c'est-à-dire susceptibles d'être converties en sels neutres par les acides, est de vingt-quatre, savoir : Trois alcalis, Quatre terres Et dix-sept substances métalliques. La totalité des sels neutres qu'on peut concevoir, dans l’état actuel de nos connaissances, est donc de onze cent cinquante-deux ; mais c'est en supposant que les acides métalliques soient susceptibles de dissoudre d'autres métaux ; et cette dissolubilité des métaux oxygénés les uns par les autres est une science neuve, qui n'a point encore été entamée : c'est de cette partie de la science que dépendent toutes les combinaisons vitreuses métalliques. Il est d'ailleurs probable que toutes les combinaisons salines qu'on peut concevoir ne sont pas possibles, ce qui doit réduire considérablement le nombre des sels que la nature et l'art peuvent former. Mais, quand on ne supposerait que cinq à six cents espèces de sels possibles, il est évident que, si on voulait donner à toutes des dénominations arbitraires à la manière des anciens, si on les désignait, ou par le nom des premiers auteurs qui les ont découverts, ou par le nom des substances dont ils ont été tirés, il en résulterait une confusion que la mémoire la plus heureuse ne pourrait pas débrouiller. Cette méthode pouvait être tolérable dans le premier âge de la chimie ; elle pouvait l'être encore il y a vingt ans, parce qu'alors, on ne connaissait pas au delà de trente espèces de sels; mais aujour- [aujourd’hui]


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d'hui que le nombre en augmente tous les jours, que chaque acide qu'on découvre enrichit souvent la chimie de vingt-quatre sels nouveaux, quelquefois de quarante-huit, en raison des deux degrés d'oxygénation de l'acide, il faut nécessairement une méthode, et cette méthode est donnée par l'analogie : c'est celle que nous avons suivie dans la nomenclature des acides ; et, comme la marche de la nature est une, elle s'appliquera naturellement à la nomenclature des sels neutres. Lorsque nous avons nommé les différentes espèces d'acides, nous avons distingué dans ces substances la base acidifiable particulière à chacun d'eux, et le principe acidifiant, l'oxygène, qui est commun à tous. Nous avons exprimé la propriété commune à tous par le nom générique d'acide, et nous avons ensuite différencié les acides par le nom de la base acidifiable particulière à chacun. C'est, ainsi que nous avons donné au soufre, au phosphore, au carbone oxygéné le nom d'acide sulfurique, d'acide phosphorique, d'acide carbonique : enfin, nous avons cru devoir indiquer les différents degrés de saturation d'oxygène par une terminaison différente du même. mot. Ainsi, nous avons distingué l'acide sulfureux de l'acide sulfurique, l’acide phosphoreux de l'acide phosphorique. Ces principes, appliqués à la nomenclature des sels neutres, nous ont obligés de donner un nom commun à tous les sels dans la combinaison desquels entre le même acide, et de les différencier ensuite par le nom de la base salifiable. Ainsi, nous avons désigné tous les sels qui ont l'acide sulfurique pour acide par le nom de sulfates; tous ceux qui ont l'acide phosphorique pour acide par le nom de phosphates, et ainsi des autres. Nous distinguerons donc du sulfate de potasse, sulfate de soude, sulfate d'ammoniaque, sulfate de chaux, sulfate de fer, etc. et, comme nous connaissons vingt-quatre bases, tant alcalines que terreuses et métalliques, nous aurons vingt-quatre espèces de sulfates, autant de phosphates, et de même pour tous les autres acides. Mais, comme le soufre est susceptible de deux degrés d'oxygénation, qu'une première dose d'oxygène constitue l'acide sulfureux, et une seconde l'acide sul- [sulfurique]


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furique; comme les sels neutres que forment ces deux acides avec les différentes bases ne sont pas les mêmes, et qu'ils ont des propriétés fort différentes, il a fallu les distinguer encore par une terminaison particulière : nous avons en conséquence désigné par le nom de sulfites,de phosphites, etc. les sels neutres formés par l'acide le moins oxygéné. Ainsi, le soufre oxygéné sera susceptible de former quarante-huit sels neutres, savoir: vingt-quatre sulfates et vingt-quatre sulfites, et ainsi des autres substances susceptibles de deux degrés d'oxygénation. Il serait excessivement ennuyeux pour les lecteurs de suivre ces dénominations dans tous leurs détails ; il suffit d'avoir exposé clairement la méthode de nommer : quand on l'aura saisie, on pourra l'appliquer sans effort à toutes les combinaisons possibles ; et, le nom de la substance combustible et acidifiable connu, on se rappellera touj ours aisément le nom de l'acide qu'elle est susceptible de former, et celui de tous les sels neutres qui doivent en dériver. Je m'en tiendrai donc à ces notions élémentaires; mais, pour satisfaire en même temps ceux qui pourraient avoir besoin de plus grands détails, j'ajouterai, dans une seconde partie, des tableaux qui présenteront une récapitulation générale, non- seulement de tous les sels neutres, mais en général de toutes les combinaisons chimiques. J'y joindrai quelques courtes explications sur la méthode la plus simple et la plus sûre de se procurer les différentes espèces d'acides, et sur les propriétés générales des sels neutres qui en résultent. Je ne me dissimule pas qu'il aurait été nécessaire, pour compléter cet ouvrage, d'y joindre des observations particulières sur chaque espèce de sel, sur sa dissolubilité dans l'eau et dans l'esprit-de-vin, sur la proportion d'acide et de base qui entre dans sa composition, sur sa quantité d'eau de cristallisation, sur les différents degrés de saturation dont il est susceptible, enfin sur le degré de force avec laquelle l'acide tient à sa hase. Ce travail immense a été commencé par M. Bergman, M. de Morveau, M. Kirwan et quelques autres célèbres chimistes ; mais il n'est encore que médiocrement avancé, et les bases


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sur lesquelles il repose ne sont pas même encore d'une exactitude rigoureuse. Des détails aussi nombreux n'auraient pas pu convenir à un ouvrage élémentaire, et le temps de rassembler les matériaux et de compléter les expériences aurait retardé de plusieurs années la publication de cet ouvrage. C'est un vaste champ ouvert au zèle et à l'activité des jeunes chimistes; mais qu'il me soit permis de recommander, en terminant ici ma tâche, à ceux qui auront le courage de l'entreprendre, de s'attacher plutôt à faire bien qu'à faire beaucoup; à s’assurer d'abord, par des expériences précises et multipliées, de la composition des acides, avant de s'occuper de celle des sels neutres. Tout édifice destiné à braver les outrages du temps doit être établi sur des fondements solides, et, dans l'état où est parvenue la chimie, c'est en retarder la marche que d'établir ses progrès sur des expériences qui ne sont ni assez exactes, ni assez rigoureuses.


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SECONDE PARTIE.

DE LA COMBINAISON DES ACIDES AVEC LES BASES SALIFIABLES, ET DE LA FORMATION DES SELS NEUTRES.

AVERTISSEMENT.

Si j'avais voulu suivre strictement le plan que je m'étais formé dans la distribution des différentes parties de cet ouvrage, je me serais borné, dans les tableaux qui composeront cette seconde partie et dans les explications qui les accompagnent, à donner de courtes définitions des différents acides que l'on connaît, une description abrégée des procédés par lesquels on les obtient, et j'y aurais joint une simple nomenclature des sels neutres qui résultent de leurs combinaisons avec différentes bases. Mais j'ai reconnu que, sans ajouter beaucoup au volume de cet ouvrage, je pourrais en augmenter beaucoup l'utilité en présentant sous la même forme le tableau des substances simples, de celles qui entrent dans la composition des acides et des oxydes, et leurs combinaisons. Cette addition n'augmente que de dix le nombre des tableaux strictement nécessaires pour la nomenclature de tous les sels neutres. J'y présente : 1° Les substances simples, ou, du moins, celles que l'état actuel de nos connaissances nous oblige à regarder comme telles ; 2° Les radicaux oxydables et acidifiables doubles et triples, qui se combinent avec l'oxygène, à la manière des substances simples ;


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3° Les combinaisons de l'oxygène avec les substances simples métalliques et non métalliques ; 4° Les combinaisons de l'oxygène avec les radicaux composés ; 5° Les combinaisons de l'azote avec les substances simples ; 6 Les combinaisons de l'hydrogène avec les substances simples ; 7° Les combinaisons du soufre avec les substances simples ; 8° Les combinaisons du phosphore avec les substances simples ; 9° Les combinaisons du carbone avec les substances simples ; 10° Les combinaisons de quelques autres radicaux avec les substances simples ; Ces dix tableaux et les observations qui les accompagnent forment une espèce de récapitulation des quinze premiers chapitres de cet ouvrage. Les tableaux qui sont à la suite, et qui présentent l'ensemble de toutes les combinaisons salines, ont plus particulièrement rapport aux chapitres XIV et XV. On s'apercevra facilement que j'ai beaucoup profité, dans ce travail, de ce que M. de Morveau a publié dans le premier volume de l'Encyclopédie par ordre de matières ; et, en effet, il m'aurait été difficile de puiser dans de meilleures sources, surtout d'après la difficulté de consulter les ouvrages étrangers dans leur langue originale. Je ne le citerai qu'une seule fois, au commencement de cette seconde partie, pour ne pas être obligé de le citer à chaque article. J'ai placé à la suite de chaque tableau et vis-à-vis, autant qu'il a été possible, les explications qui y sont relatives.


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TABLEAU DES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR LE TABLEAU DES SUBSTANCES SIMPLES, OU, DU MOINS, DE CELLES QUE L'ÉTAT ACTUEL DE NOS CONNAISSANCES NOUS OBLIGE À CONSIDÉRER COMME TELLES.

La chimie, en soumettant à des expériences les différents corps de la nature, a pour objet de les décomposer et de se mettre en état d'examiner séparément les différentes substances qui entrent dans leur combinaisons. Cette science a fait, de nos jours, des progrès très-rapides. Il sera facile de s'en convaincre, si l'on consulte les différents auteurs qui ont écrit sur l’ensemble de la chimie ; on verra que, dans les premiers temps, on regardait, l'huile et le sel comme les principes des corps: que l’expérience et l'observation ayant amener de nouvelles connaissances, on s'aperçut ensuite que les sels n'étaient point des corps simples, qu'ils étaient composés d'un acide et d'une base, et que c'était de cette réunion que résultait leur état de neutralité. Les découvertes modernes ont encore reculé de plusieurs degrés les bornes de l'analyse (1) ; elles nous ont éclairés sur la formation des acides, et nous ont fait. voir qu'ils étaient formés par la combinaison d'un principe acidifiant, commun à tous, l'oxygène, et d'un radical particulier pour chacun. qui les différencie et qui les constitue plutôt tel acide ou tel autre. J'ai été encore plus loin dans cet ouvrage, puisque j'ai fait voir, comme M. Hassenfratz, au surplus, l’avait déjà annoncé, que les radicaux des acides eux-mêmes ne sont pas touj ours des substances simples, même dans le sens que nous attachons à ce mot; qu'ils sont, ainsi que le principe huileux, un composé d'hydrogène et de carbone. Enfin. M Berthollet a prouvé que les bases des sels n'étaient pas plus simples que les acides eux-mêmes, et que l'ammoniaque était un composé d'azote et d'hydrogène.

(1) Voyez Mémoires de l'académie des sciences, années 1776, p.671 et 1778, p.535.


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La chimie marche donc vers son but et vers sa perfection en divisant, subdivisant, et resubdivisant encore, et nous ignorons quel sera le terme de ses succès. Nous ne pouvons donc pas assurer que ce que nous regardons comme simple aujourd'hui le soit en effet : tout ce que nous pouvons dire, c'est que telle substance est le terme actuel auquel arrive l’analyse chimique, et qu'elle ne peut plus se subdiviser au delà, dans l'état actuel de nos connaissances. Il est à présumer que les terres cesseront bientôt d'être comptées au nombre des substances simples ; elles sont les seules de toute cette classe qui n'aient point de tendance à .s'unir à l'oxygène, et je suis bien porté à croire que cette indifférence pour l'oxygène, s'il m'est permis do me servir de cette expression, tient à ce qu'elles en sont déjà saturées. Les terres, dans cette manière de voir, seraient des substances simples, peut-être des oxydes métalliques oxygénés jusqu'à un certain point. Ce n'est, au surplus, qu'une simple conjecture que je présente ici. J'espère que le lecteur voudra bien ne pas confondre ce que je donne pour des vérités de fait et d'expérience avec ce qui n'est encore qu'hypothétique. Je n'ai point fait entrer dans ce tableau les alcalis fixes, tels que la potasse et la soude, parce que ces substances sont évidemment composées, quoiqu'on ignore cependant encore la nature des principes qui entrent dans leur combinaison.


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DES RADICAUX OU BASES OXYDABLES ET ACIDIFIABLES, COMPOSÉS, QUI ENTRENT DANS LES COMBINAISONS A LA MANIERE DES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR LE TABLEAU DES RADICAUX OU BASES OXYDABLES ET ACIDIFIABLES, COMPOSÉS PAR LA RÉUNION DE PLUSIEURS SUBSTANCES SIMPLES.

Les radicaux du règne végétal et du règne animal que présente ce tableau, et qui tous sont susceptibles d'être oxydés et acidifiés, n'ayant point encore été analysés avec précision, il est impossible de les assujettir encore à une nomenclature régulière. Des expériences, dont quelques-unes me sont propres, et. dont d'autres ont été faites par M. Hassenfratz, m'ont seulement appris qu'en général presque tous les acides végétaux, tels que l'acide tartareux, l'acide oxalique, l'acide citrique, l'acide malique, l'acide acéteux, l'acide pyro-tartarique, l'acide pyro-mucique, ont pour radical l'hydrogène et le carbone, mais réunis de manière à ne former qu'une seule et même base ; que tous ces acides ne diffèrent entre eux que par la différence de proportion de ces deux substances, et par le degré d'oxygénation. Nous savons de plus, principalement par les expériences de M. Berthollet, que les radicaux du règne animal, et quelques-uns même du règne végétal, sont plus composés, et qu'indépendamment de l'hydrogène et du carbone, ils contiennent encore souvent de l'azote, et quelquefois du phosphore; mais il n'existe point encore de calculs exacts sur les quantités. Nous nous sommes donc trouvés forcés de donner, à la manière des anciens, à ces différents radicaux, des noms dérivés de celui de la substance dont ils ont été tirés. Sans doute, un jour, et à mesure choc nos connaissances acquerront plus de certitude et d'étendue, tous ces noms disparaîtront, et ils ne subsisteront plus que comme un témoignage de l'état dans lequel la science chimique nous a été transmise : ils feront place à ceux des radicaux hydro-carboneux et hydro-carbonique, carbone-hydreux et carbone-hydrique, comme je l'ai expliqué


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dans le chapitre XI, et le choix de ces noms sera déterminé par la proportion des deux bases dont ils sont composés. On aperçoit aisément que les huiles étant composées d'hydrogène et de carbone, elles sont de véritables radicaux carbone-hydreux ou hydro-carboneux, et, en effet, il suffit d'oxygéner des huiles pour les convertir d'abord en oxydes, et ensuite en acides végétaux, suivant le degré d'oxygénation. On ne peut pas cependant assurer d'une manière positive que les huiles entrent tout entières dans la composition des oxydes et ensuite des acides végétaux ; il est possible qu'elles perdent auparavant une portion de leur hydrogène ou de leur carbone, et que ce qui reste de l'une et de l'autre de ces substances ne soit plus dans la proportion nécessaire pour constituer des huiles. C'est sur quoi nous avons encore besoin d'être éclairés par l'expérience. Nous ne connaissons, à proprement parler, dans le règne minéral, d'autre radical composé que le radical nitro-muriatique. Il est formé par la réunion de l'azote avec le radical muriatique. Les autres acides composés ont été beaucoup moins étudiés, et ne présentent pas d'ailleurs des phénomènes aussi frappants.


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OBSERVATIONS SUR LES COMBINAISONS DE LA LUMIERE ET DU CALORIQUE AVEC LES DIFFÉRENTES SUBSTANCES.

Je n'ai point formé de tableau pour les combinaisons de la lumière et du calorique avec les substances simples ou composées, parce que nous n'avons point encore des idées suffisamment arrêtées sur ces sortes de combinaisons. Nous savons, en général, que tous les corps de la nature sont plongés dans le calorique, qu'ils en sont environnés, pénétrés de toutes parts, et qu'il remplit tous les intervalles que laissent entre elles leurs molécules : que, dans certains cas, le calorique se fixe dans les corps, de manière même à constituer leurs parties solides; mais que le plus souvent il en écarte les molécules, il exerce sur elles une force répulsive, et que c'est de son action ou de son accumulation plus ou moins grande que dépend le passage des corps de l'état solide à l'état liquide, de l'état liquide à l'état aériforme. Enfin, nous avons appelé d'un nom générique de gaz toutes les substances portées à l'état aériforme par une addition suffisante de calorique; en sorte que, si nous voulons désigner l'acide muriatique, l'acide carbonique, l'hydrogène, l'eau, l'alcool dans l'état aériforme, nous leur donnons le nom de gaz acide muriatique, gaz acide carbonique, gaz hydrogène, gaz aqueux, gaz alcool. A l’égard de la lumière, ses combinaisons et sa manière d'agir sur les corps sont encore moins connues. Il paraît seulement, d'après les expériences de M. Berthollet, qu'elle a une grande affinité avec l'oxygène, qu'elle est susceptible de se combiner avec lui, et qu'elle contribue avec le calorique à le constituer dans l'état de gaz. Les expériences qui ont été faites sur la végétation donnent aussi lieu de croire due la lumière se combine avec quelques parties des plantes, et que c'est à


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cette combinaison qu’est due la couleur verte des feuilles et la diversité de couleurs des fleurs. Il est au moins certain que les plantes qui croissent dans l’obscurité sont étiolées, et qu’elles sont absolument blanches ; qu’elles sont dans un état de langueur et de souffrance, et qu’elles ont besoin, pour reprendre leur vigueur naturelle et pour se colorer, de l’influence immédiate de la lumière. On observe quelque chose de semblable sur les animaux eux-mêmes ; les hommes, les femmes, les enfants, s’étiolent jusqu'à un certain point dans les travaux sédentaires des manufactures, dans les logements resserrés, dans les rues étroites des villes. Ils se développent au contraire, ils acquièrent plus de force et plus de vie, dans la plupart des occupations champêtres et dans les travaux en plein air. L’organisation, le sentiment, le mouvement spontané, la vie, n’existent qu’à la surface de la terre et dans les lieux exposés à la lumière. On dirait que la fable du flambeau de Prométhée était l’expression d’une vérité philosophique qui n’avait point échappée aux anciens. Sans la lumière, la nature était sans vie, elle était morte et inanimée : un Dieu bienfaisant, en apportant la lumière, a répandu sur la surface de la terre l’organisation, le sentiment et la pensée. Mais ce n’est point ici le lieu d’entrer dans aucuns détails sur les corps organisés ; c’est à dessein que j ’ai évité de m’en occuper dans cet ouvrage, et c’est ce qui m’a empêché de parler des phénomènes de la respiration, de la sanguification et de la chaleur animale. Je reviendrai un jour sur ces objets.


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OBSERVATIONS SUR LES COMBINAISONS BINAIRES DE L'OXYGINE AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES, MÉTALLIQUES ET NON MÉTALLIQUES.

L'oxygène est une des substances les plus abondamment répandues dans la nature, puisqu'elle forme près du tiers en poids de notre atmosphère, et, par conséquent, du fluide élastique que nous respirons. C'est dans ce réservoir immense que vivent et croissent les animaux et les végétaux, et c'est également de lui que nous tirons principalement tout l'oxygène que nous employons dans nos expériences. L'attraction réciproque qui s'exerce entre ce principe et les différentes substances est telle, qu'il est impossible de l'obtenir seul et dégagé de toute combinaison. Dans notre atmosphère, il est uni au calorique qui le tient en état de gaz, et il est mêlé avec environ deux tiers en poids de gaz azote. Il faut, pour qu'un corps s'oxygène, réunir un certain nombre de conditions : la première est que les molécules constituantes de ce corps n’exercent pas sur elles- mêmes une attraction plus forte que celles qu'elles exercent sur l'oxygène ; car il est évident qu'alors il ne peut plus y avoir de combinaison. L'art, dans ce cas, peut venir au secours de la nature, et l'on peut diminuer presque à volonté l'attraction des molécules des corps, en les échauffant, c'est-à-dire en y introduisant du calorique. Échauffer un corps, c'est écarter les unes des autres les molécules qui le constituent ; et, comme l'attraction de ces molécules diminue suivant une certaine loi relative à la distance, il se trouve nécessairement un instant où les molécules exercent une plus forte attraction sur l’oxygène qu'elles n'en exercent sur elles-mêmes ; c'est alors que l'oxygénation a lieu. On conçoit que le degré de chaleur auquel commence ce phénomène doit être différent pour chaque substance. Ainsi, pour oxygéner la plupart des corps, et, en général, presque toutes les substances sim- [simples]


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ples, il ne s’agit que de les exposer à l’action de l’atmosphère, et de les élever à une température convenable. Cette température, pour le plomb, le mercure, l’étain, n’est pas fort supérieure à celle dans laquelle nous vivons. Il faut, au contraire, un degré de chaleur assez grand pour oxygéner le fer, le cuivre, etc. du moins par la voie sèche, et lorsque l’oxygénation n’est point aidée par l’action de l’humidité. Quelquefois l’oxygénation se fait avec une extrême rapidité, et alors elle est accompagnée de chaleur, de lumière et même de flamme ; telle est la combustion du phosphore dans l’air de l’atmosphère, et celle du fer dans le gaz oxygène. Celle du soufre est moins rapide ; enfin, celle du plomb, de l’étain et de la plupart des métaux, se fait beaucoup plus lentement et sans que le dégagement du calorique, et surtout de la lumière, soit sensible. Il est des substances qui ont une telle affinité pour l’oxygène, et qui ont la propriété de s’oxygéner à une température si basse, que nous ne les voyons que dans l’état d’oxygénation. Tel est l’acide muriatique, que l’art, ni peut-être la nature, n’ont encore pu décomposer, et qui ne se présente à nous que sous l’état d’acide. Il est probable qu’il y a beaucoup d’autres substances du règne minéral qui, comme l’acide muriatique, sont nécessairement oxygénées au degré de chaleur dans lequel nous vivons ; et c’est sans doute parce qu’elles sont déjà saturées d’oxygène, qu’elles n’exercent plus aucune action sur ce principe. L’exposition des substances simples à l’air, élevées à un certain degré de température, n’et pas le seul moyen de les oxygéner. Au lieu de leur présenter l’oxygène uni au calorique, on peut leur présenter cette substance unie à un métal avec lequel elle ait peu d’affinité. L’oxide rouge de mercure est un des plus propres à remplir cet objet, surtout à l’égard des corps qui ne sont point attaqués par le mercure. L’oxygène, dans cet oxyde, tient très-peu au métal, et même il n’y tient plus au degré de chaleur qui commence à faire rougir le verre. en conséquence, on oxygène avec beaucoup de facilité tous les corps qui en sot susceptibles, en les mêlant avec de l’oxyde rouge de mercure, et en les élevant à un degré de chaleur médiocre.


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L'oxyde noir de manganèse, l'oxyde rouge de plomb, les oxydes d'argent, et, en général, presque tous les oxydes métalliques, peuvent remplir, jusqu'à un certain point, le même objet, en choisissant de préférence ceux dans lesquels l'oxygène a le moins d'adhérence. Toutes les réductions ou revivifications métalliques ne sont même que des opérations de ce genre : elles ne sont autre chose que des oxygénations du charbon par un acide métallique quelconque. Le charbon combiné avec l'oxygène et avec du calorique s'échappe sous forme de gaz acide carbonique, et le métal reste pur et revivifié. On peut encore oxygéner toutes les substances combustibles en les combinant, soit avec du nitrate de potasse ou de soude, soit avec du muriate oxygéné de potasse. A un certain degré de chaleur, l'oxygène quitte le nitrate et le muriate pour se combiner avec le corps combustible : mais ces sortes d'oxygénations ne doivent être tentées qu'avec des précautions extrêmes et sur de très-petites quantités. L'oxygène entre dans la combinaison des nitrates et surtout des muriates oxygénés avec une quantité de calorique presque égale à celle qui est nécessaire pour le constituer gaz oxygène. Cette immense quantité de calorique devient subitement libre, au moment de sa combinaison avec le corps combustible, et il en résulte des détonations terribles, auxquelles rien ne résiste. Enfin on peut oxygéner par la voie humide une partie des corps combustibles, et transformer en acides la plupart des oxydes des trois règnes. On se sert principalement, à cet effet, de l'acide nitrique, auquel l'oxygène tient peu, et qui le cède facilement à un grand nombre de corps, à l'aide d'une douce chaleur. On peut également employer l’acide muriatique oxygéné pour quelques-unes de ces opérations, mais non pas pour toutes. J'appelle binaires les combinaisons des substances simples avec l'oxygène, parce qu'elles ne sont formées que de la réunion de deux substances. Je nommerai combinaisons ternaires celles composées de trois substances simples, et combinaisons quaternaires celles composées de quatre substances.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'OXYGÈNE AVEC LES RADICAUX COMPOSÉS. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR LES COMBINAISONS DE L’OXYGENE AVEC LES RADICAUX COMPOSES.

Depuis que j'ai publié dans les Mémoires de l'Académie, année 1776, page 671, et 1778, page 535, une nouvelle théorie sur la nature et sur la formation des acides, et que j'en ai conclu que le nombre de ces substances devait être beaucoup plus grand qu'on ne l'avait pensé jusqu'alors, une nouvelle carrière s'est ouverte en chimie : au lieu de cinq ou six acides qu'on connaissait, on en a découvert successivement jusqu'à trente, et le nombre des sels neutres s'est accru dans la même proportion. Ce qui nous reste à étudier maintenant est la nature des bases acidifiables et le degré d'oxygénation dont elles sont susceptibles. J'ai déjà fait observer que, dans le règne minéral, presque tous les radicaux oxydables et acidifiables étaient simples ; que, dans le règne végétal au contraire, et surtout dans le règne animal, il n'en existait presque pas qui ne fussent composés au moins de deux substances, d'hydrogène et de carbone ; que souvent l'azote et le phosphore s'y réunissaient, et qu'il en résultait des radicaux à quatre bases. Les oxydes et acides animaux et végétaux peuvent, d'après ces observations, différer entre eux, 1° par le nombre des principes acidifiants qui constituent leur base ; 2° par la différente proportion de ces principes ; 3° par le différent degré d'oxygénation ; ce qui suffit et au-delà pour expliquer le grand nombre de variétés que nous présente la nature. Il n'est pas étonnant, d'après cela, qu'on puisse convertir presque tous les acides végétaux les uns dans les autres ; il ne s'agit, pour y parvenir, que de changer la proportion du carbone et de l'hydrogène, ou de les oxygéner plus ou moins. C'est ce qu'a fait M. Crell dans des expériences très-ingénieuses, qui ont été confirmées et étendues depuis par M. Hassenfratz. Il en résulte que le carbone et l'hydro­[hydrogène]


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gène donnent, par un premier degré d'oxygénation, de l'acide tartareux, par un second, de l'acide oxalique, par un troisième, de l'acide acéteux ou acétique. Il paraîtrait seulement que le carbone entre dans une proportion un peu moindre dans la combinaison des acides acéteux et acétique. L'acide citrique et l'acide malique différent très-peu des précédents. Doit-on conclure de ces réflexions que les huiles soient la base, qu'elles soient le radical des acides végétaux et animaux ? J'ai déjà exposé mes doutes à cet égard. Premièrement, quoique les huiles paraissent n'être uniquement composées que d'hydrogène et de carbone, nous ne savons pas si la proportion qu'elles en contiennent est précisément celle nécessaire pour constituer les radicaux des acides. Secondement, puisque les acides végétaux et animaux ne sont pas seulement composés d'hydrogène et de carbone, mais que l'oxygène entre également dans leur combinaison, il n'y a pas de raison de conclure qu'ils contiennent plutôt de l'huile que de l'acide carbonique et de l'eau. Ils contiennent bien, il est vrai, les matériaux propres à chacune de ces combinaisons ; mais ces combinaisons ne sont point réalisées à la température habituelle dont nous jouissons, et les trois principes sont dans un état d'équilibre, qu'un degré de chaleur un peu supérieur à celui de l'eau bouillante subit pour troubler. On peut consulter ce que j'ai dit, à cet égard, p. 96 et suivantes de cet ouvrage.


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TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DE L'AZOTE AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'AZOTE ET SUR SES COMBINAISONS AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES.

L'azote est un des principes les plus abondamment répandus dans la nature. Combiné avec le calorique, il forme le gaz azote ou la mofette, qui entre environ pour les deux tiers dans le poids de l'air de l'atmosphère. Il demeure constamment dans l'état de gaz au degré de pression et de température dans lequel nous vivons ; aucun degré de compression ni de froid n'ont encore pu le réduire à l'état liquide ou solide. Ce principe est aussi un des éléments qui constituent essentiellement les matières animales : il y est combiné avec le carbone et l'hydrogène, quelquefois avec le phosphore, et le tout est lié par une certaine portion d'oxygène qui les met ou à l'état d'oxyde, ou à celui d'acide, suivant le degré d'oxygénation. La nature des matières animales peut donc varier, comme celle des matières végétales, de trois manières, 1° par le nombre des substances qui entrent dans la combinaison du radical ; 2° par leur proportion ; 3° par le degré d'oxygénation. L'azote combiné avec l'oxygène forme les oxydes et acides nitreux et nitrique ; combiné avec l'hydrogène il forme l'ammoniaque ; ses autres combinaisons avec les substances simples sont peu connues. Nous leur donnerons le nom d'azotures, pour conserver l'identité de terminaison en ure que nous avons affectée à toutes les substances non oxygénées. Il est assez probable que toutes les substances alcalines appartiennent à ce genre de combinaisons. Il y a plusieurs manières d'obtenir le gaz azote : la première, de le tirer de l'air commun en absorbant, par le sulfure de potasse ou de chaux dissous dans l'eau, le gaz oxygène qu'il contient. Il faut douze ou quinze jours pour que l'absorption soit complète ; en supposant même qu'on agite et qu'on renouvelle les surfaces, et qu'on rompe la pellicule qui s'y forme.


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La seconde, de le tirer des matières animales en les dissolvant dans de l'acide nitrique affaibli et presque à froid. L'azote, dans cette opération, se dégage sous forme de gaz, et on le reçoit sous des cloches remplies d'eau dans l'appareil pneumato- chimique : mêlé avec un tiers en poids de gaz oxygène, il reforme de l’air atmosphérique. Une troisième manière d'obtenir le gaz azote est de le retirer du nitre par la détonation, soit avec le charbon, soit avec quelques autres corps combustibles. Dans le premier cas, le gaz azote se dégage mêlé avec du gaz acide carbonique, qu'on absorbe ensuite par de l'alcali caustique ou de l'eau de chaux, et le gaz azote reste pur. Enfin, un quatrième moyen d'obtenir le gaz azote est de le tirer de la combinaison de l'ammoniaque avec les oxydes métalliques. L'hydrogène de l'ammoniaque se combine avec l'oxygène de l'oxyde ; il se forme de l'eau, comme l'a observé M. de Fourcroy ; en même temps l'azote, devenu libre, se dégage sous la forme de gaz. Il n'y a pas longtemps que les combinaisons de l'azote sont connues en chimie. M. Cavendish est le premier qui l’ait observé dans le gaz et dans l'acide nitreux. M. Berthollet l’a ensuite découvert dans l'ammoniaque et dans l'acide prussique. Tout, jusqu'ici, porte à croire que cette substance est un être simple et élémentaire ; rien ne prouve au moins qu'elle ait encore été décomposée, et ce motif suffit pour justifier la place que nous lui avons assignée.


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TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DE L'HYDROGÈNE AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. . [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'HYDROGÈNE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

L'hydrogène, comme l’exprime sa dénomination, est un des principes de l'eau ; il entre pour quinze centièmes dans sa composition : l’oxygène en forme les quatre- vingt-cinq autres centièmes. Cette substance, dont les propriétés et même l'existence ne sont connues que depuis très-peu de temps, est un des principes les plus abondamment répandus dans la nature : c'est un de ceux qui jouent le principal rôle dans le règne végétal et dans le règne animal. L'affinité de l’hydrogène pour le calorique est telle, qu'il reste constamment dans l’état de gaz au degré de chaleur et de pression dans lequel nous vivons. Il nous est donc impossible de connaître ce principe dans un état concret et dépouillé de toute combinaison. Pour obtenir l'hydrogène ou plutôt le gaz hydrogène, il ne faut que présenter à l'eau une substance pour laquelle l'oxygène ait plus d'affinité qu'il n'en a avec l'hydrogène. Aussitôt l'hydrogène devient libre, il se combine avec le calorique et forme le gaz hydrogène. C'est le fer qu'on a coutume d'employer pour opérer cette séparation, et il fart pour cela qu'il soit élevé à un degré de chaleur capable de le faire rougir. Le fer s'oxyde dans cette opération, et devient semblable à la mine de fer de l’île d'Elbe. Dans cet état il est beaucoup moins attirable à l’aimant, et il se dissout sans effervescence dans les acides. Le carbone, lorsqu'il est rouge et embrasé, a également la propriété de décomposer l'eau et d'enlever l'oxygène à l'hydrogène ; mais alors il se forme de l’acide carbonique qui se mêle avec le gaz hydrogène ; on l'en sépare facilement, parce que l’acide carbonique est absorbable par l'eau et par les alcalis, tandis que l'hydrogène ne l'est pas. On peut encore obtenir du gaz hydrogène en faisant dissoudre du fer ou du


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zinc dans de l'acide sulfurique étendu d'eau. Ces deux métaux, qui ne décomposent que très-difficilement et très-lentement l'eau lorsqu'ils sont seuls, la décomposent au contraire avec beaucoup de facilité lorsqu'ils sont aidés par la présence de l'acide sulfurique. L'hydrogène s'unit au calorique dans cette opération, aussitôt qu'il est dégagé, et on l'obtient dans l'état de gaz hydrogène. Quelques chimistes d'un ordre très-distingué se persuadent que l'hydrogène est le phlogistique de Stahl, et, comme ce célèbre chimiste admettait du phlogistique dans les métaux, dans le soufre, dans le charbon, etc. ils sont obligés de supposer qu'il existe également de l'hydrogène fixé et combiné dans toutes ces substances ; ils le supposent, mais ils ne le prouvent pas, et, quand ils le prouveraient, ils ne seraient pas beaucoup plus avancés, puisque ce dégagement du gaz hydrogène n'explique en aucune manière les phénomènes de la calcination et de la combustion. Il faudrait. touj ours en revenir à l'examen de cette question : le calorique et la lumière qui se dégagent pendant les différentes espèces de combustion sont-ils fournis par le corps qui brûle ou par le gaz oxygène qui se fixe dans toutes les opérations ? et certainement la supposition de l'hydrogène dans les différents corps combustibles ne jette aucune lumière sur cette question. C'est, au surplus, à ceux qui supposent à prouver ; et toute doctrine qui expliquera aussi bien et aussi naturellement que la leur, sans supposition, aura au moins l'avantage de la simplicité. On peut voir ce que nous avons publié sur cette grande question, M. de Morveau, M. Berthollet, M. de Fourcroy et moi, dans la traduction de l'essai de M. Kirwan sur le phlogistique.


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TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DU SOUFRE NON OXYGÉNÉ AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR LE SOUFRE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES.

Le soufre est une des substances combustibles qui a le plus de tendance à la combinaison. Il est naturellement dans l'état concret à la température habituelle dans laquelle nous vivons, et ne se liquéfie qu'à une chaleur supérieure de plusieurs degrés à celle de l'eau bouillante. La nature nous présente le soufre tout formé, et à peu prés porte au dernier degré de pureté dont il est susceptible dans le produit des volcans ; elle nous le présente encore, et beaucoup plus souvent, dans l'état d'acide sulfurique, c'est-à-dire combiné avec l'oxygène, et c'est dans cet état qu'il se trouve dans les argiles, dans les gypses, etc. Pour ramener à l'état de soufre l'acide sulfurique de ces substances, il faut lui enlever l'oxygène, et on y parvient en le combinant à une chaleur rouge avec du carbone. Il se forme de l'acide carbonique qui se dégage dans l'état de gaz, et il reste un sulfure qu'on décompose par un acide : l'acide s'unit à la base, et le soufre se précipite.


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TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DU PHOSPHORE NON OXYGÉNÉ AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR LE PHOSPHORE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES.

Le phosphore est une substance combustible simple, dont l'existence avait échappé aux recherches des anciens chimistes. C'est en 1667 que la découverte en fut faite par Brandt, qui fit mystère de son procédé ; bientôt après Kunckel découvrit le secret de Brandt ; il le publia, et le nom de phosphore de Kunckel, qui lui a été conservé jusqu'à nos jours, prouve que la reconnaissance publique se porte sur celui qui publie, plutôt que sur celui qui découvre, quand il fait mystère de sa découverte. C'est de l'urine seule qu'on tirait alors le phosphore : quoique la méthode de le préparer eût été décrite dans plusieurs ouvrages, et notamment par M. Homberg, dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1692, l'Angleterre a été longtemps en possession d'en fournir seule aux savants de toute l'Europe. Ce fut en 1737 qu'il fut fait pour la première fois en France, au Jardin royal des Plantes, en présence des commissaires de l'Académie des Sciences. Maintenant on le tire d'une manière plus commode, et surtout plus économique, des os des animaux, qui sont un véritable phosphate calcaire. Le procédé le plus simple consiste, d'après MM. Gahn, Scheele, Rouelle, etc. à calciner des os d'animaux adultes, jusqu'à ce qu'ils soient presque blancs. On les pile et on les passe au tamis de soie ; on verse ensuite dessus de l'acide sulfurique étendu d'eau, mais en quantité moindre qu'il n'en faut pour dissoudre la totalité des os. Cet acide s'unit à la terre des os pour former du sulfate de chaux ; en même temps l'acide phosphorique est dégagé et reste libre dans la liqueur. On décante alors, on lave le résidu, et on réunit l'eau du lavage à la liqueur décantée ; on fait évaporer, afin de séparer du sulfate de chaux, qui se


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cristallise en filets soyeux, et on finit par obtenir l'acide phosphorique sous forme d'un verre blanc et transparent, qui, réduit en poudre et mêlé avec un tiers de son poids de charbon, donne de bon phosphore. L'acide phosphorique qu'on obtient par ce procédé n'est jamais aussi pur que celui retiré du phosphore, soit par la combustion, soit par l'acide nitrique ; il ne doit donc point être employé pour des expériences de recherches. Le phosphore se rencontre dans presque toutes les substances animales et dans quelques plantes qui ont, d'après l'analyse chimique, un caractère animal. Il y est ordinairement combiné avec le carbone, l'azote et l'hydrogène, et il en résulte des radicaux très-composés. Ces radicaux sont communément portés à l'état d'oxyde par une portion d'oxygène. La découverte que M. Hassenfratz a faite de cette substance dans le charbon de bois ferait soupçonner qu'il est plus commun qu'on ne pense dans le règne végétal. Ce qu'il y a de certain, c'est que des familles entières de plantes en fournissent quand on les traite convenablement. Je range le phosphore au rang des corps combustibles simples, parce qu'aucune expérience ne donne lieu de croire qu'on puisse le décomposer. Il s'allume à 32 degrés du thermomètre.


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TABLEAU DES COMBINAISONS BINAIRES DU CARBONE NON OXYGÉNÉ AVEC LES SUBSTANCES SIMPLES. [Tableau non reproduit dasn cette version.]


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OBSERVATIONS SUR LE CARBONE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Comme aucune expérience ne nous a indiqué jusqu'ici la possibilité de décomposer le carbone, nous ne pouvons, quant à présent, le considérer que comme une substance simple. Il paraît prouvé par les expériences modernes qu'il est tout formé dans les végétaux, et j'ai déjà fait observer qu'il y était combiné avec l'hydrogène, quelquefois avec l'azote et avec le phosphore, pour former des radicaux composés ; enfin, que ces radicaux étaient ensuite portés à l'état d'oxydes ou d'acides, suivant la proportion d'oxygène qui y était ajoutée. Pour obtenir le carbone contenu dans les matières végétales ou animales, il ne faut que les faire chauffer à un degré de feu d'abord médiocre et ensuite très-fort, afin de décomposer les dernières portions d'eau que le charbon retient obstinément. Dans les opérations chimiques on se sert ordinairement de cornues de grès ou de porcelaine, dans lesquelles on introduit le bois ou autres matières combustibles, et on pousse à grand feu dans un bon fourneau de réverbère : la chaleur volatilise, ou, ce qui est la même chose, convertit en gaz toutes les substances qui en sont susceptibles, et le carbone, comme le plus fixe, reste combiné avec un peu de terre et quelques sels fixes. Dans les arts, la carbonisation du bois se fait par un procédé moins coûteux : on dispose le bois en tas, on le recouvre de terre, de manière qu'il n'y ait de communication avec l'air que ce qu'il en faut pour faire brûler le bois et pour en chasser l'huile et l'eau ; on étouffe ensuite le feu, en bouchant les trous qu'on avait ménagés à la terre du fourneau. Il y a deux manières d'analyser le carbone : sa combustion par le moyen de l'air ou plutôt du gaz oxygène, et son oxygénation par l'acide nitrique. On le convertit, dans les deux cas, en acide carbonique, et il laisse de la chaux, de la potasse et quelques sels neutres. Les chimistes se sont peu occupés de ce genre d'analyse, et il n'est pas même rigoureusement démontré que la potasse existe dans le charbon avant la combustion.


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OBSERVATIONS SUR LES RADICAUX MURIATIQUE, FLUORIQUE ET BORACIQUE, ET SUR LEURS COMBINAISONS.

On n'a point formé de tableau pour présenter le résultat des combinaisons de ces substances, soit entre elles, soit avec les autres corps combustibles, parce qu'elles sont toutes absolument inconnues. On sait seulement que ces radicaux s'oxygènent ; qu'ils forment les acides muriatique, fluorique et boracique, et qu'alors ils sont susceptibles d'entrer dans un grand nombre de combinaisons : mais la chimie n'a pas encore pu parvenir à les désoxygéner, s'il est permis de se servir de cette expression, et à les obtenir dans leur état de simplicité. Il faudrait, pour y parvenir, trouver un corps pour lequel l’oxygène eût plus d'affinité qu'il n'en a avec les radicaux muriatique, fluorique et boracique, ou bien se servir de doubles affinités. On peut voir dans les observations relatives aux acides muriatique, fluorique et boracique, ce que nous savons de l'origine de leurs radicaux.

OBSERVATIONS SUR LA COMBINAISON DES MÉTAUX LES UNS AVEC LES AUTRES.

Ce serait ici le lieu, pour terminer ce qui concerne les substances simples, de présenter des tableaux de la combinaison de tous les métaux les uns avec les autres ; mais, comme ces tableaux seraient très-volumineux et ne présenteraient rien que d'incomplet, à moins de recherches qui n'ont point encore été faites, je les ai supprimés. Il me suffira de dire que toutes ces combinaisons portent le nom d'alliages, et qu'on doit nommer le premier le métal qui entre en plus grande abondance dans la composition métallique. Ainsi, alliage d'or et d'argent, ou or allié d'argent, annonce une combinaison où l'or est le métal dominant. Les alliages métalliques ont, comme toutes les autres combinaisons, leur degré de saturation ; il paraîtrait même, d'après les expériences de M. de la Briche, qu'ils en ont deux très- distincts.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'AZOTE, OU RADICAL NITRIQUE, PORTÉ A L'ÉTAT D'ACIDE NITREUX PAR LA COMBINAISON D'UNE SUFFISANTE QUANTITÉ D'OXYGÈNE, AVEC LES BASES SALIFIABLE, DANS L'ORDRE DE LEURS AFFINITÉS AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'AZOTE COMPLÈTEMENT SATURÉ D'OXYGÈNE, ET PORTÉ À L'ÉTAT D'ACIDE NITRIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tabaleau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR LES ACIDES NITREUX ET NITRIQUE, ET SUR LE TABLEAU DE LEURS COMBINAISONS.

L'acide nitreux et l'acide nitrique se tirent d'un sel connu dans les arts sous le nom de salpêtre. On extrait ce sel par lixiviation des décombres des vieux bâtiments et de la terre des caves, des écuries, des granges, et en général des lieux habités. L'acide nitrique est le plus souvent uni, dans ces terres, à la chaux et à la magnésie, quelquefois à la potasse, et plus rarement à l'alumine. Comme tous ces sels, à l'exception de celui à base de potasse, attirent l’humidité de l’air, et qu'ils seraient d'une conservation difficile dans les arts, on profite de la plus grande affinité qu'a la potasse avec l’acide nitrique, et de la propriété qu'elle a de précipiter la chaux, la magnésie et l'alumine, pour ramener ainsi dans le travail du salpêtrier et dans le raffinage qui se fait ensuite dans les magasins du roi, tous les sels nitriques à l'état de nitrate de potasse ou de salpêtre. Pour obtenir l'acide nitreux de ce sel, on met dans une cornue tubulée trois parties de salpêtre très-pur, et une d'acide sulfurique concentré : on y adapte un ballon à deux pointes, auquel on joint l'appareil de Woulfe, c'est-à-dire des flacons à plusieurs goulots à moitié remplis d'eau et réunis par des tubes de verre. On voit cet appareil représenté pl. IV, fig. 1. On lute exactement toutes les jointures, et on donne un feu gradué ; il passe de l'acide nitreux en vapeurs rouges, c'est-à-dire surchargé de gaz nitreux, ou, autrement dit, qui n'est point oxygéné autant qu'il le peut être. Une partie de cet acide se condense dans le ballon, dans l’état d'une liqueur d'un jaune rouge très-foncé ; le surplus se combine avec l'eau des bouteilles. Il se dégage en même temps une grande quantité de gaz oxygène, par la raison qu'à une température un peu élevée l’oxygène a plus d'affinité avec le calorique qu'avec l’oxyde nitreux, tandis que le contraire arrive à la température habituelle


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dans laquelle nous vivons. C'est parce qu'une partie d'oxygène a quitté ainsi l'acide nitrique, qu'il se trouve converti en acide nitreux. On peut ramener cet acide de l'état nitreux à l'état nitrique en le faisant chauffer à une chaleur douce ; le gaz nitreux qui était en excès s'échappe, et il reste de l'acide nitrique : mais on n'obtient par cette voie qu'un acide nitrique très-étendu d'eau, et il y a d'ailleurs une perte considérable. On se procure de l'acide nitrique beaucoup plus concentré et avec infiniment moins de perte, en mêlant ensemble du salpêtre et de l'argile bien sèche, et en les poussant au feu dans une cornue de grès. L'argile se combine avec la potasse pour laquelle elle a beaucoup d'affinité : en même temps il passe de l'acide nitrique très-légèrement fumant, et qui ne contient qu'une très-petite portion de gaz nitreux. On l'en débarrasse aisément, en faisant chauffer faiblement l'acide dans une cornue : on obtient une petite portion d'acide nitreux dans le récipient, et il reste de l'acide nitrique dans la cornue. On a vu dans le corps de cet ouvrage que l'azote était le radical nitrique : si à vingt parties et demie en poids d'azote on ajoute quarante-trois parties et demie d'oxygène, cette proportion constituera l'oxyde ou le gaz nitreux ; si on ajoute à cette première combinaison trente-six autres parties d'oxygène, on aura de l'acide nitrique. L'intermédiaire entre la première et la dernière de ces proportions donne différentes espèces d'acides nitreux, c'est-à-dire de l'acide nitrique plus ou moins imprégné de gaz nitreux. J'ai déterminé ces proportions par voie de décomposition, et je ne puis pas assurer qu'elles soient rigoureusement exactes ; mais elles ne peuvent pas s'écarter beaucoup de la vérité. M. Cavendish, qui a prouvé le premier, et par voie de composition, que l'azote est le radical nitrique, a donné des proportions un peu différentes, et dans lesquelles l'azote entre pour une plus forte proportion ; mais il est probable en même temps que c'est de l'acide nitreux qu'il a formé, et non de l'acide nitrique ; et cette circonstance suffit pour expliquer jusqu'à un certain point la différence des résultats.


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Pour obtenir l'acide nitrique très-pur, il faut employer du nitre dépouillé de tout mélange de corps étrangers. Si, après la distillation, on soupçonne qu'il y reste quelques vestiges d'acide sulfurique, on y verse quelques gouttes de dissolution de nitrate barytique : l'acide sulfurique s'unit avec la baryte, et forme un sel neutre insoluble qui se précipite. On en sépare avec autant de facilité les dernières portions d'acide muriatique qui pouvaient y être contenues, en y versant quelques gouttes de nitrate d'argent ; l'acide muriatique contenu dans l'acide nitrique s'unit à l’argent, avec lequel il a plus d'affinité, et se précipite sous forme de muriate d'argent, qui est presque insoluble. Ces deux précipitations faites, on distille jusqu'à ce qu'il ait passé environ les sept huitièmes de l'acide, et on est sûr alors de l’avoir parfaitement pur. L'acide nitrique est un de ceux qui ont le plus de tendance à la combinaison, et dont en même temps la décomposition est la plus facile. Il n'est presque point de substance simple, si on en excepte l'or, l'argent et le platine, qui ne lui enlève plus ou moins d'oxygène ; quelques-unes même le décomposent en entier. Il a été fort anciennement connu des chimistes, et ses combinaisons ont été plus étudiées que celles d'aucun autre. MM. Macquer et Baumé ont nommé nitres tous les sels qui ont l'acide nitrique pour acide. Nous avons dérivé leur nom de la même origine ; mais nous en avons changé la terminaison, et nous les avons appelés nitrates ou nitrites, suivant qu'ils ont l'acide nitrique ou l'acide nitreux pour acide et d'après la loi générale dont nous avons expliqué les motifs, chapitre XVI. C'est également par une suite des procédés généraux dont nous avons rendu compte que nous avons spécifié chaque sel par le nom de sa base.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'ACIDE SULFURIQUE, OU SOUFRE OXYGÉNÉ AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. PAR LA VOIE HUMIDE. NOMENCLATURE NOUVELLE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'ACIDE SULFURIQUE, OU SOUFRE OXYGÉNÉ AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. PAR LA VOIE HUMIDE. NOMENCLATURE ANCIENNE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'ACIDE SULFURIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

On a longtemps retiré l'acide sulfurique par distillation du sulfate de fer ou vitriol de mars, dans lequel cet acide est uni au fer. Cette distillation a été décrite par Basile Valentin, qui écrivait dans le XVe siècle. On préfère aujourd'hui de le tirer du soufre par la combustion, parce qu'il est à beaucoup meilleur marché que celui qu'on peut extraire des différents sels sulfuriques. Pour faciliter la combustion du soufre et son oxygénation, on y mêle un peu de salpêtre ou nitrate de potasse en poudre. Ce dernier est décomposé, et fournit au soufre une portion de son oxygène, qui facilite. sa conversion en acide. Malgré l'addition de salpêtre, on ne peut continuer la combustion du soufre dans des vaisseaux fermés, quelque grands qu'ils soient, que pendant un temps déterminé. La combustion cesse par deux raisons : 1° parce que le gaz oxygène sa trouve épuisé, et que l'air dans lequel se fait la combustion se trouve presque réduit à l'état de gaz azotique ; 2° parce que l'acide lui-même, qui reste longtemps en vapeurs, met obstacle à la combustion. Dans les travaux en grand des arts, on brûle le mélange de soufre et de salpêtre dans de grandes chambres dont les parois sont recouvertes de feuilles de plomb : on laisse un peu d'eau au fond pour faciliter la condensation des vapeurs. On se débarrasse ensuite de cette eau, en introduisant l'acide sulfurique qu'on a obtenu dans de grandes cornues : on distille à un degré de chaleur modéré ; il passe une eau légèrement acide, et il reste dans la cornue de l'acide sulfurique concentré. Dans cet état, il est diaphane, sans odeur, et il pèse à peu près le double de l'eau. On prolongerait la combustion du soufre, et on accélérerait la fabrication de l'acide sulfurique, si on introduisait dans les grandes chambres doublées de plomb, où se fait


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cette opération, le vent de plusieurs soufflets qu'on dirigerait sur la flamme. On ferait évacuer le gaz azotique par de longs canaux ou espèces de serpentins, dans lesquels il serait en contact avec de l'eau, afin de le dépouiller de tout le gaz acide sulfureux ou acide sulfurique qu'il pourrait contenir. Suivant une première expérience de M. Berthollet, soixante-neuf parties de soufre, en brûlant, absorbent trente et une parties d'oxygène, pour former cent parties d'acide sulfurique. Suivant une seconde expérience faite par une autre méthode, soixante et douze parties de soufre en absorbent vingt-huit d'oxygène pour former la même quantité de cent parties d'acide sulfurique sec. Cet acide ne dissout, comme tous les autres, les métaux qu'autant qu'ils ont été préalablement oxydés ; mais la plupart sont susceptibles de décomposer une portion de l'acide, et de lui enlever assez d'oxygène pour devenir dissolubles dans le surplus : c'est ce qui arrive à l'argent, au mercure et même au fer et au zinc, quand on les fait dissoudre dans de l'acide sulfurique concentré et bouillant. Ces métaux s'oxydent et se dissolvent, mais ils n'enlèvent pas assez d'oxygène à l'acide pour le réduire en soufre ; ils le réduisent seulement à l'état d'acide sulfureux, et il se dégage alors sous la forme de gaz acide sulfureux. Lorsqu'on met de l'argent, du mercure, ou quelque métal autre que le fer et le zinc, dans de l'acide sulfurique étendu d'eau, comme ils n'ont pas assez d'affinité avec l'oxygène pour l'enlever, ni au soufre, ni à l'acide sulfureux, ni à l'hydrogène, ils sont absolument insolubles dans cet acide. Il n'en est pas de même du zinc et du fer : ces deux métaux, aidés par la présence de l'acide, décomposent l'eau ; ils s'oxydent à ses dépens, et deviennent alors dissolubles dans l'acide, quoiqu'il ne soit ni concentré ni bouillant.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'ACIDE SULFUREUX AVEC LES BASES SALIFIABLES DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. NOMENCLATURE NOUVELLE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.172


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE SULFUREUX ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

L'acide sulfureux est formé, comme l'acide sulfurique, de la combinaison du soufre avec l’oxygène, mais avec une moindre proportion de ce dernier. On peut l'obtenir de différentes manières : 1° en faisant brûler du soufre lentement ; 2° en distillant de l'acide sulfurique sur de l'argent, de l'antimoine, du plomb, do mercure ou du charbon : une portion d'oxygène s'unit au métal, et l'acide passe dans l’état d'acide sulfureux. Cet acide existe naturellement dans l’état de gaz au degré de température et de pression dans lequel nous vivons ; mais il parait. d'après des expériences de M. Clouet, qu'à un très-grand degré du refroidissement. il se condense et devient liquide ; l'eau absorbe beaucoup plus de ce gaz acide qu'elle n'absorbe de gaz acide carbonique : mais elle en absorbe beaucoup moins que de gaz acide muriatique. C'est une vérité bien établie, et que je n'ai peut-être que trop répétée, que les métaux en général ne peuvent se dissoudre dans les acides qu'autant qu'ils peuvent s'y oxyder : or, l'acide sulfureux étant déjà dépouillé d'une grande partie de l'oxygène nécessaire pour le constituer acide sulfurique, il est plutôt disposé à en reprendre qu'à en fournir à la plupart des métaux, et c'est pour cela qu'il ne peut les dissoudre, à moins qu'ils n'aient été préalablement oxydés. Par une suite du même principe, les oxydes métalliques se dissolvent dans l'acide sulfureux sans effervescence et même avec beaucoup de facilité. Cet acide a même, comme l'acide muriatique, la propriété de dissoudre des oxydes métalliques qui sont trop oxygénés, et qui seraient par cela même indissolubles dans l'acide sulfurique : il forme alors avec eux de véritables sulfates. On pourrait donc soupçonner qu'il n'existe que des sulfates métalliques et non des sulfites, si les phénomènes qui ont lieu


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dans la dissolution du fer, du mercure, et de quelques autres métaux, ne nous apprenaient que ces substances métalliques sont susceptibles de s'oxyder plus ou moins en se dissolvant dans les acides. D'après cette observation, le sel dans lequel le métal sera le moins oxydé devra porter le nom de sulfite, et celui dans lequel le métal sera le plus oxydé devra porter le nom de sulfate. On ignore encore si cette distinction, nécessaire pour le fer et pour le mercure, est applicable à tous les autres sulfates métalliques.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DU PHOSPHORE QUI A REÇU UN PREMIER DEGRÉ D’OXYGÉNATION ET QUI A ÉTÉ PORTÉ À L'ÉTAT D'ACIDE PHOSPHOREUX, AVEC LES BASES SALIFIABLES DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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TABLEAU DES COMBINAISONS DU PHOSPHORE SATURÉ D'OXYGÈNE, OU ACIDE PHOSPHORIQUE, AVEC LES SUBSTANCES SALIFIABLES DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR DES ACIDES PHOSPHOREUX ET PHOSPHORIQUE, ET SUR LES TABLEAUX DE LEURS COMBINAISONS.

On a vu, à l'article phosphore, un précis historique de la découverte de cette singulière substance, et quelques observations sur la manière dont elle existe dans les végétaux et dans les animaux. Le moyen le plus sûr pour obtenir l'acide phosphorique pur et exempt de tout mélange est de prendre du phosphore en nature et de le faire brûler sous des cloches de verre, dont on a humecté l'intérieur en y promenant de l'eau distillée. Il absorbe dans cette opération deux fois 1/2 son poids d'oxygène. On peut obtenir cet acide concret en faisant cette même combustion sur du mercure au lieu de la faire sur de l'eau : il se présente alors dans l'état de flocons blancs qui attirent l'humidité de l'air avec une prodigieuse activité. Pour avoir ce même acide dans l'état d'acide phosphoreux, c'est- à-dire moins oxygéné, il faut abandonner le phosphore à une combustion extrêmement lente, et le laisser tomber en quelque façon en deliquium à l'air dans un entonnoir placé sur un flacon de cristal. Au bout de quelques jours on trouve le phosphore oxygéné ; l'acide phosphoreux, à mesure qu'il s'est formé, s'est emparé d'une portion d'humidité de l'air, et a coulé dans le flacon. L'acide phosphoreux se convertit au surplus aisément en acide phosphorique par une simple exposition à l'air longtemps continuée. Comme le phosphore a une assez grande affinité avec l'oxygène pour l'enlever à l'acide nitrique et à l'acide muriatique oxygéné, il en résulte encore un moyen simple et peu dispendieux d'obtenir l'acide phosphorique. Lorsqu'on veut opérer par l'acide nitrique, on prend une cornue tubulée bouchée avec un bouchon de cristal ; on l'emplit à moitié d'acide nitrique concentré, on fait chauffer légèrement, puis on intro- [introduit]


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duit par la tubulure de petits morceaux de phosphore. Ils se dissolvent avec effervescence ; en même temps le gaz nitreux s'échappe sous la forme de vapeurs rutilantes. On continue ainsi d'aj outer du phosphore jusqu'à ce qu'il refuse de se dissoudre. On pousse alors le feu un peu plus fort pour chasser les dernières portions d'acide nitrique, et on trouve l'acide phosphorique dans la cornue, en partie sous forme concrète, et en partie sous forme liquide.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL CARBONIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE CARBONIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'ACIDE CARBONIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

De tous les acides que nous connaissons, l'acide carbonique est peut-être celui qui est le plus abondamment répandu dans la nature. Il est tout formé dans les craies, dans les marbres, dans toutes les pierres calcaires, et il est neutralisé principalement par une terre particulière connue sous le nom de chaux. Pour le dégager de ces substances, il ne faut que verser dessus de l'acide sulfurique, ou tout autre acide qui ait plus d'affinité avec la chaux que n'en a l'acide carbonique : il se fait une vive effervescence, laquelle n'est produite que par le dégagement de cet acide, qui prend la forme de gaz dès qu'il est libre. Ce gaz n'est susceptible de se condenser par aucun des degrés de refroidissement et de pression auxquels il a été exposé jusqu'ici : il ne s'unit avec l'eau qu'à peu prés à volume égal, et il en résulte un acide extrêmement faible. On peut encore obtenir l'acide carbonique assez pur, en le dégageant de la matière sucrée en fermentation ; mais alors il tient une petite portion d'alcool en dissolution. Le carbone est le radical de l'acide carbonique. On peut, en conséquence, former artificiellement cet acide, en brûlant du charbon dans du gaz oxygène, ou bien en combinant de la poudre de charbon avec un oxyde métallique dans de justes proportions. L'oxygène de l'oxyde se combine avec le charbon, forme du gaz acide carbonique, et le métal devenu libre reparaît sous sa forme métallique. C'est à M. Black que nous devons les premières connaissances qu'on ait eues sur cet acide. La propriété qu'il a de n'exister que sous forme de gaz, au degré de température et de pression dans lequel nous vivons, l’avait soustrait aux recherches des anciens chimistes.


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Si on pouvait parvenir à décomposer cet acide par des moyens peu dispendieux, on aurait fait une découverte bien précieuse pour l'humanité, puisqu'on pourrait obtenir libres les masses immenses de carbone que contiennent les terres calcaires, les marbres, etc. On ne le peut pas par des affinités simples, puisque le corps qu'il faudrait employer pour décomposer l'acide carbonique devrait être au moins aussi combustible que le charbon même, et qu'alors on ne ferait que changer un combustible contre un autre ; mais il n'est pas impossible d'y parvenir par des affinités doubles, et ce qui porte à le croire, c'est que la nature résout complétement ce problème, et avec des matériaux qui ne lui coûtent rien, dans l'acte de la végétation.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL MURIATIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE MURIATIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'ACIDE MURIATIQUE OXYGÉNÉ, AVEC LES DIFFÉRENTES BASES SALIFIABLES AVEC LESQUELLES IL EST SUSCEPTIBLE DE S'UNIR. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'ACIDE MURIATIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

L'acide muriatique est répandu très-abondamment dans le règne minéral : il est uni avec différentes bases, principalement avec la soude, la chaux et la magnésie. C'est avec ces trois bases qu'on le rencontre dans l'eau de la mer et dans celle de plusieurs lacs : il est plus communément uni avec la soude dans les mines de sel gemme. Cet acide ne paraît pas avoir été décomposé jusqu'à ce jour dans aucune expérience chimique ; en sorte que nous n'avons nulle idée de la nature de son radical : ce n'est même que par analogie que nous concluons qu'il contient le principe acidifiant ou oxygène. M. Berthollet avait soupçonné que ce radical pouvait être de nature métallique ; mais, comme il paraît que l’acide muriatique se forme journellement dans les lieux habités, par la combinaison des miasmes et des fluides aériformes, il faudrait supposer qu'il existe un gaz métallique dans l'atmosphère, ce qui n'est pas sans doute impossible, mais ce qu'on ne peut admettre, au moins, que d'après des preuves. L'acide muriatique ne tient que médiocrement aux bases avec lesquelles il est uni : l'acide sulfurique l'en chasse, et c'est principalement par l'intermède de cet acide que les chimistes ont coutume de se le procurer. On pourrait employer d'autres acides pour remplir ce même objet, par exemple, l'acide nitrique ; mais cet acide étant volatil, il aurait l'inconvénient de se mêler avec l'acide muriatique dans la distillation. Il faut, dans cette opération, employer environ une partie d'acide sulfurique concentré, et deux de sel marin. On se sert d'une cornue tubulée, dans laquelle on introduit d'abord le sel ; on y adapte un récipient également tubulé, à la suite duquel on ajoute deux ou trois bouteilles remplies d'eau, et qui sont jointes par des tubes, à la ma- [ manière]


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nière de M. Woulfe. La figure 1, planche IV, représente cet appareil. On lute bien toutes les jointures, après quoi on introduit l'acide sulfurique dans la cornue par la tubulure, et on la referme aussitôt avec son bouchon de cristal. C'est une propriété de l'acide muriatique, de ne pouvoir exister que dans l'état de gaz, à la température et au degré de pression dans lequel nous vivons : il serait donc impossible de le coërcer, si on ne lui présentait de l'eau, avec laquelle il a une grande affinité. Il s'unit dans une très- grande proportion à celle contenue dans les bouteilles adaptées au ballon ; et, lorsqu'elles en sont saturées. il en résulte ce que les anciens appelaient esprit de sel fumant, et ce que nous appelons aujourd'hui acide muriatique. Celui qu'on obtient par ce procédé n'est pas saturé d'oxygène autant qu'il le peut être ; il est susceptible d'en prendre une nouvelle dose, si on le distille sur des oxydes métalliques, tels que l'oxyde de manganèse, l'oxyde de plomb ou celui de mercure : l'acide qui se forme alors, et que nous nommons acide muriatique oxygéné, ne peut exister, comme le précédent, lorsqu'il est libre, que dans l'état gazeux ; il n'est plus susceptible d'être absorbé par l'eau en aussi grande quantité. Si on en imprègne ce fluide au delà d'une certaine proportion, l'acide se précipite au fond du vase sous forme concrète. L'acide muriatique oxygéné est susceptible, comme l'a démontré M. Berthollet, de se combiner avec un grand nombre de bases salifiables ; les sels qu'il forme sont susceptibles de détoner avec le carbone et avec plusieurs substances

métalliques : ces détonations sont d'autant plus dangereuses, que l'oxygène entre dans la composition du muriate oxygéné avec une très-grande quantité de calorique, qui donne lieu, par son expansion, à des explosions très-dangereuses.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'ACIDE NITRO-MURIATIQUE AVEC LES BASES SALIFIABLES, RANGÉES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE, ATTENDU QUE LES AFFINITÉS DE CET ACIDE NE SONT POINT ASSEZ CONNUES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'ACIDE NITRO-MURIATIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

L'acide nitro-muriatique, anciennement appelé eau régale, est formé par un mélange d'acide nitrique et d'acide muriatique. Les radicaux de ces deux acides s'unissent ensemble dans cette combinaison, et il en résulte un acide à deux bases, qui a des propriétés particulières qui n'appartiennent à aucun des deux séparément, notamment celle de dissoudre l'or et le platine. Dans les dissolutions nitro-muriatiques, comme dans toutes les autres, les métaux commencent par s'oxyder avant de se dissoudre ; ils s'emparent d'une portion de l'oxygène de l'acide, il se dégage en même temps un gaz nitro-muriatique d'une espèce particulière, qui n'a encore été bien décrit par personne. Son odeur est très- désagréable, et il est aussi funeste qu'aucun autre aux animaux qui le respirent ; il attaque les instruments de fer et les rouille ; l'eau en absorbe une assez grande quantité et prend quelques caractères d'acidité. J'ai eu occasion de faire ces observations lorsque j'ai traité le platine et que je l'ai fait dissoudre très en grand dans l'acide nitro-muriatique. J'avais d'abord soupçonné que, dans le mélange de l'acide nitrique et de l'acide muriatique, ce dernier s'emparait d'une partie de l'oxygène de l'acide nitrique, et qu'alors, porté à l'état d'acide muriatique oxygéné, il devenait susceptible de dissoudre l'or ; mais plusieurs faits se refusent à cette explication. S'il en était ainsi, en faisant chauffer de l'acide nitro-muriatique, il s'en dégagerait du gaz nitreux ; et cependant on n'en obtient pas sensiblement. Je reviens donc à considérer l'acide nitro-muriatique comme un acide à deux bases, et j'adopte entièrement, à cet égard, les idées de M. Berthollet.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL FLUORIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE FLUORIQUE, AVEC DES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L’ACIDE FLUORIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

La nature nous offre l'acide fluorique tout formé dans le spath phosphorique ou fluate de chaux : il y est combiné avec la terre calcaire, et forme un sel insoluble. Pour obtenir l'acide fluorique seul et dégagé de toute combinaison, on met du spath fluor ou fluate de chaux dans une cornue de plomb ;on verse dessus de l'acide sulfurique, et on adapte à la cornue un récipient également de plomb, à moitié rempli d'eau. On donne une chaleur douce, et l'acide fluorique est absorbé par l'eau du récipient, à mesure qu'il se dégage. Comme cet acide est naturellement sous forme de gaz au degré de chaleur et de pression dans lequel nous vivons, on peut le recueillir dans cet état dans l'appareil pneumato-chimique au mercure, comme on y reçoit le gaz acide marin, le gaz acide sulfureux, le gaz acide carbonique. On est obligé de se servir, pour cette opération, de vaisseaux métalliques, parce que l'acide fluorique dissout le verre et la terre siliceuse ; il communique même de la volatilité à ces deux substances, et il les enlève avec lui dans l’état de gaz. C'est à M. Margraff que nous devons la première connaissance de cet acide ; mais il ne l'a jamais obtenu que combiné avec une quantité considérable de silice : l i norait d ailleurs que ce fût un acide particulier et sui generis. M. le duc de Liancourt, dans un Mémoire imprimé sous le nom de M. Boulanger, a étendu beaucoup plus loin nos connaissances sur les propriétés de l'acide f uorique ; enfin M. Scheele semble avoir mis la dernière main à ce travail. Il ne reste plus aujourd'hui qu'à déterminer quelle est la nature du radical fluorique ; mais, comme il ne paraît pas qu'on soit encore parvenu à décomposer l'acide, on ne peut avoir aucun aperçu de la nature du radical. S'il y avait quelques expériences à tenter à cet égard, ce ne pourrait être que par la voie des doubles affinités qu'on pourrait espérer quelques succès.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL BORACIQUE OXYGÉNÉ AVEC LES DIFFÉRENTES BASES SALIFIABLES AUXQUELLES IL EST SUSCEPTIBLE DE S'UNIR, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'ACIDE BORACIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

On donne le nom il de boracique à un acide concret qu'on retire du borax, sel qui nous vient de l’Inde par le commerce. Quoique le borax ait été employé très-anciennement dans les arts, on n'a que des notions très-incertaines sur son origine, sur la manière de l'extraire et de le purifier. On a lieu de soupçonner que c'est un sel natif, qui se trouve naturellement dans les terres de quelques contrées de l'Inde et dans l'eau des lacs : tout le commerce de ce sel se fait par les Hollandais ; ils ont été longtemps seuls en possession de le purifier ; mais MM. l'Éguilier, dans une fabrique qu'ils ont élevée à Paris, sont parvenus à rivaliser avec eux : le procédé de cette purification, au surplus, est encore un mystère. L'analyse chimique nous a appris que le borax était un sel neutre avec excès de base ; que cette base était la soude, et qu'elle était en partie neutralisée par un acide particulier, qui a été longtemps été appelé sel sédatif de Homberg, et que nous avons désigné sous le nom d'acide boracique. On le rencontre quelquefois libre dans l'eau des lacs ; celle du lac Cherchiaio en Italie en contient 94 grains et demi par pinte. Pour séparer l'acide boracique et l'obtenir libre, on commence par dissoudre le borax dans l'eau bouillante ; on filtre la liqueur très chaude et on y verse de, l'acide sulfurique, ou un autre acide quelconque qui ait plus d'affinité avec la soude que n'en a l'acide boracique. Ce dernier se sépare aussitôt, et on l'obtient sous forme cristalline par refroidissement. On a cru longtemps que l'acide boracique était un produit de l'opération par laquelle on l'obtenait : on se persuadait, en conséquence, qu'il était différent, suivant l'acide qu'on avait employé pour le séparer


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d'avec la soude. Aujourd'hui il est bien reconnu que l'acide boracique est touj ours identiquement le même, de quelque manière qu'il ait été dégagé, pourvu, toutefois, qu'il ait été bien dépouillé de tout acide étranger par le lavage, et qu'on l'ait purifié par une ou deux cristallisations successives. L'acide boracique est soluble dans l'eau et dans l'alcool. Il a la propriété de communiquer à la flamme de ce dernier, dans lequel on l'a dissous, une couleur verte, et cette circonstance avait fait croire qu'il contenait du cuivre ; mais aucune expérience décisive n'a confirmé ce résultat. Il y a apparence que, si le borax contient quelquefois du cuivre, il lui est accidentel. Cet acide se combine avec les substances salifiables, par la voie humide et par la voie sèche. Il ne dissout pas directement les métaux par la voie humide, mais on peut parvenir à opérer la combinaison par double affinité. Le tableau ci-dessus présente les différentes substances avec lesquelles l'acide boracique peut s'unir dans l'ordre des affinités qui s'observent par la voie humide ; il exige un changement notable, lorsqu'on opère par la voie sèche : alors l'alumine, qui est placée la dernière, doit être placée immédiatement après la soude. Le radical boracique est entièrement inconnu ; l'oxygène y tient tellement, qu'il n'a pas encore été possible de l'en séparer par aucun moyen. Ce n'est même que par analogie qu'on peut conclure que l'oxygène fait partie de sa combinaison, comme de celle de tous les acides.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DE L'ARSENIC 0XYGÉNÉ, OU ACIDE ARSÉNIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'ACIDE ARSÉNIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Dans un Mémoire imprimé dans le recueil de l'Académie, année 1746, M. Macquer a fait voir qu'en poussant au feu un mélange d'oxyde blanc, d'arsenic et de nitre, on obtenait un sel neutre, qu'il a nommé sel neutre arsenical. On ignorait entièrement, à l'époque où M. Macquer a publié ce Mémoire, la cause de ce singulier phénomène, et comment une substance métallique pouvait jouer le rôle d'un acide. Des expériences plus modernes nous ont appris que l'arsenic s'oxygénait dans cette opération ; qu'il enlevait l'oxygène à l'acide nitrique, et qu'à l'aide de ce principe il se convertissait en un véritable acide, qui se combinait ensuite avec la potasse. On connaît aujourd'hui d'autres moyens, non-seulement d'oxygéner l'arsenic, mais encore d'obtenir l'acide arsénique libre et dégagé de toute combinaison. Le plus simple est de dissoudre l'oxyde blanc d'arsenic dans trois fois son poids d'acide muriatique : on ajoute dans cette dissolution, pendant qu'elle est encore bouillante, une quantité d'acide nitrique double du poids de l'arsenic, et on évapore jusqu'à siccité. L'acide nitrique se décompose dans cette opération ; son oxygène s'unit à l'oxyde d'arsenic pour l'acidifier ; le radical nitrique se dissipe sous forme de gaz nitreux. A l'égard de l'acide muriatique, il se convertit en gaz muriatique, et on peut le retenir par voie de distillation. On s'assure qu'il ne reste plus d'acide étranger, en calcinant l'acide concret jusqu'à ce qu'il commence à rougir : ce qui reste ainsi dans le creuset est de l'acide arsénique pur. Il y a plusieurs autres manières d'oxygéner l'arsenic et de le convertir en un acide. Le procédé que M. Scheele a employé, et que M. de Morveau a répété avec un grand succès dans le laboratoire de


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Dijon, consiste à distiller de l'acide muriatique oxygéné sur de la manganèse. Cet acide s'oxygène, comme je l'ai dit ailleurs, et passe sous la forme d'acide muriatique suroxygéné. On le reçoit dans un récipient, dans lequel on a mis de l'oxyde blanc d'arsenic recouvert d'un peu d'eau distillée. L'arsenic blanc décompose l'acide muriatique oxygéné, et lui enlève l'oxygène surabondant ; d'une part il se convertit en acide arsénique, et de l'autre l'acide muriatique oxygéné redevient acide muriatique ordinaire. On sépare ces deux acides en distillant à une chaleur douce, qu'on augmente cependant sur la fin : l'acide muriatique passe, et l'acide arsénique reste sous forme blanche et concrète. Dans cet état il est beaucoup moins volatil que l'oxyde blanc d'arsenic. Très-souvent l'acide arsénique tient en dissolution une portion d'oxyde blanc d'arsenic qui n'a pas été suffisamment oxygéné. On n'est point exposé à cet inconvénient quand on a opéré par l'acide nitrique, et qu'on en ajoute de nouveau jusqu'à ce qu'il ne passe plus de gaz nitreux. D'après ces différentes observations, je définirai l’acide arsénique, un acide métallique blanc, concret, fixe au degré de feu qui le fait rougir, formé par la combinaison de l'arsenic avec l'oxygène, qui se dissout dans l'eau, et qui est susceptible de se combiner avec un grand nombre de bases salifiables.


Pagination originale du document : p.195


TABLEAU DES COMBINAISONS DU MOLYBDÈNE OXYGÉNÉ, OU ACIDE MOLYBDIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABETIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.196


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE MOLYBDIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Le molybdène est une substance métallique particulière, qui est susceptible de s'oxygéner au point de se transformer en un véritable acide concret. Pour y parvenir, on introduit dans une cornue une partie de mine de molybdène, telle que la nature nous la présente, et qui est un véritable sulfure de molybdène ; on y ajoute cinq ou six parties d'un acide nitrique affaibli d'un quart d'eau environ, et on distille. L'oxygène de l'acide nitrique se porte sur le molybdène et sur le soufre : il transforme l'un en un oxyde métallique, et d'autre en acide sulfurique. On repasse de nouvel acide nitrique dans la même proportion et jusqu'à quatre ou cinq fois ; et, quand il n'y a plus de vapeurs rouges, le molybdène est oxygéné autant qu'il le peut être, du moins par ce moyen, et on le trouve au fond de la cornue sous forme blanche, pulvérulente, comme de la craie. Cet acide est peu soluble, et on peut, sans risquer d'en perdre beaucoup, le laver avec de l'eau chaude. Cette précaution est nécessaire pour le débarrasser des dernières portions d'acide sulfurique qui pourraient y adhérer.


Pagination originale du document : p.197


TABLEAU DES COMBINAISONS DU TUNGSTÈNE, OU ACIDE TUNGSTIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.198


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE TUNGSTIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

On donne le nom de tungstène à un métal particulier, dont la mine a été souvent confondue avec celle d'étain ; dont la cristallisation a du rapport avec celle des grenats ; dont la pesanteur spécifique excède 6000, celle de l'eau étant supposée 1000 ; enfin qui varie du blanc perlé au rougeâtre et au jaune. On le trouve en plusieurs endroits de la Saxe et en Bohème. Le wolfram est aussi une véritable mine de tungstène, qui se rencontre fréquemment dans les mines de Cornouailles. Le métal qui porte le nom de tungstène est dans l'état d'oxyde dans ces deux espèces de mines. Il paraîtrait même qu'il est porté, dans sa mine de tungstène, au delà de l'état d'oxyde ; qu'il y fait fonction d'acide : il y est uni à la chaux. Pour obtenir cet acide libre, on mêle une partie de mine de tungstène avec quatre parties de carbonate de potasse, et on fait fondre le mélange dans un creuset. Lorsque la matière est refroidie, on la met en poudre et on verse dessus douze parties d'eau bouillante ; puis on ajoute de l'acide nitrique qui s'unit à la potasse, avec laquelle il a plus d'affinité, et en dégage l'acide tungstique : cet acide se précipite aussitôt sous forme concrète. On peut y repasser de l'acide nitrique qu'on évapore à siccité, et continuer ainsi jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus de vapeurs rouges ; on est assuré pour lors qu'il est complètement oxygéné. Si on veut obtenir l'acide tungstique pur, il faut opérer la fusion de la mine avec le carbonate de potasse dans un creuset de platine ; autrement la terre du creuset se mêlerait avec les produits, et altérerait la pureté de l'acide. Les affinités de l'acide tungstique avec les oxydes métalliques ne sont point déterminées, et c'est pour cette raison qu'on les a rangées par ordre alphabétique ; à l'égard des autres substances salifiables, on les a rangées dans l'ordre de leur affinité avec l'acide tungstique. Toute cette classe de sels n'avait été ni connue ni nommée par les anciens.


Pagination originale du document : p.199


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL TARTAREUX OXYGÉNÉ, OU ACIDE TARTAREUX, AVEC LES BASES SALIFIABLES DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'ACIDE TARTAREUX ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Tout le monde connaît le tartre qui s'attache autour des tonneaux dans lesquels la fermentation du vin s'est achevée. Ce sel est composé d'un acide particulier sui generis, combiné avec la potasse, mais de manière que l'acide est dans un excès considérable. C'est encore M. Scheele qui a enseigné aux chimistes le moyen d'obtenir l'acide tartareux pur. Il a observé d'abord que cet acide avait plus d'affinité avec la chaux qu'avec la potasse ; il prescrit, en conséquence, de commencer par dissoudre du tartre purifié dans de l'eau bouillante, et d'y ajouter de la chaux jusqu'à ce que tout l'acide soit saturé. Le tartrite de chaux qui se forme est un sel presque insoluble, qui tombe au fond de la liqueur, surtout quand elle est refroidie ; on l'en sépare par décantation, on le lave avec de l'eau froide et on le sèche ; après quoi on verse dessus de l'acide sulfurique étendu de huit à neuf fois son poids d'eau, on fait digérer pendant douze heures, à une chaleur douce, en observant de remuer de temps en temps : l'acide sulfurique s'empare de la chaux, forme du sulfate de chaux, et l'acide tartareux se trouve libre. Il se dégage, pendant cette digestion, une petite quantité de gaz qui n'a pas été examiné. Au bout de douze heures on décante la liqueur, on lave le sulfate de chaux avec de l'eau froide pour emporter les portions d'acide tartareux dont il est imprégné ; on réunit tous les lavages à la première liqueur, on filtre, on évapore et on obtient l'acide tartareux concret. Deux livres de tartre purifié donnent environ onze onces d'acide. La quantité d'acide sulfurique nécessaire pour cette quantité de tartre est de huit à dix onces d'acide concentré, qu'on étend, comme je viens de le dire, de huit à neuf parties d'eau. Comme le radical combustible est en excès dans cet acide, nous lui


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avons conservé la terminaison en eux, et nous avons nommé tartrite le résultat de sa combinaison avec les substances salifiables. La base de l'acide tartareux est le radical carbone-hydreux ou hydro-carboneux, et il parait qu'il y est moins oxygéné que dans l'acide oxalique. Les expériences de M. Hassenfratz paraissent prouver que l'azote entre aussi dans la combinaison de ce radical, même en assez grande quantité. En oxygénant l'acide tartareux, on le convertit en acide oxalique, en acide malique et en acide acéteux ; mais il est probable que la proportion de l'hydrogène et du carbone change dans ces conversions, et que la différence du degré d'oxygénation n'est pas la seule cause qui constitue la différence de ces acides. L'acide tartareux, en se combinant avec les alcalis fixes, est susceptible de deux degrés de saturation : le premier constitue un sel avec excès d'acide, nommé très- improprement crème de tartre, et que nous avons nommé tartrite acidule de potasse. La même combinaison donne, par un second degré de saturation, un sel parfaitement neutre, que nous nommons simplement tartrite de potasse, et qui est connu en pharmacie sous le nom de sel végétal. Le même acide, combiné avec la soude jusqu'à saturation, donne un tartrite de soude connu sous le nom de sel de seignette, ou de sel de polycreste de la Rochelle.


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TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL MALIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE MALIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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OBSERVATIONS SUR L'ACIDE MALIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES

COMBINAISONS.

L'acide malique se trouve tout formé dans le jus des pommes acides mûres ou non mûres, et d'un grand nombre d'autres fruits. Pour l’obtenir, on commence par saturer le jus de pommes avec de la potasse ou de la soude. On verse ensuite, sur la liqueur saturée, de l'acétite de plomb dissous dans l'eau. Il se fait un échange de bases ; l'acide malique se combine avec le plomb, et se précipite. On lave bien ce précipité, ou plutôt ce sel, qui est à peu près insoluble ; après quoi on y verse de l'acide sulfurique affaibli, qui chasse l'acide malique, s'empare du plomb, forme avec lui un sulfate, qui est de même très-peu soluble et qu'on sépare par filtration ; il reste de l'acide malique libre et en liqueur. Cet acide se trouve mêlé avec l'acide citrique et avec l'acide tartareux dans un grand nombre de fruits : il tient à peu près le milieu entre l'acide oxalique et l'acide acéteux ; et c'est ce qui a porté M. Hermbstadt à lui donner le nom de vinaigre imparfait. Il est plus oxygéné que l'acide oxalique, mais il l'est moins que l'acide acéteux. Il diffère aussi de ce dernier par la nature de son radical, qui contient un peu plus de carbone et un peu moins d'hydrogène. On peut le former artificiellement, en traitant du sucre avec de l'acide nitrique. Si on s'est servi d'un acide étendu d'eau, il ne se forme point de cristaux d'acide oxalique ; mais la liqueur contient réellement deux acides, savoir l'acide oxalique, l'acide malique, et probablement même un peu d'acide tartareux. Pour s'en assurer, il ne s'agit que de verser de l'eau de chaux sur la liqueur ; il se forme en même temps du malate de chaux qui reste en dissolution. Pour avoir l'acide pur et libre, on décompose le malate de chaux par l'acétite de plomb, et on enlève le plomb à l'acide malique par l'acide sulfurique, de la même manière que quand on opère directement sur le jus des pommes.


Pagination originale du document : p.204


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL CITRIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE CITRIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.205


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE CITRIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

On donne le nom de citrique à l'acide en liqueur qu'on retire par expression du citron ; on le rencontre dans plusieurs autres fruits mêlé avec l'acide malique. Pour l'obtenir pur et concentré, on le laisse déposer sa partie muqueuse par un long repos dans un lieu frais, tel que la cave, ensuite on le concentre par un froid de 4 à 5 degrés au- dessous de zéro du thermomètre de Réaumur : l'eau se gèle et l'acide reste en liqueur. On peut ainsi le réduire à un huitième de son volume. Un trop grand degré de froid nuirait au succès de l'opération, parce que l'acide se trouverait engagé dans la glace, et qu'on aurait de la peine à l'en séparer. Cette préparation de l'acide citrique est de M. Georgius. On peut l'obtenir d'une manière plus simple encore, en saturant du jus de citron avec de la chaux. Il se forme un citrate calcaire qui est indissoluble dans l'eau ; on lave ce sel, et on verse dessus de l'acide sulfurique, qui s'empare de la chaux et qui forme du sulfate de chaux, sel presque insoluble. L'acide citrique reste libre dans la liqueur.


Pagination originale du document : p.206


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL PYRO-LIGNEUX OXYGÉNÉ, OU ACIDE PYRO- LIGNEUX, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.207


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE PYRO-LIGNEUX ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Les anciens chimistes avaient observé que la plupart des bois, et surtout ceux qui sont lourds et compactes, donnaient, par la distillation à feu nu, un esprit acide d'une nature particulière ; mais personne, avant M. Goettling, ne s'était occupé d'en rechercher la nature. Le travail qu'il a donné sur ce sujet se trouve dans le journal de Crell, année 1779. L'acide pyro-ligneux, qu'on obtient par la distillation du bois à feu nu, est de couleur brune ; il est très-chargé d'huile et de charbon ; pour l'obtenir plus pur, on le rectifie par une seconde distillation. Il paraît qu'il est à peu près le même, de quelque bois qu'il ait été tiré. M. de Morveau et M. Éloi Boursier de Clervaux se sont attachés à déterminer les affinités de cet acide avec les différentes bases salifiables ; et c'est dans l'ordre qu'ils leur ont assigné qu'on les présente ici. Le radical de cet acide est principalement formé d'hydrogène et de carbone.


Pagination originale du document : p.208


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL PYRO-TARTAREUX OXYGÉNÉ, OU ACIDE PYRO- TARTAREUX, AVEC LES BASES SALIFIABLES DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.209


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE PYRO-TARTAREUX ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

On donne le nom de pyro-tartareux à un acide empyreumatique peu concentré, qu'on retire du tartre purifié par voie de distillation. Pour l'obtenir, on remplit à moitié de tartrite acidule de potasse ou tartre, en poudre, une cornue de verre ; on y adapte un récipient tubulé auquel on ajoute un tube qui s'engage sous une cloche dans l'appareil pneumato-chimique. En graduant le feu, on obtient une liqueur acide empyreumatique mêlée avec de l'huile : on sépare ces deux produits au moyen d'un entonnoir, et c'est la liqueur acide qu'on a nommée acide pyro-tartareux. Il se dégage, dans cette distillation, une prodigieuse quantité de gaz acide carbonique. L'acide pyro- tartareux qu'on obtient n'est pas parfaitement pur ; il contient touj ours de l'huile, qu'il serait à souhaiter qu'on en pût séparer. Quelques auteurs ont conseillé de le rectifier ; mais les académiciens de Dijon ont constaté que cette opération était dangereuse, et qu'il y avait explosion.


Pagination originale du document : p.210


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL PYRO-MUQUEUX OXYGÉNÉ, OU ACIDE PYRO- MUQUEUX, AVEC LES BASES ACIDIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.21 1


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE PYRO-MUQUEUX ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

On retire l'acide pyro-muqueux du sucre et de tous les corps sucrés par la distillation à feu nu. Comme ces substances se boursouflent considérablement au feu, on doit laisser vides les sept huitièmes de la cornue. Cet acide est d'un jaune qui tire sur le rouge ; on l'obtient moins coloré en le rectifiant par une seconde distillation. Il est principalement composé d'eau et d'une petite portion d'huile légèrement oxygénée. Quand il en tombe sur les mains, il les tache en jaune, et ces taches ne s'en vont qu'avec l'épiderme. La manière la plus simple de le concentrer est de l'exposer à la gelée ou bien à un froid artificiel ; si on l'oxygène par l'acide nitrique, on le convertit en partie en acide oxalique et en acide malique. C'est mal à propos qu'on a prétendu qu'il se dégage beaucoup de gaz pendant la distillation de cet acide ; il n'en passe presque point quand la distillation est conduite lentement et par un degré de feu modéré.


Pagination originale du document : p.212


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL OXYGÉNE, OU ACIDE OXALIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.213


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE OXALIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

L'acide oxalique se prépare principalement en Suisse et en Allemagne ; il se tire du suc de l'oseille qu'on exprime, et dans lequel ses cristaux se forment par un long repos. Dans cet état il est en partie saturé par de l'alcali fixe végétal ou potasse : eu sorte que c’est, à proprement parler, un sel neutre avec un grand excès d'acide. Quand on veut obtenir l'acide pur, il faut le former artificiellement, et on y parvient en oxygénant le sucre, qui paraît être le véritable radical oxalique. On verse en conséquence, sur une partie de sucre, six à huit parties d'acide nitrique, et on fait chauffer à une chaleur douce ; il se produit une vive effervescence, et il se dégage une grande abondance de gaz nitreux ; après quoi, en laissant reposer la liqueur, il s'y forme des cristaux qui sont de l'acide oxalique très-pur. On les sèche sur un papier iris pour en séparer les dernières portions d'acide nitrique dont ils pourraient être imbibés ; et, pour être encore plus sûr de la pureté de l'acide, on le dissout dans de l'eau distillée, et on le fait cristalliser une seconde fois. L'acide oxalique n'est pas le seul qu'on puisse obtenir du sucre en l'oxygénant. La même liqueur qui a donné des cristaux d'acide oxalique par refroidissement contient en outre l'acide malique, qui est un peu plus oxygéné. Enfin, en oxygénant encore davantage le sucre, on le convertit en acide acéteux ou vinaigre. L'acide oxalique, uni à une petite quantité de soude ou de potasse, a, comme l'acide tartareux, la propriété d'entrer tout entier dans un grand nombre de combinaisons sans se décomposer : il en résulte des sels à deux bases, qu'il a bien fallu nommer. Nous avons appelé le sel d'oseille oxalate acidule de potasse.


Pagination originale du document : p.214


Il y a plus d'un siècle que l'acide oxalique est connu des chimistes. M. Duclos en a fait mention dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1688. Il a été décrit avec assez de soin par Boerhaave ; mais M. Scheele est le premier qui ait reconnu qu'il contenait de la potasse toute formée, et qui ait démontré son identité avec l'acide qu'on forme par l'oxygénation du sucre.


Pagination originale du document : p.215


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL ACETEUX OXYGÉNÉ, PAR UN PREMIER DEGRÉ D’OXYGENATION, AVEC LES BASES SALIFIABLES, SUIVANT L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.216


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL ACETEUX OXYGÉNÉ, PAR UN PREMIER DEGRÉ D’OXYGENATION, AVEC LES BASES SALIFIABLES, SUIVANT L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.217


OBSERVATIONS SUR LE RADICAL ACETEUX OXYGÉNÉ PAR UN PREMIER DEGRÉ D’OXYGÉNATION, OU ACIDE ACETEUX, ET SUR SES COMBINAISONS AVEC LES BASES SALIFIABLES.

Le radical acéteux est composé de la réunion du carbone et de l’hydrogène portés à l'état d'acide par l'addition de l'oxygène. Cet acide est, par conséquent, composé des mêmes principes que l'acide tartareux, que l'acide malique, etc. mais la proportion des principes est différente pour chacun de ces acides, et il parait que l'acide acéteux est le plus oxygéné de tous. J'ai quelques raisons de croire qu'il contient aussi un peu d'azote, et que ce principe, qui n'existe pas dans les autres acides végétaux que je viens de nommer, si ce n'est peut-être dans l'acide tartareux, est une des causes qui le différencient. Pour produire l'acide acéteux ou vinaigre, on expose le vin à une température douce, en y ajoutant un ferment, qui consiste principalement dans la lie qui s’est précédemment séparée d'autre vinaigre pendant sa fabrication, ou dans d'autres matières de même nature. La partie spiritueuse du vin (le carbone et l'hydrogène) s'oxygène dans cette opération ; c'est par cette raison qu'elle ne peut se faire qu'à l'air libre, et qu'elle est toujours accompagnée d'une diminution du volume de l'air. Il faut, en conséquence, pour faire de bon vinaigre, que le tonneau dans lequel on opère ne soit qu'à moitié plein. L'acide qui se forme ainsi est très-volatil ; il est étendu d'une très-grande quantité d'eau et mêlé de beaucoup de substances étrangères. Pour l'avoir pur, on le distille à une chaleur douce, dans des vaisseaux de grès ou de verre : mais ce qui paraît avoir échappé aux chimistes, c'est que l'acide acéteux change de nature dans cette opération ; l'acide qui passe dans la distillation n'est pas exactement de même nature que celui qui reste dans l'alambic ; ce dernier paraît être plus oxygéné.


Pagination originale du document : p.218


La distillation ne suffit pas pour débarrasser l'acide acéteux du flegme étranger qui s'y trouve mêlé ; le meilleur moyen de le concentrer sans en altérer la nature consiste à l'exposer à un froid de quatre ou six degrés au-dessous de la congélation : la partie aqueuse gèle, et l'acide reste liquide. Il paraît que l'acide acéteux, libre de toute combinaison, est naturellement dans l'état de gaz, au degré de température et de pression dans lequel nous vivons, et que nous ne pouvons le retenir qu'en le combinant avec une grande quantité d'eau. Il est d'autres procédés plus chimiques pour obtenir l'acide acéteux : ils consistent à oxygéner l'acide du tartre, l'acide oxalique ou l'acide malique par l'acide nitrique ; mais il y a lieu de croire que la proportion des bases qui composent le radical change dans cette opération. Au surplus, M. Hassenfratz est occupé dans ce moment à répéter les expériences d'après lesquelles on a prétendu établir la possibilité de ces conversions. La combinaison de l'acide acéteux avec les différentes bases salifiables se fait avec assez de facilité ; mais la plupart des sels qui résultent ne sont pas cristallisables, à la différence des sels formés par l'acide tartareux et l'acide oxalique, qui sont en général peu solubles. Le tartrite et l'oxalate de chaux ne le sont pas même sensiblement. Les malates tiennent une espèce de milieu entre les oxalates et les acétates pour la solubilité, comme l'acide qui les forme en tient un pour le degré d'oxygénation. Il faut, comme pour tous les autres acides, que les métaux soient oxygénés, pour pouvoir être dissous dans l'acide acéteux.


Pagination originale du document : p.219


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL ACÉTEUX OXYGÉNÉ PAR UN SECOND DEGRÉ D'OXYGÉNATION, OU ACIDE ACÉTIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.220


OBSERVATIONS SUR L’ACIDE ACÉTIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Nous avons donné au vinaigre radical le nom d'acide acétique, parce que nous avons supposé qu'il était plus chargé d'oxygène que le vinaigre ou acide acéteux. Dans cette supposition, le vinaigre radical, ou acide acétique, serait le dernier degré d'oxygénation que puisse prendre le radical hydro-carboneux ; mais, quelque probable que soit cette conséquence, elle demande à être confirmée par des expériences plus décisives. Quoi qu'il en soit, pour préparer le vinaigre radical, on prend de l'acétite de potasse, qui est une combinaison d'acide acéteux et de potasse, ou de l'acétite de cuivre, qui est une combinaison du même acide avec du cuivre ; on verse dessus un tiers de son poids d'acide sulfurique concentré, et, par la distillation, on obtient un vinaigre très-concentré, qu'on nomme vinaigre radical ou acide acétique. Mais, comme je viens de l'indiquer, il n'est point encore rigoureusement démontré que cet acide soit plus oxygéné que l'acide acéteux ordinaire, ni même qu'il n'en diffère pas par la différence de proportion des principes du radical.


Pagination originale du document : p.221


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL SUCCINIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE SUCCINIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.222


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE SUCCINIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

L'acide succinique se retire du succin, karabé ou ambre jaune, par distillation. Il suffit de mettre cette substance dans une cornue, et de donner une chaleur douce ; l'acide succinique se sublime sous forme concrète dans le col de la cornue. Il faut éviter de pousser trop loin la distillation, pour ne pas faire passer l'huile. L'opération finie, on met le sel égoutter sur du papier gris ; après quoi on le purifie par des dissolutions et cristallisations répétées. Cet acide exige vingt-quatre parties d'eau froide pour être tenu en dissolution ; mais il est beaucoup plus dissoluble dans l'eau chaude ; il n'altère que faiblement les teintures bleues végétales, et il n'a pas dans un degré très-éminent les qualités d'acide. M. de Morveau est le premier des chimistes qui ait essayé de déterminer ses différentes affinités, et c'est d'après lui qu'elles sont indiquées dans le tableau joint à ces observations.


Pagination originale du document : p.223


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL BENZOIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE BENZOIQUE, AVEC LES DIFFÉRENTES BASES SALIFIABLES, RANGÉES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.224


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE BENZOIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS AVEC LES BASES SALIFIABLES.

Cet acide a été connu des anciens chimistes sous le nom de fleurs de benjoin ; on l'obtenait par voie de sublimation. Depuis, M. Geoffroy a découvert qu'on pouvait également l'extraire par la voie humide : enfin, M. Scheele, d'après un grand nombre d'expériences qu'il a faites sur le benjoin, s'est arrêté au procédé qui suit : On prend de bonne eau de chaux, dans laquelle même il est avantageux de laisser de la chaux en excès ; on la fait digérer portion par portion sur du benjoin réduit en poudre fine, en remuant continuellement le mélange. Après une demi-heure de digestion, on décante et on remet de nouvelle eau de chaux, et ainsi plusieurs fois, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que l'eau de chaux ne se neutralise plus. On rassemble toutes les liqueurs, on les rapproche par évaporation, et, quand elles sont réduites autant qu'elles le peuvent être sans cristalliser, on laisse refroidir : on verse de l'acide muriatique goutte à goutte, jusqu'à ce qu'il ne se fasse plus de précipité. La substance qu'on obtient par ce procédé est l'acide benzoïque concret.


Pagination originale du document : p.225


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL CAMPHORIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE CAMPHORIQUE, AVEC LES BASES ACIDIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.226


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE CAMPHORIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Le camphre est une espèce d'huile essentielle concrète, qu'on retire, par sublimation, d'un laurier qui croit à la Chine et au Japon. M. Kosegarten a distillé jusqu'à huit fois de l'acide nitrique sur du camphre, et il est parvenu ainsi à l'oxygéner et à le convertir en un acide très-analogue à l'acide oxalique. Il en diffère cependant à quelques égards, et c'est ce qui nous a déterminés à lui conserver, jusqu'à nouvel ordre, un nom particulier. Le camphre étant un radical carbone-hydreux ou hydro-carboneux, il n'est pas étonnant qu'en l'oxygénant il forme de l'acide oxalique, de l'acide malique et plusieurs autres acides végétaux. Les expériences rapportées par M. Kosegarten ne démentent pas cette conjecture, et la plus grande partie des phénomènes qu'il a observés dans la combinaison de cet acide avec les bases salifiables s'observent de même dans les combinaisons de l'acide oxalique ou de l'acide malique ; je serais donc assez porté à regarder l'acide camphorique comme un mélange d'acide oxalique et d'acide malique.


Pagination originale du document : p.227


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL GALLIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE GALLIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES RANGÉES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.228


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE GALLIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

L'acide gallique, ou principe astringent, se tire de la noix de galle, soit par la simple infusion ou décoction dans l'eau, soit par une distillation à un feu très-doux. Ce n'est que depuis un petit nombre d'années qu'on a donné nue attention plus particulière à cette substance. MM. les commissaires de l'Académie de Dijon en ont suivi toutes les combinaisons, et ont donné le travail le plus complet qu'on eût fait jusqu'alors. Quoique les propriétés acides de ce principe ne soient pas très-marquées, il rougit la teinture de tournesol, il décompose les sulfures, il s'unit à tous les métaux, quand ils ont été préalablement dissous par un autre acide, et il les précipite sous différentes couleurs. Le fer, par cette combinaison, donne un précipité d'un bleu ou d'un violet foncé. Cet acide, si toutefois il mérite ce nom, se trouve dans un grand nombre de végétaux, tels que le chêne, le saule, l'iris des marais, le fraisier, le nymphéa, le quinquina, l'écorce et la fleur de grenade, et dans beaucoup de bois et d'écorces. On ignore absolument quel est son radical.


Pagination originale du document : p.229


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL LACTIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE LACTIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.230


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE LACTIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

M. Scheele est celui auquel nous devons les seules connaissances exactes que nous ayons sur l'acide lactique. Cet acide se rencontre dans le petit-lait, et il y est uni à un peu de terre. Pour l'obtenir on fait réduire par évaporation du petit-lait au huitième de son volume ; on filtre pour bien séparer toute la partie caséeuse ; on ajoute de la chaux, qui s'empare de l'acide dont il est question et qu'on en dégage ensuite par l’addition de l'acide oxalique : on sait en effet que ce dernier acide forme avec la chaux un sel insoluble. Après que l'oxalate de chaux a été séparé par décantation, on évapore la liqueur jusqu'à consistance de miel ; on ajoute de l'esprit-de-vin qui dissout l'acide, et on filtre pour en séparer le sucre de lait et les autres substances étrangères. Il ne reste plus ensuite, pour avoir l'acide lactique seul, que de chasser l'esprit-de-vin par évaporation ou par distillation. Cet acide s'unit avec presque toutes les bases salifiables, et forme avec elles des sels incristallisables. Il paraît se rapprocher, à beaucoup d'égards, de l'acide acéteux.


Pagination originale du document : p.231


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL SACCHOLACTIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE SACCHOLACTIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.232


OBSERVATIONS SUR L’ACIDE SACCHOLACTIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

On peut extraire du petit-lait, par évaporation, une espèce de sucre qui a beaucoup de rapport avec celui des cannes à sucre, et qui est très-anciennement connu dans la pharmacie. Ce sucre est susceptible, comme le sucre ordinaire, de s’oxygéner par différents moyens, et principalement par sa combinaison avec l’acide nitrique : on repasse à cet effet plusieurs fois de nouvel acide ; on concentre ensuite la liqueur par évaporation ; on met à cristalliser et on obtient de l’acide oxalique : en même temps il se sépare une poudre blanche très-fine, qui est susceptible de se combiner avec les alcalis, avec l’ammoniaque, avec les terres, même avec quelques métaux. C’est à cet acide concret, découvert par Scheele, qu’on a donné le nom d’acide saccholactique. Son action sur les métaux est pau connue ; on sait seulement qu’il forme avec eux des sels très-peu solubles. L’ordre des affinités qu’on a suivi dans le tableau est celui indiqué par M. Bergman.


Pagination originale du document : p.233


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL FORMIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE FORMIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.234


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE FORMIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

L'acide formique a été connu dès le siècle dernier. Samuel Fischer est le premier qui l'ait obtenu en distillant des fourmis. M. Margraff a suivi ce même objet dans un mémoire qu'il a publié en 1749, et MM. Arwidson et Oehrn, dans une dissertation qu'ils ont publiée à Leipsick en 1777. L'acide formique se tire d'une grosse espèce de fourmi rousse, formica rufa, qui habite les bois, et qui y forme de grandes fourmilières. Si c'est par distillation qu'on veut opérer, on introduit les fourmis dans une cornue de verre ou dans une cucurbite garnie de son chapiteau ; on distille à une chaleur douce, et on trouve l'acide formique dans le récipient : on en tire environ moitié du poids des fourmis. Lorsqu'on veut procéder par voie de lixiviation, on lave les fourmis à l'eau froide, on les étend sur un linge, et on y passe de l'eau bouillante, qui se charge de la partie acide ; on peut même exprimer légèrement ces insectes dans le linge, et l'acide en est plus fort. Pour l'obtenir pur et concentré, on le rectifie et on sépare le flegme par la gelée.


Pagination originale du document : p.235


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL BOMBIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE BOMBIQUE, AVEC LES SUBSTANCES SALIFIABLES, PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.236


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE BOMBIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Lorsque le ver à soie se change en chrysalide, ses humeurs paraissent prendre un caractère d'acidité. Il laisse même échapper, au moment où il se transforme en papillon, une liqueur rousse très-acide, qui rougit le papier bleu, et qui a fixé l'attention de M. Chaussiez, membre de l'Académie de Dijon. Après plusieurs tentatives pour obtenir cet acide pur, voici le procédé auquel il a cru devoir s'arrêter. On fait infuser des chrysalides de vers à soie dans de l'alcool : ce dissolvant se charge de l'acide, sans attaquer les parties muqueuses ou gommeuses ; et, en faisant évaporer l'esprit-de- vin, on a l'acide bombique assez pur. On n'a pas encore déterminé avec précision les propriétés et les affinités de cet acide. Il y a apparence que la famille des insectes en fournirait beaucoup d'analogues. Son radical, ainsi que celui de tous les acides du règne animal, paraît être composé de carbone, d'hydrogène, d'azote et peut-être de phosphore.


Pagination originale du document : p.237


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL SÉBACIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE SÉBACIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L’ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.238


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE SEBACIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Pour obtenir l'acide sébacique, on prend du suif qu'on fait fondre dans un poêlon de fer ; on y jette de la chaux vive pulvérisée, et on remue continuellement. La vapeur qui s'élève du mélange est très-piquante, et on doit tenir les vaisseaux élevés afin d'éviter de la respirer. Sur la fin on hausse le feu. L'acide sébacique, dans cette opération, se porte sur la chaux, et forme du sébate calcaire, espèce de sel peu soluble : pour le séparer des parties grasses dont il est empâté, on fait bouillir à grande eau la masse ; le sébate calcaire se dissout, le suif se fond et surnage. On sépare ensuite le sel en faisant évaporer l'eau, on le calcine à une chaleur modérée ; on redissout, on fait cristalliser de nouveau et on parvient à l'avoir pur. Pour obtenir l'acide libre, on verse de l'acide sulfurique sur le sébate de chaux ainsi purifié, et on distille ; l'acide sébacique passe clair dans le récipient.


Pagination originale du document : p.239


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL LITHIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE LITHIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, RANGÉES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.240


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE LITHIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Le calcul de la vessie, d'après les dernières expériences de Bergman et de Scheele, paraîtrait être une espèce de sel concret à base terreuse, légèrement acide, qui demande une grande quantité d'eau pour être dissous. Mille grains d'eau bouillante en dissolvent à peine trois grains, et la majeure partie recristallise par le refroidissement. C'est cet acide concret auquel M. de Morveau a donné le nom d'acide lithiasique, et que nous nommons acide lithique. La nature et les propriétés de cet acide sont encore peu connues. Il y a quelque apparence que c'est un sel acidule déjà combiné à une base, et plusieurs raisons me portent à croire que c'est un phosphate acidule de chaux. Si cette présomption se confirme, il faudra le rayer de la classe des acides particuliers.


Pagination originale du document : p.241


TABLEAU DES COMBINAISONS DU RADICAL PRUSSIQUE OXYGÉNÉ, OU ACIDE PRUSSIQUE, AVEC LES BASES SALIFIABLES, DANS L'ORDRE DE LEUR AFFINITÉ AVEC CET ACIDE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.242


OBSERVATIONS SUR L'ACIDE PRUSSIQUE ET SUR LE TABLEAU DE SES COMBINAISONS.

Je ne m'étendrai point ici sur les propriétés de l'acide prussique, ni sur les procédés qu'on emploie pour l'obtenir pur et dégagé de toute combinaison. Les expériences qui ont été faites à cet égard me paraissent laisser encore quelques nuages sur la vraie nature de cet acide. Il me suffira de dire qu'il se combine avec le fer, et qu'il lui donne la couleur bleue ; qu'il est également susceptible de s'unir avec presque tous les métaux, mais que les alcalis, l'ammoniaque et la chaux, le leur enlèvent en vertu de leur plus grande force d'affinité. On ne connaît point le radical de l'acide prussique ; mais les expériences de M. Scheele et surtout celles de M. Berthollet donnent lieu de croire qu'il est composé de carbone et d'azote ; c'est donc un acide à base double : quant à l'acide phosphorique qui s'y rencontre, il paraît, d'après les expériences de M. Hassenfratz, qu'il y est accidentel. Quoique l'acide prussique s'unisse avec, les métaux, avec les alcalis et avec les terres, à la manière des acides, il n'a cependant qu'une partie des propriétés qu'on a coutume d'attribuer aux acides. Il serait donc possible que ce fût improprement qu'on l'eût rangé dans cette classe ; mais, comme je l'ai déjà fait observer, il me parait difficile de prendre une opinion déterminée sur la nature de cette substance, jusqu'à ce que la matière ait été éclaircie par de nouvelles expériences.


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TROISIÈME PARTIE.

DESCRIPTION DES APPAREILS ET DES OPÉRATIONS MANUELLES DE LA CHIMIE.

INTRODUCTION.

Ce n'est pas sans dessein que je ne me suis pas étendu davantage, dans les deux premières parties de cet ouvrage, sur les opérations manuelles de la chimie. J'ai reconnu, d'après ma propre expérience, que des descriptions minutieuses, des détails de procédés et des explications de planches figuraient mal dans un ouvrage de raisonnement ; qu'elles interrompaient la marche des idées, et qu'elles rendaient la lecture de l’ouvrage fastidieuse et difficile. D'un autre côté, si je m'en fusse tenu aux simples descriptions sommaires que j'ai données jusqu'ici, les commençants n'auraient pu prendre dans cet ouvrage que des idées très-vagues de la chimie pratique. Des opérations qu'il leur aurait été impossible de répéter ne leur auraient inspiré ni confiance ni intérêt ; ils n'auraient pas même eu la ressource de chercher dans d'autres ouvrages de quoi suppléer à ce qui aurait manqué à celui-ci. Indépendamment de ce qu'il n'en existe aucun où les expériences modernes se trouvent décrites avec assez d'étendue, il leur aurait été impossible de recourir à des traités


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où les idées n'auraient point été présentées dans le même ordre, où l'on n'aurait pas parlé le même langage ; en sorte que le but d'utilité que je me suis proposé n'aurait pas été rempli. J'ai pris, d'après ces réflexions, la résolution de réserver pour une troisième partie la description sommaire de tous les appareils et de toutes les opérations manuelles qui ont rapport à la chimie élémentaire. J'ai préféré de placer ce traité particulier à la fin plutôt qu'au commencement de cet ouvrage, parce qu'il m'aurait été impossible de n'y pas supposer des connaissances que les commençants ne peuvent avoir, et qu'ils ne peuvent acquérir que par la lecture de l'ouvrage même. Toute cette troisième partie doit être, en quelque façon, considérée comme l’explication des figures qu'on a coutume de rejeter à la fin des mémoires, pour ne point en couper le texte par des descriptions trop étendues. Quelque soin que j'aie pris pour mettre de la clarté et de la méthode dans cette partie de mon travail, et pour n'omettre la description d'aucun appareil essentiel, je suis loin de prétendre que ceux qui veulent prendre des connaissances exactes en chimie puissent se dispenser de suivre des cours, de fréquenter les laboratoires et de se familiariser avec les instruments qu'on y emploie. Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu : grande et importante vérité, que ne doivent jamais oublier ceux qui apprennent comme ceux qui enseignent, et que le célèbre Rouelle avait fait tracer en gros caractères dans le lieu le plus apparent de son laboratoire. Les opérations chimiques se divisent naturellement en plusieurs classes, suivant l'objet qu'elles se proposent de remplir : les unes peuvent être regardées comme purement mécaniques ; telle est la détermination du poids des corps, la mesure de leur volume, la trituration, la porphyrisation, le tamisage, le lavage, la filtration : les autres sont des opérations véritablement chimiques, parce qu'elles emploient des forces et des agents chimiques, telles que la dissolution, la fusion, etc. Enfin, les unes ont pour objet de séparer les principes des corps, les autres de les réunir ; souvent même elles ont ce double but, et il n'est


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pas rare que, dans une même opération, comme dans la combustion, par exemple, il y ait à la fois décomposition et recomposition. Sans adopter particulièrement aucune de ces divisions, auxquelles il serait difficile de s'astreindre, du moins d'une manière rigoureuse, je vais présenter le détail des opérations chimiques, dans l'ordre qui m'a paru le plus propre à en faciliter l'intelligence. J'insisterai particulièrement sur les appareils relatifs à la chimie moderne, parce qu'ils sont encore peu connus, même de ceux qui font une étude particulière de cette science, je pourrais presque dire, d'une partie de ceux qui la professent.


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CHAPITRE PREMIER.

DES INSTRUMENTS PROPRES À DÉTERMINER LE POIDS ABSOLU ET LA PESANTEUR SPÉCIFIQUE DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES.

On ne connaît, jusqu'à présent, aucun meilleur moyen, pour déterminer les quantités de matières qu'on emploie dans les opérations chimiques, et celles qu'on obtient par le résultat des expériences, que de les mettre en équilibre avec d'autres corps qu'on est convenu de prendre pour terme de comparaison. Lors, par exemple, que nous voulons allier ensemble douze livres de plomb et six livres d'étain, nous nous procurons un levier de fer assez fort pour qu'il ne fléchisse pas ; nous le suspendons dans son milieu, et de manière que ses deux bras soient parfaitement égaux ; nous attachons à l'une de ses extrémités un poids de douze livres, nous attachons à l'autre du plomb, et nous en ajoutons jusqu'à ce qu'il y ait équilibre, c'est-à-dire jusqu'à ce que le levier demeure parfaitement horizontal. Après avoir ainsi opéré sur le plomb, on opère sur l'étain ; et on en use de la même manière pour toutes les autres matières dont on veut déterminer la quantité. Cette opération se nomme peser ; l'instrument dont on se sert se nomme balance : il est principalement composé, comme tout le monde le sait, d'un fléau, de deux bassins et d'une aiguille. Quant au choix des poids et à la quantité de matière qui doit composer une unité, une livre, par exemple, c'est une chose absolument arbitraire ; aussi voyons-nous que la livre diffère d'un royaume à un autre, d'une province et souvent même d'une ville à une autre. Les sociétés n'ont même d'autre moyen de conserver l'unité qu'elles se sont choisie, et d'empêcher qu'elle ne varie et ne s'altère par la révolution des temps, qu'en formant ce qu'on nomme des étalons, qui sont déposés et soigneusement conservés dans les greffes des juridictions.


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Il n'est point indifférent sans doute, dans le commerce et pour les usages de la société, de se servir d'une livre ou d'une autre, puisque la quantité absolue de matière n'est pas la même, et que les différences mêmes sont très-considérables. Mais il n'en est pas de même pour les physiciens et pour les chimistes. Peu importe, dans la plupart des expériences, qu'ils aient employé une quantité A ou une quantité B de matière, pourvu qu'ils expriment clairement les produits qu'ils ont obtenus de l'une ou de l'autre de ces quantités, en fractions d'un usage commode, et qui, réunies toutes ensemble, fassent un produit égal au tout. Ces considérations m'ont fait penser qu'en attendant que les hommes, réunis en société, se soient déterminés à n'adopter qu'un seul poids et qu'une seule mesure, les chimistes de toutes les parties du monde pourraient sans inconvénient se servir de la livre de leur pays, quelle qu'elle fût, pourvu que, au lieu de la diviser, comme on l'a fait jusqu'ici, en fractions arbitraires, on se déterminât par une convention générale à la diviser en dixièmes, en centièmes, en millièmes, en dix-millièmes, etc. C'est-à-dire, en fractions décimales de livres. On s'entendrait alors dans tous les pays, comme dans toutes les langues : on ne serait pas sûr, il est vrai, de la quantité absolue de matière qu'on aurait employée dans une expérience ; mais on connaîtrait sans difficulté, sans calcul, le rapport des produits entre eux ; ces rapports seraient les mêmes pour les savants du monde entier, et l'on aurait véritablement pour cet objet un langage universel. Frappé de ces considérations, j'ai toujours eu le projet de faire diviser la livre poids de marc en fractions décimales, et ce n'est que depuis peu que j'y suis parvenu. M. Fourché, balancier, successeur de M. Chemin, rue de la Ferronnerie, a rempli cet objet avec beaucoup d'intelligence et d'exactitude, et j'invite tous ceux qui s'occupent d'expériences à se procurer de semblables divisions de la livre : pour peu qu'ils aient d'usage du calcul des décimales, ils seront étonnés de la simplicité et de la facilité que cette division apportera dans toutes leurs opérations. Je détaillerai, dans un mémoire particulier destiné pour l'Académie, les précautions et les attentions que cette division de la livre exige.


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En attendant que cette méthode soit adoptée par les savants de tous les pays, il est un moyen simple, sinon d'atteindre au même but, au moins d'en approcher et de simplifier les calculs. Il consiste à convertir, à chaque pesée, les onces, gros et grains qu'on a obtenus, en fractions décimales de livre, et, pour diminuer la peine que ce calcul pourrait présenter, j'ai formé une table où ces calculs se trouvent tout faits ou au moins réduits à de simples additions. Elle se trouve à la fin de cette troisième partie : voici la manière de s'en servir. Je suppose qu'on ait employé dans une expérience quatre livres de matières, et que, par le résultat de l’opération, on ait obtenu quatre produits différents A, B, C, D, pesant, savoir : Produit A : 2 livres 5 onces 3 gros 63 grains Produit B : 1 livre 2 onces 7 gros 15 grains Produit C : 3onces 1 gros 37 grains Produit D : 4 onces 3 gros 29 grains On transformera, au moyen de la table, ces fractions vulgaires en décimales, comme il suit : POUR LE PRODUIT A : Fractions vulgaire : 2 livres ; Fraction décimales correspondantes : 2,0000000 livres Fractions vulgaire : 5 onces ; Fraction décimales correspondantes : 0,3125000 livres Fractions vulgaire : 3 gros ; Fraction décimales correspondantes : 0,0234375 livres Fractions vulgaire : 63 grains ; Fraction décimales correspondantes : 0,0068359livres Fractions vulgaire : 2 livres 5 onces 3 gros 63 grains ; Fraction décimales correspondantes : 2,3427734 livres POUR LE PODUIT B : Fractions vulgaire : 1 livres ; Fraction décimales correspondantes : 1,0000000 livres Fractions vulgaire : 2 onces ; Fraction décimales correspondantes : 0,1250000 livres Fractions vulgaire : 7 gros ; Fraction décimales correspondantes : 0,054687 5 livres Fractions vulgaire : 15 grains ; Fraction décimales correspondantes : 0,0016276 livres Fractions vulgaire : 1 livre 2 onces 7 gros 15 grains ; Fraction décimales correspondantes : 1,1813151 livres


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POUR LE PRODUIT C : Fractions vulgaire : 3onces gros grains ; Fraction décimales correspondantes : 0,1875000 livres Fractions vulgaire : 1 gros ; Fraction décimales correspondantes : 0,0078125 livres Fractions vulgaire : 37grains ; Fraction décimales correspondantes : 0,0040148 livres Fractions vulgaire : 3onces 1 gros 37 grains; Fraction décimales correspondantes : 0,1993273 livres POUR LE PRODUIT D : Fractions vulgaire : 4 onces gros grains ; Fraction décimales correspondantes : 0,2500000 livres Fractions vulgaire : 3 gros ; Fraction décimales correspondantes : 0,0234375 livres Fractions vulgaire : 29grains ; Fraction décimales correspondantes : 0,0031467 livres Fractions vulgaire : 4 onces 3 gros 29 grains ; Fraction décimales correspondantes : 0,2765842 livres En récapitulant ces résultats, on aura en fractions décimales : Pour le produit A : 2,3427734. Pour le produit B : 1,1813151. Pour le produit C : 0,1993273. Pour le produit D : 0,2765842. Total : 4,0000000. Les produits, ainsi exprimés en fractions décimales, sont ensuite susceptibles de toute espèce de réduction et de calcul, et on n'est plus obligé de réduire continuellement en grains les nombres sur lesquels on veut opérer, et de reformer ensuite avec ces mêmes nombres des livres, onces et gros. La détermination du poids des matières et des produits, avant et après les expériences, étant la base de tout ce qu'on peut faire d'utile et d'exact en chimie, on ne saurait y apporter trop d'exactitude. La première chose, pour remplir cet objet, est de se munir de bons instruments. On ne peut se dispenser d'avoir, pour opérer commodément, trois excellentes balances. La première doit peser jusqu'à 15 et 20 livres, sans fatiguer le fléau. Il n'est pas rare d'être obligé, dans des expériences chimiques, de déterminer à un demi-grain près ou un grain


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tout au plus la tare et le poids de très-grands vases et d'appareils très-pesants. Il faut, pour arriver à ce degré de précision, des balances faites par un artiste habile et avec des précautions particulières ; il faut surtout se faire une loi de ne jamais s'en servir dans un laboratoire, où elles seraient immanquablement rouillées et gâtées : elles doivent être conservées dans un cabinet séparé, où il n'entre jamais d'acides. Celles dont je me sers ont été construites par M. Fortin ; leur fléau a trois pieds de long ; et elles réunissent toutes les sûretés et les commodités qu'on peut désirer. Je ne crois pas que, à l'exception de celles de Ramsden, il en existe qui puissent leur être comparées pour la justesse et pour la précision. Indépendamment de cette forte balance, j'en ai deux autres, qui sont bannies, comme la première, du laboratoire ; l’une pèse jusqu'à 18 ou 20 onces, à la précision du dixième de grain ; la troisième ne pèse que jusqu'à un gros, et les 5 12es de grain y sont très-sensibles. Je donnerai à l'Académie, dans un mémoire particulier, une description de ces trois balances, avec des détails sur le degré de précision qu'on en obtient. Ces instruments, au surplus, dont un ne doit se servir que pour les expériences de recherche, ne dispensent pas d'en avoir d'autres moins précieux pour les ouvrages courants du laboratoire. On y a continuellement besoin d'une grosse balance à fléau de fer peint en noir, qui puisse peser des terrines entières pleines de liquide, et des quantités d'eau de 40 à 50 livres, à un demi-gros près ; d'une seconde balance susceptible de peser jusqu'à 8 à 10 livres, à 12 ou 15 grains près ; enfin d'une petite balance à la main, pesant environ une livre, à la précision du grain. Mais ce n'est pas encore assez d'avoir d'excellentes balances, il faut les connaître, les avoir étudiées, savoir s'en servir, et l'on n'y parvient que par un long usage et avec beaucoup d'attention. Il est surtout important de vérifier souvent les poids dont on se sert : ceux fournis chez les balanciers ayant été ajustés avec des balances qui ne sont pas extrêmement sensibles, ne se trouvent plus rigoureusement exacts


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quand on les éprouve avec des balances aussi parfaites que celles que je viens d'annoncer. Ce serait une excellente manière, pour éviter les erreurs dans les pesées, que de les répéter deux fois, en employant pour les unes des fractions vulgaires de livre, et pour les autres des fractions décimales. Tels sont les moyens qui ont paru, jusqu'ici, les plus propres à déterminer les quantités de matières employées dans les expériences, c'est-à-dire, pour me servir de l’expression ordinaire, à déterminer le poids absolu des corps. Mais, en adoptant cette expression, je ne puis me dispenser d'observer que, prise dans un sens strict, elle n'est pas absolument exacte. Il est certain qu'à la rigueur nous ne connaissons et nous ne pouvons connaître que des pesanteurs relatives ; que nous ne pouvons les exprimer qu'en partant d'une unité conventionnelle : il serait donc plus vrai de dire que nous n'avons aucune mesure du poids absolu des corps. Passons maintenant à ce qui concerne la pesanteur spécifique. On a désigné sous ce nom le poids absolu des corps divisé par leur volume, ou, ce qui revient au même, le poids que pèse un volume déterminé d'un corps. C'est la pesanteur de l'eau qu'on a choisie, en général, pour l’unité qui exprime ce genre de pesanteur. Ainsi, quand on parle de la pesanteur spécifique de l’or, on dit qu'il est dix-neuf fois aussi pesant que l'eau ; que l’acide sulfurique concentré est deux fois aussi pesant que l'eau, et ainsi des autres corps. Il est d'autant plus commode de prendre ainsi la pesanteur de l'eau pour unité, que c'est presque touj ours dans l'eau que l'on pèse les corps dont on veut déterminer la pesanteur spécifique. Si, par exemple, on se propose de reconnaître la pesanteur spécifique d'un morceau d'or pur écroui à coups de marteau, et si ce morceau d'or pèse dans l'air 8 onces 4 gros 2 grains et demi, comme celui que M. Brisson a éprouvé, page 5 de son Traité de la Pesanteur spécifique, on suspend cet or à un fil métallique très-fin et assez fort cependant pour pouvoir le supporter sans se rompre ; on attache ce fil sous le bassin d'une balance hydrostatique, et on pèse l’or entièrement plongé dans un vase


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rempli d'eau. Le morceau d'or dont il est ici question a perdu dans l'expérience de M. Brisson 3 gros 37 grains. Or il est évident que le poids que perd un corps quand on l’a pesé dans l'eau n'est autre que le poids du volume d'eau qu'il déplace, ou, ce qui est la même chose, qu'un poids d'eau égal à son volume ; d'où l'on peut conclure qu'à volume égal l’or pèse 4898 grains et demi, et l'eau 253 : ce qui donne 193,617 pour la pesanteur spécifique de l’or, celle de l'eau étant supposée 10,000. On peut opérer de la même manière pour toutes les substances solides. Il est, au surplus, assez rare qu'on ait besoin, en chimie, de déterminer la pesanteur spécifique des corps solides, à moins qu'on ne travaille sur les alliages ou sur les verres métalliques : on a, au contraire, besoin, presque à chaque instant, de connaître la pesanteur spécifique des fluides, parce que c'est souvent le seul moyen qu'on ait de juger de leur degré de pureté et de concentration. On peut également remplir ce dernier objet avec un très-grand degré de précision, au moyen de la balance hydrostatique, et en pesant successivement un corps solide, tel, par exemple, qu'une boule de cristal de roche suspendue à un fil d'or très-fin, dans l'air et dans le fluide dont on veut déterminer la pesanteur spécifique. Le poids que perd la boule plongée dans le fluide est celui d'un volume égal de ce fluide. En répétant successivement cette opération dans l'eau et dans différents fluides, on peut., par un calcul très-simple, en conclure leur rapport de pesanteur spécifique, soit entre eux, soit avec l'eau : mais ce moyen ne serait pas encore suffisamment exact, ou au moins il serait très-embarrassant à l’égard des liqueurs dont la pesanteur spécifique diffère très-peu de celle de l’eau ; par exemple, à l'égard des eaux minérales et de toutes celles en général qui sont très-peu chargées en sels. Dans quelques travaux que j'ai entrepris sur cet objet et qui ne sont point encore publiés, je me suis servi avec beaucoup d'avantage de pèse-liqueur très-sensibles, et dont je vais donner une idée. Ils consistent dans un cylindre creux Abcf (pl.VII, fig.6), de cuivre jaune,


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ou mieux encore d'argent, et lesté par le bas en bcf avec de l’étain. Ce pèse- liqueur est ici représenté nageant dans un bocal lmno rempli d'eau. A la partie supérieure du cylindre est adaptée une tige faite d'un fil d'argent de 3/4 de ligne de diamètre tout au plus, et surmontée d'un petit bassin destiné à recevoir des poids. On fait sur cette tige une marque en g, dont on va expliquer l'usage. On peut faire cet instrument de différentes dimensions ; mais il n'est suffisamment exact qu'autant qu'il déplace au moins quatre livres d'eau. Le poids de l'étain dont cet instrument est lesté doit être tel, qu'il soit presque en équilibre dans de l'eau distillée, et qu'il ne faille plus y ajouter, pour le faire entrer jusqu'à la marque g, qu'un demi-gros ou un gros tout au plus. On commence par déterminer une première fois avec beaucoup d'exactitude le poids de cet instrument et le nombre de gros ou de grains dont il faut le charger dans de l'eau distillée, à une température donnée pour le faire entrer jusqu'à la marque g. On fait la même opération dans toutes les eaux dont on veut connaître la pesanteur spécifique, et on rapporte ensuite par le calcul les différences au pied cube, à la pinte ou à la livre, ou bien on les réduit en fractions décimales. Cette méthode, jointe à quelques expériences faites avec les réactifs, est une des plus sûres pour déterminer la qualité des eaux, et on y aperçoit des différences qui auraient échappé aux analyses chimiques les plus exactes. Je donnerai un jour le détail d'un grand travail que j'ai fait sur cet objet. Les pèse-liqueur métalliques ne peuvent servir que pour déterminer la pesanteur spécifique des eaux qui ne contiennent que des sels neutres ou des substances alcalines : on peut aussi en faire construire de particuliers, lestés pour l'esprit-de-vin et les liqueurs spiritueuses. Mais, toutes les fois qu'il est question de déterminer la pesanteur spécifique des acides, on ne peut employer que du verre. On prend alors un cylindre creux de verre abc (pl.VII, fig.14), qu'on ferme hermétiquement à la lampe en bcf ; on y soude, dans sa partie supérieure, un tube capillaire ad surmonté par un petit bassin d. On leste cet ins- [instrument]


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trument avec du mercure, et on en introduit plus ou moins, suivant la pesanteur des liqueurs qu'on se propose d'examiner. On peut introduire dans le tube ad, qui forme le col de cet instrument, une petite bande de papier qui porte des divisions ; et, quoique ces divisions ne répondent pas aux mêmes fractions de grains dans des liqueurs dont la pesanteur spécifique est différente, elles sont cependant commodes pour les évaluations. Je ne m'étendrai pas davantage sur les moyens qui servent pour déterminer, soit le poids absolu, soit la pesanteur spécifique des solides et des liquides ; les instruments qu'on emploie à ce genre d'expériences sont entre les mains de tout le monde, on peut se les procurer aisément, et de plus grands détails seraient inutiles. Il n'en sera pas de même de la mesure des gaz : la plupart des instruments dont je me sers ne se trouvant nulle part et n'ayant été décrits dans aucun ouvrage, il m'a paru nécessaire d'en donner une connaissance plus détaillée ; c'est l'objet que je me suis proposé dans le chapitre suivant.


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CHAPITRE II. DE LA GAZOMÉTRIE OU DE LA MESURE DU POIDS ET DU VOLUME DES SUBSTANCES AÉRIFORMES.

§ I. DESCRIPTION DES APPAREILS PNEUMATO-CHIMIQUES.

Les chimistes français ont donné, dans ces derniers temps, le nom de pneumato- chimique à un appareil à la fois très ingénieux et très simple, imaginé par M. Priestley, et qui est devenu absolument indispensable dans tous les laboratoires. Il consiste en une caisse ou cuve de bois plus ou moins grande (pl. V, fig. 1 et 2), doublée de plomb laminé ou de feuilles de cuivre étamé. La figure 1 représente cette cuve vue en perspective ; on en a supposé le, devant et un des côtés enlevés dans la figure 2, afin de faire mieux sentir la manière dont elle est construite dans son intérieur. Ou distingue, dans tout appareil de cette espèce, la tablette de ta cuve ABCD (fig. 1 et 2), et le fond de la cuve FGHI (fig. 2). L'intervalle qui se trouve entre ces deux plans est la cuve proprement dite, ou la fosse de la cuve. C'est dans cette partie creuse qu'on emplit tes cloches : on les retourne ensuite et on les pose sur ta tablette ABCD (voyez la cloche F, pl. X). On peut encore distinguer les bords de la cuve, et l'on donne ce nom à tout ce qui excède le niveau de ta tablette. La cuve doit être suffisamment remplie pour que la tablette soit touj ours recouverte d'un pouce ou d'un pouce et demi d'eau ; elle doit avoir assez de largeur et de profondeur pour qu'il y en ait alors au moins un pied en tout sens dans la fosse de la cuve. Cette quantité


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suffit pour les expériences ordinaires ; mais il est un grand nombre de circonstances où il est commode, où il est même indispensable de se donner encore plus d'espace. Je conseille donc à ceux qui veulent s'occuper utilement et habituellement d'expériences de chimie, de construire très en grand ces appareils ; si le local le leur permet. La fosse de ma cuve principale contient quatre pieds cubes d'eau, et la surface de sa tablette est de quatorze pieds carrés. Malgré cette grandeur, qui me paraissait d'abord démesurée, il m'arrive encore souvent de manquer de place. Il ne suffit pas encore, dans un laboratoire où l'on est livré à un courant habituel d'expériences, d'avoir un seul de ces appareils, quelque grand qu'il soit : il faut, indépendamment du magasin général, en avoir de plus petits et de portatifs mène, qu'on place où le besoin l'exige et près du fourneau où l’on opère. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut faire marcher plusieurs expériences à la fois. Il y a d'ailleurs des opérations qui salissent l'eau de l'appareil, et qu'il est nécessaire de faire dans une cuve particulière. Il est sans doute beaucoup plus économique de se servir de cuves de bois, ou de baquets cerclés de fer et faits tout simplement avec des douves, plutôt que d'employer des caisses de bois doublées de cuivre ou de plomb ; je m'en suis moi même servi dans mes premières expériences ; mais j'ai bientôt reconnu les inconvénients qui y sont attachés. Si l'eau n'y est pas touj ours entretenue au même niveau, les douves qui se trouvent à sec prennent de la retraite ; elles se disjoignent, et, quand on vient ensuite à mettre plus d'eau, elle s'échappe par les jointures, et les planchers sont inondés. Les vaisseaux dont on se sert pour recevoir et pour contenir les gaz dans cet appareil sont des cloches de cristal A (fig. 9). Pour les transporter d'un appareil à un autre, ou même pour les mettre en réserve quand la cuve est trop embarrassée, on se sert de plateaux BC, même figure, garnis d'un rebord et de deux anses DE, pour les transporter. A l'égard de l'appareil pneumato-chimique au mercure, après avoir


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essayé d'en construire de différentes matières, je me suis arrêté définitivement au marbre. Cette substance est absolument imperméable au mercure ; on n'a pas à craindre, connue avec le bois, que les assemblages se disjoignent, ou que le mercure s'échappe par des gerçures : on n'a point non plus l’inquiétude de la cassure, comme avec le verre, la faïence et la porcelaine. On choisit donc un bloc de marbre BCDE (pl. V, fig. 3 et 4), de 2 pieds de long, de 15 à 18 pouces de large, et de 10 pouces d'épaisseur ; on fait creuser jusqu'à une profondeur mn (fig.5), d'environ 4 pouces, pour former la fosse qui doit contenir le mercure, et, pour qu'on puisse y remplir plus commodément les cloches ou jarres, on y fait creuser en outre une profonde rigole TV (fig. 3, 4 et 5), de, quatre autres pouces au moins de profondeur ; enfin, comme cette rigole pourrait être embarrassante dans quelques expériences, il est bon qu'on puisse la boucher et la condamner à volonté, Et l’on remplit cet objet au moyen de petites planches qui entrent dans une rainure xy (fig. 5). Je me suis déterminé à faire construire deux cuves de marbre semblables à celle que je viens de décrire, mais de grandeurs différentes ; j'en ai toujours par ce moyen une des deux qui me sert de réservoir pour conserver le mercure, et c'est de tous les réservoirs le plus sûr et le moins sujet aux accidents. On peut opérer dans le mercure avec cet appareil, exactement comme dans l'eau : il faut seulement employer des cloches très fortes et d'un petit diamètre, ou des tubes de cristal qui ont un empalement par le bas, comme celui représenté fig. 7 ; les faïenciers qui les tiennent les nomment eudimnètres. On voit une de ces cloches en place A (fig. 5), et ce qu'on nomme une jarre (fig. 6). L'appareil pneumato-chimique au mercure est nécessaire pour toutes les opérations où il se dégage des gaz susceptibles d'être absorbés par l'eau, et ce cas n'est pas rare, puisqu'il a lieu généralement dans toutes les combustions, à l’exception de celle des métaux.


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§ II. DU GAZOMÈTRE.

Je donne le nom de gazomètre à un instrument dont j'ai eu la première idée et que j'avais fait exécuter dans la vue de former un soufflet qui pût fournir continuellement et uniformément un courant de gaz oxygène pour des expériences de fusion. Depuis, nous avons fait, M. Meusnier et moi, des corrections et des additions considérables à ce premier essai, et. nous l'avons transformé en un instrument pour ainsi dire universel, dont il sera difficile de se passer toutes les fois qu'on voudra faire des expériences exactes. Le nom seul de cet instrument indique assez qu'il est destiné à mesurer le volume des gaz. Il consiste en un grand fléau de balance, de trois pieds de longueur DE (pl. VIII, fig. 1), construit en fer et très fort. A chacune de ses extrémités D E est solidement fixée une portion d'arc de cercle également en fer. Ce fléau ne repose pas, comme dans les balances ordinaires, sur un couteau ; on y a substitut un tourillon cylindrique d'acier (F fig.9), qui porte sur des rouleaux mobiles : on est parvenu ainsi à diminuer considérablement la résistance qui pouvait mettre obstacle au libre mouvement de la machine, puisque le frottement de la première espèce se trouve converti en un de la seconde. Ces rouleaux sont en cuivre jaune et d'un grand diamètre : on a pris de plus la précaution de garnir les points qui supportent l'axe, ou tourillon du fléau, avec des bandes de cristal de roche. Toute cette suspension est établie sur une colonne solide de bois, BC (fig. 1). A l'extrémité D de l'un des bras du fléau, est suspendu un plateau de la balance P, destiné à recevoir des poids. La chaîne, qui est plate, s'applique contre la circonférence de l'arc nDo, dans une rainure pratiquée à cet effet. A l'extrémité E de l'autre bras du levier, est attachée une chaîne également plate ikm, qui, par sa construction. n'est pas susceptible de s'allonger ni de se raccourcir, lorsqu'elle est plus ou moins chargée. A cette chaîne est adapté solidement en i un étrier


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de fer à trois branches ai, ri, hi, qui supporte une grande cloche A de cuivre battu, de 18 pouces de diamètre sur environ 20 pouces de hauteur. On a représenté toute cette machine en perspective dans la pl. VIII. fig. 1 ; on l'a supposée, au contraire (pl. IX, fig. 2 et 4), partagée en deux par un plan vertical, pour laisser voir l'intérieur. Tout autour de la cloche dans le bas (pl. IX, fig. 2), est un rebord relevé en dehors, et qui forme une capacité partagée en différentes cases 1, 2, 3, 4, etc. Ces cases sont destinées à recevoir des poids de plomb représentés séparément 1, 2, 3. Ils servent à augmenter la pesanteur de la cloche dans les cas où l'on a besoin d'une pression considérable, comme on le verra dans la suite ; ces cas, au surplus, sont extrêmement rares. La cloche cylindrique A est entièrement ouverte par son fond de (pl. IX, fig. 4) ; elle est fermée par le haut au moyen d'une calotte de cuivre abc, ouverte en bf, et fermée par le moyen d'un robinet g. Cette calotte, comme on le voit par l’inspection des figures, n'est pas placée tout à fait à la partie supérieure du cylindre ; elle est rentrée en dedans de quelques pouces, afin que la cloche ne soit jamais plongée en entier sous l'eau, et qu'elle n'en soit pas recouverte. Si j'étais dans le cas de faire reconstruire un jour cette machine, je désirerais que la calotte fût beaucoup plus surbaissée, de manière qu'elle ne formât presque qu'un plan. Cette cloche ou réservoir à air est reçue dans un vase cylindrique LMNO (pl. VIII, fig. 1, également de cuivre et qui est plein d'eau. Au milieu de ce vase cylindrique LMNO (pl. IX,. fig. 4), s'élèvent perpendiculairement deux tuyaux st, xy, qui se rapprochent un peu l’un de l’autre par leur extrémité supérieure ty. Ces tuyaux se prolongent jusqu'un peu au-dessus du niveau du bord supérieur LM du vase LMNO. Quand la cloche abcde touche le fond N0, ils entrent d'un demi-pouce environ dans la capacité conique b, qui conduit au robinet g. La fig. 3, pl. IX, représente le fond du vase LMNO. On voit au


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milieu une petite calotte sphérique creuse en dessous, assujettie et soudée par ses bords au fond du vase. On peut la considérer comme le pavillon d'un petit entonnoir renversé, auquel s'adaptent en s et x les tuyaux st, xy, fig. 4. Ces tuyaux se trouvent par ce moyen en communication avec ceux mm, nn, o o, p p, qui sont placés horizontalement sur le fond de la machine, fig. 3, et qui, tous quatre, se réunissent dans la calotte sphérique sx. De ces quatre tuyaux, trois sortent en dehors du vase LMNO, et on peut les suivre, pl.VIII, fig. 1. L'un, désigné par les chiffres arabes 1, 2, 3, s'ajuste en 3 avec la partie supérieure d'une cloche V ; et par l'intermède du robinet 4. Celte cloche est posée sur la tablette d'une petite cuve GHIK, doublée de plomb, et dont l'intérieur se voit pl. IX, fig. 1. Le second tuyau est appliqué contre le vase LMNO, de 6 en 7 ; il se continue ensuite en 7, 8, 9 et 10, et vient s'engager en 11 la sous la cloche V. Le premier de ces deux tuyaux est destiné a introduire le gaz dans la machine, le second à en faire passer des essais sous des cloches. On détermine le gaz à entrer ou à sortir, suivant le degré de pression qu'on donne, et on parvient à faire varier cette pression en chargeant plus ou moins le bassin P. Lors donc qu'on veut introduire de l’air, on donne une pression nulle et quelquefois même négative. Lorsque, au contraire, ou veut en faire sortir, on augmente la pression jusqu'au degré où on le juge à propos. Le troisième tuyau 12, 13, 14, 15 est destiné à conduire l'air ou le gaz à telle distance qu'on le juge à propos pour les combustions, combinaisons ou autres opérations de ce genre. Pour entendre l'usage du quatrième tuyau, il est nécessaire que j'entre dans quelques explications. Je suppose que le vase LMNO (fig. 1), soit rempli d'eau, et que la cloche A soit en partie pleine d'air et en partie pleine d'eau : il est évident qu'on peut proportionner tellement les poids placés dans le bassin P, qu'il y ait un juste équilibre et que l'air ne tende ni à rentrer dans la cloche A, ni à en sortir ; l'eau, dans cette supposition, sera au même niveau en dedans et au


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dehors de la cloche. Il n'en sera plus de même sitôt qu'on aura diminué le poids placé dans le bassin P, et qu'il y aura pression du côté de la cloche : alors le niveau de l'eau sera plus bas dans l’intérieur qu'à l’extérieur de la cloche, et l’air de l'intérieur se trouvera plus chargé que celui du dehors, d'une quantité qui sera mesurée exactement par le poids d'une colonne d'eau d'une hauteur égale à la différence des deux niveaux. M. Meusnier, en partant de cette observation, a imaginé d'en déduire un moyeu de reconnaître, dans tous les instants, le degré de pression qu'éprouverait l'air contenu dans la capacité de la cloche A (pl. VIII, fig. 1). Il s'est servi à cet effet d'un siphon de verre à deux branches 19, 20, 21, 22 et 23, solidement mastiqué en 19 et en 23. L'extrémité 19 de ce siphon communique librement avec l'eau de la cuve ou vase extérieur. L'extrémité 23, au contraire, communique avec le quatrième tuyau, dont je me suis réservé, il n'y a qu'un moment, d'expliquer l’usage, et, par conséquent, avec l'air de l'intérieur de la cloche, par le tuyau s t (pl. IX, fig. 4). Enfin, M. Meusnier a mastiqué en 16 (pl. VIII, fig. 1) un autre tube droit de verre 16, 17, 18, qui communique par son extrémité 16 avec l'eau du vase extérieur : il est ouvert à l’air libre par son extrémité supérieure 18. Il est clair, d'après ces dispositions, que l'eau doit se tenir, dans le tube 16, 17 et 18, constamment au niveau de celle de la cuve ou vase extérieur ; que l'eau, au contraire, dans la branche 19, 20 et 21, doit se tenir plus haut ou plus bas, suivant que l’air de l’intérieur de la cloche est plus ou moins pressé que l'air extérieur, et que la différence de hauteur entre ces deux colonnes, observée dans le tube 16, 17 et 18, et dans celui r 19, 20 et 21, doit donner exactement la mesure de la différence de pression. On a fait placer, en conséquence, entre ces deux tubes, une règle de cuivre graduée et divisée en pouces et lignes, pour mesurer ces différences. On conçoit que l'air, et en général tous les fluides élastiques aériformes, étant d'autant plus lourds qu'ils sont plus comprimés, il était nécessaire, pour en évaluer les quantités et pour convertir les volumes


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en poids, d'en connaître l'état de compression : c'est l'objet qu'on s'est proposé de remplir par le mécanisme qu'on vient d'exposer. Mais ce n'est pas encore assez pour connaître la pesanteur spécifique de l'air ou des gaz et pour déterminer leur poids sous un volume connu, que de savoir quel est le degré de compression qu'ils éprouvent : il faut encore en connaître la température, et c'est à quoi nous sommes parvenus à l'aide d'un petit thermomètre dont la boule plonge dans la cloche A, et dont la graduation s'élève en dehors : il est solidement mastiqué dans une virole de cuivre qui se visse à la cloche A. (Voyez 24 et 25, pl. VIII, fig. 1, et pl. IX, fig. 4.) Ce même thermomètre est représenté séparément, pl. VIII, fig. 10. L'usage du gazomètre aurait encore présenté de grands embarras et de grandes difficultés, si nous nous fussions bornés à ces seules précautions. La cloche, en s'enfonçant dans l'eau du vase extérieur LMNO, perd de son poids, et cette perte de poids est égale à celui de l'eau qu'elle déplace. Il en résulte que la pression qu'éprouve l'air ou le gaz contenu dans la cloche diminue continuellement à mesure qu'elle s'enfonce ; que le gaz qu'elle a fourni dans le premier instant n'est pas de la même densité que celui qu'elle fournit à la fin ; que sa pesanteur spécifique va continuellement en décroissant ; et, quoique, à la rigueur, ces différences puissent être déterminées par le calcul, on aurait été obligé à des recherches mathématiques qui auraient rendu l'usage de cet appareil embarrassant et difficile. Pour remédier à cet inconvénient, M. Meusnier a imaginé d'élever perpendiculairement, au milieu du fléau, une tige carrée de fer 26 et 27 (pl. VIII, fig. 1), qui traverse une lentille creuse de cuivre 28, qu'on ouvre et qu'on peut remplir de plomb. Cette lentille glisse le long de la tige 26 et 27 ; elle se meut par le moyen d'un pignon denté qui engrène dans une crémaillère, et elle se fixe à l’endroit qu'on juge à propos. Il est clair que, quand le levier DE est horizontal, la lentille 28 ne pèse ni d'un côté ni d'un autre ; elle n'augmente donc ni ne diminue la pression. Il n'en est plus de même quand la cloche A s'enfonce davantage et que le levier s'incline d'un côté, comme on le voit fig. 1.


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Alors le poids 28, qui n'est plus dans la ligne verticale qui passe par le centre de suspension, pèse du côté de la cloche et augmente sa pression. Cet effet est d'autant plus grand que la lentille 28 est plus élevée vers 27, parce que le même poids exerce une action d'autant plus forte qu'il est appliqué à l'extrémité d'un levier plus long. On voit donc qu'en promenant le poids 98 le long de la tige 26 et agi, suivant laquelle il est mobile, on peut augmenter ou diminuer l'effet de la correction qu'il opère ; et le calcul, comme l'expérience, prouve qu'on peut arriver au point de compenser fort exactement la perte de poids que la cloche éprouve à tous les degrés de pression. Je n'ai encore rien dit de la manière d'évaluer les quantités d'air ou de gaz fournies par la machine, et cet article est de tous le plus important. Pour déterminer avec une rigoureuse exactitude ce qui s'est dépensé dans le cours d'une expérience, et, réciproquement, pour savoir ce qui en a été fourni, nous avons établi sur l'arc de cercle qui termine le levier D E (fig. 1), un limbe de cuivre l m, divisé en degrés et demi-degrés ; cet arc est fixé au levier D E, et il est emporté par un mouvement commun. On mesure les quantités dont il s'abaisse, au moyen d'un index fixe 29, 30, qui se termine en 30 par un nonius qui donne les centièmes de degré. On voit, pl. VIII, les détails des différentes parties que nous venons de décrire. 1° Fig. 2, la chaîne plate qui soutient le bassin de balance P ; c'est celle de M. Vaucanson : mais, comme elle a l'inconvénient de s'allonger ou de se raccourcir suivant qu'elle est plus ou moins chargée, il y aurait eu de l'inconvénient à l'employer à la suspension de la cloche A. 2° Fig. 5, la chaîne i k m, qui, dans la figure 1, porte la cloche A elle est toute formée de plaques de fer limées, enchevêtrées les unes dans les autres, et maintenues par des chevilles de fer. Quelque fardeau qu'on fasse supporter à ce genre de chaîne, elle ne s'allonge pas sensiblement. 3° Fig. 6, l'étrier à trois branches, par le moyen duquel est sus- [suspendue]


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pendue la cloche A avec des vis de rappel, pour la fixer dans une position bien verticale. 4° Fig. 3, la tige 26, 27, qui s'élève perpendiculairement au milieu du fléau, et qui porte la lentille 28. 5° Fig. 7 et 8, les rouleaux avec la bande z de cristal de roche, sur laquelle portent les contacts, pour diminuer encore le frottement. 6° Fig. 4, la pièce qui porte l'axe des rouleaux. 7° Fig. 9, le milieu du fléau, avec le tourillon sur lequel il est mobile. 8° Fig. 10, le thermomètre qui donne le degré de l'air contenu dans la cloche. Quand on veut se servir du gazomètre qu'on vient de décrire, il faut, commencer par remplir d'eau le vase extérieur LMNO (pl. VIII, fig. 1), jusqu'à une hauteur déterminée, qui doit touj ours être la même dans toutes les expériences. Le niveau de l'eau doit être pris quand le fléau de la machine est horizontal. Ce niveau, quand la cloche est à fond, se trouve augmenté de toute la quantité d'eau qu'elle a déplacée ; il diminue, au contraire, à mesure que la cloche approche de son plus haut point d'élévation. On cherche ensuite par tâtonnements quelle est l'élévation à laquelle doit être fixée la lentille 28, pour que la pression soit égale dans toutes les positions du fléau. Je dis, à peu près, parce que la correction n'est pas rigoureuse, et que des différences d'un quart de ligne et même d'une demi-ligne ne sont d'aucune conséquence. Cette hauteur à laquelle il faut élever la lentille n'est pas la même pour tous les degrés de pression ; elle varie suivant que cette pression est de 1 pouce, 2 pouces, 3 pouces, etc. Toutes ces déterminations doivent être écrites à mesure sur un registre avec beaucoup d'ordre. Ces premières dispositions faites, on prend une bouteille de huit à dix pintes, dont on détermine bien la capacité en pesant exactement la quantité d'eau qu'elle peut contenir. On renverse cette bouteille ainsi pleine dans la cuve GHIK, fig. 1. On en pose le goulot sur la


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tablette, à la place de la cloche V, en engageant l'extrémité 11 du tuyau 7, 8, 9, 10, 11 dans son goulot. On établit la machine à zéro de pression, et on observe bien exactement le degré marqué par l'index sur le limbe ; puis, ouvrant le robinet 8 et appuyant un peu sur la cloche A, on fait passer autant d'air qu'il en faut pour remplir entièrement la bouteille. Alors on observe de nouveau le limbe, et on est en état de calculer le nombre de pouces cubes qui répondent à chaque degré. Après cette première bouteille on en remplit une seconde, une troisième, etc. on recommence même plusieurs fois cette opération, et même avec des bouteilles de différentes capacités ; et, avec du temps et une scrupuleuse attention, on parvient à jauger la cloche A dans toutes ses parties. Le mieux est de faire en sorte qu'elle soit, bien tournée et bien cylindrique, afin d'éviter les évaluations et les calculs. L'instrument que je viens de décrire, et que j'ai nommé gazomètre, a été constant par M. Meignié le jeune, ingénieur, constructeur d'instruments de physique, breveté du roi. Il y a apporté un soin, une exactitude et une intelligence rares. C'est un instrument précieux par le grand nombre des applications qu'on en peut faire, et parce qu'il est des expériences à peu près impossibles sans lui. Ce qui le renchérit, c'est qu'un seul ne suffit pas ; il le faut double dans un grand nombre de cas, comme dans la formation de l'eau, dans celle de l'acide nitreux, etc. C'est un effet inévitable de l'état de perfection dont la chimie commence à s'approcher, que d'exiger des instruments et des appareils dispendieux et compliqués : il faut s'attacher sans doute à les simplifier, mais il ne faut pas que ce soit aux dépens de leur commodité et surtout de leur exactitude.

§ III. DE QUELQUES AUTRES MANIÈRES DE MESURER LE VOLUME DES GAZ. Le gazomètre dont je viens de donner la description dans le paragraphe précédent est un instrument trop compliqué et trop cher pour qu'on puisse l'employer habituellement à la mesure des gaz dans


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les laboratoires ; il s'en faut même beaucoup qu'il soit applicable à toutes les circonstances. Il faut, pour une multitude d'expériences courantes, des moyens plus simples, et qui soient, si l'on peut se permettre cette expression, plus à la main. Je vais détailler ici ceux dont je me suis servi jusqu'au moment où j'ai eu un gazomètre à ma disposition, et dont je me sers encore aujourd'hui de préférence dans le cours ordinaire de mes expériences. J'ai décrit, dans le paragraphe premier de ce chapitre, les appareils pneumato- chimiques à l'eau et au mercure. Ils consistent, comme on l’a vu, en cuves plus ou moins grandes, sur la tablette desquelles se posent les cloches destinées à recevoir les gaz. Je suppose qu'à la suite d'une expérience quelconque on ait, dans un appareil de cette espèce, ai) résidu de gaz qui n'est, absorbable ni par l'alcali ni par l'eau, qui est contenu dans le haut d'une cloche AEF (pl. IV, fig, 3), et dont on veut, connaître le volume. On commence par marquer avec une grande exactitude, par le moyen de bandes de papier, la hauteur EF de l'eau ou du mercure. Il ne faut pas se contenter d'appliquer une seule marque d'un des côtés de la cloche, parce qu'il pourrait rester de l'incertitude sur le niveau du liquide : il en faut au moins trois ou même quatre en opposition les unes aux autres. On doit ensuite, si c'est sur du mercure qu'on opère, faire passer sous la cloche de l'eau pour déplacer le mercure. Cette opération se fait facilement. avec une bouteille qu'on emplit d'eau à ras : on en bouche l'orifice avec le doigt, on la renverse et on engage son col sous la cloche ; puis, retournant la bouteille, on en fait sortir l'eau, qui s'élève au-dessus de la colonne de mercure et qui la déplace. Lorsque tout le mercure est ainsi déplacé, on verse de l'eau sur la cour, ABCD, de manière que le mercure en soit couvert d'un pouce environ. On passe une assiette ou un vase quelconque très plat sous la cloche, et on l'enlève pour la transporter sur une cuve à eau, pl. V, fig. 1 et 2. Alors on transvase l’air dans une cloche qui a été graduée de la manière dont je vais l'expliquer, et on juge de la quantité du gaz par les graduations de la cloche.


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A cette première manière de déterminer le volume du gaz, on peut en substituer une autre, qu'il est bon d'employer comme moyen de vérification. L'air ou le gaz une fois transvasé, on retourne la cloche qui le contenait, et on y verse de l'eau jusqu'aux marques E F ; on pèse cette eau, et de son poids on conclut le volume, d'après cette donnée ; qu'un pied cube ou 1728 pouces d'eau pèsent 70 livres. On trouvera à la fin de cette troisième partie une table où ces réductions se trouvent toutes faites. La manière de graduer les cloches est extrêmement facile, et je vais en donner le procédé, afin que chacun puisse s'en procurer. Il est bon d'en avoir de plusieurs grandeurs, et même un certain nombre de chaque grandeur, pour y avoir recours en cas d'accident. On prend une cloche de cristal un peu forte, longue et étroite ; on l'emplit d'eau dans la cave représentée pl. V, fig. 1, et on la pose surla ta blette ABCD. On doit avoir une place déterminée qui serve constamment à ce genre d'opération, afin que le niveau de la tablette sur laquelle on pose la cloche soit touj ours le même ; on évite par là presque la seule erreur dont ce genre d'opération soit susceptible. D'un autre côté, on choisit une bouteille à goulot étroit, qui, pleine à ras, contienne juste 6 onces 3 gros 61 grains d'eau, ce qui répond à un volume de 10 pouces cubiques. Si on ne trouvait pas de bouteille qui eût précisément cette capacité, on en prendrait une un peu plus, grande, et on y coulerait un peu de cire fondue avec de la résine, pour en diminuer la capacité. Cette bouteille sert d'étalon pour jauger la cloche, et voici comme on y procède : on fait passer l’air contenu dans cette bouteille dans la cloche qu'on se propose de graduer, puis on fait une marque à la hauteur jusqu'à laquelle est descendue l'eau ; on ajoute une seconde mesure d'air et on fait une nouvelle marque ; on continue ainsi jusqu'à ce que toute l'eau de la cloche ait été déplacée. Il est important, pendant le cours de cette opération, que la bouteille et la cloche soient maintenues constamment à la même température et que cette température diffère peu de celle de l'eau de la cuve. On doit donc éviter d'appliquer les mains sur la cloche, on au moins de


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les y tenir longtemps, pour ne la pas échauffer ; si même on craignait qu'elle ne l'est été, il faudrait verser dessus de l'eau de la cuve pour la rafraîchir. La hauteur du baromètre et du thermomètre est indifférente pour cette opération, pourvu qu'elle ne varie pas pendant qu'elle dure. Lorsque les marques ont été ainsi placées de 10 pouces en 10 pouces sur la cloche, on y trace une graduation avec une pointe de diamant emmanchée dans une petite tige de fer. On trouve des diamants ainsi montés pour un prix modique au Louvre, chez le successeur de Passement. On peut graduer de la même manière des tubes de cristal pour le mercure : on les divise alors de pouce en pouce et même de dixièmes de pouce en dixièmes de pouce. La bouteille qui sert de jauge doit contenir juste 8 onces 6 gros 25 grains de mercure ; c'est le poids équivalent à un pouce cubique. Cette manière de déterminer les volumes d'air, au moyen d'une cloche graduée comme on vient de l'exposer, a l'avantage de n'exiger aucune correction pour la différence de hauteur qui existe entre le niveau de l'eau dans l'intérieur de la cloche, et celui de l'eau de la cuve, mais ne dispense pas des corrections relatives à la hauteur du baromètre et du thermomètre. Lorsqu'on détermine, au contraire, le volume de l'air par le poids de l'eau contenue jusqu'aux marques EF, on a une correction de plus à faire pour la différence des niveaux du fluide en dedans et en dehors de la cloche, comme je l'expliquerai dans le § V de ce chapitre.

§ IV. DE LA MANIÈRE DE SÉPARER LES UNES DES AUTRES LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE GAZ.

On n'a présenté dans le paragraphe précédent qu'un cas des plus simples, celui où l'on se propose de déterminer le volume d'un gaz pur non absorbable par l'eau ; les expériences conduisent ordinairement à des résultats plus compliqués, et il n'est pas rare d'obtenir à la fois trois ou quatre espèces de gaz différentes. Je vais essayer de donner une idée de la manière dont on parvient à les séparer.


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Je suppose que j'aie sous la cloche A (pl. IV, fig. 3), une quantité AEF de différents gaz, mêlés ensemble et contenus par du mercure : on doit commencer par marquer exactement avec des bandes de papier, comme je l'ai prescrit dans le paragraphe précédent, la hauteur du mercure ; on fait ensuite passer sous la cloche une très petite quantité d'eau, d'un pouce cubique, par exemple : si le mélange de gaz contient du gaz acide muriatique ou du gaz acide sulfureux, il y aura sur-le-champ une absorption très considérable, parce que c'est une propriété de ces gaz d'être absorbés en grande quantité par l'eau, surtout le gaz acide muriatique. Si le pouce cube d'eau qui a été introduit ne produit qu'une très légère absorption et à peine égale à son volume, on en conclura que le mélange ne contient ni gaz acide muriatique, ni gaz acide sulfureux, ni même de gaz ammoniaque ; mais on commencera dès lors à soupçonner qu'il est mélangé de gaz acide carbonique, parce qu'en effet l'eau n'absorbe de ce gaz qu'un volume à peu près égal au sien. Pour vérifier ce soupçon, on introduira sous la cloche de l’alcali caustique en liqueur : s'il y a du gaz acide carbonique, on observera une absorption lente, et qui dorera plusieurs heures ; l'acide carbonique se combinera avec l’alcali caustique ou potasse, et ce qui restera ensuite n'en contiendra pas sensiblement. On n'oubliera pas, à la suite de chaque expérience, de coller des marques de papier sur la cloche, à l’endroit où répondra la surface du mercure, et de les vernir dès qu'elles seront sèches, afin qu'on puisse plonger la cloche dans l'eau sans risquer de les décoller. Il sera également nécessaire de tenir note de la différence de niveau entre le mercure de la cloche et celui de la cuve, ainsi que de la hauteur du baromètre et du degré du thermomètre. Lorsqu'on aura ainsi absorbé par l'eau et par la potasse tous les gaz qui en sont susceptibles, on fera passer de l'eau sous la cloche pour en déplacer tout le mercure ; on couvrira, comme je l’ai prescrit dans le paragraphe précédent, le mercure de la cuve d'environ deux pouces d'eau ; puis, passant par-dessous la cloche une assiette plate, on la transportera sur la cave pneumato-chimique à l'eau : là, on détermi- [déterminera]


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nera la quantité d'air ou de gaz restant, en la faisant passer dans une cloche graduée. Cela fait, on en prendra différents essais dans de petites jarres, et, par des expériences préliminaires, on cherchera à reconnaître quels sont à peu près les gaz auxquels on a affaire. On introduira par exemple, dans une des petites jarres remplies de ce gaz une bougie allumée, comme on le voit représenté pl. V, fig. 8. Si la bougie ne s'y éteint pas, on en conclura qu'il contient du gaz oxygène, et, même, suivant que la flamine de la bougie sera plus ou moins éclatante, on pourra juger s'il en contient plus ou moins que l'air de l'atmosphère. Dans le cas, au contraire, où la bougie s'y éteindrait, on aurait une forte raison de présumer que ce résidu est, pour la plus grande partie, du gaz azote. Si, à l'approche de la bougie, le gaz s'enflamme et balle paisiblement à la surface avec une flamme de couleur blanche, on en conclura que c'est du gaz hydrogène pur ; si elle est bleue, on aura lieu d'en conclure que ce gaz est carboné : enfin, s'il brûle avec bruit et détonation, c'est un mélange de gaz oxygène et de gaz hydrogène. On peut encore mêler une portion du même gaz avec du gaz oxygène ; s'il y a vapeurs rouges et absorption, on conclura qu'il contient du gaz nitreux. Ces connaissances préliminaires donnent bien une idée de la qualité du gaz et de la nature du mélange ; mais elles ne suffisent pas pour déterminer les proportions et les quantités. Il faut alors avoir recours à toutes les ressources de l'analyse, et c'est beaucoup que de savoir à peu près dans quel sens il faut diriger ses efforts. Je suppose que l'un ait reconnu que le résidu sur lequel on opère soit un mélange de gaz azote et de gaz oxygène : pour en reconnaître la proportion, on en fait passer une quantité déterminée, 100 parties, par exemple, dans un tube gradué de 10 à 12 lignes de diamètre ; on y introduit du sulfure de potasse dissous dans l'eau, et on laisse le gaz en contact avec cette liqueur ; elle absorbe tout le gaz oxygène, et, au bout de quelques jours, il ne reste que du gaz azote. Si, au contraire, on a reconnu qu'on avait affaire à du gaz hydro- [hydrogène]


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gène, on en fait passer une quantité déterminée dans un eudiomètre de Volta ; on y joint une première portion de gaz oxygène, qu'on fait détoner avec lui par l'étincelle électrique ; on ajoute une seconde portion du même gaz oxygène, et on fait détoner de nouveau, et ainsi, jusqu'à ce qu'on ait obtenu la plus grande diminution possible de volume. Il se forme, comme on sait, dans cette détonation, de l'eau qui est absorbée sur-le-champ ; mais, si le gaz hydrogène contenait du carbone, il se forme en même temps de l'acide carbonique, qui ne s'absorbe pas aussi promptement, et dont on peut reconnaître la quantité en facilitant son absorption par l'agitation de l'eau. Enfin, si on a du gaz nitreux, on peut encore en déterminer la quantité, du moins à peu près, par une addition de gaz oxygène, et d'après la diminution de volume qui en résulte. Je m'en tiendrai à ces exemples généraux, qui suffisent pour donner une idée de ce genre d'opérations. Un volume entier ne suffirait pas, si l'on voulait prévoir tous les cas. L'analyse des gaz est un art avec lequel il faut se familiariser ; mais, comme ils ont la plupart de l'affinité les uns avec les autres, il faut avouer qu'on n'est pas touj ours sûr de les avoir complètement séparés. C'est alors qu'il faut changer de marche et de route, refaire d'autres expériences sous une autre forme, introduire quelque nouvel agent dans la combinaison, en écarter d'autres, jusqu'à ce qu'on soit sûr d'avoir saisi la vérité.

§V. DES CORRECTIONS À FAIRE AU VOLUME DES GAZ OBTENUE DANS LES EXPÉRIENCES RELATIVEMENT À LA PRESSION DE L'ATMOSPHÈRE.

C'est une vérité donnée par l'expérience, que les fluides élastiques en général sont compressibles en raison des poids dont ils sont chargés. Il est possible que cette loi souffre quelque altération aux approches du degré de compression qui serait suffisant pour les réduire à l'état liquide, et de même à un degré de dilatation ou de compression extrême ; mais nous ne sommes pas près de ces limites pour la plupart des gaz que nous soumettons à des expériences.


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Quand je dis que les fluides élastiques sont compressibles en raison dont ils sont chargés, voici comme il faut entendre cette proposition. Tout le monde sait ce que c'est qu'un baromètre. C'est, à proprement parler, un siphon ABCD (pl. XII, fig. 16), plein de mercure dans la branche AB, plein d'air dans la branche BCD. Si l’on suppose mentalement cette branche BCD prolongée indéfiniment jusqu'au haut le notre atmosphère, on verra clairement que le baromètre n'est autre chose qu'une sorte de balance, un instrument dans lequel on met une colonne de mercure en équilibre avec une colonne d'air. Mais il est facile de s'apercevoir que, pour que cet effet ait lieu, il est parfaitement inutile de prolonger la branche BCD à une aussi grande hauteur, et que, comme le baromètre est plongé dans l'air, la colonne AB de mercure sera également en équilibre avec une colonne de même diamètre d'air de l’atmosphère, quoique la branche du siphon BCD soit coupée en C et qu'on en retranche la partie CD. La hauteur moyenne d'une colonne de mercure capable de faire équilibre avec le poids d'une colonne d'air prise depuis le haut de l’atmosphère jusqu'à la surface de la terre est de 28 pouces de mercure, du moins à Paris et même dans les quartiers bas de la ville ; ce qui signifie, en d'autres termes, que l’air, à la surface de la terre à Paris, est communément pressé par un poids égal à celui d'une colonne de mercure de 28 pouces de hauteur. C'est ce que j'ai voulu exprimer dans cet ouvrage, lorsque j'ai dit, en parlant des différents gaz, par exemple du gaz oxygène, qu'il pesait 1 once 4 gros le pied cube, sous une pression de 28 pouces. La hauteur de cette colonne de mercure diminue à mesure que l’on s'élève et que l'on s'éloigne de la surface de la terre, ou, pour parler plus rigoureusement, de la ligne de niveau formée par la surface de la mer ; parce qu'il n'y a que la colonne d'air supérieure au baromètre qui fasse équilibre avec le mercure, et que la pression de toute la quantité d'air qui est au-dessous du niveau où il est placé est nulle par rapport à lui. Mais suivant quelle loi le baromètre baissera-t-il à mesure que l'on


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s'élève ; ou, ce qui revient au même, quelle est la loi suivant laquelle les différentes couches de l'atmosphère décroissent de densité ? C'est ce qui a beaucoup exercé la sagacité des physiciens du dernier siècle. L'expérience suivante a d'abord jeté beaucoup de lumière sur cet objet. Si l'on prend un siphon de verre ABCDE (pl. XII, fig. 17), fermé en E et ouvert en A, et qu'on y introduise quelques gouttes de mercure pour intercepter la communication entre la branche AB et la branche BE , il est clair que l'air contenu dans la branche BCDE sera pressé, comme tout l'air environnant, par une colonne égale au poids de 28 pouces de mercure. Mais, si on verse du mercure dans la branche AB, jusqu'à 28 pouces de hauteur, il est clair que l’air de la branche BCDE sera pressé par un poids égal à deux fois 28 pouces de mercure ; or l'expérience a démontré qu'alors, au lieu d'occuper le volume total BE, il n'occupera plus que celui C E, qui en est précisément la moitié. Si, à cette première colonne de 28 pouces de mercure, on en ajoute deux autres également de 28 pouces dans la branche AC, l'air de la branche BCDE sera comprimé par quatre colonnes, chacune égale au poids de 28 pouces de mercure, et il n'occupera plus que l'espace DE, c'est-à-dire le quart du volume qu'il occupait au commencement de l'expérience. De ces résultats, qu'on peut varier d'une infinité de manières, on a déduit cette loi générale, qui parait applicable à tous les fluides élastiques, que leur volume décroît proportionnellement aux poids dont ils sont, chargés ; ce qui peut aussi s'énoncer en ces termes, que le volume de tout fluide élastique est en raison inverse des poids dont il est comprimé. Les expériences faites pour la mesure des hautes montagnes ont pleinement confirmé l'exactitude de ces résultats, et, en supposant qu'ils s'écartent de la vérité, les différences sont si excessivement petites, qu'elles peuvent être regardées comme rigoureusement nulles dans les expériences chimiques. Cette loi de la compression des fluides élastiques une fois bien entendue, il est aisé d'en faire l'application aux corrections qu'il est indispensable de faire au volume des airs ou gaz dans les expériences pneumato-chimiques. Ces corrections sont de deux genres ; les unes


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relatives à la variation du baromètre, les autres relatives à la colonne d'eau ou de mercure contenus dans les cloches. Je vais faire en sorte de me rendre intelligible par des exemples : je commencerai par le cas le plus simple. Je suppose qu'on ait obtenu 100 pouces de gaz oxygène à 10 degrés de température, le baromètre marquant 28 pouces 6 lignes. On peut demander deux choses : la première, quel est le volume que les 100 pouces occuperaient sous une pression de 28 pouces, au lieu de 28 pouces 6 lignes ; la seconde, quel est le poids des 100 pouces de gaz obtenus ? Pour répondre à ces deux questions, on nommera x le nombre de pouces cubiques qu'occuperaient les 100 pouces de gaz oxygène, à la pression de 28 pouces ; et, puisque les volumes sont en raison inverse des poids comprimants, on aura 100 pouces : x : : 1 /285 : 1/280 ; d'où l'on déduit aisément x = 101 pouces, 786. C'est-à- dire que le même air qui n'occupait qu'un espace de 100 pouces cubiques, sous une pression de 28 pouces 6 lignes de mercure, en occuperait un de 101 pouces, 786, à la pression de 28. Il n'est pas plus difficile de conclure le poids des mêmes 100 pouces d'air, sous une pression de 28 pouces 6 lignes. Car, puisqu'ils répondent à 101 pouces, 786, à la pression de 28 pouces, et qu'à cette pression et à 10 degrés du thermomètre le pouce cube de gaz oxygène pèse un demi grain, il s'ensuit. évidemment que les 100 pouces, sous une pression de 28 pouces 6 lignes, pèsent 50grains893. On aurait pu arriver directement à cette conséquence par le raisonnement qui suit : puisque les volumes de l'air, et en général d'un fluide élastique quelconque, sont en raison inverse des poids qui les compriment, il en résulte, par une conséquence nécessaire, que la pesanteur de ce même air doit croître proportionnellement au poids comprimant. Si donc, 100 pouces cubiques de gaz oxygène pèsent 50 grains, à la pression de 28 pouces, combien pèseront-ils à la pression de 28 pouces, 5 ? On aura alors cette proportion : 28 : 50 : : 28,5 : x, d'où l'on conclura également x = 50 grains, 893. Je passe à un cas un peu plus compliqué. Je suppose que la cloche


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A (pl. XII, fig. 18), contienne un gaz quelconque dans sa partie supérieure ACD, que le reste de cette même cloche soit rempli de mercure au-dessous de C D, et que le tout soit plongé dans un bassin GHIK contenant du mercure jusqu'en E F. Enfin, je suppose encore que la différence CE de la hauteur du mercure dans la cloche et dans le bassin soit de 6 pouces, et que la hauteur du baromètre soit de 27 pouces 6 lignes. Il est clair que, d'après ces données, l'air contenu dans la capacité ACD est pressé par le poids de l'atmosphère, diminué, du poids de la colonne de mercure CE. La force qui le presse est donc égal à 27 pouces 5 - 6 pouces - 21 pouces, 5. Cet air est donc moins pressé que ne l'est l'air de l'atmosphère à la hauteur moyenne du baromètre : il occupe donc plus d'espace qu'il n'en devrait occuper, et la différence est précisément proportionnelle à la différence des poids qui le compriment. Si donc, après avoir mesuré l'espace ABC, on l’a trouvé, par exemple, de 120 pouces cubiques, il faudra, pour ramener le volume du gaz à celui qu'il occuperait, à une pression de 28 pouces, faire la proportion suivante : 120 pouces est au volume cherché, que j'appellerai x, comme a 1/21,5 est à 1/28 ; d'où l'on déduira x = 120 x 21.5/28 = 92 pouces,143. On a le choix, dans ces sortes de calculs, ou de réduire en lignes la hauteur du baromètre, ainsi que la différence du niveau du mercure en dedans et en dehors de la cloche, ou de l'exprimer en fractions décimales de pouces. Je préfère ce dernier parti, qui rend le calcul plus court et plus facile. On ne doit point négliger les méthodes d'abréviation pour les opérations qui se répètent souvent : j'ai joint, en conséquence, à la suite de cette troisième partie, sous le n° IV, une table qui exprime les fractions décimales de pouces correspondantes aux lignes et fractions de lignes. Rien ne sera plus aisé, d'après cette table, que de réduire en fractions décimales de ponces les hauteurs du mercure qu'on aura observées en lignes. On a des corrections semblables à faire lorsqu'on opère dans l'ap- [l’appareil]


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pareil pneumato-chimique à l'eau. Il faut également, pour obtenir des résultats rigoureux, tenir compte de la différence de hauteur de l'eau en dehors et en dedans de la cloche. Mais, comme c'est en pouces et lignes du baromètre, et, par conséquent, en pouces et lignes de mercure, que s'exprime la pression de l'atmosphère, et qu'on ne peut additionner ensemble que des quantités homogènes, on est obligé de réduire les différences de niveau, exprimées en pouces et lignes d'eau, en une hauteur équivalente de mercure. On part, pour cette conversion, de cette donnée, que le mercure est 13,5681 fois aussi pesant que l'eau. Un trouve à la fin de cet ouvrage, sous le n° V, une table à l’aide de laquelle on peut faire promptement et facilement cette réduction.

§ VI. DES CORRECTIONS RELATIVES AUX DIFFÉRENTS DEGRÉS DU THERMOMÈTRE.

De même que, pour avoir le poids de l'air et des gaz, il est nécessaire de les réduire à une pression constante, telle que celle de 28 pouces de mercure, de même aussi il est nécessaire de les réduire à une température déterminée : car, puisque les fluides élastiques sont susceptibles de se dilater par la chaleur et de se condenser par le froid, il en résulte nécessairement qu'ils changent de densité, et que leur pesanteur n'est plus la même sous un volume donné. La température de 10 degrés étant moyenne entre les chaleurs de l’été et les froids de l’hiver, cette température étant celle des souterrains, et celle en même temps dont il est le plus facile de se rapprocher dans presque toutes les saisons de l'année, c'est celle que j'ai choisie pour y ramener les airs ou gaz. M. de Luc a trouvé que l'air de l’atmosphère augmentait de 1/2 15 de son volume par chaque degré du thermomètre à mercure divisé en 81 degrés de la glace à l'eau bouillante ; ce qui donne, pour un degré du thermomètre à mercure divisé en 80 parties, 1/211. Les expériences de M. Monge sembleraient annoncer que le gaz hydrogène est susceptible d'une dilatation un peu plus forte ; il l’a trouvée de 1/180. A l’égard


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de la dilatation des autres gaz, nous n'avons pas encore d'expériences très exactes ; celles, du moins, qui existent n'ont pas été publiées. Il paraît cependant, à en juger par les tentatives que l’on connaît, que leur dilatabilité s'éloigne peu de celle de l'air commun. Je crois donc pouvoir supposer que l'air de l’atmosphère se dilate de 1/210 par chaque degré du thermomètre, et le gaz hydrogène de 1/190 ; mais, comme il reste quelque incertitude sur ces déterminations, il faut, autant qu'il est possible, n'opérer qu'à une température peu éloignée de 10 degrés. Les erreurs qu'on peut alors commettre dans les corrections relatives au degré du thermomètre ne sont d'aucune conséquence. Le calcul à faire pour ces corrections est extrêmement facile ; il consiste à diviser le volume de l’air obtenu par 210, et à multiplier le nombre trouvé par celui des degrés du thermomètre supérieur ou inférieur à dix degrés. Cette correction est négative au- dessus de dix degrés, et additive au-dessous. Le résultat qu'on obtient est le volume réel de l'air à la température de dix degrés. On abrège et on facilite beaucoup tous ces calculs en employant des tables de logarithmes.

§ VII. MODÈLE DE CALCUL POUR LES CORRECTIONS RELATIVES AU DEGRÉ DE PRESSION ET DE TEMPÉRATURE.

Maintenant que j'ai indiqué la manière de déterminer le volume des airs ou gaz et de faire à ce volume les corrections relatives à la pression et à la température, il me reste à donner un exemple pris dans un cas compliqué, afin de mieux faire sentir l’usage des tables qui se trouvent à la fin de cet ouvrage.

EXEMPLE.

On a renfermé dans une cloche A (pl. IV, fig. 3), une quantité d'air AEF, qui s'est trouvée occuper un volume de 353 pouces cubiques. Cet air était contenu par de l'eau, et la hauteur EL de la colonne d'eau, dans l’intérieur de la cloche, était de 4 pouces 1/2 au-dessus


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du niveau de celle de la cuve ; enfin, le baromètre était à 27 pouces 9 lignes 1/2, et le thermomètre à 15 degrés. On a brûlé dans cet air une substance quelconque, telle due du phosphore, dont le résultat est l'acide phosphorique, qui, loin d'être dans l'état de gaz, est au contraire dans l’état concret. L'air restant après la combustion occupait un volume de 295 pouces ; la hauteur de l'eau, dans l'intérieur de la cloche, était de 7 pouces au-dessus de celle de la cuve, le baromètre à 27 pouces 9 lignes 1/4, et le thermomètre à 16 degrés. Il est question, d'après ces données, de déterminer quel est le volume de l'air avant et après la combustion, et d'en conclure le volume de la partie qui a été absorbée.

CALCUL AVANT LA COMBUSTION.

L'air contenu dans la cloche occupait un volume de 353 pouces. Mais il n'était pressé que par une colonne de 27 pouces 9 lignes 1/2, ou, en fractions décimales de pouces (voy. table, n°IV), de 27 pouces, 79 167. Sur quoi il y a encore à déduire la différence de niveau de 4 pouces 1/2 d'eau ; ce qui répond, en mercure(voy.la table, n°V), à: 0,33166 La pression réelle dont cet air était chargé n'était donc que de 27,4600 1 Le volume des fluides élastiques diminuant, en général, en raison inverse des poids qui les compriment, il est clair, d'après ce que nous avons dit plus haut, que, pour avoir le volume des 353 pouces sous une pression de 28 pouces, il faudra dire : 353 pouces : x : : 1/27.46001 : 1/28. D'où l'on conclura : x = 353 x 27.46001/28 = 346 pouces, 192. C'est le volume qu'aurait occupé ce même air sous une pression de


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28 pouces. Le 21 0e de ce volume égale 1 pouce,650 ; ce qui donne, pour les 5 degrés supérieurs au dixième degré du thermomètre, 8 pouces, 255 ; et, comme cette correction est soustractive, on en conclura que le volume de l'air, toute correction faite, était, avant la combustion, de 337 pouces, 942.

CALCUL APRÈS LA COMBUSTION.

En faisant le même calcul sur le volume de l'air après la combustion, on trouvera que la pression était alors de 27 pouces,77083 – 0 pouces, 51 593 = 27 pouces, 25 490. Ainsi, pour avoir le volume de l'air a 28 pouces de pression, il faudra multiplier 295 pouces, volume trouvé après la combustion, par 227 pouces, 25 490, et le diviser par 28 ; ce qui donnera, pour le volume corrigé, 287 pouces 150. Le 21 0e de ce volume est 1 pouce 368, qui, multiplié par 6 degrés, donne pour correction négative de la température, 8 pouces, 208. D'où il résulte que le volume de l'air, toutes corrections faites, était, après la combustion, de 278 pouces, 942. RÉSULTAT. Le volume, toutes corrections faites, avant la combustion, était de : 337 pouces, 942. Il était, après la combustion, de : 278 pouces, 942. Donc, quantité d'air absorbé par la combustion du phosphore : 59 pouces, 000

§ VIII. DE LA MANIÈRE DE DÉTERMINER LE POIDS ABSOLU DES DIFFÉRENTS GAZ.

Dans tout ce que je viens d'exposer sur la manière de mesurer le volume des gaz et d'y faire les corrections relatives au degré de pression et de température, j'ai supposé qu'on en connaissait la pesanteur spé- [spécifique]


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cifique, et qu'on pouvait en conclure leur poids absolu : il me reste à donner une idée des moyens par lesquels on peut parvenir à cette connaissance. On a un grand ballon A (pl. V, fig. 10), dont la capacité doit être d'un demi-pied cube, c'est-à-dire de 17 à 18 pintes au moins ; on y mastique une virole de cuivre bcde, à laquelle s'adapte à vis en de, une platine à laquelle tient un robinet fg. Enfin, le tout se visse, au moyen d'un double écrou, représenté fig. 12, sur une cloche BCD, dont la capacité doit être de quelques pintes plus grande que celle du ballon. Cette cloche est ouverte par le haut, et sa tubulure est garnie d'une virole de cuivre hi et d'un robinet lm ; un de ces robinets est représenté séparément fig. 11. La première opération à faire est de déterminer la capacité de ce ballon ; on y parvient en remplissant d'eau et en le pesant pour en connaître la quantité. Ensuite on vide l'eau et on sèche le ballon en y introduisant un linge par l'ouverture de ; les derniers vestiges d'humidité disparaissent d'ailleurs lorsqu'on a fait une ou deux fois le vide dans le ballon. Quand on veut déterminer la pesanteur d'un gaz, on visse le ballon a sur la platine de la machine pneumatique, au-dessous du robinet fg. On ouvre ce même robinet, et on fait le vide du mieux qu'il est possible, ayant grand soin d'observer la hauteur à laquelle descend le baromètre d'épreuve. Le vide fait, on referme le robinet, on pèse le ballon avec une scrupuleuse exactitude, après quoi on le revisse sur la cloche BCD, qu'on suppose placée sur la tablette de la cuve ABCD, même planche, fig. 1. On fait passer dans cette cloche le gaz qu'on veut peser ; puis, ouvrant le robinet f g et le robinet lm, le gaz contenu dans la cloche passe dans le ballon a : en même temps l'eau remonte dans la cloche BCD. Il est nécessaire, si l'on veut éviter une correction embarrassante, d'enfoncer la cloche dans la cuve jusqu'à ce que le niveau de l'eau extérieure concoure avec celui de l'eau contenue dans l'intérieur de la cloche. Alors on ferme les robinets, on dévisse le ballon et on le repèse. Le poids, déduction faite de celui du ballon vide,


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donne la pesanteur du volume d'air ou de gaz qu'il contient. En multipliant ce poids par 1728 pouces, et divisant le produit par un nombre de pouces cubes égal à la capacité du ballon, on a le poids du pied cube du gaz mis en expérience. Il est nécessaire de tenir compte, dans ces déterminations, de la hauteur du baromètre et du degré du thermomètre ; après quoi rien n'est plus aisé que de ramener le poids du pied cube qu'on a trouvé à celui qu'aurait eu le même gaz à 28 pouces de pression et à 10 degrés du thermomètre. J'ai donné dans le paragraphe précédent le détail des calculs qu'exige cette opération. Il ne faut pas négliger non plus de tenir compte de la petite portion d'air restée dans le ballon, quand on a fait le vide ; portion qu'il est facile d'évaluer, d'après la hauteur à laquelle s'est soutenu le baromètre d'épreuve. Si cette hauteur était, par exemple, d'un centième de la hauteur totale du baromètre, il en faudrait conclure qu'il est resté un centième d'air dans le ballon, et le volume du gaz qui y avait été introduit ne serait plus que les 99/100 du volume total du ballon.


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CHAPITRE III.

DES APPAREILS RELATIFS À LA MESURE DU CALORIQUE.

DESCRIPTION DU CALORIMÈTRE.

L'appareil dont je vais essayer de donner une idée a été décrit dans un mémoire que nous avons publié, M. de Laplace et moi, dans le recueil de l'Académie, année 1780, page 355. C'est de ce mémoire (1) que sera extrait tout ce que contient cet article. Si, après avoir refroidi un corps quelconque à zéro du thermomètre, on l'expose dans une atmosphère dont la température suit de 25 degrés au-dessus du terme de la congélation, il s'échauffera insensiblement depuis sa surface jusqu'à son centre, et se rapprochera peu à peu de la température de 25 degrés, qui est celle du fluide environnant. Il n'en sera pas de même d'une masse de glace qu'on aurait placée dans la même atmosphère ; elle ne se rapprochera nullement de la température de l'air ambiant, mais elle restera constamment à zéro de température, c'est-à-dire à la glace fondante, et ce, jusqu'à ce que le dernier atome de glace soit fondu. La raison de ce phénomène est facile à concevoir : il faut, pour fondre de la glace et pour la convertir en eau, qu'il s'y combine une certaine proportion de calorique. En conséquence, tout le calorique des corps environnants s'arrête à la surface de la glace, où il est employé à la fondre : cette première couche fondue, la nouvelle quantité de calorique qui survient en fond une seconde, et elle se combine également avec elle pour la convertir en eau, et ainsi successivement de surfaces en surfaces, jusqu'au dernier atome de glace, qui sera encore

(1) Voyez tome II, page 292.


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à zéro du thermomètre, parce que le calorique n'aura pas encore pu y pénétrer. Que l'on imagine d'après cela une sphère de glace creuse, à la température de zéro degré du thermomètre ; que l'on place cette sphère de glace dans une atmosphère dont la température soit, par exemple de 10 degrés au-dessus de la congélation, et qu'on place dans son intérieur un corps échauffé d'un nombre de degrés quelconque : il suit de ce qu'on vient d'exposer deux conséquences : 1° que la chaleur extérieure ne pénétrera pas dans l'intérieur de la sphère, 2° que la chaleur d'un corps placé dans son intérieur ne se perdra pas non plus au dehors, mais qu'elle s'arrêtera à la surface intérieure de la cavité, où elle sera continuellement employée à fondre de nouvelles couches de glace, jusqu'à ce que la température du corps soit parvenue à zéro du thermomètre. Si on recueille avec soin l'eau qui se sera formée dans l'intérieur de la sphère de glace, lorsque la température du corps placé dans son intérieur sera parvenue à zéro du thermomètre, son poids sera exactement proportionnel à la quantité de calorique que ce corps aura perdue, en passant de sa température primitive à celle de la glace fondante ; car il est clair qu'une quantité double de calorique doit fondre une quantité double de glace ; en sorte que la quantité de glace fondue est une mesure très précise de la quantité de calorique employée à produire cet effet. On n'a considéré ce qui se passait dans une sphère de glace que pour mieux faire entendre la méthode que nous avons employée dans ce genre d'expériences, dont la première idée appartient à M. de Laplace. Il serait difficile de se procurer de semblables sphères, et elles auraient beaucoup d'inconvénients dans la pratique ; mais nous y avons suppléé au moyen de l'appareil suivant, auquel je donnerai le nom de calorimètre. Je conviens que c'est s'exposer à une critique, jusqu'à un certain point fondée, que de réunir ainsi deux dénominations, l'une dérivée du latin, l'autre dérivée du grec ; mais j'ai cru qu'en matière de science on pouvait se permettre moins de pureté dans le


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langage, pour obtenir plus de clarté dans les idées ; et en effet je n'aurais pu employer un mot composé entièrement tiré du grec, sans trop me rapprocher du nom d'autres instruments connus, et qui ont un usage et un but tout différents. La figure première de la planche VI représente le calorimètre vu en perspective. La figure 2 de la même planche représente sa coupe horizontale, et la figure 3, une coupe verticale, qui laisse voir tout son intérieur. Sa capacité est divisée en trois parties ; pour mieux me faire entendre, je les distinguerai par les noms de capacité intérieure, capacité moyenne et capacité extérieure. La capacité intérieure ffff (fig. 3, Pl. VI), est formée d'un grillage de fil de fer, soutenu par quelques montants du même métal ; c'est dans cette capacité que l'on place les corps soumis à l’expérience : sa partie supérieure LM se ferme au moyen d'un couvercle GH représenté séparément, fig. 4. Il est entièrement ouvert par-dessus, et le dessous est formé d'un grillage de fil de fer. La capacité moyenne bbbbb (fig. 2 et 3), est destinée à contenir la glace qui doit environner la capacité intérieure, et que doit fondre le calorique du corps mis en expérience : cette glace est supportée et retenue par une grille mm, sous laquelle est un tamis nn ; l'un et l’autre sont représentés séparément, fig. 5 et 6. A mesure que la glace est fondue par le calorique qui se dégage du corps placé dans la capacité intérieure, l'eau coule à travers la grille et le tamis ; elle tombe ensuite le long du cône ccd (fig. 3), et du tuyau xy, et se rassemble dans le vase F (fig. 1), placé au-dessous de la machine ; u est un robinet au moyen duquel on peut arrêter à volonté l’écoulement de l'eau intérieure. Enfin, la capacité extérieure aaaaa (fig. 2 et 3), est destinée à recevoir la glace qui doit arrêter l’effet de la chaleur de l'air extérieur et des corps environnants : l'eau que produit la fonte de cette glace coule le long du tuyau sT, que l'on peut ouvrir ou, fermer au moyen du robinet r. Toute la machine est recouverte par le couvercle FF (fig. 7), entièrement ouvert dans sa partie supérieure, et fermé dans sa partie inférieure ; elle est composée de fer-blanc peint. à l'huile pour le garantir de fa rouille.


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Pour mettre le calorimètre en expérience, on remplit de glace pilée la capacité moyenne bbbbb, et le couvercle GH de la capacité intérieure, la capacité extérieure aaaa, et le couvercle FF (fig. 7), de toute la machine. On la presse fortement pour qu'il ne reste point de parties vides, puis on laisse égoutter la glace intérieure ; après quoi on ouvre la machine pour y placer le corps que l'on veut mettre en expérience, et on la referme sur-le-champ. On attend que le corps soit entièrement refroidi, et que la glace qui a fondu soit suffisamment égouttée ; ensuite on pèse l'eau qui s'est rassemblée dans le vase F, fig. 1 : son poids est une mesure exacte de la quantité de calorique dégagée du corps, pendant qu'il s'est refroidi ; car il est visible que ce corps est dans la même position qu'au centre de la sphère dont nous venons de parler, puisque tout le calorique qui s'en dégage est arrêté par la glace intérieure, et que cette glace est garantie de l'impression de toute autre chaleur par la glace renfermée dans le couvercle et dans la capacité extérieure. Les expériences de ce genre durent quinze, dix-huit et vingt heures ; quelquefois, pour les accélérer, on place de la glace bien égouttée dans la capacité intérieure, et on en couvre les corps que l'on veut refroidir. La figure 8 représente un seau de tôle destiné à recevoir les corps sur lesquels on veut opérer ; il est garni d'un couvercle percé dans son milieu, et fermé avec un bouchon de liège, traversé par le tube d'un petit thermomètre. La figure 9 de la même planche représente un matras de verre dont le bouchon est également traversé par le tube d'un petit thermomètre, dont la boule et une partie du tube plongent dans la liqueur ; il faut se servir de semblables matras toutes les fois que l'on opère sur les acides, et, en général, sur les substances qui peuvent avoir quelque action sur les métaux. RS (fig. 10), est un petit cylindre creux que l’on place au fond de la capacité intérieure pour soutenir les matras. Il est essentiel que, dans cette machine, il n'y ait. aucune communi- [communication]


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cation entre la capacité moyenne et la capacité extérieure ; ce que l'on éprouvera facilement en remplissant d'eau la capacité extérieure. S'il existait une communication entre ces capacités, la glace fondue par l'atmosphère, dont la chaleur agit sur l'enveloppe de la capacité extérieure, pourrait passer dans la capacité moyenne, et alors l'eau qui s'écoulerait de cette dernière capacité ne serait plus la mesure du calorique perdu par le corps mis en expérience. Lorsque la température de l'atmosphère n'est que de quelques degrés au-dessus de zéro, sa chaleur ne peut parvenir que très difficilement jusque dans la capacité moyenne, puisqu'elle est arrêtée par la glace du couvercle et de la capacité extérieure ; mais, si la température extérieure était au-dessous de zéro, l'atmosphère pourrait refroidir la glace intérieure ; il est donc essentiel d'opérer dans une atmosphère dont la température ne soit pas au-dessous de zéro : ainsi, dans un temps de gelée, il faudra renfermer la machine dans un appartement dont on aura soin d'échauffer l'intérieur. Il est encore nécessaire que la glace dont on fait usage ne soit pas au-dessous de zéro ; si elle était dans ce cas, il faudrait la piler, l'étendre par couches fort minces, et la tenir ainsi pendant quelque temps dans un lieu dont la température fût au-dessus de zéro. La glace intérieure retient touj ours une petite quantité d'eau qui adhère à la surface, et l'on pourrait croire que cette eau doit entrer dans le résultat des expériences ; mais il faut observer qu'au commencement de chaque expérience la glace est déjà imbibée de toute la quantité d'eau qu'elle peut ainsi retenir ; en sorte que, si une petite partie de la glace fondue par le corps reste adhérente à la glace intérieure, la même quantité, à très peu près, d'eau, primitivement adhérente à la surface de la glace, doit s'en détacher et couler dans le vase, car la surface de la glace intérieure change extrêmement peu dans l'expérience. Quelques précautions que nous ayons prises, il nous a été impossible d'empêcher l'air extérieur de pénétrer dans la capacité intérieure, lorsque la température était à 9 ou 10 degrés au-dessus de la congé- [congélation]


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lation. L'air renfermé dans cette capacité étant alors spécifiquement plus pesant que l'air extérieur, il s'écoule par le tuyau xy (fig. 3), et il est remplacé par l’air extérieur qui entre dans le calorimètre, et qui dépose une partie de son calorique sur la glace intérieure ; il s'établit ainsi dans la machine un courant d'air d'autant plus rapide que la température extérieure est plus élevée, ce qui fond continuellement une portion de la glace intérieure ; on peut arrêter en grande partie l'effet de ce courant en fermant le robinet ; mais il vaut beaucoup mieux n'opérer que lorsque la température extérieure ne surpasse pas 3 ou 4 degrés ; car nous avons observé qu'alors la fonte de la glace intérieure, occasionnée par l’atmosphère, est insensible, en sorte que nous pouvons, à cette température, répondre de l'exactitude de nos expériences sur les chaleurs spécifiques des corps, à un quarantième près. Nous avons fait construire deux machines pareilles à celle que je viens de décrire ; l’une d'elles est destinée aux expériences dans lesquelles il n'est pas nécessaire de renouveler l'air intérieur ; l'autre machine sert aux expériences dans lesquelles le renouvellement de l'air est indispensable, telles que celle de la combustion et de la respiration : cette seconde machine ne diffère de la première qu'en ce que les deux couvercles sont percés de deux trous à travers lesquels passent deux petits tuyaux, qui servent de communication entre l'air intérieur et l’air extérieur ; on peut, par leur moyen, souffler de l’air atmosphérique dans l’intérieur du calorimètre pour y entretenir des combustions. Rien n'est plus simple, avec cet instrument, que de déterminer les phénomènes qui ont lien dans les opérations où il y a dégagement, ou même absorption de calorique. Veut-on, par exemple, connaître ce qui se dégage de calorique d'un corps solide, lorsqu'il se refroidit d'un certain nombre de degrés ? On élève sa température à 80 degrés, par exemple, puis on le place dans la capacité intérieure ffff du calorimètre (fig. 2 et 3, pl. VI), et on l'y laisse assez longtemps pour être assuré que sa température est revenue à zéro du thermomètre ; on


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recueille l'eau qui a été produite par la fonte de la glace, pendant son refroidissement ; cette quantité d'eau, divisée par le produit de la masse du corps et du nombre de degrés dont sa température primitive était au-dessus de zéro, sera proportionnelle à ce que les physiciens anglais ont nommé chaleur spécifique. Quant aux fluides, on les renferme dans des vases de matière quelconque, dont on a préalablement déterminé la chaleur spécifique : on opère ensuite de la même manière que pour les solides, en observant seulement de déduire, de la quantité totale d'eau qui a coulé, celle due au refroidissement du vase qui contenait le fluide. Veut-on connaître la quantité de calorique qui se dégage de la combinaison de plusieurs substances? On les amènera toutes à la température zéro, en les tenant un temps suffisant dans de la glace pilée ; ensuite on en fera le mélange dans l'intérieur du calorimètre, dans un vase également à zéro, et on aura soin de les y conserver jusqu'à ce qu'elles soient revenues à la température zéro ; la quantité d'eau recueillie sera la mesure du calorique nui se sera dégagé par l'effet de la combinaison. La détermination des quantités de calorique qui se dégagent dans les combustions et dans la respiration des animaux n'offre pas plus de difficulté : on brûle les corps combustibles dans la capacité intérieure du calorimètre ; on y laisse respirer des animaux, tels que les cochons d' Inde, qui résistent assez bien au froid, et on recueille l'eau qui coule ; mais, comme le renouvellement de l'air est indispensable dans ce genre d'opérations, il est nécessaire de faire arriver continuellement de nouvel air dans l'intérieur du calorimètre par un petit tuyau destiné à cet objet, et de le faire ressortir par un autre tuyau : mais, pour que l'introduction de cet air ne cause aucune erreur dans les résultats, on fait passer le tuyau qui doit l'amener à travers de la glace pilée, afin qu'il arrive dans le calorimètre à la température zéro. Le tuyau de sortie de l'air doit également traverser de la glace pilée, mais cette dernière portion de glace doit être comprise dans l'intérieur de la capacité ffff du calorimètre, et l'eau qui en découle doit faire partie de celle que


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l'on recueille, parce que le calorique que contenait l'air avant de sortir fait partie du produit de l'expérience. La recherche de la quantité de calorique spécifique contenue dans les différents gaz est un peu plus difficile à cause de leur peu de densité ; car, si on se contentait de les renfermer dans des vases comme les autres fluides, la quantité de glace fondue serait si peu considérable, que le résultat de l'expérience serait au moins très incertain. Nous avons employé pour ce genre d'expériences deux espèces de serpentins ou tuyaux métalliques roulés en spirales. Le premier, contenu dans un vase rempli d'eau bouillante, servait à échauffer l'air avant qu'il parvint au calorimètre ; le second était renfermé dans la capacité intérieure ffff de cet instrument. Un thermomètre adapté à une des extrémités de ce dernier serpentin indiquait la chaleur de l'air ou du gaz qui entrait dans la machine ; un thermomètre adapté à l'autre extrémité du même serpentin indiquait la chaleur du gaz ou de l'air à sa sortie. Nous avons été ainsi à portée de déterminer ce qu'une masse quelconque de différents airs ou gaz fondait de glace en se refroidissant d'un certain nombre de degrés, et d'en déterminer le calorique spécifique. Le même procédé, avec quelques précaution. particulières, peut être employé pour connaître la quantité de calorique qui se dégage dans la condensation des vapeurs de différents liquides. Les différentes expériences que l'on peut faire avec le calorimètre ne conduisent point à des résultats absolus ; elles ne donnent que des quantités relatives : il était donc question de choisir une unité qui pût former le premier degré d'une échelle avec laquelle on pût exprimer tous les autres résultats. La quantité de calorique nécessaire pour fondre une livre de glace nous a fourni cette unité : or, pour fondre une livre de glace, il faut une livre d'eau élevée à 60 degrés du thermomètre à mercure divisé en 80 parties, de la glace à l'eau bouillante ; la quantité de calorique qu'exprime notre unité est donc celle nécessaire pour élever l'eau de zéro à 60 degrés. Cette unité déterminée, il n'est plus question que d'exprimer en


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valeurs analogues les quantités de calorique qui se dégagent des différents corps, en se refroidissant d'un certain nombre de degrés, et voici le calcul simple par le moyen duquel on y parvient : je l’applique à une de nos premières expériences. Nous avons pris des morceaux de tôle coupés par bandes et roulés, qui pesaient ensemble 7 livres 11 onces 2 gros 36 grains, c'est-à-dire, en fractions décimales de livres, 7 livres, 7070319. Nous avons échauffé cette masse dans un bain d'eau bouillante, dans laquelle elle a pris environ 78 degrés de chaleur ; et, l'ayant tirée de l'eau prestement, nous l'avons introduite dans la capacité intérieure du calorimètre. Au bout de onze heures, lorsque l'eau produite par la fonte de la glace intérieure a été suffisamment égouttée, la quantité s'en est trouvée de 1 livre 1 once 5 gros 4 grains = 1 livre, 109795. Maintenant je puis dire : si le calorique dégagé de la tôle par un refroidissement de 78 degrés a fondu1 livre, 109795 de glace, combien un refroidissement de 60 degrés aurait-il produit? Ce qui donne 78 : 1 livre , 109795 : : 60 : x = 0 livre, 85369. Enfin, divisant cette quantité par le nombre de livres de tôle employée, c'est-à-dire par 7 livres, 7070319, on aura, pour la quantité de glace que pourra faire fondre 1 livre de tôle en se refroidissant de 60 degrés à zéro, 0 livre, 110770. Le même calcul s'applique à tous les corps solides. A l'égard des fluides, tels que l'acide sulfurique, l'acide nitrique, etc. on les renferme dans un matras représenté pl. VI, fig. 9. Il est bouché avec un bouchon de liège traversé par un thermomètre dont la houle plonge dans la liqueur. On place ce vaisseau dans un bain d'eau bouillante ; et, lorsque, d'après le thermomètre, on juge que la liqueur est élevée à un degré de chaleur convenable, on retire le matras et on le place dans le calorimètre. On fait le calcul comme ci-dessus, en ayant soin cependant de déduire de la quantité d'eau obtenue celle que le vase de verre aurait seul produite, et qu'il est, en conséquence, nécessaire d'avoir déterminé par une expérience préa- [préalable]


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lable. Je ne donne point ici le tableau des résultats que nous avons obtenus, parce qu'il n'est pas encore assez complet, et que différentes circonstances ont suspendu la suite de ce travail. Nous ne le perdons cependant pas de vue, et il n'y a point d'hiver que nous ne nous en soyons plus ou moins occupés.


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CHAPITRE IV. DES OPÉRATIONS PUREMENT MECANIQUES QUI ONT POUR OBJET DE DIVISER LES CORPS.

§ I. DE LA TRITURATION, DE LA PORPHYRISATION ET DE LA PULVERISATION.

La trituration, la porphyrisation et la pulvérisation ne sont, à proprement parler, que des opérations mécaniques préliminaires, dont l’objet est de diviser, de séparer les molécules des corps, et de les réduire en particules très fines. Mais, quelque loin qu'on puisse porter ces opérations, elles ne peuvent jamais résoudre un corps en ses molécules primitives et élémentaires : elles ne rompent pas même, à proprement parler, son agrégation ; en sorte que chaque molécule, après la trituration et la porphyrisation, forme encore un tout semblable à la masse originaire qu'on avait eu pour objet de diviser, à la différence des opérations vraiment chimiques, telles, par exemple, que la dissolution, qui détruit l’agrégation du corps, et écarte les unes des autres les molécules constitutives et intégrantes qui le composent. Toutes les fois qu'il est question de diviser des corps fragiles et cassants, on se sert, pour cette opération, de mortiers et de pilons, pl. I. fig. 1, 2, 3, 4 et 5. Ces mortiers sont ou de fonte de cuivre et de fer, comme celui représenté fig. 3, ou de marbre et de granit, comme celui représenté fig. 2 ; ou de bois de gaïac, comme celui représenté, fig. 3 ; ou de verre, comme celui représenté fig. 4 ; ou d'agate, comme celui représenté fig. 5 ; enfin, on en fait aussi de porcelaine, comme celui représenté fig. 6. Les pilons dont on se sert pour triturer les corps sont aussi de différentes matières. Ils sont de fer ou de cuivre forgé, comme dans la figure première ; de bois, comme dans les figures 2 et 3 : enfin, de verre, de porcelaine ou d'agate, suivant


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la nature des objets qu'on veut triturer. Il est nécessaire d'avoir dans un laboratoire un assortiment de ces instruments de différentes grandeurs. Les mortiers de porcelaine, et surtout ceux de verre, ne peuvent pas être employés à la trituration proprement dite, et ils seraient bientôt en pièces, si on frappait dedans sans précaution, à coups redoublés. C'est en tournant le pilon dans le mortier, en froissant avec adresse et dextérité les molécules entre le pilon et les parois du mortier qu'on parvient à opérer la division. La forme des mortiers n'est point indifférente ; le fond en doit être arrondi, et l'inclinaison des parois latérales doit être telle, que les matières en poudre retombent d'elles mêmes quand on relève le pilon ; un mortier trop plat serait donc défectueux ; la matière ne retomberait et ne se retournerait pas. Des parois trop inclinées présenteraient un autre inconvénient : elles ramèneraient une trop grande quantité de la matière à pulvériser sous le pilon ; elle ne serait plus alors froissée et serrée entre deux corps durs, et la trop grande épaisseur interposée nuirait à la pulvérisation. Par une suite du même principe, il ne faut pas mettre dans le mortier une trop grande quantité de matière ; il faut surtout, autant qu'on le peut, se débarrasser de temps en temps des molécules qui sont déjà pulvérisées, et c'est ce qu'on opère par le tamisage, autre opération dont il va être bientôt question. Sans cette précaution, on emploierait une force inutile, et on perdrait du temps à diviser davantage ce qui l'était suffisamment tandis qu'on n'achèverait pas de pulvériser ce qui ne l'est pas assez. En effet, la portion de matière divisée nuit à la trituration de celle qui ne l'est pas ; elle s'interpose entre le pilon et le mortier, et amortit l'effet du coup. La porphyrisation a reçu sa dénomination du nom de la matière sur laquelle elle s'opère. Le plus communément on a une table plate de porphyre ou d'une autre pierre du même degré de dureté A B C D (pl. I, fig. 7), sur laquelle on étend la matière à diviser ; on la froisse ensuite et on la broie, en promenant sur le porphyre une molette M, d'une pierre du même degré de dureté. La partie de la molette qui


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porte sur le porphyre ne doit pas être parfaitement plane : sa surface doit être une portion de sphère d'un très grand rayon ; autrement, quand on promènerait la molette sur le porphyre, la matière se rangerait tout autour du cercle qu'elle aurait décrit, sans qu'aucune portion s'engageât entre deux, et il n'y aurait pas de porphyrisation. On est, par la même raison, obligé de faire retailler de temps en temps les molettes, qui tendent à devenir planes à mesure qu'on s'en sert. L'effet de la molette étant d'écarter continuellement la matière et de la porter vers les extrémités de la table de porphyre, on est obligé de la ramener souvent. et de l’accumuler au centre ; on se sert, à cet effet, d'un couteau de fer, de corne ou d'ivoire, dont la lame doit être très mince. Dans les travaux en grand, on préfère, pour opérer le broiement, l’usage de grandes meules de pierres dures qui tournent l’une sur l'autre, ou bien d'une meule verticale qui roule sur une meule horizontale. Dans tous ces cas, on est souvent obligé d'humecter légèrement la matière, dans la crainte qu'elle ne s'élève en poussière. Ces trois manières de réduire les corps en poudre ne conviennent pas à toutes les matières : il en est qu'on ne peut parvenir à diviser, ni au pilon, ni au porphyre, ni à la meule ; telles sont les matières très fibreuses, comme le bois ; telles sont celles qui ont une sorte de ténacité et d'élasticité, comme la corne des animaux, la gomme élastique, etc. tels sont, enfin, les métaux ductiles et malléables, qui s'aplatissent sous le pilon, au lieu de s'y réduire en poudre. On se sert, pour les bois, de grosses limes connues sous le nom de râpes à bois (pl. I, fig. 8). On se sert, pour la corne, de limes un peu plus fines ; enfin, on emploie, pour les métaux, des limes encore plus fines ; telles sont celles représentées fig. 9 et 10. Il est quelques substances métalliques qui ne sont ni assez cassantes pour être mises en poudre par trituration, ni assez dures pour pouvoir être limées commodément. Le zinc est dans ce cas : sa demi malléabilité empêche qu'on ne puisse le pulvériser au mortier : si on le lime, il empâte la lime, il en remplit les interstices, et bientôt elle n'a presque plus d'ac- [action]


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tion. Il y a une manière simple pour réduire le zinc en poudre, c'est de le piler chaud dans un mortier de fonte de fer également chaud ; il s'y triture alors aisément. On peut encore le rendre cassant, en le fondant avec un peu de mercure. Les artificiers qui emploient le zinc pour faire des feux bleus ont recours à l'un de ces deux moyens. Quand on n'a pas pour objet de mettre les métaux dans un très grand état de division, on peut les réduire en grenailles en les coulant dans de l'eau. Enfin, il y a un dernier moyen de diviser, qu'on emploie pour les matières à la fois pulpeuses et fibreuses, telles que les fruits, les pommes de terre, les racines, etc. On les promène sur une râpe (pl. I, fig. 11), en donnant un certain degré de pression, et on parvient ainsi à les réduire en pulpe. Tout le monde connaît la râpe, et il serait superflu d'en donner une description plus étendue. On conçoit que le choix des matières avec lesquelles on opère la trituration n'est point indifférent : on doit bannir le cuivre de tout ce qui a rapport aux aliments, à la pharmacie, etc. Les mortiers de marbre ou ceux de matières métalliques ne peuvent être employés pour triturer les matières acides ; c'est ce qui fait que les mortiers de bois très dur, tel que le gaïac, et ceux de verre, de porcelaine et de granit, sont d'une grande commodité dans un laboratoire.

§ II. DU TAMISAGE ET DU LAVAGE. De quelque moyen mécanique qu'on se serve pour diviser les corps, on ne peut parvenir à donner le même degré de finesse à toutes leurs parties. La poudre qu'on obtient de la plus longue et de la plus exacte trituration est touj ours un assemblage et un mélange de molécules de différentes grosseurs. On parvient à se débarrasser des plus grossières et à n'avoir qu'une poudre beaucoup plus homogène, en employant des tamis (fig. 12, 13, 14 et 15, pl. I), dont la grandeur de la maille soit proportionnée à la grosseur des molécules qu'on se propose


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d'obtenir : tout ce qui est supérieur en grosseur aux dimensions de la maille reste sur le tamis, et on le repasse au pilon. On voit deux de ces tamis représentés, fig. 12 et 13. L'un (fig. 12) est de crin ou de soie ; l'autre (fig. 13) est de peau dans laquelle on a fait des trous ronds avec un emporte-pièce : ce dernier est en usage dans l'art de fabriquer la poudre à canon et la poudre de chasse. Lorsqu'on est obligé de tamiser des matières très légères, très précieuses, et qui se dispersent aisément, ou bien lorsque, répandues dans l'air elles peuvent être nuisibles à ceux qui les respirent, on se sert de tamis composés de trois pièces (fig. 14 et 15) : savoir, d'un tamis proprement dit ABCD (fig. 15), d'un couvercle EF, et d'un fond GH : on voit ces trois parties assemblées, fig. 14. Il est un autre moyen, plus exact que le tamisage, d'obtenir des poudres de grosseur uniforme, c'est le lavage ; mais il n'est praticable qu'à l'égard des matières qui ne sont point susceptibles d'être attaquées et altérées par l'eau. On délaye et on agite dans l'eau ou dans quelque autre liqueur les matières broyées qu'on veut obtenir en poudre de grosseur homogène ; on laisse reposer un moment la liqueur, puis on la décante encore trouble ; les parties les plus grossières restent au fond du vase. On décante une seconde fois, et on a un second dépôt. moins grossier que le premier. On décante une troisième fois pour obtenir un troisième dépôt, qui est au second, pour la finesse, ce que le second est au premier. On continue cette manœuvre jusqu'à ce que l'eau soit éclaircie, et la poudre grossière et inégale qu'on avait originairement se trouve séparée en une suite de dépôts, qui, chacun en particulier, sont d'un degré de finesse à peu près homogène. Le même moyen, le lavage, ne s'emploie pas seulement pour séparer les unes des autres les molécules de matières homogènes et qui ne différent que par leur degré plus ou moins grand de division ; il fournit une ressource non moins utile pour séparer des matières du même degré de finesse, mais dont la pesanteur spécifique est différente : c'est principalement dans le travail des mines qu'on fait usage de ce moyen.


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On se sert pour le lavage, dans les laboratoires, de vaisseaux de différentes formes, de terrines de grès, de bocaux de verre, etc. Quelquefois, pour décanter la liqueur sans troubler le dépôt qui s'est formé, on emploie le siphon. Cet instrument consiste en un tube de verre ABC (pl. II, fig. 11), recourbé en B, et dont la branche BC doit être plus longue de quelques pouces que celle AB. Pour n’être point obligé de le tenir à la main, ce qui pourrait être fatigant dans quelques expériences, on le passe dans un trou pratiqué au milieu d'une petite planche DE. L'extrémité A du siphon doit être plongée dans la liqueur du bocal FG, à la profondeur jusqu'à laquelle on se propose de vider le vase. D'après les principes hydrostatiques sur lesquels est fondé l'effet du siphon, la liqueur ne peut y couler qu'autant qu'on a chassé l'air contenu dans son intérieur : c'est ce qui se pratique au moyen d'un petit tube de verre HI, soudé hermétiquement à la branche BC. Lors donc qu'on veut procurer, par le moyen du siphon, l'écoulement de la liqueur du vase FG dans celui LM, on commence par boucher avec le bout du doigt l'extrémité C de la branche BC du siphon ; puis on suce avec la bouche, jusqu'à ce qu'on ait retiré tout l'air du tube et qu'il ait été remplacé par la liqueur : alors, on ôte le doigt, la liqueur coule et continue à .passer du vase FG dans celui LM.

§ III. DE LA FILTRATION. On vient de voir que le tamisage était une opération par laquelle on séparait les unes des autres des molécules de différentes grosseurs ; que les plus fines passaient à travers le tamis, tandis que les plus grossières restaient dessus. Le filtre n'est autre chose qu'un tamis très fin et très serré, à travers lequel les parties solides, quelque divisées qu'elles soient, ne peuvent passer, mais qui est cependant perméable pour les fluides ; le filtre est donc, à proprement parler, l'espèce de tamis qu'on emploie pour sé- [séparer]


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parer des molécules solides, qui sont très fines, d'un fluide dont les molécules sont encore plus fines. On se sert, à cet effet, principalement en pharmacie, d'étoffes épaisses et d'un tissu très serré : celles de laine à poils sont les plus propres à remplir cet objet. On leur donne ordinairement la forme d'un cône, pl. II, fig. 1 : cette espèce de filtre porte le nom de chausse, qui est relatif à sa figure. La forme conique a l'avantage de réunir toute la liqueur qui coule en un seul point A, et on peut alors la recevoir dans un vase d'une ouverture très petite ; ce qui ne pourrait pas avoir lieu si la liqueur coulait de plusieurs points. Dans les grands laboratoires de pharmacie, on a un châssis de bois représenté pl. II, fig. 1, dans le milieu duquel on attache la chausse. La filtration à la chausse ne peut être applicable qu'à quelques opérations de pharmacie ; mais, comme, dans la plupart des opérations chimiques, un même filtre ne peut servir qu'à une même nature d'expériences ; comme il faudrait avoir un nombre de chausses considérable et les laver avec un grand soin à chaque opération, on y a substitué une étoffe très commune, à très bon marché, qui est, à la vérité, très mince, mais qui, attendu qu'elle est feutrée, compense par le serré de son tissu ce qui pourrait lui manquer en épaisseur : cette étoffe est du papier non collé. Il n'est aucun corps solide, quelque divisé qu'il soit, qui passe à travers vers les pores des filtres de papier ; les fluides, au contraire, les traversent avec beaucoup de facilité. Le seul embarras que présente le papier, employé comme filtre, consiste dans la facilité avec laquelle il se perce et se déchire, surtout quand il est mouillé. On remédie à cet inconvénient, en le soutenant par le moyen de diverses espèces de doublures. Si on a des quantités considérables de matières à filtrer, on se sert d'un châssis de bois ABCD (pl. II, fig. 3), auquel sont adaptées des pointes de fer ou crochets : on pose ce châssis sur deux petits tréteaux, comme on le voit fig. 4. On place sur le carré une toile grossière, qu'on tend médiocrement et qu'on accroche aux pointes ou crochets en fer. On étend ensuite une ou deux feuilles de papier sur la toile, et on verse dessus le mé- [mélange]


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lange de matière liquide et de matière solide dont on veut opérer la séparation. Le fluide coule dans la terrine ou autre vase quelconque E, qu'on a mis sous le filtre. Les toiles qui ont servi à cet usage se lavent, ou bien on les renouvelle, si on a lieu de craindre que les molécules dont elles peuvent rester imprégnées ne soient nuisibles dans des opérations subséquentes. Dans toutes les opérations ordinaires, et lorsqu'on n'a qu'une médiocre quantité de liqueur à filtrer, on se sert d'entonnoirs de verre (pl. II, fig. 5), pour contenir et soutenir le papier ; on le plie alors de manière à former un cône de même figure que l’entonnoir. Mais alors on tombe dans un autre inconvénient ; le papier, lorsqu'il est mouillé, s'applique tellement sur les parois du verre, que la liqueur ne peut couler, et qu'il ne s'opère de filtration que par la pointe du cône : alors l’opération devient très longue ; les matières hétérogènes, d'ailleurs, que contient la liqueur étant communément plus lourdes que l'eau, elles se rassemblent à la pointe du cône de papier, elles l’obstruent, et la filtration, ou s'arrête, ou devient excessivement lente. On a imaginé différents procédés pour remédier à ces inconvénients, qui sont plus graves qu'on ne le croirait d'abord, parce qu'ils se répètent tous les jours dans le cours des opérations chimiques. Un premier moyen a été de multiplier les plis du papier, comme on le voit fig. 6, afin que la liqueur, en suivant les sillons que forment les plis, pût arriver à la pointe du cône ; d'autres ont joint à ce premier moyen l’usage de fragments de paille, qu'on place et qu'on arrange dans l’entonnoir avant d'y placer le papier. Enfin, le dernier moyen employé, et qui me paraît réunir le plus d'avantages, consiste à prendre de petites bandes de verre, telles qu'on en trouve chez tous les vitriers, et qui sont connues sous le nom de rognures de verre. On les courbe par le bout à la lampe, de manière à former un crochet qui s'ajuste dans le bord supérieur de l’entonnoir ; on en dispose six à huit de cette manière, avant de placer le papier. Ces bandes de verre le maintiennent à une distance suffisante des parois de l'entonnoir pour que la filtration s'opère. La liqueur coule le long des bandes de verre, et se rassemble à la pointe du cône.


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On voit quelques-unes de ces bandes représentées fig. 8 ; on voit aussi, fig. 7, un entonnoir de verre garni de bandes de verre et d'un papier à filtrer. Lorsqu'on a un grand nombre de filtrations à faire marcher à la fois, il est très commode d'avoir une planche AB (pl. II, fig. 9), soutenue par des montants de bois AC, BD, et percée de trous pour y placer les entonnoirs. Il y a des matières très épaisses et très visqueuses qui ne peuvent passer à travers le papier, et qui ne peuvent être filtrées qu'après avoir subi quelques préparations. La plus ordinaire consiste à battre un blanc d'oeuf, à le diviser dans ces liqueurs, et à les faire chauffer jusqu'à l’ébullition. Le blanc d'oeuf se coagule, il se réduit en écume, qui vient monter à la surface et qui entraîne avec elle la plus grande partie des matières visqueuses qui s'opposaient à la filtration. On est obligé de prendre ce parti pour obtenir du petit-lait clair, autrement il serait très difficile de le faire passer par le filtre. On remplit le même objet, à l’égard des liqueurs spiritueuses, avec un peu de colle de poisson délayée dans de l'eau : cette colle se coagule par l'action de l’alcool, sans qu'on soit obligé de faire chauffer. On conçoit, qu'une des conditions indispensables de la filtration est que le filtre ne puisse pas être attaqué et corrodé par la liqueur qui doit y passer ; aussi ne peut-on pas filtrer les acides concentrés à travers le papier. Il est vrai qu'on est rarement obligé d'avoir recours à ce moyen, parce que la plupart des acides s'obtiennent par la voie de distillation, et que les produits de la distillation sont presque toujours clairs. Si cependant, dans quelques cas très rares, on est forcé de filtrer des acides concentrés, on se sert alors de verre pilé, ou, ce qui est mieux encore, de morceaux de quartz ou de cristal de roche grossièrement concassés et en partie réduits en poudre. On place quelques-uns des plus gros morceaux dans le fond de l'entonnoir, pour le boucher en partie ; on met par-dessus des morceaux moins gros, qui sont maintenus par les premiers ; enfin les portions les plus divisées doivent occuper le dessus : on remplit ensuite l'entonnoir avec de l'acide.


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Dans les usages de la société, on filtre l'eau des rivières pour l’obtenir limpide et séparée des substances hétérogènes qui la salissent : on se sert à cet effet de sable de rivière. Le sable réunit plusieurs avantages qui le rendent propre à cet usage : premièrement, il est en fragments arrondis, ou au moins dont les angles sont usés ; et les intervalles que présentent des molécules de cette figure favorisent le passage de l'eau. Secondement, ces molécules sont de différentes grosseurs, et les plus fines se rangent naturellement entre les plus grosses ; elles empêchent donc qu'il ne se rencontre des vides trop grands qui laisseraient passer des matières hétérogènes. Troisièmement enfin, le sable ayant été roulé et lavé par l'eau des rivières pendant une longue révolution de temps, on est sûr qu'il est dépouillé de toute substance soluble dans l'eau, et que, par conséquent, il ne peut absolument rien communiquer à l’eau qui filtre au travers. Dans tous les cas, comme dans celui-ci, où le même filtre doit servir longtemps, il s'engorgerait et la liqueur cesserait d'y passer, si on ne le nettoyait pas. Cette opération est simple à l’égard des filtres de sable, il ne s'agit que de le laver dans plusieurs eaux successives et jusqu'à ce qu'elle sorte claire.

§ IV. DE LA DÉCANTATION. La décantation est une opération qui peut suppléer à la filtration, et qui, comme elle, a pour objet de séparer d'avec un liquide les molécules concrètes qu'il contient. On laisse à cet effet reposer la liqueur dans des vases ordinairement coniques et qui ont la forme de verres à boire, comme celui représenté AB CDE (pl. II, fig. 10). On fait dans les verreries des vases de cette figure, qui sont de différentes grandeurs ; lorsqu'ils excédent deux ou trois pintes de capacité, on supprime le pied CDE, et on y supplée par un pied de bois dans lequel on les mastique. La matière étrangère se dépose au fond de ces vases par un repos plus ou moins long, et on obtient la liqueur claire en la versant doucement par inclinaison. On voit que cette opération


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suppose que le corps suspendu dans le liquide est spécifiquement plus lourd que lui, et susceptible de se rassembler au fond ; mais quelquefois la pesanteur spécifique du dépôt approche tellement de celle de la liqueur, et l'on est si près de l’équilibre, que le moindre mouvement suffit pour le remêler ; alors, au lieu de transvaser la liqueur et de la séparer par décantation, on se sert du siphon représenté fig. 11 et dont j'ai déjà donné la description. Dans toutes les expériences où l'on veut déterminer avec une précision rigoureuse le poids de la matière précipitée, la décantation est préférable à la filtration, pourvu qu'on ait soin de laver à grande eau et à plusieurs reprises le précipité. On peut bien, il est vrai, déterminer le poids du précipité qu'on a séparé par filtration, en pesant le filtre avant et après l'opération ; l’augmentation de poids que le filtre a acquise donne le poids du précipité qui est resté attaché ; mais, quand les quantités sont peu considérables, la dessiccation plus ou moins grande du filtre, les différentes proportions d'humidité qu'il peut retenir, sont une source d'erreurs qu'il est important d'éviter.


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CHAPITRE V. DES MOYENS QUE LA CHIMIE EMPLOIE POUR ÉCARTER LES UNES DES AUTRES LES MOLÉCULES DES CORPS SANS LES DÉCOMPOSER, ET RÉCIPROQUEMENT POUR LES RÉUNIR.

J'ai déjà fait observer qu'il existait deux manières de diviser les corps : la première, qu'on nomme division mécanique, consiste à séparer une masse solide en un grand nombre d'autres masses beaucoup plus petites. On emploie, pour remplir cet objet, la force des hommes, celle des animaux, la pesanteur de l'eau appliquée aux machines hydrauliques, la force expansive de l'eau réduite en vapeurs, comme dans les machines à feu, l’impulsion du vent, etc. Mais toutes ces forces employées à diviser les corps sont beaucoup plus bornées qu'on ne le croit communément. Avec un pilon d'un certain poids, qui tombe d'une certaine hauteur, on ne peut jamais réduire en poudre une matière donnée au delà d'un certain degré de finesse, et la même molécule, qui paraît si fine relativement à nos organes, est encore une montagne, si on peut se servir de cette expression, lorsqu'on la compare avec les molécules constitutives et élémentaires du corps que l’on divise. C'est en cela que diffèrent les agents mécaniques des agents chimiques : ces derniers divisent un corps dans ses molécules primitives. Si, par exemple, c'est un sel neutre, ils portent la division de ses parties aussi loin qu'elle le peut être sans que la molécule cesse d'être une molécule de sel. Je vais donner, dans ce chapitre, des exemples de cette espèce de division. J'y joindrai quelques détails sur des opérations qui y sont relatives.

§ I. DE LA SOLUTION DES SELS. On a longtemps confondu en chimie la solution et la dissolution, et


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l'on désignait par le même nom la division des parties d'un sel dans un fluide tel que l'eau, et la division d'un métal dans un acide. Quelques réflexions sur les effets de ces deux opérations feront sentir qu'il n'est pas possible de les confondre. Dans la solution des sels, les molécules salines sont simplement écartées les unes des autres, mais ni le sel, ni l’eau n'éprouvent aucune décomposition, et on peut les retrouver l'un et l'autre en même quantité qu'avant l’opération. On peut dire la même chose de la dissolution des résines dans l’alcool et dans les dissolvants spiritueux. Dans la dissolution des métaux, au contraire, il y a touj ours une décomposition de l'acide, ou décomposition de l’eau : le métal s'oxygène, il passe à l’état d'oxyde ; une substance gazeuse se dégage ; en sorte qu'à proprement parler aucune des substances, après la dissolution, n'est dans le même état qu’elle était auparavant. C'est uniquement de la solution qu'il sera question dans cet article. Pour bien saisir ce qui se passe dans la solution des sels, il faut savoir qu'il se complique deux effets dans la plupart de ces opérations : solution par l'eau, et solution par le calorique ; et, comme cette distinction donne l’explication de la plupart des phénomènes relatifs à la solution, je vais insister pour la bien faire entendre. Le nitrate de potasse, vulgairement appelé salpêtre, contient très peu d'eau de cristallisation ; une foule d'expériences le prouvent ; peut-être même n'en contient-il pas : cependant il se liquéfie à un degré de chaleur qui surpasse à peine celui de l'eau bouillante. Ce n'est donc point à l’aide de son eau de cristallisation qu'il se liquéfie, mais parce qu’il est très fusible de sa nature, et qu'il passe de l'état solide à l’état liquide, un peu au-dessus de la chaleur de l'eau bouillante. Tous les sels sont de même susceptibles d'être liquéfiés par le calorique, mais à une température plus ou moins haute. Les uns, comme les acétites de potasse et de soude ; se fondent et se liquéfient à une chaleur très médiocre ; les autres, au contraire, comme le sulfate de chaux, le sulfate de potasse, etc. exigent une des plus fortes chaleurs que nous puissions produire. Cette liquéfaction des sels par le calorique pré- [présente]


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sente exactement les mêmes phénomènes que la liquéfaction de la glace. Premièrement, elle s'opère de même à un degré de chaleur déterminé pour chaque sel, et ce degré est constant pendant tout le temps que dure la liquéfaction du sel. Secondement, il y a emploi de calorique au moment où le sel se fond, dégagement lorsqu'il se fige, tous phénomènes généraux, et qui ont lieu lors du passage d'un corps quelconque de l'état concret à l'état fluide, et réciproquement. Ces phénomènes de la solution par le calorique se compliquent touj ours plus ou moins avec ceux de la solution par l'eau. On en sera convaincu, si l'on considère qu'on ne peut verser de l'eau sur un sel pour le dissoudre, sans employer réellement un dissolvant mixte, l'eau et le calorique : or on peut distinguer plusieurs cas différents, suivant la nature et la manière d'être de chaque sel. Si, par exemple, un sel est très peu soluble par l'eau, et qu'il le soit beaucoup par le calorique, il est clair que ce sel sera très peu soluble à l'eau froide, et qu'il le sera beaucoup, au contraire, à l'eau chaude ; tel est le nitrate de potasse, et surtout le muriate oxygéné de potasse. Si un autre sel, au contraire, est à la fois peu soluble dans l'eau et peu soluble dans le calorique, il sera peu soluble dans l'eau froide comme dans l'eau chaude, et la différence ne sera pas très considérable ; c'est ce qui arrive au sulfate de chaux. On voit donc qu'il y a une relation nécessaire entre ces trois choses, solubilité d'un sel dans l’eau froide, solubilité du même sel dans l'eau bouillante, degré auquel ce même sel se liquéfie par le calorique seul et sans le secours de l'eau ; que la solubilité d'un sel à chaud et à froid est d'autant plus grande qu'il est plus soluble par le calorique, ou, ce qui revient au même, qu'il est susceptible de se liquéfier à un degré plus inférieur de l'échelle du thermomètre. Telle est, en général, la théorie de la solution des sels. Mais je n'ai pu me former encore que des aperçus généraux, parce que les faits particuliers manquent, et qu'il n'existe point assez d'expériences exactes. La marche à suivre pour compléter cette partie de la chimie est simple ; elle consiste à rechercher, pour chaque sel, ce qui s'en


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dissout dans une quantité donnée d'eau à différents degrés du thermomètre : or, comme on sait aujourd'hui avec beaucoup de précision, d'après les expériences que nous avons publiées M. de Laplace et moi, ce qu'une livre d'eau contient de calorique à chaque degré du thermomètre, il sera touj ours facile de déterminer par des expériences simples la proportion de calorique et d'eau qu'exige chaque sel pour être tenu en dissolution, ce qui s'en absorbe au moment où le sel se liquéfie, ce qui s'en dégage au moment où il cristallise. On ne doit plus être étonné, d'après cela, de voir que les sels mêmes qui sont dissolubles à froid se dissolvent beaucoup plus rapidement dans l'eau chaude que dans l’eau froide. Il y a toujours emploi de calorique dans la dissolution des sels ; et, quand il faut que le calorique soit fourni de proche en proche par les corps environnants, il en résulte un déplacement qui ne s'opère que lentement. L'opération, au contraire, se trouve tout d'un coup facilitée et accélérée, quand le calorique nécessaire à la solution se trouve déjà tout combiné avec l'eau. Les sels en général, en se dissolvant dans l'eau, en augmentent la pesanteur spécifique, mais cette règle n'est pas absolument sans exception. Un jour à venir on connaîtra la quantité de radical, d'oxygène et de base, qui constituent chaque sel neutre ; on connaîtra la quantité d'eau et de calorique nécessaire pour le dissoudre, l’augmentation de pesanteur spécifique qu'il communique à l'eau, la figure des molécules élémentaires de ses cristaux ; on expliquera les circonstances et les accidents de sa cristallisation, et c'est alors seulement que cette partie de la chimie sera complète. M. Séguin a formé le prospectus d'un grand travail en ce genre, qu'il est bien capable d'exécuter. La solution des sels dans l'eau n'exige aucun appareil particulier. On se sort avec avantage, dans les opérations en petit, de fioles à médecine de différentes grandeurs (pl. II, fig. 16 et 17) ; de terrines de grès (même planche, A, fig. 1 et 2 ) ; de matras à col allongé (fig. 14) ; de casseroles ou bassines de cuivre et d'argent (fig. 13 et 15).


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§ II. DE LA LIXIVIATION. La lixiviation est une opération des arts et de la chimie, dont l'objet est de séparer des substances solubles dans l'eau d'avec d'autres substances qui sont insolubles. On a coutume de se servir, pour cette opération, dans les arts et dans les usages de la vie, d'un grand cuvier ABCD (pl. II, fig. 12), percé en D près de son fond d'un trou rond, dans lequel on introduit une champlure de bois DE ou un robinet de métal. On met d'abord au fond du cuvier une petite couche de paille et ensuite, par- dessus, la matière qu'on se propose de lessiver ; on la recouvre d'une toile, et on verse de l'eau froide ou chaude, suivant que la substance est d'une solubilité plus ou moins grande. L'eau s'imbibe dans la matière, et, pour qu'elle la pénètre mieux, on tient pendant quelque temps fermé le robinet DE. Lorsqu'on jure qu'elle a eu le temps de dissoudre toutes les parties salines, on la laisse couler par le robinet DE ; mais, comme il reste touj ours à la matière insoluble une portion d'eau adhérente qui ne coule pas, comme cette eau est nécessairement aussi chargée de sel que celle qui a coulé, on perdrait une quantité considérable de parties salines, si on ne repassait, à plusieurs reprises, de nouvelle eau à la suite de la première. Cette eau sert à étendre celle qui est restée ; la substance saline se partage et se fractionne, et, au troisième ou quatrième relavage, l'eau passe presque pure ; on s'en assure par le moyen du pèse-liqueur dont il a été parlé, page 254. Le petit lit de paille qu'on met au fond du vase sert à procurer des interstices pour l'écoulement de l'eau ; on peut l'assimiler aux pailles ou aux tiges de verre dont on se sert pour filtrer dans l'entonnoir, et qui empêchent l'application trop immédiate du papier contre le verre. A l'égard du linge qu'on met par-dessus la matière qu'on se propose de lessiver, il n'est pas non plus inutile ; il a pour objet d'empêcher que l'eau ne fasse un creux dans la matière à l'endroit où on la verse ;


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et qu'elle ne s'ouvre des issues particulières, qui empêcheraient que toute la masse ne fût lessivée. On imite plus ou moins cette opération des arts dans les expériences chimiques ; mais, attendu qu'on se propose plus d'exactitude, et que, lorsqu'il est question, par exemple, d'une analyse, il faut être sûr de ne laisser dans le résidu aucune partie saline ou soluble, on est obligé de prendre quelques précautions particulières. La première est d'employer plus d'eau que dans les lessives ordinaires, et d'y délayer les matières avant de tirer la liqueur à clair ; autrement toute la masse ne serait pas également lessivée, et il pourrait même arriver que quelques portions ne le fussent aucunement. Il faut avoir soin de repasser de très grandes quantités d'eau, et on ne doit, en général, regarder l'opération comme terminée, que quand l'eau passe absolument dépouillée de sel, et que l'aréomètre indique qu'elle n'augmente plus de pesanteur spécifique en traversant la matière contenue dans le cuvier. Dans les expériences très en petit, on se contente communément de mettre dans des bocaux ou des matras de verre la matière qu'on se propose de lessiver ; on verse dessus de l'eau bouillante, et on filtre au papier dans un entonnoir de verre. (Voy. pl. II, fig. 7.) On relave ensuite avec de l'eau bouillante. Quand on opère sur des quantités un peu plus grandes, on délaye les matières dans un chaudron d'eau bouillante, et on filtre avec le carré de bois représenté pl. II, fig. 3 et 4, qu'on garnit de toile et d'un papier à filtrer. Enfin, dans les opérations très en grand, on emploie le baquet ou cuvier que j'ai décrit au commencement : de cet article, et qui est représenté fig. 12.

§ III. DE L'ÉVAPORATION.

L'évaporation a pour objet de séparer l'une de l’autre deux matières, dont l'une au moins est liquide, et qui ont un degré de volatilité très différent.


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C'est ce qui arrive lorsqu'on veut obtenir dans l'état concret un sel qui a été dissous dans l'eau : on échauffe l'eau et on la combine avec le calorique qui la volatilise ; les molécules de sel se rapprochent en même temps, et, obéissant aux lois de l'attraction, elles se réunissent pour reparaître sous leur forme solide. On a pensé que l'action de l'air influait beaucoup sur la quantité de fluide qui s'évapore, et on est tombé, à cet égard, dans des erreurs qu'il est bon de faire connaître. Il est sans doute une évaporation lente, qui se fait continuellement d'elle- même à l'air libre et à la surface des fluides exposés à la simple action de l'atmosphère. Quoique cette première espèce d'évaporation puisse être, jusqu'à un certain point, considérée comme une dissolution par l'air, il n'en est pas moins vrai que le calorique y concourt, puisqu'elle est touj ours accompagnée de refroidissement : on doit donc la regarder comme une dissolution mixte, faite en partie par l'air, et en partie par le calorique. Mais il est un autre genre d'évaporation, c'est celle qui a lieu à l'égard d'un fluide entretenu touj ours bouillant ; l'évaporation qui se fait alors par l'action de l'air n'est plus que d'un objet très-médiocre en comparaison de celle qui est occasionnée par l'action du calorique : ce n'est plus, à proprement parler, l'évaporation qui a lieu, mais la vaporisation ; or cette dernière opération ne s'accélère pas en raison des surfaces évaporantes, mais en raison des quantités de calorique qui se combinent avec le liquide. Un trop grand courant d'air froid nuit quelquefois, dans ces occasions, à la rapidité de l'évaporation, par la raison qu'il enlève du calorique à l'eau, et qu'il ralentit par conséquent sa conversion en vapeurs. Il n'y a donc nul inconvénient à couvrir, jusqu'à un certain point, le vase on l'on fait évaporer un liquide entretenu touj ours bouillant, pourvu que le corps qui couvre soit de nature à dérober peu de calorique, qu'il soit, pour me servir d'une expression du docteur Francklin, mauvais conducteur de la chaleur ; les vapeurs s'échappent alors par l'ouverture qui leur est laissée, et il s'en évapore au moins autant et souvent plus que quand on laisse un accès libre à l'air extérieur. Comme, dans l'évaporation, le liquide que le calorique enlève est


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absolument perdu, comme on le sacrifie pour conserver la substance fixe avec laquelle il était combiné, on n'évapore jamais que des matières peu précieuses, telles, par exemple, que l'eau. Lorsqu'elles ont plus de valeur, on a recours à la distillation, autre opération dans laquelle on conserve à la fois et le corps fixe et le corps volatil. Les vaisseaux dont on se sert pour les évaporations sont des bassines de cuivre ou d'argent, quelquefois de plomb, telles que celle représentée (pl. II, fig. 13) ; des casseroles également de cuivre ou d'argent (fig. 15) ; Des capsules de verre (pl. III, fig. 3 et 4) ; Des jattes de porcelaine ; Des terrines de grès A (pl. II, fig. 1 et 2). Mais les meilleures de toutes les capsules à évaporer sont des fonds de cornue et des portions de matras de verre. Leur minceur, qui est égale partout, les rend plus propres que tout autre vaisseau à se prêter, sans se casser, à une chaleur brusque et à des alternatives subites de chaud et de froid. On peut les faire soi-même dans les laboratoires, et elles reviennent beaucoup moins cher que les capsules que l'on achète chez les faïenciers. Cet art de couper le verre ne se trouve décrit nulle part, et je vais en donner une idée. On se sert d'anneaux de fer AC (pl. III, fig. 5), que l'on soude à une tige de fer AB, garnie d'un manche de bois D. On fait rougir l'anneau de fer dans un fourneau, puis on pose dessus le matras G (fig 6), qu'on se propose de couper : lorsqu'on juge que le verre a été suffisamment échauffé par l'anneau de fer rouge, on jette quelque gouttes d'eau dessus, et le matras se casse ordinairement juste dans la ligne circulaire qui était en contact avec l’anneau de fer. D'autres vaisseaux évaporatoires, d'un excellent usage, sont de petites fioles de verre, qu'on désigne dans le commerce sous le nom de fioles à médecine. Ces bouteilles, qui sont de verre mince et commun, supportent le feu avec une merveilleuse facilité, et sont à très-bon marché. Il ne faut pas craindre que leur figure nuise à l'évaporation de la liqueur. J'ai déjà fait voir que, toutes les fois qu'on évaporait le


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liquide au degré de l’ébullition, la figure du vaisseau contribuait ou nuisait peu à la célérité de l'opération, surtout quand les parois supérieures du vaisseau étaient mauvais conducteurs de chaleur, comme le verre. On place une ou plusieurs de ces fioles sur une seconde grille de fer FG (pl. III, fig. 2), qu'on pose sur la partie supérieure d'un fourneau, et sous laquelle on entretient un feu doux. On peut suivre de cette manière un grand nombre d'expériences à la fois. Un autre appareil évaporatoire assez commode et assez expéditif consiste dans une cornue de verre qu'on met au bain de sable, comme on le voit pl. III, fig. 1, et qu'on recouvre avec un dôme de terre cuite : mais l'opération est toujours beaucoup plus lente quand on se sert du bain de sable ; elle n'est pas, d'ailleurs, exempte de dangers, parce que le sable s'échauffant inégalement, tandis que le verre ne peut pas se prêter à des degrés de dilatation locale, le vaisseau est souvent exposé à casser. Il arrive même quelquefois que le sable chaud fait exactement l'office des anneaux de fer représentés pl. III, fig. 5 et 6, surtout lorsque le vase contient un fluide qui distille. Une goutte de fluide qui s'éclabousse, et qui vient tomber sur les parois du vaisseau, à l’endroit du contact de l’anneau de sable, le fait casser circulairement en deux parties bien tranchées. Dans le cas où l’évaporation exige une grande intensité de feu, on se sert de creusets de terre ; mais, en général, on entend le plus communément par le mot évaporation une opération qui se fait au degré de l'eau bouillante, ou très-peu au-dessus.

§ IV. DE LA CRISTALLISATION. La cristallisation est une opération dans laquelle les parties intégrantes d'un corps, séparées les unes des autres par l'interposition d'un fluide, sont déterminées, parla force d'attraction qu'elles exercent les unes sur les autres, à se rejoindre pour former des masses solides. Lorsque les molécules d'un corps sont simplement écartées par le


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calorique, et qu'en vertu de cet écartement ce corps est porté à l’état de liquide, il ne faut, pour le ramener à l'état de solide, c'est-à-dire pour opérer sa cristallisation, que supprimer une partie du calorique logé entre ses molécules, autrement dit le refroidir. Si le refroidissement est lent et si en même temps il y a repos, les molécules prennent un arrangement régulier, et alors il y a cristallisation proprement dite ; si, au contraire, le refroidissement est rapide, ou si, en supposant un refroidissement lent, on agite le liquide au moment où il va passer à l'état concret, il y a cristallisation confuse. Les mêmes phénomènes ont lieu dans les solutions par l'eau ; ou, pour mieux dire, les solutions par l'eau sont touj ours mixtes, comme je l'ai déjà fait voir dans le paragraphe premier de ce chapitre : elles s’opèrent en partie par l'action de l'eau, en partie par celle du calorique. Tant qu'il y a suffisamment d'eau et de calorique pour écarter les molécules du sel, au point qu'elles soient hors de leur sphère d'attraction, le sel demeure dans l'état fluide. L'eau et le calorique viennent-ils à manquer, et l'attraction des molécules salines les unes par rapport aux autres devient-elle victorieuse, le sel reprend la forme concrète, et la figure des cristaux est d'autant plus régulière que l'évaporation a été plus lente et faite dans un lieu plus tranquille. Tous les phénomènes qui ont lieu dans la solution des sels se retrouvent également dans leur cristallisation, mais dans un sens inverse. Il y a dégagement de calorique au moment où le sel se réunit et paraît sous sa forme concrète et solide, et il en résulte une nouvelle preuve que les sels sont tenus à la fois en dissolution par l'eau et par le calorique. C'est par cette raison qu'il ne suffit pas, pour faire cristalliser les sels qui se liquéfient aisément par le calorique, de leur enlever l'eau qui les tenait en dissolution ; il faut encore leur enlever le calorique, et le sel ne se cristallise qu'autant que ces deux conditions sont remplies. Le salpêtre, le muriate oxygéné de potasse, l'alun, le sulfate de soude, etc. en fournissent des exemples. Il n'en est pas de même des sels qui exigent peu de calorique pour être tenus en dissolution, et qui, par cela même, sont à peu près également solubles dans l'eau chaude


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et dans l'eau froide ; il suffit de leur enlever l'eau qui les tenait en dissolution pour les faire cristalliser, et ils reparaissent sous forme concrète dans l'eau bouillante même, comme on l'observe relativement au sulfate de chaux, aux muriates de soude et de potasse, et à beaucoup d'autres. C'est sur ces propriétés des sels, et sur leur différence de solubilité à chaud et à froid, qu'est fondé le raffinage du salpêtre. Ce sel, tel qu'il est livré par les salpêtriers, est composé de sels déliquescents qui ne sont pas susceptibles de cristalliser, tels que le nitrate et le muriate de chaux ; de sels qui sont presque également solubles à chaud et à froid, tels que les muriates de potasse et de soude ; enfin de salpêtre, qui est beaucoup plus soluble à chaud qu'à froid. On commence par verser sur tous ces sels confondus ensemble une quantité d'eau suffisante pour tenir en dissolution les moins solubles de tous, et ce sont les muriates de soude et de potasse. Cette quantité d'eau tient facilement en dissolution tout le salpêtre, tant qu'elle est chaude ; mais il n'en est plus de même lorsqu'elle se refroidit ; la majeure partie du salpêtre cristallise ; il n'en reste qu'environ un sixième tenu en dissolution, et qui se trouve confondu avec le nitrate calcaire et avec les muriates. Le salpêtre qu'on obtient ainsi est un peu imprégné de sels étrangers, parce qu'il a cristallisé dans une eau qui elle-même en était chargée ; mais on l'en dépouille complètement par une nouvelle dissolution à chaud avec très-peu d'eau et par une nouvelle cristallisation. A l'égard des eaux surnageantes à la cristallisation du salpêtre et qui contiennent un mélange de salpêtre et de différents sels, on les fait évaporer pour en tirer du salpêtre brun, qu'on purifie ensuite également par deux nouvelles dissolutions et cristallisations. Les sels à base terreuse qui sont inscristallisables sont rejetés, s'ils ne contiennent point de nitrates ; si, au contraire, ils en contiennent, on les étend avec de l'eau, on précipite la terre per le moyen de la potasse, on laisse déposer, on décante, on fait évaporer et on met à cristalliser.


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Ce qui s'observe dans le raffinage du salpêtre peut servir de règle toutes les fois qu'il est question de séparer par voie de cristallisation plusieurs sels mêlés ensemble. Il faut alors étudier la nature de chacun, la proportion qui s'en dissout dans des quantités données d'eau, leur différence de solubilité à chaud et à froid. Si à ces propriétés principales on joint celle qu'ont quelques sels de se dissoudre dans l’alcool ou dans un mélange d'alcool et d'eau, on verra qu'on a des ressources très- multipliées pour opérer la séparation des sels par voie de cristallisation. Mais il faut convenir en même temps qu'il est difficile de rendre cette séparation complète et absolue. Les vaisseaux qu'on emploie pour la cristallisation des sels sont des terrines de grès A (pl. II, fig. 1 et 2), et de grandes capsules aplaties (pl. III, fig 7). Lorsqu'on abandonne une solution saline à une évaporation lente, à l'air libre et à la chaleur de l'atmosphère, on doit employer des vases un peu élevés, tels que celui représenté pl. III, fig. 3, afin qu'il y ait une épaisseur un peu considérable de liqueur ; on obtient par ce moyen des cristaux beaucoup plus gros et aussi réguliers qu'on puisse l'espérer. Non-seulement tous les sels cristallisent sous différentes formes, mais encore la cristallisation de chaque sel varie suivant les circonstances de la cristallisation. Il ne faut pas en conclure que la figure des molécules salines ait rien d'indéterminé dans chaque espèce ; rien n'est plus constant au contraire que la figure des molécules primitives des corps, surtout à l'égard des sels. Mais les cristaux qui se forment sous nos yeux sont des agrégations de molécules, et ces molécules, quoique toutes parfaitement égales en figure et en grosseur, peuvent prendre des arrangements différents, qui donnent lieu à une grande variété de figures, et qui paraissent quelquefois n'avoir aucun rapport, ni entre elles, ni avec la figure du cristal originaire. Cet objet a été savamment traité par M. l'abbé Haüy, dans plusieurs mémoires présentés à l'Académie, et dans un ouvrage sur la structure des cristaux. Il ne reste plus même qu'à étendre à la classe des sels ce qu'il a fait plus particulièrement pour quelques pierres cristallisées.


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§ V. DE LA DISTILLATION SIMPLE.

La distillation a deux objets bien déterminés : je distinguerai en conséquence deux espèces de distillation, la distillation simple et la distillation composée. C'est uniquement de la première que je m'occuperai dans cet article. Lorsqu'on soumet à la distillation deux corps dont l'un est plus volatil, c'est-à-dire a plus d'affinité que l'autre avec le calorique, le but qu'on se propose est de les séparer : le plus volatil prend la forme de gaz, et on le condense ensuite par le refroidissement dans des appareils propres à remplir cet objet. La distillation n'est alors, comme l'évaporation, qu'une opération, en quelque façon mécanique, qui sépare l'une de l'autre deux substances, sans les décomposer et sans en altérer la nature. Dans l'évaporation, c'était le produit fixe qu'on cherchait à conserver, sans s'embarrasser de conserver le produit volatil ; dans la distillation, au contraire, on s'attache le plus communément à recueillir le produit volatil, à moins qu'on ne se propose de les conserver tous deux. Ainsi la distillation simple bien analysée ne doit être considérée que comme une évaporation en vaisseaux clos. Le plus simple de tous les appareils distillatoires est une bouteille A (pl. III, fig. 8), dont on courbe, dans la verrerie même, le col BC en BD. Cette bouteille ou fiole porte alors le nom de cornue ; on la place dans un fourneau de réverbère, comme on le voit pl. XIII, fig. 2, ou au bain de sable sous une couverture de terre cuite, comme on le voit pl. III, fig. 1. Pour recueillir et pour condenser les produits, on adapte à la cornue un récipient E (pl. III, fig. 9), qu'on lute avec elle ; quelquefois, surtout dans les opérations de pharmacie, on se sert d'une cucurbite de verre ou de grès A (Pl. III, fig. 12), surmontée de son chapiteau B, ou bien d'un alambic de verre auquel tient un chapiteau d'une seule pièce (fig. 13). On ménage à ce dernier une tubulure, c'est-à-dire une ouverture T, qu'on


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bouche avec un bouchon de cristal usé à l’émeri. On voit que le chapiteau B de l'alambic a une rigole rr, destinée à recevoir la liqueur qui se condense, et à la conduire au bec rS par lequel elle s'écoule. Mais, comme dans presque toutes les distillations, il y a une expansion de vapeurs qui pourrait faire éclater les vaisseaux, on est obligé de ménager au ballon ou récipient E (fig. 9) un petit trou T, par lequel on donne issue aux vapeurs. D'où l’on voit qu'on perd, dans cette manière de distiller, tous les produits qui sont dans un état constamment aériforme, et ceux même qui, ne perdant pas facilement cet état, n’ont pas le temps d'être condensés dans l’intérieur du ballon. Cet appareil ne peut donc être employé que dans les opérations courantes des laboratoires et dans la pharmacie, mais il est insuffisant pour toutes les opérations de recherches. Je détaillerai, à l’article de la distillation composée, les moyens qu'on a imaginés pour recueillir sans perte la totalité des produits. Les vaisseaux de verre étant très-fragiles et ne résistant pas touj ours aux alternatives brusques du chaud et du froid, on a imaginé de faire des appareils distillatoires en métal. Ces instruments sont nécessaires pour distiller de l'eau, des liqueurs spiritueuse, pour obtenir les huiles essentielles des végétaux, et on ne peut se dispenser, dans un laboratoire bien monté, d'avoir un ou deux alambics de cette espèce et de différente grandeur. Cet appareil distillatoire consiste dans une cucurbite de cuivre rouge étamé A (pl. III, fig. 15 et 16), dans laquelle s'ajuste, lorsqu'on le juge à propos, un bain-marie d'étain D (fig. 17), et sur lequel on place le chapiteau F. Ce chapiteau peut également s'ajuster sur la cucurbite de cuivre, sans bain-marie ou avec bain-marie, suivant la nature des opérations. Tout l’intérieur du chapiteau doit être en étain. Il est nécessaire, surtout pour la distillation des liqueurs spiritueuses, que le chapiteau F de l’alambic soit garni d'un réfrigérant SS (fig. 16), dans lequel on entretient touj ours de l'eau fraîche ; on la laisse écouler par le moyen du robinet R, quand on s'aperçoit qu’elle


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devient trop chaude, et on la renouvelle avec de la fraîche. Il est aisé de concevoir quel est l'usage de cette eau ; l'objet de la distillation est de convertir en gaz la matière qu'on veut distiller et qui est contenue dans la cucurbite, et cette conversion se fait à l'aide du calorique fourni par le feu du fourneau ; mais il n'y aurait pas de distillation, si ce même gaz ne se condensait pas dans le chapiteau, s'il n'y perdait pas la forme de gaz et ne redevenait pas liquide. Il est donc nécessaire que la substance que l'on distille dépose dans le chapiteau tout le calorique qui s'y était combiné dans la cucurbite, et, par conséquent, que les parois du chapiteau soient touj ours entretenues à une température plus basse que celle qui peut maintenir la substance à distiller dans l'état de gaz. L'eau du réfrigérant est destinée à remplir cet office. On sait que l'eau se convertit en gaz à 80 degrés du thermomètre français, l'esprit-de-vin ou alcool à 67, l'éther à 32 ; on conçoit donc que ces substances ne se distilleraient pas, on plutôt qu'elles s'échapperaient en vapeurs aériformes, si la chaleur du réfrigérant n'était pas entretenue au-dessous de ces degrés respectifs. Dans la distillation des liqueurs spiritueuses et en général des liqueurs très- expansives, le réfrigérant ne suffit pas pour condenser toutes les vapeurs qui s'élèvent de la cucurbite ; alors, au lieu de recevoir directement la liqueur du bec TU de l'alambic dans un récipient, on interpose entre deux un serpentin. On donne ce nom à un instrument représenté fig. 18. Il consiste en un tuyau tourné en spirale. et qui fait un grand nombre de révolutions dans un seau de cuivre étamé BCDE. On entretient touj ours de l'eau dans ce seau, et on la renouvelle quand elle s'échauffe. Cet instrument est en usage dans les ateliers de fabrication d'eau-de-vie : on n'y emploie pas même de chapiteau proprement dit ni de réfrigérant, et toute la condensation s'opère dans le serpentin. Celui représenté dans la figure 18 a un tuyau double, dont, l'un est spécialement destiné à la distillation des matières odorantes. Quelquefois, même dans la distillation simple, on est obligé d'aj outer une allonge entre la cornue et le récipient, comme on le voit


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fig. 11. Cette disposition peut avoir deux objets : ou de séparer l'un de l'autre des produits de différents degrés de volatilité, ou d'éloigner le récipient du fourneau, afin que la matière qui doit y être contenue éprouve moins de chaleur. Mais ces appareils, et plusieurs autres plus compliqués, qui ont été imaginés par les anciens, sont bien éloignés de répondre aux vues de la chimie moderne : on en jugera par les détails dans lesquels j'entrerai à l'article de la distillation composée.

§ VI. DE LA SUBLIMATION.

On donne le nom de sublimation à la distillation des matières qui se condensent dans un état concret : ainsi on dit la sublimation du soufre, la sublimation du sel ammoniac ou muriate ammoniacal, etc. Ces opérations n'exigent pas d'appareils particuliers ; cependant on a coutume d'employer, pour la sublimation du soufre, ce qu'on nomme des aludels. Ce sont des vaisseaux de terre ou de faïence qui s'ajustent les uns avec les autres, et qui se placent sur une cucurbite qui contient le soufre. Un des meilleurs appareils sublimatoires, pour les matières qui ne sont point très- volatiles, est une fiole à médecine qu'on enfonce aux deux tiers dans un bain de sable ; mais alors on perd une partie du produit. Toutes les fois qu'on veut les conserver tous, il faut se rapprocher des appareils pneumato-chimiques dont je vais donner la description dans le chapitre suivant.


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CHAPITRE VI. DES DISTILLATIONS PNEUMATO-CHIMIQUES, DES DISSOLUTIONS MÉTALLIQUES, ET DE QUELQUES AUTRES OPÉRATIONS QUI EXIGENT DES APPAREILS TRÈS-COMPLIQUÉS.

§ I. DES DISTILLATIONS COMPOSÉES ET DES DISTILLATIONS PNEUMATO- CHIMIQUES.

Je n'ai présenté, dans le paragraphe 5 du chapitre précédent, la distillation, que comme une opération simple, dont. l'objet est de séparer l'une de l'autre deux substances de volatilité différente ; mais le plus souvent la distillation fait plus ; elle opère une véritable décomposition du corps qui y est soumis : elle sort alors de la classe des opérations simples, et elle rentre dans l'ordre de celles qu'on peut regarder comme des plus compliquées de la chimie. Il est sans doute de l'essence de toute distillation que la substance que l'on distille soit réduite à l'état de gaz dans la cucurbite par sa combinaison avec le calorique ; mais, dans la distillation simple, ce même calorique se dépose dans le réfrigérant ou dans le serpentin, et la même substance reprend son état de liquidité. Il n'en est pas ainsi dans la distillation composée ; il y a dans cette opération décomposition absolue de la substance soumise a la distillation : une portion telle que le charbon demeure fixe dans la cornue, tout le reste se réduit en gaz d'un grand nombre d'espèces. Les uns sont susceptibles de se condenser par le refroidissement, et de reparaître sous forme concrète et liquide ; les autres demeurent constamment dans l'état aériforme, ceux-ci sont absorbables par l'eau, ceux-là le sont par les alcalis ; enfin, quelques-uns ne sont absorbables par aucune substance. Un appareil distillatoire ordinaire, et tel que ceux que j'ai décrits dans le chapitre pré- [précédent]


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recours à des moyens beaucoup plus compliqués. Je pourrais placer ici un historique des tentatives qui ont été successivement faites pour retenir les produits aériformes qui se dégagent des distillations ; ce serait une occasion de citer Hales, Rouelle, Woulfe et plusieurs autres chimistes célèbres ; mais, comme je me suis fait une loi d'être aussi concis qu'il serait possible, j'ai pensé qu'il valait mieux décrire tout d'un coup l'appareil le plus parfait, plutôt que de fatiguer le lecteur par le détail de tentatives infructueuses, faites dans un temps où l'on n'avait encore que des idées très-imparfaites sur la nature des gaz en général. L'appareil dont je vais donner la description est destiné à la plus compliquée de toutes les distillations : on pourra le simplifier ensuite suivant la nature des opérations. A (pl. IV, fig. 1) représente une cornue de verre tubulée en H, dont le col B s'ajuste avec un ballon GC à deux pointes. A la tubulure supérieure D de ce ballon s'ajuste un tube de verre DEfg qui vient plonger par son extrémité g dans la liqueur contenue dans la bouteille L. A la suite de la bouteille L, qui est tubulée en xxx, sont trois autres bouteilles L', L", L ''', qui ont de même trois tubulures ou gouleaux x'x'x', x"x"x'', x"'x"'x"'. Chaque bouteille est liée par un tube de verre xyz', x'y'z", x "y"z"' ; enfin, à la dernière tubulure de la bouteille L' est adapté un tube x"' RM qui aboutit sons une cloche de verre, laquelle est placée sur la tablette de l’appareil pneumato-chimique. Communément on met dans la première bouteille un poids bien connu d'eau distillée, et dans les trois autres de la potasse caustique étendue d'eau : la tare de ces bouteilles et le poids de la liqueur alcaline qu'elles contiennent doivent être déterminés avec un très grand soin. Tout étant ainsi disposé, on lute toutes les jointures, savoir celle B de la cornue au ballon, et celle D de la tubulure supérieure du ballon, avec du lut gras recouvert de toile imbibée de chaux et de blanc d'oeuf, et toutes les autres avec un lut de térébenthine cuite et de cire fondues ensemble.


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On voit, d'après ces dispositions, que, lorsqu'on a mis le feu sous la cornue A, et que la substance qu'elle contient a commencé à se décomposer, les produits les moins volatils doivent se condenser et se sublimer dans le col même de la cornue A, et que c'est principalement là que doivent se rassembler les substances concrètes ; que les matières plus volatiles, telles que les huiles légères, l'ammoniaque et beaucoup d'autres substances, doivent se condenser dans le matras GC ; que les gaz, au contraire, qui ne peuvent être condensés par le froid, doivent bouillonner à travers les liqueurs contenues dans les bouteilles LL 'L "L"' ; que tout ce qui est absorbable par l'eau doit rester dans la bouteille L ; que tout ce qui est susceptible d'être absorbé par l'alcali doit rester dans les bouteilles L 'L "L"' ; enfin, que les gaz qui ne sont absorbables ni par l'eau, ni par les alcalis, doivent s'échapper par le tube RM, à la sortie duquel ils peuvent être reçus dans des cloches de verre. Enfin, ce qu'on appelait autrefois le caput mortuum, le charbon et la terre, comme absolument fines, doivent rester dans la cornue. On a touj ours, dans cette manière d'opérer, une preuve matérielle de l'exactitude du résultat ; car le poids des matières en total doit être le même avant et après

l'opération : si donc on a opéré par exemple sur 8 onces de gomme arabique ou d'amidon, le poids du résidu charbonneux qui restera dans la cornue A après l'opération, plus celui des produits rassemblés dans son col et dans le matras GC, plus celui du gaz rassemblé dans la cloche M, plus enfin l'augmentation de poids acquise par les bouteilles L, L', L", L "', tous ces poids, dis-je, réunis, doivent former un total de 8 onces. S'il y a plus ou moins, il y a erreur, et il faut recommencer l'expérience jusqu'à ce qu'on ait un résultat dont on soit satisfait, et qui diffère à peine de 6 ou 8 grains par livre de matière mise en expérience. J’ai rencontré longtemps dans ce genre d'expériences des difficultés presque insurmontables, et qui m'auraient obligé d'y renoncer, si je ne fusse parvenu enfin à les lever par un moyen très simple, et dont M. Hassenfratz m'a fourni l'idée. Le moindre ralentissement dans le


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degré de feu du fourneau, et beaucoup d'autres circonstances inséparables de ce genre d'expériences occasionnent souvent des réabsorptions de gaz : l'eau de la cuve rentre rapidement dans la bouteille L"' par le tube x"'RM ; la même chose arrive d'une bouteille à l'autre, et souvent la liqueur remonte jusque dans le ballon C. On prévient ces accidents en employant des bouteilles à trois tubulures, et en adaptant à l'une d'elles un tube capillaire St, s't', s"t", s "'t"', dont le bout doit plonger dans la liqueur des bouteilles. S'il y a absorption soit dans la cornue, soit dans quelques-unes des bouteilles, il rentre par ces tubes de l’air extérieur qui remplace le vide qui s'est formé, et on en est quitte pour avoir un petit mélange d'air commun dans les produits ; mais au moins l’expérience n'est pas entièrement manquée. Ces tubes peuvent bien admettre de l'air extérieur, mais ils ne peuvent en laisser échapper, parce qu'ils sont touj ours bouchés dans leur partie inférieure tt't"t"' par le fluide des bouteilles. On conçoit que, pendant le cours de l’expérience, la liqueur des bouteilles doit remonter dans chacun de ces tubes à une hauteur relative à la pression qu'éprouve l'air ou le gaz contenu dans la bouteille ; or cette pression est déterminée par la hauteur et par le poids de la colonne de liquide contenu dans toutes les bouteilles subséquentes. En supposant donc qu'il y ait trois pouces de liqueur dans chaque bouteille, que la hauteur de l'eau de la cuve soit également de 3 pouces au-dessus de l'orifice du tuyau RM, enfin, que la pesanteur spécifique des liqueurs contenues dans les bouteilles ne diffère pas sensiblement de celle de l’eau, l'air de la bouteille L, sera comprimé par un poids égal à celui d'une colonne d'eau de 12 pouces. L'eau s'élèvera donc de 12 pouces dans le tube St, d'où il résulte qu'il faut donner à ce tube plus de 12 pouces de longueur au-dessus du niveau du liquide ab. Le tube s't' doit, par la même raison, avoir plus de 9 pouces, le tube s "'t"' plus de six, et le tube s"'t"' plus de trois. On doit au surplus donner à ces tubes plus que moins de longueur, à cause des oscillations qui ont souvent lieu. On est obligé, dans quelques cas, d'introduire un semblable tube entre la cornue et le ballon ; mais, comme ce tube ne plonge


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point dans l'eau, comme il n'est point bouché par un liquide, au moins jusqu'à ce qu'il en ait passé par le progrès de la distillation, il faut en boucher l'ouverture supérieure avec un peu de lut, et ne l'ouvrir qu'au besoin, ou lorsqu'il y a assez de liquide dans le matras C pour fermer l'extrémité du tube. L'appareil dont je viens de donner la description ne peut pas être employé dans des expériences exactes, toutes les fois que les matières qu'on se propose de traiter ont une action trop rapide l'une sur l'autre, ou lorsque l'une des deux ne doit être introduite que successivement et par petites parties, comme il arrive dans les mélanges qui font une violente effervescence. On se sert alors d'une cornue tubulée A (pl. VII, fig. i). On y introduit l’une des deux substances, et de préférence celle qui est concrète ; puis on adapte et on lute à la tubulure un tube recourbé BCDA terminé dans sa partie supérieure B en entonnoir. et par son extrémité 1 en un tube capillaire : c'est par l'entonnoir B de ce tube qu'on verse la liqueur. Il faut que la hauteur BC soit assez grande pour que la liqueur qu'on doit introduire puisse faire équilibre avec la résistance occasionnée par celle contenue dans les bouteilles LL 'L "L"' (pl. IV, fig. 1). Ceux qui n'ont pas l'habitude de se servir de l'appareil distillatoire que je viens de décrire ne manqueront pas de s'effrayer de la grande quantité d'ouvertures qu'on est obligé de luter, et du temps qu'exigent les préliminaires de semblables expériences ; et en effet, si on fait entrer en ligne de compte les pesées qu'il est nécessaire de faire avant l'expérience et de répéter après, les préparatifs sont beaucoup plus longs que l'expérience elle-même. Mais aussi on est bien dédommagé de ses peines quand l'expérience réussit, et on acquiert en une seule fois plus de connaissances sur la nature de la substance animale ou végétale qu'on a soumise à la distillation que par plusieurs semaines du travail le plus assidu. A défaut de bouteilles triplement tubulées, on se sert de bouteilles à deux goulots ; il est même possible de mettre les trois tubes dans la même ouverture, et de se servir de bouteilles ordinaires à goulots


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renversés, pourvu que l'ouverture soit suffisamment grande. Il faut avoir soin d'ajuster sur les bouteilles des bouchons qu'on use avec une lime très douce, et qu'on fait bouillir dans un mélange d'huile, de cire et de térébenthine. On perce à travers ces bouchons, avec une lime nommée queue de rat (voy. pl. I, fig. 16), autant de trous qu'il est nécessaire pour le passage des tubes ; on voit un de ces bouchons représenté pl. IV, fig. 8.

§ II. DES DISSOLUTIONS MÉTALLIQUES. J'ai déjà fait sentir, lorsque j'ai parlé de la solution des sels dans l'eau, combien il existait de différence entre cette opération et la dissolution métallique. On a vu que la solution des sels n'exigeait aucun appareil particulier, et que tout vase y était propre. Il n'en est pas de même de la dissolution des métaux : pour ne rien perdre dans cette dernière, et pour obtenir des résultats vraiment concluants, il faut employer des appareils très compliqués, et dont l'invention appartient absolument aux chimistes de notre âge. Les métaux en général se dissolvent avec effervescence dans les acides ; or l'effet auquel on a donné le nom d'effervescence n'est autre chose qu'un mouvement excité dans la liqueur dissolvante par le dégagement d'un grand nombre de bulles d'air ou de fluide aériforme qui partent de la surface du métal, et qui crèvent en sortant de la liqueur dissolvante. M. Cavendish et M. Priestley sont les premiers qui aient imaginé des appareils simples pour recueillir ces fluides élastiques. Celui de M. Priestley consiste en une bouteille A (pl. VII, fig. 2), bouchée en B avec un bouchon de liège troué dans son milieu, et qui laisse passer un tube de verre recourbé en BC, qui s'engage sous des cloches remplies d'eau, et renversées dans un bassin plein d'eau : on commence par introduire le métal dans la bouteille A, on verse l'acide par-dessus, puis on bouche avec le bouchon garni de son tube BC.


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Mais cet appareil n'est pas sans inconvénient, du moins pour des expériences très exactes. Premièrement, lorsque l'acide est très concentré, et que le métal est très divisé, l'effervescence commence souvent avant qu'on ait eu le temps de boucher la bouteille ; il y a perte de gaz, et on ne peut plus déterminer les quantités avec exactitude. Secondement, dans toutes les opérations où l'on est obligé de faire chauffer, il y a une partie de l'acide qui se distille et qui se mêle avec l'eau de la cuve ; en sorte qu'on se trompe dans le calcul des quantités d'acide décomposées. Troisièmement, enfin, l'eau de la cuve absorbe tous les gaz susceptibles de se combiner avec l'eau, et il est impossible de les recueillir sans perte. Pour remédier à ces inconvénients, j'avais d'abord imaginé d'adapter à une bouteille à deux goulots A (pl. VII, fig. 3), un entonnoir de verre BC, qu'on y lute de manière à ne laisser aucune issue à l'air. Dans cet entonnoir entre une tige de cristal DE usée en D à l'envers avec l'entonnoir, de manière à le fermer comme le bouchon d'un flacon. Lorsqu'on veut opérer, on commence par introduire dans la bouteille A la matière à dissoudre : on lute l'entonnoir, on le bouche avec la tige DE, puis on y verse de l'acide qu'on fait passer dans la bouteille en aussi petite quantité que l'on veut, en soulevant doucement la tige : on répète successivement cette opération jusqu'à ce qu'on soit arrivé au point de saturation. On a employé depuis un autre moyen qui remplit le même objet, et qui, dans certains cas, est préférable : j'en ai déjà donné une idée dans le paragraphe précédent. Il consiste à adapter à l'une des tubulures de la bouteille A (pl. VII, fig. 4) un tube recourbé DEFG, terminé en D par une ouverture capillaire, et en G par un entonnoir soudé au tube ; on le lute soigneusement et solidement dans la tubulure C. Lorsqu'on verse une petite goutte de liqueur dans le tube par l’entonnoir G, elle tombe dans la partie F ; si on en ajoute davantage, elle parvient à dépasser la courbure E et à s'introduire dans la bouteille A ; l'écoulement dure tant qu'on fournit de nouvelle liqueur


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par l'entonnoir G. On conçoit qu'elle ne peut jamais être chassée en dehors du tube EFG, et qu'il ne peut jamais sortir d'air ou de gaz de la bouteille, parce que le poids de la liqueur l'en empoche et fait l'effet d'un véritable bouchon. Pour remédier au second inconvénient, à celui de la distillation de l'acide, qui s'opère surtout dans les dissolutions qui sont accompagnées de chaleur, on adapte à la cornue A (pl. VII, fig. 1), un petit matras tubulé M, qui reçoit la liqueur qui se condense. Enfin, pour séparer les gaz absorbables par l'eau, tel que le gaz acide carbonique, on ajoute une bouteille L à deux goulots, dans laquelle on met de l'alcali pur étendu d'eau : l'alcali absorbe tout le gaz acide carbonique, et il ne passe plus, communément, sous la cloche par le tube NO, qu'une ou deux espèces de gaz tout au plus : on a vu dans le premier chapitre de cette troisième partie comment on parvenait à les séparer. Si une bouteille d'alcali ne suffit pas, on en ajoute jusqu'à trois et quatre.

§ III. DES APPAREILS RELATIFS AUX FERMENTATIONS VINEUSE ET PUTRIDES.

La fermentation vineuse et la fermentation putride exigent des appareils particuliers, et destinés uniquement à ce genre d'expériences. Je vais décrire celui que j'ai cru devoir définitivement adopter, après y avoir fait successivement un grand nombre de corrections. On prend un grand matras A (pl. X), d'environ 12 pintes de capacité ; on y adapte une virole de cuivre a b solidement mastiquée, et dans laquelle se visse un tuyau coudé cd garni d'un robinet e. A ce tuyau s'adapte une espèce de récipient de verre à trois pointes B, au-dessous duquel est placée une bouteille C avec laquelle il communique. A la suite du récipient B est un tube de verre ghi, mastiqué en g et en i avec des viroles de cuivre : il est destiné à recevoir un sel concret très déliquescent, tel que du nitrate ou du muriate de chaux, de l'acétite de potasse, etc.


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Enfin, ce tube est suivi de deux bouteilles D, E, remplies jusqu'en xy d'alcali dissous dans l'eau, et bien dépouillé d'acide carbonique. Toutes les parties de cet appareil sont réunies les unes avec les autres par le moyen de vis et d'écrous qui se serrent ; les points de contact sont garnis de cuir gras qui empêche tout passage de l'air ; enfin, chaque pièce est garnie de deux robinets, de manière qu'on peut la fermer par ses deux extrémités, et peser ainsi chacune séparément, à toutes les époques de l'expérience qu'on le juge à propos. C'est dans le ballon A qu'on met la matière fermentescible, du sucre par exemple, et de la levure de bière étendue d'une suffisante quantité d'eau, et dont le poids est bien déterminé. Quelquefois, lorsque la fermentation est trop rapide, il se forme une quantité considérable d'écume, qui non seulement remplit le col du ballon, mais qui passe dans le récipient B et coule dans la bouteille C. C'est pour recueillir cette mousse et empêcher qu'elle ne passe dans le tube déliquescent, qu'on a donné une capacité considérable au récipient B et à la bouteille C. Il ne se dégage dans la fermentation du sucre, c'est-à-dire dans la fermentation vineuse, que de l'acide carbonique qui emporte avec lui un peu d'eau qu'il tient en dissolution. Il en dépose une grande partie en passant par le tube g h i qui contient un sel déliquescent en poudre grossière, et on en connaît la quantité par l'augmentation de poids acquise par le sel. Ce même acide carbonique bouillonne ensuite à travers la liqueur alcaline de la bouteille D, dans laquelle il est conduit par le tube k l m. La petite portion qui n'a point été absorbée par l'alcali contenu dans cette première bouteille n'échappe point à la seconde E, et ordinairement il ne passe absolument rien sous la cloche F, si ce n'est l'air commun qui était contenu, au commencement de l'expérience, dans le vide des vaisseaux. Le même appareil peut servir pour les fermentations putrides ; mais alors il passe une quantité considérable de gaz hydrogène par le tube qrstu, lequel est reçu dans la cloche F ; et, comme le dégagement


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est rapide, surtout en été, il faut la changer fréquemment. Ces fermentations exigent en conséquence une surveillance continuelle, tandis que la fermentation vineuse n'en exige aucune. On voit qu'au moyen de cet appareil on peut connaître avec une grande précision le poids des matériaux mis à fermenter, et celui de tous les produits liquides ou aériformes qui s'en sont dégagés. On peut voir les détails dans lesquels je suis entré sur le résultat de la fermentation vineuse, dans le chapitre XIII de la première partie de cet ouvrage, page l00.

§ IV. APPAREIL PARTICULIER POUR LA DECOMPOSITION DE L’EAU. J’ai déjà exposé, dans la première partie de cet ouvrage, chapitre vin, page 68, les expériences relatives à la décomposition de l'eau ; j'éviterai donc des répétitions inutiles, et je me bornerai à des observations très sommaires. Les matières qui ont la propriété de décomposer l'eau sont principalement le fer et le charbon ; mais il faut pour cela qu'ils soient portés à une chaleur rouge : sans cette condition l'eau se réduit simplement en vapeurs, et elle se condense ensuite par le refroidissement, sans avoir éprouvé la moindre altération : à une chaleur rouge, au contraire, le fer et le charbon enlèvent l'oxygène à l’hydrogène ; dans le premier cas il se forme de l'oxyde noir de fer, et l'hydrogène se dégage libre et pur sous la forme de gaz ; dans le second il se forme du gaz acide carbonique qui se dégage mêlé avec le gaz hydrogène, et ce dernier est communément carbonisé. On se sert avec avantage, pour décomposer l'eau par le fer, d'un canon de fusil dont on ôte la culasse. On trouve aisément de ces sortes de canons chez les marchands de ferraille. On doit choisir les plus longs et les plus forts : lorsqu'ils sont trop courts et qu'on craint que les lots ne s'échauffent trop, on y fait souder en soudure forte un bout de tuyau de cuivre. Un place ce tuyau de fer dans un fourneau allongé CDEF (pl. VII, fig. 11), en lui donnant une inclinaison de


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quelques degrés de E en F ; cette inclinaison doit être un peu plus grande qu'elle n'est présentée dans la figure 11. On adapte à la partie supérieure E de ce tuyau une cornue de verre qui contient de l'eau et qui est placée sur un fourneau VVXX. On le lute par son extrémité inférieure F avec un serpentin SS', qui s'adapte lui-même avec un flacon tubulé H, où se rassemble l'eau qui a échappé à la décomposition. Enfin, le gaz qui se dégage est porté à la cuve, où il est reçu sous des cloches, par le tube KK adapté à la tubulure K du flacon H. Au lieu de la cornue A, on peut employer un entonnoir fermé d'un robinet par le bas, et par lequel on laisse couler l'eau goutte à goutte. Sitôt que cette eau est parvenue à la partie où le tube est échauffé, elle se vaporise, et l'expérience a lieu de la même manière que si elle était fournie en vapeurs par le moyen de la cornue A. Dans l'expérience que nous avons faite, M. Meusnier et moi, en présence des commissaires de l'Académie, nous n'avions rien négligé pour obtenir la plus grande précision possible dans les résultats ; nous avions même porté le scrupule jusqu'à faire le vide dans les vaisseaux avant de commencer l'expérience, afin que le gaz hydrogène que nous obtiendrions fût exempt de mélange de gaz azote. Nous rendrons compte à l'Académie, dans un très grand détail, des résultats que nous avons obtenus. Dans un grand nombre de recherches on est obligé de substituer au canon de fusil des tubes de verre, de porcelaine ou de cuivre. Mais les premiers ont l'inconvénient d'être faciles à fondre : pour peu que l'expérience ne soit pas bien ménagée, le tube s'aplatit et se déforme. Les tubes de porcelaine sont la plupart percés d'une infinité de petits trous imperceptibles par lesquels le gaz s'échappe, surtout s'il est comprimé par une colonne d'eau. C'est ce qui m'a déterminé à me procurer un tube de. cuivre rouge, que M. de la Briche a bien voulu faire couler plein et faire forer sous ses yeux à Strasbourg. Ce lobe est très commode pour opérer la décomposition de l'alcool : on sait en effet qu'exposé à une chaleur rouge il se résout en carbone, en gaz acide carbonique et eu gaz hydrogène. Ce même tube peut égale­[également]


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ment servir à la décomposition de l'eau par le carbone, et à un grand nombre d'expériences.

§ V. DE LA PRÉPARATION ET DE L’EMPLOI DES LUTS.

Si, dans un temps où l'on perdait une grande partie des produits de la distillation, où l'un ne tenait aucun compte de tout ce qui se séparait sous forme de gaz, en un mot, où l'on ne faisait aucune expérience exacte et rigoureuse, on sentait déjà la nécessité de bien luter les jointures des appareils distillatoires, combien cette opération manuelle et mécanique n'est-elle pas devenue plus importante depuis qu'on ne se permet plus de rien perdre dans les distillations et dans les dissolutions ; depuis qu'on exige qu'un grand nombre de vaisseaux réunis ensemble se comportent connue s'ils n'étaient que d'une seule pièce, et comme s’ils étaient hermétiquement fermés ; enfin, depuis qu'on n'est plus satisfait des expériences qu'autant que la somme du poids des produits obtenus est égale à celui des matériaux mis en expérience ? La première condition qu'on exige de tout lut destiné à fermer les jointures des vaisseaux est d'être aussi imperméable que le verre lui-même, de manière qu'autant matière, si subtile qu'elle soit, à l'exception du calorique, ne puisse le pénétrer. Une livre de cire fondue avec une once et demie ou deux onces de térébenthine remplissent très-bien ce premier objet ; il en résulte un lut facile à manier, qui s'attache fortement au verre et quine se laisse pas facilement pénétrer : on peut lui donner plus de consistance et le rendre plus ou moins dur, plus ou moins sec, plus ou moins souple, en y ajoutant différentes résines. Cette classe de luts a l'avantage de pouvoir se ramollir par la chaleur, ce qui les rend commodes pour fermer promptement les jointures des vaisseaux ; mais, quelque parfaits qu'ils soient pour contenir les gaz et les vapeurs, il s'en faut bien qu'ils puissent être d'un usage général. Dans presque toutes les opérations chimiques, les luts sont exposé à une chaleur considérable et souvent supérieure


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au degré de l'eau bouillante ; or, à ce degré, les résines se ramollissent, elles deviennent presque liquides, et les vapeurs expansives contenues dans les vaisseaux se font bientôt jour et bouillonnent à travers. On a donc été obligé d'avoir recours à des matières plus propres à résister à la chaleur, et voici le lut auquel les chimistes se sont arrêtés après beaucoup de tentatives ; non pas qu'il n'ait quelques inconvénients, comme je le dirai bientôt, mais parce qu'à tout prendre c'est encore celui qui réunit le plus d'avantages. Je vais donner quelques détails sur sa préparation et surtout sur son emploi : une longue expérience en ce genre m'a mis en état d'aplanir aux autres un grand nombre de difficultés. L'espèce de lut dont je parle dans ce moment est connue des chimistes sous le nom de lut gras. Pour le préparer on prend de l'argile non cuite, pure et très-sèche ; on la réduit en poudre fine, et on la passe au tamis de soie. On la met ensuite dans un mortier fonte, et, on la bat pendant plusieurs heures à coups redoublés avec un lourd pilon de fer, en l'arrosant peu à peu avec de l'huile de lin cuite, c'est-à-dire avec de l'huile de lin qu'on a oxygénée et rendue siccative par l'addition d'un peu de litharge. Ce lut est encore meilleur et plus tenace, il s'attache mieux au verre quand, au lieu d'huile grasse ordinaire, on emploie du vernis gras au Buccin. Ce vernis n'est autre chose qu'une dissolution de Buccin ou ambre jaune dans de l'huile de lin ; mais cette dissolution n'a lieu qu'autant que le Buccin a été préalablement fondu seul : il perd dans cette opération préalable un peu d'acide succinique et un peu d'huile. Le lut fait avec le vernis gras est, comme je l’ai dit, un peu préférable à celui fait avec de l'huile de lin seule ; mais il est beaucoup plus cher, et l'excédant de qualité qu'on acquiert n'est pas en proportion de l'excédant du prix : aussi est-il rarement employé. Le lut gras résiste très-bien à un degré de chaleur même assez violent ; il est imperméable aux acides et aux liqueurs spiritueuses ; il prend bien sur les métaux, sur le grès, sur la porcelaine et sur le verre, mais pourvu qu'ils aient été préalablement bien séchés. Si, par malheur, dans le cours d'une opération, la liqueur en distillation s'est


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fait jour et qu'il ait pénétré quelque peu d'humidité, soit entre le verre et le lut, soit entre différentes couches du même lut, il est d'une extrême difficulté de reboucher les ouvertures qui se sont formées ; et c'est un des principaux inconvénients, peut-être le seul, que présente l'usage du lut gras. La chaleur ramollit ce lut, et même au point de le faire couler ; il a besoin en conséquence d'être contenu. Le meilleur moyen est de le recouvrir avec des bandes de vessie, qu'on mouille et qu'on tortille tout autour. On fait ensuite une ligature avec de gros fil au-dessus du lut, puis on passe, par-dessus le lut même et par conséquent par-dessus la vessie qui le recouvre, un grand nombre de tours de fil : un lut arrangé avec ces précautions est à l'abri de tout accident. Très-souvent la figure des jointures des vaisseaux ne permet pas d'y faire une ligature, et c'est ce qui arrive au col des bouteilles à trois goulots ; il faut d'ailleurs beaucoup d'adresse pour serrer suffisamment le fil sans ébranler l'appareil, et, dans les expériences où les luts sont très-multipliés, on en dérangerait souvent plusieurs pour en arranger un seul. Alors on substitue à la vessie et à la ligature des bandes de toiles imbibées de blanc d'oeuf dans lequel on a délayé de la chaux. On applique sur le lut gras les bandes de toile encore humides ; en peu de temps elles se sèchent et acquièrent une assez grande dureté. On peut appliquer ces mêmes bandes sur les luts de cire et de résine. De la colle forte délayée dans de l'eau peut suppléer au blanc d'oeuf. La première attention qu'on doit avoir avant d'appliquer un lut quelconque sur les jointures des vaisseaux est de les asseoir et de les assujettir solidement, de manière qu'ils ne puissent se prêter à aucun mouvement. Si c'est le col d'une cornue qu'on veut luter à celui d'un récipient, il faut qu'il y entre à peu près juste ; s'il y a un peu de jeu il faut assujettir les deux vaisseaux en introduisant entre leurs cols de petits morceaux fort courts d'allumettes ou de bouchons. Si la disproportion des deux cols est trop grande, on choisit un bouchon qui entre juste dans le col du matras ou récipient ; on fait au milieu


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de ce bouchon un trou rond de la grosseur nécessaire pour recevoir le col de la cornue. La même précaution est nécessaire à l'égard des tubes recourbés, qui doivent être lutés à des goulots de bouteille, comme dans la pl. IV, fig. 1. On commence par choisir un bouchon qui entre juste dans le goulot ; puis on le perce d'un trou avec une lime d'une espèce nommée queue de rat. (Voyez une de ces limes représentée pl. I, fig. 16.) Quand un même goulot est destiné à recevoir deux tubes, ce qui arrive très- souvent, surtout à défaut de bouteilles à deux et à trois goulots, on perce le bouchon de deux ou de trois trous, pour qu'il puisse recevoir deux ou trois tubes. On voit un de ces bouchons représenté pl. IV, fig. 8. Ce n'est que lorsque l'appareil est ainsi solidement assujetti et de manière à ce qu'aucune partie n'en puisse jouer, qu'on doit commencer à luter. On ramollit d'abord à cet effet le lut, en le pétrissant ; quelquefois même, surtout en hiver, on est obligé de le faire légèrement chauffer : on le roule ensuite entre les doigts, pour le réduire en petits cylindres qu'on applique sur les vases qu'on veut luter, en ayant soin de les appuyer et de les aplatir sur le verre, afin qu'ils y contractent de l'adhérence. A un premier petit cylindre on en ajoute un second qu'on aplatit également, mais de manière que son bord empiète sur le précédent, et ainsi de suite. Quelque simple que soit cette opération, il n'est pas donné à tout le monde de la bien faire, et il n'est pas rare de voir les personnes peu au fait recommencer un grand nombre de fois des luts sans succès, tandis que d'autres y réussissent avec certitude et dès la première fois. Le lut fait, on le recouvre, comme je l'ai dit, avec de la vessie bien ficelée et bien serrée, ou avec des bandes de toiles imbibées de blanc d'oeuf et de chaux. Je répéterai encore qu'il faut prendre garde, en faisant un lut, surtout en le ficelant, d'ébranler tous les autres ; autrement, on détruirait son propre ouvrage, et on ne parviendrait jamais à clore les vaisseaux. On ne doit jamais commencer une expérience sans avoir essayé préalablement, les luts. Il suffit, pour cela, ou de chauffer très-légère- [légèrement]


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ment la cornue A (pl. IV, fig. 1), ou de souffler de l'air par quelques-uns des tubes s s' s" s"' ; le changement de pression qui en résulte doit changer le niveau de la liqueur dans tous les tubes ; mais, si l'appareil perd air de quelque part, la liqueur se remet bientôt à son niveau ; elle reste au contraire constamment, soit au-dessus, soit au-dessous, si l'appareil est bien fermé. On ne doit pas oublier que c'est de la manière de luter, de la patience, de l'exactitude qu'on y apporte, que dépendent tous les succès de la chimie moderne : il n'est donc point d'opération qui demande plus de soins et d'attention. Ce serait un grand service à rendre aux chimistes et surtout aux chimistes pneumatiques, que de les mettre en état de se passer de luts, ou du moins d'en diminuer considérablement le nombre. J'avais d'abord pensé à faire construire des appareils dont toutes les parties fussent bouchées à frottement, comme les flacons bouchés en cristal ; mais l'exécution m'a présenté d'assez grandes difficultés. Il m'a paru préférable de suppléer aux luts par le moyen de colonnes de mercure, de quelques lignes de hauteur. Je viens de faire exécuter dans cette vue un appareil dont je vais donner la description, et dont l’usage me paraît pouvoir être utile et commode dans un grand nombre de circonstances. Il consiste dans une bouteille A (pl. XII, fig. 12) à double goulot ; l'un, intérieur, bc, communique avec le dedans de la bouteille ; l'autre, extérieur, de, qui laisse un intervalle entre lui et le précédent, et qui forme tout autour une profonde rigole db, ce, destinée à recevoir du mercure. C'est dans cette rigole qu'entre et s'ajuste le couvercle de verre B. Il a par le bas des échancrures pour le passage des tubes de verre destinés au dégagement des gaz. Ces tubes, au lieu de plonger directement dans la bouteille A, comme dans les appareils ordinaires, se contournent auparavant, comme on le voit figure 13, pour s'enfoncer dans la rigole ; et pour passer par-dessus les échancrures du couvercle B ;ils remontent ensuite pour entrer dans la bouteille, en passant par-dessus les bords du goulot intérieur.


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Il est aisé de voir que, lorsque les tubes out été mis en place, que le couvercle B a été solidement assujetti, et que la rigole db, ce, a été remplie de mercure, la bouteille se trouve fermée et ne communique plus à l'extérieur que par les tubes. Un appareil de cette espace sera très-commode dans un grand nombre d'expériences ; mais on ne pourra le mettre en usage que dans la distillation des matières qui n'ont point d'action sur le mercure. M. Séguin, dont les secours actifs et intelligents m'ont été si souvent utiles, a même déjà commandé dans les verreries des cornues jointes hermétiquement à des récipients ; en sorte qu'il serait possible de parvenir à n'avoir plus aucun lut. On voit (pl. XII, fig. 111) un appareil monté d'après les principes que je viens d'exposer.


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CHAPITRE VII. DES OPÉRATIONS RELATIVES À LA COMBUSTION PROPREMENT DITE ET À LA DÉTONATION.

La combustion n'est autre chose, d'après ce qui a été exposé dans la première partie de cet ouvrage, que la décomposition du gaz oxygène opérée par un corps combustible. L'oxygène qui forme la base de ce gaz est, absorbé, le calorique et la lumière deviennent libres et se dégagent. Toute combustion entraîne donc avec elle l'idée d'oxygénation, tandis qu'au contraire l'oxygénation n'entraîne pas essentiellement l'idée de combustion, puisque la combustion proprement dite ne peut avoir lieu sans un dégagement de lumière et de calorique. Il faut, pour que la combustion s'opère, que la base du gaz oxygène ait plus d'affinité avec le corps combustible qu'elle n'en a avec le calorique : or cette attraction élective, pour me servir de l'expression de Bergman, n'a lieu qu'à un certain degré de température, qui même est différent pour chaque substance combustible ; de là la nécessité de donner le premier mouvement à la combustion par l'approche d'un corps chaud. Cette nécessité d'échauffer le corps qu'on se propose de brûler tient à des considérations qui n'ont encore fixé l'attention d'aucun physicien, et auxquelles je demande la permission de m'arrêter quelques instants ; on verra qu'elles ne s'éloignent pas de mon sujet. L'état actuel où nous voyous la nature est un état d'équilibre auquel elle n'a pu arriver qu'après que toutes les combustions spontanées possibles, au degré de chaleur dans lequel cous vivons, toutes les oxygénations possibles, ont eu lieu. Il ne peut donc y avoir de nouvelles combustions ou oxygénations qu'autant qu'on sort de cet état d'équilibre et qu'on transporte les substances combustibles dans une tempé- [température]


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rature plus élevée. Éclaircissons par un exemple ce que cet énoncé peut présenter d'abstrait. Supposons que la température habituelle de la terre changeât d'une très- petite quantité, et qu'elle devint seulement égale a celle de l'eau bouillante : il est évident que, le phosphore étant combustible beaucoup au-dessous de ce degré, cette substance n'existerait plus dans la nature dans son état de pureté et de simplicité ; elle se présenterait touj ours dans l'état d'acide, c'est-à-dire oxygénée, et son radical serait au nombre des substances inconnues. Il en serait successivement de même de tous les corps combustibles, si la température de la terre devenait de plus en plus élevée ; et on arriverait enfin à un point où toutes les combustions possibles seraient épuisées où il ne pourrait plus exister de corps combustibles, où tous seraient oxygénés et, par conséquent, incombustibles. Revenons donc à dire qu'il ne peut y avoir pour nous de corps combustibles que ceux qui sont incombustibles au degré de température dans lequel nous vivons ; ou, ce qui veut dire la même chose en d'autres termes, qu'il est de l'essence de tout corps combustible, de ne pouvoir jouir de la propriété combustible qu'autant qu'on l'échauffe et qu'on le transporte au degré de chaleur où s'opère sa combustion. Ce degré une fois atteint, la combustion commence, et le calorique qui se dégage par l'effet de la décomposition du gaz oxygène entretient le degré de température nécessaire pour la continuer. Lorsqu'il en est autrement, c'est-à-dire, lorsque le calorique fourni par la décomposition du gaz oxygène n'est pas suffisant pour que le degré du chaleur nécessaire à la combustion se continue, elle cesse : c'est ce qu'on exprime lorsqu'on dit que le corps brûle mal, qu'il est difficilement combustible. Quoique la combustion ait quelque chose de commun avec la distillation, surtout avec la distillation composée, elle en diffère cependant en un point essentiel. Il y a bien, dans la distillation, séparation d'une partie des principes du corps que l'on y soumet, et combinaison de ces mêmes principes dans un autre ordre, déterminée par les affinités qui ont lieu à la température à laquelle s'est opérée


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la distillation ; mais il y a plus dans la combustion : il y a addition d'un nouveau principe, l'oxygène, et dissipation d'un autre principe, le calorique. C'est cette nécessité d'employer l'oxygène dans l’état de gaz, et d'en déterminer rigoureusement les quantités, qui rend si embarrassantes les expériences relatives à la combustion. Une autre difficulté inséparable de ces opérations tient à ce que les produits qu'elles fournissent se dégagent presque toujours dans l'état de gaz : si donc il est difficile de retenir et de rassembler les produits de la distillation, il l'est bien davantage de recueillir ceux de la combustion ; aussi aucun des anciens chimistes n'en a-t-il eu la prétention, et ce genre d'expérience appartient-il absolument à la chimie moderne. Après avoir rappelé d'une manière générale le but qu'on doit se proposer dans les différentes expériences relatives à la combustion, je passe à la description des différents appareils que j'ai imaginés dans cette vue. Je n'adopterai, dans les articles qui composeront ce chapitre, aucune division relative à la nature des combustibles ; je les classerai relativement à la nature des appareils qui conviennent à leur combustion.

§ I. DE LA COMBUSTION DU PHOSPHORE ET DU CHARBON.

J'ai déjà décrit, page 50 de ce volume, les appareils que j'ai employés pour la combustion du charbon et du phosphore. Cependant, comme j'avais alors plutôt en vue de donner une idée du résultat de ces combustions que d'enseigner le détail des procédés nécessaires pour les obtenir, je ne me suis peut-être pas assez étendu sur la manipulation relative à ce genre d'expériences. On commence, pour opérer ta combustion du phosphore ou du charbon, par remplir de gaz oxygène, dans l'appareil pneumato-chimiqne à l'eau (pl. V, fig. 1), une cloche de 6 pintes au moins de capacité. Lorsqu'elle est pleine à ras et que le gaz commence à dégorger


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par-dessous, on transporte cette cloche A sur l'appareil au mercure (pl. IV, fig. 3), à l'aide d'un vaisseau de verre ou de faïence très-plat, qu'on passe par-dessous. Cette opération faite, on sèche bien avec du papier gris la surface du mercure, tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur de la cloche. Cette opération demande quelques précautions : si on n'avait pas l'attention de plonger le papier gris pendant quelque temps entièrement sous le mercure avant de l'introduire sous la cloche, on y ferait passer de l'air commun, qui s'attache avec beaucoup de ténacité au papier. On a, d'un autre côté, une petite capsule D, de fer ou de porcelaine. plate et évasée, sur laquelle on place le corps qu'on veut briller, après en avoir très- exactement déterminé le poids de la balance d'essai ; on recouvre ensuite cette capsule d'une autre un peu plus grande P, qui fait, à son égard, l'office de la cloche du plongeur, et on fait passer le tout à travers le mercure ; après quoi on retire à travers le mercure la capsule P qui ne servait en quelque façon que de couvercle. On peut éviter l'embarras et la difficulté de faire passer les matières à travers le mercure, en soulevant un des côtés de la cloche pendant un instant presque indivisible, et en introduisant ainsi, par le passage qu'on s'est ménagé, la capsule avec le corps combustible. Il se mêle, dans cette manière d'opérer, un peu d'air commun avec le gaz oxygène ; mais ce mélange, qui est peu considérable, ne nuit ni au succès, ni à l'exactitude de l’expérience. Lorsque la capsule D (pl. IV, fig. 3) est introduite sous la cloche, on suce une partie du gaz oxygène qu'elle contient pour élever le mercure jusqu'en EF. Sans cette précaution, dès que le corps combustible serait allumé, la chaleur dilaterait l'air ; elle en ferait passer une portion par-dessous la cloche, et on ne pourrait plus faire aucun calcul exact sur les quantités. On se sert, pour sucer l'air, d'un siphon GHI, qu'on passe par-dessous la cloche ; et, pour qu'il ne s'emplisse pas de mercure, on tortille à son extrémité I un petit morceau de papier. Il y a un art pour élever ainsi en suçant une colonne de mercure


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à une hauteur de plusieurs pouces au-dessus de son niveau ; si on se contentait d'aspirer l'air avec le poumon, on n'atteindrait qu'à une très-médiocre élévation, par exemple, d'un pouce ou d'un pouce et demi tout au plus ; encore n'y parviendrait-on qu'avec de grands efforts ; tandis que, par l'action des muscles de la bouche, on peut élever sans se fatiguer, ou au moins sans risquer de s'incommoder, le mercure jusqu'à six et sept pouces. Un moyen plus commode encore est de se servir d'une petite pompe que l'on adapte au siphon GHI : on élève alors le mercure à telle hauteur qu'on le juge à propos, pourvu qu'elle n'excède pas 28 pouces. Si le corps combustible est fort inflammable, comme le phosphore, on l'allume avec un fer recourbé MN (pl. IV, fig. 16), qu'on fait rougir au feu, et qu'on passe brusquement sous la cloche ; dès qu'il est en contact avec le phosphore, ce dernier s'allume. Pour les corps moins combustibles, tels que le fer, quelques autres métaux, le charbon, etc. on se sert d'un petit fragment d'amadou sur lequel on place un atome de phosphore ; on allume également ce dernier avec un fer rouge recourbé ; l'inflammation se communique à l'amadou, puis au corps combustible. Dans le premier instant de la combustion, l’air se dilate et le mercure descend ; mais, lorsqu'il n'y a point de fluide élastique formé, comme dans la combustion du fer et du phosphore, l'absorption devient bientôt sensible, et le mercure remonte très-haut dans la cloche. Il faut, en conséquence, avoir attention de ne point brûler une trop grande quantité du corps combustible dans une quantité donnée d'air ; autrement la capsule, vers la fin de la combustion, s'approcherait trop du dôme de la cloche, et la grande chaleur pourrait en occasionner la fracture. J'ai indiqué, chapitre II, §§V et VI, les opérations relatives à la mesure du volume des gaz, les corrections qu'il faut faire à ce volume, relativement à la hauteur du baromètre et du degré du thermomètre ; je n'ajouterai rien de plus à cet égard, l'exemple surtout que j'ai cité, page 51, étant précisément tiré de la combustion du phosphore.


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Le procédé que je viens de décrire peut être employé avec succès pour la combustion de toutes les substances concrètes, et même pour celle des huiles fixes. On brûle ces dernières dans des lampes, et on les allume avec assez de facilité, sous la cloche, par le moyen du phosphore, de l’amadou et d'un fer chaud ; mais ce moyen n'est pas sans dangers pour les substances qui sont susceptibles de se vaporiser à un degré de chaleur médiocre, telles que l'éther, l'esprit-de-vin, les huiles essentielles. Ces substances volatiles se dissolvent en assez grande quantité dans le gaz oxygène ; quand on allume, il se fait une détonation subite, qui enlève la cloche à une grande hauteur et qui la brise en éclats. J'ai éprouvé deux de ces détonations, dont les membres de l'Académie ont pensé, ainsi que moi, être les victimes. Cette manière d'opérer a, d'ailleurs, un grand inconvénient : elle suffit bien pour déterminer avec quelque exactitude la quantité de gaz oxygène absorbé et celle d'acide carbonique qui s'est formé ; mais ces produits ne sont pas les seuls qui résultent de la combustion : il se forme de l'eau toutes les fois qu'on opère sur des matières végétales ou animales, parce qu'elles contiennent toutes de l'hydrogène en excès ; or l'appareil que je viens de décrire ne permet ni de la rassembler, ni d'en déterminer la quantité. Enfin, même pour l'acide phosphorique, l’expérience est incomplète, puisqu'il n'est pas possible de démontrer, dans cette manière d'opérer, que le poids de l'acide est égal à la somme du poids du phosphore et de celui du gaz oxygène absorbé. Je me suis donc trouvé obligé de varier, suivant les cas, les appareils relatifs à la combustion, et d'en employer plusieurs de différentes espèces, dont je vais donner successivement une idée : je commence par celui destiné à la combustion du phosphore. On prend un grand ballon de verre blanc ou de cristal A (Pl. IV, fig. 4), dont l’ouverture EF doit avoir 2 pouces 1/2 à 3 pouces de diamètre. Cette ouverture se recouvre avec une plaque de cuivre jaune ou laiton usée à l'émeri, et qui est percée de deux trous pour le passage des tuyaux xxx, yyy. Avant de fermer le ballon avec sa plaque, on introduit dans son


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intérieur un support BC surmonté d'une capsule D de porcelaine, sur laquelle on place le phosphure. On lute ensuite la plaque de cuivre au ballon en EF avec du lut gras qu'on recouvre avec des bandes de linge imbibées de blanc d'oeuf et saupoudrées de chaux. On laisse sécher pendant plusieurs jours, puis on pèse le tout avec une bonne balance. Ces préparatifs achevés, un adapte une pompe pneumatique au tuyau xxx, et on fait le vide dans le ballon ; après quoi on introduit du gaz oxygène par le tuyau yyy, au moyen du gazomètre représenté pl. VIII, fig. 1, et dont j'ai donné la description, chapitre II,§ II. On allume ensuite le phosphore avec un verre ardent, et on le laisse brûler jusqu'à ce clac le nuage d'acide phosphorique concret qui se forme arrête la combustion. Alors on délute et on pèse le ballon. Le poids, déduction faite de la tare, donne celui de l’acide phosphorique qu'il contient. Il est bon, pour plus d'exactitude, d'examiner l'air ou le gaz contenu dans le ballon après la combustion, parce qu'il peut être plus ou moins pesant que l'air ordinaire, et qu'il faut tenir compte, dans les calculs relatifs à l’expérience, de cette différence de pesanteur. Les mêmes motifs qui m'ont engagé à construire un appareil particulier pour la combustion du phosphore m'ont déterminé de prendre le même parti à l’égard du charbon. Cet appareil consiste en un petit fourneau conique fait en cuivre battu, représenté en perspective pl. XII, fig. 9, et vu intérieurement fig. 11. On y distingue le fourneau proprement dit ABC, où doit se faire la combustion du charbon, la grille de, et le cendrier F. Au milieu du fourneau est un tuyau GK, par lequel on introduit le charbon, et qui sert en même temps de cheminée pour évacuer l'air qui a servi à la combustion. C'est par le tuyau lmn, qui communique avec le gazomètre, qu'est amené l'air qui est destiné à entretenir la combustion ; cet air se répand dans la capacité du cendrier F, et la pression qui lui est communiquée par le gazomètre l’oblige à passer par la grille de, et à souffler les charbons qui sont posés immédiatement dessus. Le gaz oxygène, qui entre pour les 28/100 dans la composition de l'air


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de l’atmosphère, se convertit, comme l’on sait, en gaz acide carbonique dans la combustion du charbon. Le gaz azote, au contraire, ne change point d'état ; il doit rester, après la combustion, un mélange de gaz azote et de gaz acide carbonique. Pour donner issue à ce mélange, on a adapté à la cheminée GH un tuyau op qui s'y visse en G, de manière à ne laisser échapper aucune portion d'air. Le mélange des deux gaz est conduit par ce tuyau à des bouteilles remplies de potasse en liqueur et bien dépouillée d'acide carbonique, à travers laquelle il bouillonne. Le gaz acide carbonique est absorbé par la potasse, et il ne reste due du gaz azote, qu'on reçoit dans un second gazomètre pour en déterminer la quantité. Une des difficultés que présente l'usage de cet appareil est d'allumer le charbon et de commencer la combustion : voici le moyen d'y parvenir. Avant d'emplir de charbon le fourneau ABC, on en détermine le poids avec une bonne balance et de manière à être sûr de ne point commettre une erreur de plus d'un ou deux grains ; on introduit ensuite dans la cheminée GR le tuyau RS (figure 10), dont le poids doit également avoir été bien déterminé. Ce tuyau est creux et ouvert par les deux bouts : son extrémité S doit descendre jusqu'au fond du fourneau ; elle doit porter sur la grille de et l’occuper tout entière. Ce n'est qu'après que le tuyau RS a été ainsi placé, qu'on introduit le charbon dans le fourneau. On le pèse alors de nouveau, pour connaître la quantité de charbon qui y a été introduite. Ces opérations préliminaires achevées, on met en place le fourneau, on visse le tuyau lmn (figure 9) avec celui qui communique avec le gazomètre ; on visse le tuyau op avec celui qui conduit aux bouteilles remplies de potasse ; enfin, au moment où l’on veut commencer la combustion, on ouvre le robinet du gazomètre, et on jette un petit charbon allumé par l'extrémité R du tuyau RS ; ce charbon tombe sur la grille, où le courant d'air le maintient allumé. Alors on retire promptement le tuyau RS ; on visse à la cheminée le tuyau op destiné à évacuer l'air, et l’on continue la combustion. Pour être assuré qu'elle est vraiment commencée et que l'opération a réussi, on a ménagé un tuyau qrs


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garni, à son extrémité s, d'un verre mastiqué, à travers lequel on peut voir si le charbon est allumé. J'oubliais de faire observer que ce fourneau et ses dépendances sont plongés dans une espèce de baquet allongé TVXY (figure 11), qui est rempli d'eau et même de glace, afin de diminuer, autant que l'on veut, la chaleur de la combustion. Cette chaleur, au surplus, n'est jamais très-vive, parce qu'il ne peut y avoir de combustion qu'en proportion de l'air qui est fourni par le gazomètre, et qu'il n'y a, d'ailleurs, de charbon qui brûle que celui qui porte immédiatement sur la grille. A mesure qu'une molécule de charbon est consommée, il en retombe une autre, en vertu de l'inclinaison des parois du fourneau ; elle se présente au courant d'air qui traverse la grille de, et elle brûle comme la première. Quant à l'air qui a servi à la combustion, il traverse la masse de charbon qui n'a pas encore brûlé, et la pression exercée par le gazomètre l'oblige de s'échapper par le tuyau op, et de traverser les bouteilles remplies d'alcali. On voit que, dans cette expérience, on a toutes les données nécessaires pour obtenir une analyse complète de l'air atmosphérique et du charbon. En effet, on connaît le poids du charbon ; on a, par le moyen du gazomètre, la mesure de la quantité d'air employée à la combustion ; on peut déterminer la qualité et la quantité de celui qui reste après la combustion ; on a le poids de la cendre qui s'est rassemblée dans le cendrier ; enfin, l'augmentation de poids des bouteilles qui contiennent la potasse en liqueur donne la quantité d'acide carbonique qui s'est formé. On peut également connaître avec beaucoup de précision, par cette opération, la proportion de carbone et d'oxygène dont cet acide est composé. Je rendrai compte, dans les Mémoires de l'Académie, de la suite d'expériences que j'ai entreprises avec cet appareil sur tous les charbons végétaux et animaux. Il n'est pas difficile de voir qu'avec très-peu de changements on peut en faire une machine propre à observer les principaux phénomènes de la respiration.


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Le charbon, au moins quand il est pur, étant une substance simple, l'appareil destiné à le brûler ne pouvait pas être très-compliqué. Tout se réduisait à lui fournir le gaz oxygène nécessaire à sa combustion, et à séparer ensuite d'avec le gaz azote le gaz acide carbonique qui s'était formé. Les huiles sont plus composées que le charbon, puisqu'elles résultent de la combinaison au moins de deux principes, le carbone et l'hydrogène ; il reste, en conséquence, après qu'on les a brûlées dans l'air commun, de l'eau, du gaz acide carbonique et du gaz azote. L'appareil qu'on emploie pour ce genre d'expériences doit avoir pour objet de séparer et de recueillir ces trois espèces de produits. Je me sers, pour brûler les huiles, d'un grand bocal A représenté planche XII, figure 4, et de son couvercle, figure 6. Ce bocal est garni d'une virole de fer BCDE, qui s'applique exactement sur le bocal en DE, et qui y est solidement mastiquée. Cette virole prend un plus grand diamètre en BC, et laisse entre elle et les parois du bocal un intervalle ou rigole xxxx, qu'on remplit de mercure. Le couvercle représenté figure 5 a, de son côté, en fg une virole de fer qui s'ajuste dans la rigole xxxx du bocal, et qui plonge dans le mercure. Le bocal A peut, par ce moyen, se fermer en un instant hermétiquement et sans lut ; et, comme la rigole peut contenir une hauteur de mercure de 2 pouces, on voit qu'on peut faire éprouver à l'air contenu dans le bocal une pression de plus de 2 pieds d'eau, sans risquer qu'elle surmonte la résistance du mercure. Le couvercle figure 5 est percé de quatre trous destinés au passage d'un égal nombre de tuyaux. L'ouverture T est d'abord garnie d'une boite à cuir, à travers laquelle doit passer la tige représentée figure 3. Cette tige est destinée à remonter ou à descendre la mèche de la lampe, comme je l'expliquerai ci-après ; les trois autres trous h, i, k,


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sont destinés, savoir : le premier, au passage du tuyau qui doit amener l'huile ; le second, au passage du tuyau qui doit amener l'air à la lampe pour entretenir la combustion ; le troisième, au passage du tuyau qui doit donner issue à ce même air lorsqu'il a servi à la combustion. La lampe destinée à baller l'huile dans le bocal est représentée séparément, figure 2 de la même planche ; on y voit le réservoir à huile a avec une espèce d'entonnoir par lequel on le remplit ; le siphon bcdefgb, qui fournit l'huile a la lampe ; le tuyau 7, 8, 9, 10, qui amène l'air du gazomètre à la même lampe. Le tuyau bc est taraudé extérieurement dans sa partie inférieure b, et se visse dans un écrou contenu dans le couvercle du réservoir a ; par ce moyen, en tournant le réservoir, on peut le faire monter ou descendre et amener l'huile à la lampe, au niveau où on le juge à propos. Quand on veut remplir le siphon et établir la communication entre l'huile du réservoir a et celle de la lampe 11, on ferme d'abord le robinet c, on ouvre celui e, et on verse l'huile par l'ouverture f qui est au haut du siphon. Dès qu'on voit paraître l'huile dans la lampe 11 à un niveau convenable, c'est-à-dire à trois ou quatre lignes des bords, on ferme le robinet k ; on continue à verser de l'huile par l'ouverture e pour remplir la branche bcd. Quand elle est remplie, on ferme le robinet f, et alors les deux branches du siphon étant pleines d'huile sans interruption, la communication du réservoir à la lampe est établie. La figure 1, même planche XII, représente la coupe de la lampe grossie pour rendre les détails plus frappants et plus sensibles. On y voit, le tuyau ik, qui apporte l'huile ; aaaa, la capacité qu'occupe la mèche ; 9 et 10, le tuyau qui apporte l'air à la lampe : cet air se répand dans la capacité dddddd, puis il se distribue par le canal ecce et par celui bbbb, en dedans et en dehors de la mèche, à la manière des lampes d'Argand, Quinquet et Lange. Pour faire mieux connaître l'ensemble de cet appareil, et pour que


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sa description même rende plus facile l'intelligence de tous les autres de même genre, je l'ai représenté tout entier en perspective planche XI. On y voit le gazomètre P, qui fournit l’air ; l'ajutage 1 et 2, par lequel il sort, et qui est garni d'un robinet 1 ; 2 et 3, un tuyau qui communique de ce premier gazomètre à un second, que l'on emplit pendant que le premier se vide, afin que l'émission de l'air se fasse sans interruption pendant tout le temps que doit durer l’opération ; 4 et 5, un lobe de verre garni d'un sel déliquescent en morceaux médiocrement gros, afin que l'air, en se distribuant dans les interstices, y dépose une grande partie de l'eau qu'il tenait en dissolution. Comme on tonnait le poids du tube et celui du sel déliquescent qu'il contient, il est touj ours facile de connaître la quantité d'eau qu'il a absorbée. Du tube 4 et 5, que je nommerai tube déliquescent, l'air est conduit de la lampe 11 par le tube 5, 6, 7, 8, 9, 10. Là il se divise ; une partie vient alimenter la flamme par dehors, l'autre par dedans, à la manière des lampes d'Argand, Quinquet et Lange. Cet air, dont une partie a ainsi serti à la combustion de l'huile, forme avec elle, en l'oxygénant, du gaz acide carbonique et de l'eau. Une partie de cette eau se condense sur les parois du bocal A ; une autre partie est tenue en dissolution dans l'air par la chaleur de la combustion ; mais tel air, qui est poussé par la pression qu'il reçoit du gazomètre, est oblige de passer par le tuyau 12, 13 14 et 15, d'où il est conduit dans la bouteille 16 et dans le serpentin 17 et 18, où l'eau achève de se condenser à mesure que l'air se refroidit. Enfin, si quelque peu d'eau restait encore en dissolution dans l’air, elle serait absorbée par le sel déliquescent contenu dans le tube 19 et 20. Toutes les précautions qu'on vient d'indiquer n'ont d'autre objet que de recueillir l'eau qui s'est formée, et d'en déterminer la quantité : il reste ensuite à évaluer l’acide carbonique et le gaz azote. On y parvient au moyen des bouteilles 22 et 25, qui sont à moitié remplies de potasse en liqueur et dépouillées d'acide carbonique par la chaux. L'air qui a servi à la combustion y est conduit par les tuyaux 20, 21, 23 et 24 , et il y dépose le gaz acide carbonique qu'il contient. On n'a


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représenté dans cette figure, pour la simplifier, que deux bouteilles remplies de potasse en liqueur ; mais il en faut beaucoup davantage, et je ne crois pas qu'on puisse en employer moins de neuf. Il est bon de mettre dans la dernière de l'eau de chaux, qui est le réactif le plus sur et le plus sensible pour reconnaître l'acide carbonique : si elle ne se trouble pas, on peut être assuré qu'il ne reste pas de gaz acide carbonique dans l'air, du moins en quantité sensible. Il ne faut pas croire que l'air qui a servi à la combustion, lorsqu'il a traversé les neuf bouteilles, ne contienne plus que du gaz azote : il est encore mêlé d'une assez grande quantité de gaz oxygène qui a échappé à la combustion. On fait passer ce mélange à travers un sel déliquescent contenu dans le tube de verre 28 et 29, afin de le dépouiller des portions d'eau qu'il aurait pu dissoudre en traversant les bouteilles de potasse et d'eau de chaux. Enfin, on conduit le résidu d'air à un gazomètre par le tuyau 29 et 30 ; on en détermine la quantité ; on en prend des échantillons, qu'on essaye par le sulfure de potasse, afin de savoir la proportion de gaz oxygène et de gaz azote qu'il contient. On sait que, dans la combustion des huiles, la même mèche se charbonne au bout. d'un certain temps, et qu'elle s'obstrue. Il y a d'ailleurs une longueur déterminée de mèche qu'il faut atteindre, mais qu'il ne faut pas outre-passer, sans quoi il monte par les tuyaux capillaires de la mèche plus d'huile que le courant d'air n'en peut consommer, et la lampe fume. Il était donc nécessaire qu'on pût allonger ou raccourcir la mèche de dehors et sans ouvrir l'appareil : c'est à quoi on est parvenu, au moyen de la tige 31, 32, 33 et 34, qui passe à travers une boîte à cuir et qui répond au porte-mèche. On a donné à cette tige un mouvement très-doux, au moyen d'un pignon qui engrène dans une crémaillère. On voit cette tige et ses accessoires représentés séparément, pl. XII, fig. 3. Il m'a semblé encore qu'en enveloppant la flamme de la lampe avec un petit bocal de verre ouvert par les deux bouts la combustion en allait mieux. Ce bocal est en place dans la planche XI.


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Je n'entrerai pas dans de plus grands détails sur la construction de cet appareil, qui est susceptible d'être changé et modifié de différentes manières. Je me contenterai d'aj outer que, lorsqu'on veut opérer, on commence par peser la lampe avec son réservoir et l'huile qu'elle contient, qu'on la met en place, qu'on l’allume, qu'après avoir donné de l'air, en ouvrant le robinet du gazomètre, on place le bocal A ; qu'on l’assujettit au moyen d'une petite planche BC, sur laquelle il repose, et de deux tiges de fer qui la traversent et qui se vissent au couvercle. Il y a, de cette manière, un peu d'huile brûlée pendant qu'on ajuste le bocal au couvercle, et l'on en perd le produit ; il y a également une petite portion d'air qui s'échappe du gazomètre et qu'on ne peut recueillir ; mais ces quantités sont peu considérables dans des expériences en grand ; elles sont d'ailleurs susceptibles d'être évaluées. Je rendrai compte, dans les Mémoires de l'Académie, des difficultés particulières attachées à ce genre d'expérience, et des moyens de les lever. Ces difficultés sont telles, qu'il ne m'a pas encore été possible d'obtenir des résultats rigoureusement exacts pour les quantités. J'ai bien la preuve que les huiles fixes se résolvent entièrement en eau et en gaz acide carbonique, qu'elles sont composées d'hydrogène et de carbone ; mais je n'ai rien d'absolument certain sur les proportions.

§ III. DE LA COMBUSTION DE L'ESPRIT-DE-VIN OU ALCOOL.

La combustion de l'alcool peut, à la rigueur, se faire dans l'appareil qui a été décrit ci- dessus pour la combustion du chardon et pour celle du phosphore. On place sous une cloche A (pl. IV, fig. 3) une lampe remplie d'alcool ; on attache à la mèche un atome de phosphore, et ou allume avec un fer recourbé qu'on passe par-dessous la cloche ; mais cette manière d'opérer est susceptible de beaucoup d'inconvénients. Il serait d'abord imprudent d'employer du gaz oxygène, par la crainte de la détonation : on n'est pas mène entièrement exempt de ce risque lorsqu'on emploie de l'air atmosphérique, et j'en ai fait, en présence


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de quelques membres de l’Académie, une preuve qui a pensé leur devenir funeste ainsi qu'à moi. Au lieu de préparer l’expérience, comme j'étais dans l’habitude de le faire, au moment même où je devais opérer, je l'avais disposée dès la veille. L'air atmosphérique contenu dans la cloche avait eu en conséquence le temps de dissoudre de l'alcool ; la vaporisation de l’alcool avait même été favorisée par la hauteur de la colonne de mercure, que j'avais élevée en EF (pl. IV, fig. 3). En conséquence, au moment où je voulus allumer le petit morceau de phosphore et la lampe avec le fer rouge, il se fit une détonation violente, qui enleva la cloche et qui la brisa en mille pièces contre le plancher du laboratoire. Il résulte de l’impossibilité où l'on est d'opérer dans du gaz oxygène, qu'on ne peut brûler par ce moyen que de très- petites quantités d'alcool, de 10 à 12 grains par exemple, et les erreurs qu'on peut commettre sur d'aussi petites quantités ne permettent de prendre aucune confiance dans les résultats. J'ai essayé, dans les expériences dont j'ai rendu compte à l’Académie (voy. Mém. de l’Acad. année 1784, page 593) de prolonger la durée de la combustion, en allumant la lampe d'alcool ; dans l'air ordinaire, et en refournissant ensuite du gaz oxygène sous la cloche, à mesure qu'il s'en était consommé ; mais le gaz acide carbonique qui se forme met obstacle à la combustion, d'autant plus que l'alcool est peu combustible et qu'il brûle difficilement dans de l'air moins bon que fait commun ; on ne peut donc encore brûler de cette manière que de très-petites quantités d'alcool. Peut-être cette combustion réussirait-elle dans l’appareil représenté planche XI ; mais je n'ai pas osé l'y tenter. Le bocal A, où se fait la combustion, a environ 1,400 pouces cubiques de capacité ; et, s'il se faisait une détonation dans un aussi grand vaisseau, elle aurait des suites terribles, dont il serait difficile de se garantir. Je ne renonce pas cependant à la tenter. C'est par une suite de ces difficultés que je me suis borné, jusqu'ici, à des expériences très en petit sur l'alcool, ou bien à des combustions faites dans des vaisseaux ouverts, comme dans l'appareil représenté


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planche IX, figure 5, dont je donnerai la description dans le § V de ce chapitre. Je reprendrai dans d'autres temps la suite de ce travail, si, du moins, je puis parvenir à lever les obstacles qu'il m'a présentés jusqu'ici.

§ IV. DE LA COMBUSTION DE L’ÉTHER.

La combustion de l'éther en vaisseaux clos ne comporte pas précisément les mêmes difficultés que celles de l’alcool, mais elle en présente d'un autre genre, qui ne sont pas moins difficiles à vaincre, et qui m'arrêtent encore dans ce moment. J'avais cru pouvoir profiter, pour opérer cette combustion, de la propriété qu'a l’éther de se dissoudre dans l'air de l’atmosphère et de le rendre inflammable sans détonation. J'ai fait construire, d'après cette idée, un réservoir à éther abcd (pl. XII, fig. 8), auquel l'air du gazomètre est amené par un tuyau 1, 2, 3, 4. Cet air se répand d'abord dans un double fond pratiqué à la partie supérieure ac du réservoir. Là il se distribue par sept tuyaux descendants ef, gh, ik, etc. et la pression qu'il reçoit de la part du gazomètre l’oblige de bouillonner à travers l’éther contenu dans le vase abcd. On peut à mesure que l’éther est ainsi dissous et emporté par l'air, en rendre au réservoir abcd, au moyen d'un réservoir supplémentaire E, porté par un tuyau de cuivre op, de 15 à 18 pouces de haut, et qui se ferme au moyen d'un robinet. J'ai été obligé de donner une assez grande hauteur à ce tuyau, afin que l’éther qui est contenu dans le flacon F, puisse vaincre la résistance occasionnée par la pression exercée par le gazomètre. L'air, ainsi chargé de vapeurs d'éther, est repris par le tuyau 5, 6, 7, 8, 9, et conduit dans le bocal A, où il s'échappe par un ajutoir très-fin, à l’extrémité duquel on l’allume. Ce même air, après avoir servi à la combustion, passe par la bouteille 16, planche XI, par le serpentin 17 et 18, et par le tube déliquescent, où il dépose l'eau dont


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il s'était chargé ; le gaz acide carbonique est ensuite absorbé par l’alcali contenu dans les bouteilles 22 et 25. Je supposais, lorsque j'ai fait construire cet appareil, que la combinaison d'air atmosphérique et d'éther qui s'opère dans le réservoir abcd (pl. XII, fig. 8) était dans la juste proportion qui convient à la combustion, et, c'est en quoi j'étais dans l'erreur : il y a un excès d'éther très-considérable, et il faut, en conséquence, une nouvelle combinaison d'air atmosphérique pour obérer la combustion totale. Il en résulte qu'une lampe construite de cette manière brûle dans l'air ordinaire, qui fournit la quantité d'oxygène manquante pour la combustion, mais qu'elle ne peut brûler dans des vaisseaux où l'air ne se renouvelle pas. Aussi la lampe s'éteignait-elle peu de temps après qu'elle était enfermée dans le bocal 1 (pl. XII, fig. 8). Pour remédier à cet inconvénient, j'ai essayé d'amener à cette lampe de l'air atmosphérique par un tuyau latéral 10, 11, 12 , 13, 14 et 15 ; et je l'ai distribué circulairement autour de la mèche ; mais, quelque léger que fût le courant d'air, la flamme était si mobile, elle tenait si peu à la mèche, qu'il suffisait pour la souiller ; en sorte que je n'ai point encore pu réussir à la combustion de l'éther. Je ne désespère cependant pas d'y parvenir, au moyen de quelques changements que je fais faire a cet, appareil.

§ V. DE LA COMBUSTION DU GAZ HIDROGÈNE ET DE LA FORMAT1ON DE L’EAU. La formation de l'eau a cela de particulier, que les deux substances qui y concourent, l'oxygène et l'hydrogène, sont l'une et l'autre dans l'état aériforme avant la combustion, et que l'une et l'autre se transforment, par le résultat de cette opération, en une substance liquide, qui est l'eau. Cette combustion serait donc fort simple et n'exigerait pas des appareils fort compliqués, s'il était possible de se procurer des gaz oxygène et hydrogène parfaitement purs et qui fussent combustibles sans reste.


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On pourrait alors opérer dans de très-petits vaisseaux ; et, en y refournissant continuellement les deux gaz dans la proportion convenable, on continuerait indéfiniment la combustion. Mais, jusqu'ici, les chimistes n'ont encore employé que du gaz oxygène mélangé de gaz azote. Il en est résulté qu'ils n'ont pu entretenir que pendant un temps limité et très-court la combustion du gaz hydrogène dans des vaisseaux clos et eu effet, le résidu de gaz azote augmentant continuellement, la flamme s'affaiblit et elle finit par s'éteindre. Cet inconvénient est d'autant plus grand, que le gaz oxygène qu'on emploie est moins pur : il faut alors, ou cesser la combustion et se résoudre à n'opérer que sur de petites quantités, ou refaire le vide pour se débarrasser du gaz azote : mais, dans ce dernier cas, on vaporise une portion de l’eau qui s'est formée, et il en résulte une erreur d'autant plus dangereuse, qu'on n'a pas de moyen sûr de l'apprécier. Ces réflexions me font désirer de pouvoir répéter un jour les principales expériences de la chimie pneumatique avec du gaz oxygène absolument exempt de mélange de gaz azote, et le sel muriatique oxygéné de potasse en fournit les moyens. Le gaz oxygène qu'on en retire ne paraît contenir de l'azote qu'accidentellement ; en sorte qu'avec des précautions on pourra l'obtenir parfaitement pur. En attendant que j'aie pu reprendre cette suite d'expériences, voici l'appareil que nous avons employé, M. Meusnier et moi, pour la combustion du gaz hydrogène. Il n'y aura rien à y changer lorsqu'on aura pu se procurer des gaz purs, si ce n'est qu'on pourra diminuer la capacité du vase où se fait la combustion. J'ai pris un matras ou un ballon large ouverture A (pl. IV ; fig. 5), et j'y ai adapté une platine BC, à laquelle était soudée une douille creuse de cuivre gFD, fermée par le haut, et à laquelle venaient aboutir trois tuyaux. Le premier dDd' se terminait en d' par une ouverture très-petite et à peine capable de laisser passer une aiguille fine ; il communiquait avec le gazomètre représenté pl. VIII, fig. 1, lequel était rempli de gaz hydrogène. Le tuyau opposé gg communiquait avec un autre gazomètre tout semblable, qui était rempli de gaz


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oxygène ; un troisième tuyau Hh s'adaptait à une machine pneumatique, pour qu'on pût faire le vide dans le ballon A ; enfin la platine BC était, en outre, percée d'un trou garni d'un tube de verre à travers lequel passait un fil de métal gL, à l'extrémité duquel était adaptée une petite boule L de cuivre, afin qu'on prit tirer une étincelle électrique de L en d' et allumer ainsi le gaz hydrogène amené par le tuyau dDd’. Pour que les deux gaz arrivassent aussi secs qu'il était possible, on avait rempli deux tubes MM, NN, de 1 pouce 1/2, de diamètre environ, et de 1 pied de longueur, avec de la potasse concrète bien dépouillée d'acide carbonique et concassée eu morceaux assez gros pour que les gaz pussent passer librement entre les interstices. J'ai éprouvé, depuis, que du nitrate ou du mariste de chaux bien secs et en poudre grossière étaient préférables à la potasse, et qu'ils enlevaient plus d'eau à une quantité donnée d'air. Pour opérer avec cet appareil, on commence par faire le vide dans le ballon A, au moyen de la pompe pneumatique adaptée au tuyau FHh ; après quoi on y introduit du gaz oxygène, en tournant le robinet 1 du tube gg. Le degré du limbe du gazomètre observé avant et après l’introduction du gaz indique la quantité qui en est entrée dans le ballon. On ouvre ensuite le robinet s du tube dDd' afin de faire arriver le gaz hydrogène ; et aussitôt, soit avec une machine électrique, soit avec une bouteille de Leyde, on fait passer une étincelle de la boule L à l'extrémité d' du tube par lequel se fait l'écoulement du gaz hydrogène, et il s'allume aussitôt. Il faut, pour que la combustion ne soit ni trop lente ni trop rapide, que le gaz hydrogène arrive avec une pression de 1 pouce 1/2, à 2 pouces d'eau, et que le gaz oxygène n'arrive, au contraire, qu'avec trois lignes au plus de pression. La combustion ainsi commencée, elle se continue, mais en s'affaiblissant à mesure que la quantité de gaz azote qui reste de la combustion des deux gaz augmente. Il arrive enfin un moment où la portion de gaz azote devient telle, que la combustion ne peut plus avoir lieu,


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et alors la flamme s'éteint. Il faut faire en sorte de prévenir cette extinction spontanée, parce qu'au moyen de ce qu'il y a pression plus forte dans le réservoir de gaz hydrogène que dans celui de gaz oxygène, il se ferait un mélange des deux dans le ballon, et que ce mélange passerait ensuite dans le réservoir de gaz oxygène. Il faut donc arrêter, la combustion en fermant le robinet du tuyau dDd', dès qu'on s'aperçoit que la flamme s'affaiblit à un certain point, et avoir une grande attention pour ne point se laisser surprendre. A une première combustion ainsi faite on peut en faire succéder une seconde, une troisième, etc. On refait alors le vide comme la première fois ; on remplit le ballon de gaz oxygène, on ouvre le robinet du tuyau par lequel s'introduit le gaz hydrogène, et un allume par l'étincelle électrique. Pendant toutes ces opérations, l'eau qui se forme se condense sur les parois du ballon et ruisselle de toutes parts : elle se rassemble au fond, et il est aisé d'en déterminer le poids quand on connaît celui du ballon. Nous rendrons compte un jour, M. Meusnier et moi, des détails de l'expérience que nous avons faite avec cet appareil, dans les mois de janvier et de février 1785, en présence d'une grande partie des membres de l'Académie. Nous avons tellement multiplié les précautions, que nous avons lieu de la croire exacte. D'après le résultat que nous avons obtenu, 100 parties d'eau en poids sont composées de 85 d'oxygène et de 15 d'hydrogène. Il est encore un autre appareil pour la combustion, avec lequel on ne peut pas faire des expériences aussi exactes qu'avec les précédents, mais qui présente un résultat très-frappant et très-propre à être présenté dans un cours de physique et de chimie. Il consiste dans un serpentin EF (pl. IX, fig. 5), renfermé dans un seau de métal ABCD. A la partie supérieure E du tuyau de ce serpentin, on adapte une cheminée GH composée d'un double tuyau ; savoir, de la continuation du serpentin et d'un tuyau de fer-blanc qui l’environne. Ces deux tuyaux laissent entre eux un intervalle de 1 pouce environ, qu'on remplit avec du sable.


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A l'extrémité inférieure du tuyau intérieur K s'adapte un tube de verre, et au-dessous une lampe à esprit-de-vin LM, à la Quinquet. Les choses ainsi préparées, et la quantité d'alcool contenue dans la lampe ayant été bien déterminée, on allume. L'eau qui se forme pendant la combustion de l’alcool s'élève par le tube KE ; elle se condense dans le serpentin contenu dans le seau ABCD, et va ressortir en état d'eau par l'extrémité F du tube, on elle est reçue dans une bouteille P. La double enveloppe GR est destinée à empêcher que le tube ne se refroidisse dans sa partie montante, et que l'eau ne s'y condense. Elle redescendrait le long du tube, sans qu'on pût en déterminer la quantité ; il pourrait, d'ailleurs, en retomber sur la mèche des gouttes qui ne manqueraient pas de l'éteindre. L'objet de cet appareil est donc d'entretenir touj ours chaude toute la partie GH, que j'appelle la cheminée, et toujours froide, au contraire, la. partie qui forme le serpentin proprement dit ; en sorte que l'eau soit touj ours dans l'état de vapeurs dans la partie montante, et qu'elle se condense sitôt qu'elle est engagée dans la partie descendante. Cet appareil a été imaginé par M. Meusnier : j'en ai donné la description dans les Mémoires de l'Académie, année 1784, pages 593 et 594. On peut, en opérant avec précaution, c'est-à-dire en entretenant l'eau qui environne le serpentin touj ours froide, retirer près de 17 onces d'eau de la combustion de 16 onces d'esprit- de-vin ou alcool.

§ VI. DE L'OXYDATION DES MÉTAUX. On désigne principalement par le nom de calcination ou oxydation une opération dans laquelle les métaux, exposés à un certain degré de chaleur, se convertissent en oxydes, en absorbant l'oxygène de l'air. Cette combinaison se fait en raison de ce que l'oxygène a plus d'affinité, du moins à un certain degré de température, avec les métaux,


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qu'il n'en a avec le calorique. En conséquence, le calorique devient libre et se dégage ; mais, comme l’opération, lorsqu'elle se fait dans fait commun, est successive et lente, le dégagement du calorique est peu sensible. Il n'en est pas de même lorsque la calcination s'opère dans le gaz oxygène ; elle se fait alors d'une manière beaucoup plus rapide, elle est souvent accompagnée de chaleur et de lumière ; eu sorte qu'on ne peut douter que les substances métalliques ne soient de véritables corps combustibles. Les métaux n'ont pas tous le même degré d'affinité pour l’oxygène. L'or et l'argent, par exemple, et même le platine, ne peuvent l’enlever au calorique, à quelque degré de chaleur que ce soit. Quant aux autres métaux, ils s'en chargent d'une quantité plus ou moins grande, et, en général, ils en absorbent jusqu'à ce que ce principe soit en équilibre entre la force du calorique qui le retient, et celle du métal qui l'attire. Cet équilibre est une loi générale de la nature dans toutes les combinaisons. Dans les opérations de docimasie et dans toutes celles relatives aux arts, on accélère l’oxydation du métal en donnant un libre accès à fait extérieur. Quelquefois même on y joint faction d'un soufflet dont le courant est dirigé sur la surface du métal. L'opération est encore plus rapide, si on souffle du gaz oxygène ; ce qui est très-facile à l'aide du gazomètre dont j'ai donné la description. (Voyez page 257.) Alors le métal brêle avec flamme, et l’oxydation est terminée en quelques instants ; maison ne peut employer ce dernier moyen due pour des expériences très en petit, à cause de la cherté du gaz oxygène. Dans l’essai des mines, et, en général, dans toutes les opérations courantes des laboratoires, on est dans l’usage de calciner ou oxyder les métaux sur un plat ou soucoupe de terre cuite (pl. IV, fig. 6), qu'on place sur un bon fourneau : on nomme ces plats ou soucoupes têts à rôtir. De temps en temps on remue la matière qu'on veut calciner, afin de renouveler les surfaces. Toutes les fois qu'on opère sur une substance métallique qui n'est pas volatile, et qu'il ne se dissipe rien pendant l'opération, il y a aug- [augmentation]


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mentation de poids du métal. Mais des expériences faites ainsi en plein air n'auraient jamais conduit à reconnaître la cause de l'augmentation du poids des métaux pendant leur oxydation. Ce n'est que du moment où l'on a commencé à opérer dans des vaisseaux fermés et dans des quantités déterminées d'air, qu'on a été véritablement sur la voie de la découverte des causes de ce phénomène. Un premier moyen, qu'on doit à M. Priestley, consiste à exposer le métal qu'on se propose de calciner sur une capsule N de porcelaine (Pl. IV, fig. 11), placée sur un support un peu élevé IK ; à le recouvrir avec une cloche de cristal A, plongée dans un bassin plein d'eau BCDE, et à élever l'eau jusqu'en GH, en suçant l'air de la cloche avec un siphon qu'on passe par-dessous ; on fait ensuite tomber sur le métal le foyer d'un verre ardent. En quelques minutes l'oxydation s'opère : une partie de l'oxygène contenu dans l'air se combine avec le métal ; il y a une diminution proportionnée dans le volume de l'air, et ce qui reste n'est plus que du gaz azote, encore mêlé cependant d'une petite quantité de gaz oxygène. J'ai exposé le détail des expériences que j'ai faites avec cet appareil dans mes opuscules physiques et chimiques, imprimés en 1773, pages 283, 284, 285 et 286. On peut substituer le mercure à l'eau, et l'expérience n'en est que plus concluante. Un autre procédé dont j'ai exposé le résultat dans les Mémoires de l'Académie, année 1774, page 361, et dont la première idée appartient à Boyle, consiste à introduire le métal sur lequel on veut opérer dans une cornue A (pl. III, fig. 20), dont on tire à la lampe l'extrémité du col, et qu'on ferme hermétiquement en C. On oxyde ensuite le métal, en tenant la cornue sur un feu de charbon, et en chauffant avec précaution. Le poids du vaisseau et des matières qu'il contient ne change pas, tant qu'on n'a pas rompu l'extrémité C du bec de la cornue ; mais, sitôt qu'on procure à l'air extérieur une issue pour rentrer, il se fait avec sifflement. Cette opération ne serait pas sans quelque danger, si on scellait hermétiquement la cornue sans avoir fait sortir auparavant une portion de l'air qu'elle contenait ; la dilatation occasionnée par la chaleur


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pourrait faire éclater le vaisseau, avec risque pour ceux qui le tiendraient ou qui seraient dans le voisinage. Pour prévenir ce danger, on doit faire chauffer la cornue avant de la sceller à la lampe, et en faire sortir une portion d'air qu'on reçoit sous une cloche dans l'appareil pneumato-chimique, afin de pouvoir en déterminer la quantité. Je n'ai point multiplié, autant que je l'aurais désiré, ces oxydations, et je n'ai obtenu de résultats satisfaisants qu'avec l'étain : le plomb ne m'a pas bien réussi. Il serait à souhaiter que quelqu'un voulût bien reprendre ce travail et tenter l'oxydation dans différents gaz : il serait, je crois, bien dédommagé des peines attachées à ce genre d'expériences. Tous les oxydes de mercure étant susceptibles de se revivifier sans addition, et de restituer dans son état de pureté l'oxygène qu'ils ont absorbé, aucun métal n'était plus propre à devenir le sujet d'expériences très-concluantes sur la calcination et l'oxydation des métaux. J'avais d'abord tenté, pour opérer l'oxydation du mercure dans les vaisseaux fermés, de remplir une cornue de gaz oxygène, d'y introduire une petite portion de mercure et d'adapter à son col une vessie à moitié remplie de gaz oxygène, comme on le voit représenté pl. IV, fig. 19. Je, faisais ensuite chauffer le mercure de la cornue, et, en continuant très-longtemps l'opération, j'étais parvenu à en oxyder une petite portion, et à former de l'oxyde rouge qui nageait à la surface ; mais la quantité de mercure que je suis parvenu à oxyder de cette manière était si petite, que la moindre erreur commise dans la détermination des quantités de gaz oxygène avant et après l'oxydation aurait jeté la plus grande incertitude sur mes résultats. J'étais touj ours inquiet d'ailleurs, et non sans de justes raisons, qu'il ne se fût échappé de l'air à travers les pores de la vessie, d'autant plus qu'elle se racornit, pendant l'opération, par la chaleur du fourneau dans lequel on opère, à moins qu'on ne la recouvre de linges entretenus touj ours humides. On opère d'une manière plus sûre avec l'appareil représenté pl. IV, fig. 2. (Voyez Mémoires de l’Académie, année 1775, p. 580.) Il consiste en une cornue A , au bec de laquelle on soude, à la lampe d'émailleur,


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un tuyau de verre recourbé BCDE, de 10 à 12 lignes de diamètre, qui s'engage sous une cloche FG contenue et retournée dans un bassin plein d'eau, ou de mercure. Cette cornue est soutenue sur les barres d'un fourneau MMNN : on peut aussi se servir d'un bain de sable. On parvient, avec cet appareil, à oxyder en plusieurs jours un peu de mercure dans l'air ordinaire, et à obtenir un peu d'oxyde rouge qui nage à la surface ; on peut même le rassembler, le revivifier et comparer les quantités de gaz obtenu avec l'absorption qui a lieu pendant la calcination (voyez, page 36, le détails que j'ai donnés sur cette expérience) ; mais ce genre d'opération ne pouvant se faire que très en petit, il reste touj ours de l'incertitude sur les quantités. La combustion du fer dans le gaz oxygène étant une véritable oxydation, je dois en faire mention ici. L'appareil qu'emploie M. Ingenhousz pour cette opération est représenté pl. IV, fig. 17. J'en ai déjà donné la description, page 39, et je ne puis qu'y renvoyer. On peut aussi brûler et oxyder du fer sous des cloches de verre remplies de gaz oxygène, de la même manière qu'on brille du phosphore ou du charbon. On se sert également, pour cette opération, de l'appareil représenté pl. IV, fig. 3, et dont j'ai donné la description, page 40. Il faut, dans cette expérience, comme dans la combustion. attacher, à l'une des extrémités du fil de fer ou des copeaux de fer, qu'on se propose de brûler, un petit morceau d'amadou et un atome de phosphore : le fer chaud qu'on passe sous la cloche allume le phosphore ; celui-ci allume l'amadou, et l'inflammation se communique au fer. M. Ingenhousz nous a appris qu'on pouvait brûler ou oxyder de la même manière tous les métaux, à l'exception de l'or, de l'argent et du mercure. Il ne s'agit que de se procurer ces métaux en fils très-fins ou en feuilles minces coupées par bandes ; on les tortille avec du fil de fer ; et ce dernier métal communique aux autres la propriété de s'enflammer et de s’oxyder. Nous venons de voir comment on parvenait à oxyder de très-petites quantités de mercure dans les vaisseaux fermés et dans des volumes d'air limités : ce n'est de même qu'avec beaucoup de peine qu'on par- [parvient]


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vient à oxyder ce métal, même à l'air libre. On se sert ordinairement dans les laboratoires, pour cette opération, d'un matras A (pl. IV, fig. 10) à cul très-plat, qui a un col BC très-allongé et terminé par une très-petite ouverture : ce vaisseau porte le nom d'enfer de Boyle. On y introduit assez de mercure pour couvrir son fond, et on le place sur un bain de sable qu'on entretient à un degré de chaleur fort approchant du mercure bouillant. En continuant ainsi, pendant plusieurs mois, avec cinq ou six de ces matras, et en renouvelant de temps en temps le mercure, on parvient à obtenir quelques onces de cet oxyde. Cet appareil a un grand inconvénient, c'est que l’air ne s'y renouvelle pas assez ; mais, d'un autre côté, si on donnait à l’air extérieur une circulation trop libre, il emporterait avec lui du mercure en dissolution, et, au bout de quelques jours, on n'en retrouverait plus dans le vaisseau. Comme, de toutes les expériences que l'on peut faine sur l'oxydation des métaux, celles sur le mercure sont les plus concluantes, il serait à souhaiter qu'on pût imaginer un appareil simple, au moyen duquel on pût démontrer cette oxydation et les résultats qu'on en obtient dans les cours publics. On y parviendrait, ce me semble, par des moyens analogues à ceux que j'ai décrits pour la combustion des huiles ou du charbon ; mais je n'ai pu reprendre encore ce genre d'expériences. L'oxyde de mercure se revivifie, comme je l'ai dit, sans addition ; il suffit de le faire chauffer à un degré de chaleur légèrement rouge. L'oxygène, à ce degré, a plus d'affinité avec le calorique qu'avec le mercure, et il se forme du gaz oxygène ; mais ce gaz est toujours mêlé d'un peu de gaz azote, ce qui indique que le mercure en absorbe une petite portion pendant son oxydation. Il contient aussi presque touj ours un peu de gaz acide carbonique ; ce qu'on doit sans doute attribuer aux ordures qui s'y mêlent, qui se charbonnent et qui convertissent ensuite une portion de gaz oxygène en gaz acide carbonique. Si les chimistes étaient réduits à tirer de l'oxyde de mercure fait


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par voie de calcination tout le gaz oxygène qu'ils emploient dans leurs expériences, le prix excessif de cette préparation rendrait absolument impraticables les expériences un peu en grand. Mais on peut également oxygéner le mercure par l’acide nitrique, et on obtient un oxyde rouge plus pur que celui même qui a été fait par voie de calcination. On le trouve tout préparé dans le commerce et à un prix modéré : il faut choisir de préférence celui qui est en morceaux solides et formé de lames douces au toucher et qui tiennent ensemble. Celui qui est en poudre est quelquefois mélangé d'oxyde rouge de plomb : il ne paraît pas que celui en morceaux solides soit susceptible de la même altération. J'ai quelquefois essayé de préparer moi-même cet oxyde par l'acide nitrique : la dissolution du métal faite, j'évaporais jusqu'à siccité, et je calcinais le sel, ou dans des cornues, ou dans des capsules faites avec des fragments de matras coupés par la méthode que j'ai indiquée ; mais jamais je n'ai pu parvenir à l’avoir aussi beau que celui du commerce. On le tire, je crois, de Hollande. Pour obtenir le gaz oxygène de l’oxyde de mercure, j'ai coutume de me servir d'une cornue de porcelaine à laquelle j'adapte un long tube de verre, qui s'engage sous des cloches dans l’appareil pneumato-chimique à l'eau. Je place au bout du tube un vase plongé dans l'eau, dans lequel se rassemble le mercure à mesure qu'il se revivifie. Le gaz oxygène ne commence à passer que quand la cornue devient rouge. C'est un principe général que M. Berthollet a bien établi, qu'une chaleur obscure ne suffit pas pour former du gaz oxygène ; il faut de la lumière : ce qui semble prouver que la lumière est un de ses principes contituants. On doit, dans la revivification de l'oxyde rouge de mercure, rejeter les premières portions de gaz qu'on obtient, parce qu'elles sont mêlées d'air commun en raison de celui contenu dans le vide des vaisseaux : mais, avec cette précaution même, on ne parvient pas à obtenir du gaz oxygène parfaitement pur ; il contient communément un dixième de gaz azote, et presque touj ours une très-petite portion de gaz acide carbonique. On se débarrasse de ce dernier au moyen d'une liqueur alcaline caustique, à travers laquelle on fait


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passer le gaz qu'on a obtenu. A l'égard du gaz azote, on ne connaît aucun moyen de l'en séparer ; mais on peut en connaître la quantité en laissant le gaz oxygène pendant une quinzaine de jours en contact avec du sulfure de soude ou de potasse. Le gaz oxygène est absorbé ; il forme de l'acide sulfurique avec le soufre, et il ne reste que le gaz azote seul. Il y a beaucoup d'autres moyens de se procurer du gaz oxygène : on peut le tirer de l'oxyde noir de manganèse ou du nitrate de potasse par une chaleur rouge, et l'appareil qu'on emploie est à peu près le même que celui que j'ai décrit pour l'oxyde rouge de mercure. Il faut seulement un degré de chaleur plus fort et au moins égal à celui qui est susceptible de ramollir le verre : on ne peut, en conséquence, employer que des cornacs de grès ou de porcelaine. Mais le meilleur de tous, c'est-à-dire le plus pur, est celui qu'on dégage du muriate oxygéné de potasse par la simple chaleur. Cette opération peut se faire dans une cornue de verre, et le gaz qu'on obtient est absolument pur, pourvu toutefois que l'on rejette les premières portions, qui sont mêlées d'air des vaisseaux.

§ VII. DE LA DÉTONATION.

J'ai fait voir, partie I, chapitre IX, p. 81 et suivantes, que l'oxygène, en se combinant dans les différents corps, ne se dépouillait pas touj ours de tout le calorique qui le constituait dans l'état de gaz ; qu'il entrait, par exemple, avec presque tout son calorique, dans la combinaison qui forme l'acide nitrique et dans celle qui forme l'acide muriatique oxygéné ; en sorte que l'oxygène, dans le nitre, et surtout dans le muriate oxygéné, était, jusqu'à un certain point, dans l'état de gaz oxygène condensé et. réduit au plus petit volume qu'il puisse occuper. Le calorique, dans ces combinaisons, exerce un effort continuel sur l'oxygène, pour le ramener à l'état de gaz : l'oxygène, en conséquence, y tient peu ; la moindre force suffit pour lui rendre la liberté, et il


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reparaît souvent, dans un instant presque indivisible, dans l’état de gaz. C'est ce passage brusque de l'état concret à l’état aériforme qu'on a nommé détonation, parce qu'en effet il est ordinairement accompagné de bruit et de fracas. Le plus communément ces détonations s'opèrent par la combinaison du charbon, soit avec le nitre, soit avec le muriate oxygéné. Quelquefois, pour faciliter encore l'inflammation, on y ajoute du soufre, et c'est ce mélange, fait dans de justes proportions et avec des manipulations convenables, qui constitue la poudre à canon. L'oxygène, par la détonation avec le charbon, change de nature, et il se convertit en acide carbonique. Ce n'est donc pas du gaz oxygène qui se dégage, mais du gaz acide carbonique, du moins quand le mélange a été fait dans de justes proportions. Il se dégage, en outre, du gaz azote dans la détonation du nitre, parce que l'azote est un des principes constituants de l'acide nitrique. Mais l’expansion subite et instantanée de ces gaz ne suffit pas pour expliquer tous les phénomènes relatifs à la détonation. Si cette cause y influait seule, la poudre serait d'autant plus forte que la quantité de gaz dégagé dans un temps donné serait plus considérable, ce qui ne s'accorde pas toujours avec l’expérience. J'ai eu occasion d'éprouver des espèces de poudre à tirer qui produisaient un effet presque double de la poudre ordinaire, quoiqu'elles donnassent un sixième de gaz de moins par la détonation. Il y a apparence que la quantité de calorique qui se dégage au moment de la détonation contribue beaucoup à augmenter l'effet, et on peut en concevoir plusieurs raisons. Premièrement, quoique le calorique pénètre assez librement à travers les pores de tous les corps, il ne peut cependant y passer que successivement et en un temps donné : lors donc que la quantité qui se dégage à la fois est trop considérable, et qu'elle est beaucoup plus grande que celle qui peut se débiter, s'il est permis de se servir de cette expression, par les pores des corps, il doit agir à la manière des fluides élastiques ordinaires et renverser tout ce qui s'oppose à son passage. Une partie de cet effet doit avoir lieu lorsqu'on allume de la poudre


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dans un canon : quoique le métal qui le compose soit perméable pour le calorique, la quantité qui s'en dégage à la fois est tellement grande, qu'elle ne trouve pas une issue assez prompte à travers les pores du métal ; elle fait donc un effort en tous sens, et c'est cet effort qui est employé à chasser le boulet. Secondement, le calorique produit nécessairement un second effet, qui dépend également de la force répulsive que ses molécules paraissent exercer les unes sur les autres : il dilate les gaz qui se dégagent au moment de l'inflammation de la poudre, et cette dilatation est d'autant plus grande que la température est plus élevée. Troisièmement, il est possible qu'il y ait décomposition de l'eau dans l'inflammation de la poudre, et qu'elle fournisse de l'oxygène au charbon pour former de l'acide carbonique. Si les choses se passent ainsi, il doit se dégager rapidement, au moment de la détonation de la poudre, une grande quantité de gaz hydrogène qui se débande et qui contribue à augmenter la force de l'explosion. On sentira combien cette circonstance doit contribuer à augmenter l'effet de la poudre, si l'on considère que le gaz hydrogène ne pèse qu'un grain deux tiers par pinte ; qu'il n'en faut, par conséquent, qu'une très-petite quantité en poids pour occuper un très-grand espace, et qu'il doit exercer une force expansive prodigieuse, quand il passe de l'état liquide à l'état aériforme. Quatrièmement, enfin, une portion d'eau non décomposée doit se réduire en vapeurs dans l'inflammation de la poudre, et l'on sait due. dans l'état de gaz, elle occupe un volume dix-sept à dix-huit cents fois plus grand que lorsqu'elle est dans l'état liquide. J'ai déjà fait une assez grande suite d'expériences sur la nature des fluides élastiques qui se dégagent de la détonation du nitre avec le charbon et avec le soufre ; j'en ai fait aussi quelques-unes avec le muriate oxygéné de potasse. C'est un moyen qui conduit à des connaissances assez précises sur les parties constituantes de ces sels, et j'ai déjà donné, tome XI du recueil des Mémoires présentés à l'Académie par des savants étrangers, page 625, quelques résultats principaux


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de, mes expériences et des conséquences auxquelles elles m'ont conduit relativement à l'analyse de l'acide nitrique. Maintenant que je me suis procuré des appareils plus commodes, je me prépare à répéter les mêmes expériences un peu plus en grand, et j'obtiendrai plus de précision dans les résultats ; en attendant, je vais rendre compte des procédés que j'ai adoptés et employés jusqu'à présent. Je recommande avec bien de l'instance à ceux qui voudront répéter quelques-unes de ces expériences d’y apporter une extrême prudence, de se méfier de tout mélange où il entre du salpêtre, du charbon et du soufre, et plus encore de ceux dans lesquels il entre du sel muriatique oxygéné de potasse combiné et mélangé avec ces deux matières. Je me suis prémuni de canons de pistolet de six pouces de longueur environ et de cinq à six lignes de diamètre. J'en ai bouché la lumière avec une pointe de clou frappée à force, cassée dans le trou même, et sur laquelle j ’ai fait couler un peu de soudure blanche de ferblantier, afin qu'il ne restât aucune issue à l'air par cette ouverture. On charge ces canons avec une pâte médiocrement humectée, faite avec des quantités bien connues de salpêtre et de charbon, réduits en pondre impalpable, ou de tout autre mélange susceptible de détoner. A chaque portion de matière qu'on introduit dans le canon, on doit bourrer avec un bâton qui soit du même calibre, à peu près comme on charge les fusées. La matière ne doit pas emplir le pistolet tout à fait jusqu'à sa bouche ; il est. bon qu'if reste quatre ou cinq lignes de vide à l'extrémité : alors on ajoute un bout de 2 pouces de long environ de miche, nommée étoupille. La seule difficulté de ce genre d’expériences, surtout si l'on ajoute du soufre au mélange, est de saisir le point d'humectation convenable : si la matière est trop humide, elle n'est point susceptible de s'allumer ; si elle est trop sèche, la détonation est trop vive et peut devenir dangereuse. Quand on n'a pas pour objet de faire une expérience rigoureusement exacte, on allume la mèche, et, quand elle est près de, communiquer l'inflammation à la matière, on plonge le pistolet sous une grande cloche d'eau dans l'appareil pneumato- chimique. La détonation


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commencée, elle se continue sous l'eau, et le gaz se dégage avec plus ou moins de rapidité, suivant que la matière est plus ou moins sèche. Il faut, tant que la détonation dure, tenir le pont du pistolet incliné, afin que l'eau ne rentre pas dans l'intérieur. J'ai quelquefois recueilli ainsi le gaz produit par la détonation d'une once et demie ou de deux onces de nitre. Il n'est pas possible, dans cette manière d'opérer, de connaître la quantité de gaz acide carbonique qui se dégage, parce qu'une partie est absorbée par l'eau à mesure qu'il la traverse ; mais, l'acide carbonique une fois absorbé, il reste le gaz azote, et, si ou a la précaution de l'agiter pendant quelques minutes dans de la potasse caustique en liqueur, on l'obtient pur, et il est. aisé d'en déterminer le volume et le poids. Il est même possible d'arriver par cette méthode à une connaissance assez précise de la quantité de gaz acide carbonique, en répétant l'expérience un grand nombre de fois, et en faisant varier les doses du charbon jusqu'à ce qu'on soit arrivé à la juste proportion qui fait détoner la totalité du nitre. Alors, d'après le poids du charbon employé, on détermine celui d'oxygène qui a été nécessaire pour le saturer, et on en conclut la quantité d'oxygène contenu dans une quantité donnée de nitre. Il est, au surplus, un autre moyen que j'ai pratiqué, et qui conduit à des résultats plus- sûrs ; c'est de recevoir dans des cloches remplies de mercure le gaz qui se dégage. Le bain de mercure que j'ai maintenant est assez grand pour qu'on puisse y placer des cloches de douze à quinze pintes de capacité. De pareilles cloches, comme l'on sent, ne sont pas très-maniables quand elles sont remplies de mercure ; aussi faut-il employer, pour les remplir, des moyens particuliers que je vais indiquer. On place la cloche sur le bain de mercure ; on passe par dessous un siphon de verre dont on a adapté l'extrémité extérieure à une petite pompe pneumatique : on fait jouer le piston, et on élève le mercure jusqu'au haut de la cloche. Lorsqu'elle est ainsi remplie, on y fait passer le gaz de la détonation de la même manière que dans une cloche qui serait remplie d'eau. Mais, je le répète, ce genre


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d'expériences exige les plus grandes précautions. J'ai vu quelquefois, quand le dégagement du gaz était trop rapide, des cloches pleines de mercure, pesant plus de 150 livres, s'enlever par la force de l'explosion : le mercure jaillissait au loin, et la cloche était brisée en grand nombre d'éclats. Lorsque l'expérience a réussi et que le gaz est. rassemblé sous la cloche, on en détermine le volume, comme je l'ai indiqué, p. 267 à 270. On y introduit ensuite un peu d'eau, puis de la potasse dissoute dans l'eau et dépouillée d'acide carbonique, et on parvient à en faire une analyse rigoureuse, comme je l'ai enseigné p. 270 et suivantes. Il me tarde d'avoir mis la dernière main aux expériences que j'ai commencées sur les détonations, parce qu'elles ont un rapport immédiat avec les objets dont je suis chargé, et qu'elles jetteront, à ce que j'espère, quelques lumières sur les opérations relatives à la fabrication de la poudre.


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CHAPITRE VIII. DES INSTRUMENTS NÉCESSAIRES POUR OPÉRER SUR LES CORPS À DE TRÉS- HAUTES TEMPÉRATURES.

§I. DE LA FUSION.

Lorsqu'on écarte les unes des autres, par le moyen de l'eau, les molécules d'un sel, cette opération, comme nous l'avons vu plus haut, se nomme solution. Ni le dissolvant, ni le corps tenu en dissolution ne sont décomposés dans cette opération ; aussi, dès l'instant que la cause qui tenait les molécules écartées cesse, elles se réunissent, et la substance saline réparait telle qu'elle était avant la solution. On opère aussi de véritables solutions par le feu, c'est-à-dire en introduisant et en accumulant entre les molécules d'un corps une grande quantité de calorique. Cette solution des corps par le feu se nomme fusion. Les fusions en général se font dans des vases que l'on nomme creusets, et l'une des premières conditions est qu'ils soient moins fusibles que la substance qu'ils doivent contenir. Les chimistes de tous les âges ont en conséquence attaché une grande importance à se procurer des creusets de matières très-réfractaires, c'est-à-dire qui eussent la propriété de résister à un très-grand degré de feu. Les meilleurs sont ceux qui sont faits avec de l'argile très-pure ou de la terre à porcelaine. On doit éviter d'employer pour cet usage les argiles mélangées de silice ou de terre calcaire, parce qu'elles sont trop fusibles. Toutes celles qu'on tire aux environs de Paris sont dans ce cas ; aussi les creusets qu'on fabrique dans cette ville fondent-ils à une chaleur assez mé- [médiocre]


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diocre, et ne peuvent-ils servir que dans un très-petit nombre d'opérations chimiques. Ceux qui viennent de Hesse sont assez bons, mais on doit préférer ceux de terre de Limoges, qui paraissent être absolument infusibles. Il existe en France un grand nombre d'argiles propres à faire des creusets ; telle est celle, par exemple, dont on se sert pour les creusets de la glacerie de Saint-Gobain. On donne aux creusets différentes formes, suivant les opérations auxquelles on se propose de les employer. On a représenté celles qui sont les plus usitées dans les figures 7, 8, 9 et 10 de la planche VII Ceux représentés figure 9, qui sont presque fermés par en haut, se nomment tutes. Quoique la fusion puisse souvent avoir lieu sans que le corps qui y est soumis change de nature et se décompose, cette opération est cependant aussi un des moyens de décomposition et de recomposition que la chimie emploie. C'est par la fusion qu'on extrait tous les métaux de leurs mines, qu'on les revivifie, qu'on les moule, qu'on les allie les uns aux autres ; c'est par elle due l'on combine l'alcali et le sable pour former du verre, que se fabriquent les pierres colorées, les émaux, etc. Les anciens chimistes employaient beaucoup plus fréquemment l'action d'un feu violent que nous ne le faisons aujourd'hui. Depuis qu'on a introduit plus de rigueur dans la manière de faire des expériences, on préfère la voie humide à la voie sèche, et on n'a recours à la fusion que lorsqu'on a épuisé tous les autres moyens d'analyse. Pour appliquer aux corps l'action du feu, on se sert de fourneaux, et il me reste à décrire ceux qu'on emploie pour les différentes opérations de la chimie.

§ II. DES FOURNEAUX. Les fourneaux sont les instruments dont on fait le plus d'usage en chimie : c'est de leur bonne ou de leur mauvaise construction que dépend le sort d'un grand nombre d'opérations ; en sorte qu'il est


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d'une extrême importance de bien monter un laboratoire en ce genre. Un fourneau est une espèce de tour cylindrique creuse ABCD, quelquefois un peu évasée par le haut (pl. XIII, fig. 1). Elle doit avoir au moins deux ouvertures latérales : une supérieure F, qui est la porte du foyer ; une inférieure G, qui est la porte du cendriers Dans l'intervalle de ces deux portes, le fourneau est partagé eu deux par une grille placée horizontalement, qui forme une espèce de diaphragme et qui est destinée à soutenir le charbon. On a indiqué la place de cette grille par la ligne HI La capacité qui est au-dessus de la grille, c'est-à-dire au-dessus de la ligne HI, se nomme foyer, parce qu'en effet c'est dans cette parte que for entretient le feu ; la capacité qui est au-dessous porte le nom de cendrier, par la raison que c'est dans cette partie que se rassemblent les cendres à mesure qu'elles se forment. Le fourneau représenté planche XIII, figure 1, est le moins compliqué de tous ceux dont on se sert en chimie, et il peut être employé cependant à un grand nombre d'usages. On peut y pincer des creusets, y fondre du plomb, de l’étain, du bismuth, et en général toutes les matières qui n'exigent pas, pour être fondues, un degré de feu très-considérable. On peut y faire des calcinations métalliques, placer dessus des bassines, des vaisseaux évaporatoires, des capsules de fer, pour former des bains de sable, comme on le voit représenté pl. III, fig. 1 et 2. C'est pour le rendre applicable à ces différentes opérations, qu'on a ménagé dans le haut des échancrures mmmm autrement, la bassine qu'on aurait posée sur le fourneau aurait intercepté tout passage à fait, et le charbon se serait éteint. Si ce fourneau ne produit qu'un degré de chaleur médiocre, c'est que la quantité de charbon qu'il peut consommer est limitée par la quantité d'air qui peut passer par l’ouverture G du cendrier. On augmenterait beaucoup son effet en agrandissant cette ouverture ; mais le grand courant d'air qui conviendrait dans quelques expériences aurait de l'inconvénient dans beaucoup d'autres, et c'est ce qui oblige de garnir un laboratoire de fourneaux de différentes formes et construits sous différents points de


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vue. Il en faut surtout plusieurs semblables à celui que je viens de décrire, et de différentes grandeurs. Une autre espèce de fourneau, peut-être encore plus nécessaire, est le fourneau de réverbère représenté planche XIII, figure 2. Il est composé, comme le fourneau simple, d'un cendrier HIKL, dans sa partie inférieure, d'un foyer KGMN, d'un laboratoire MNOP, d'un dôme RSRS ; enfin, le dôme est surmonté d'un tuyau TTVV, auquel on peut en ajouter plusieurs autres suivant le genre des expériences. C'est dans la partie MNOP, nommée le laboratoire, que se place la cornue A, qu'on a indiquée par une ligne ponctuée ; elle y est soutenue sur deux barres de fer qui traversent le fourneau. Son col sort par une échancrure latérale, faite, partie dans la pièce qui forme le laboratoire, partie dans celle qui forme le dôme. A cette cornue s'adapte un récipient B. Dans la plupart des fourneaux de réverbère, qui se trouvent tout faits chez les potiers de terre à Paris, les ouvertures, tant inférieures que supérieures, sont beaucoup trop petites ; elles ne donnent point passage à un volume d'air assez considérable ; et, comme la quantité de charbon consommée, ou, ce qui revient au même, comme la quantité de calorique dégagée est à peu près proportionnelle à la quantité d'air qui passe par le fourneau, il en résulte que ces fourneaux ne produisent pas tout l'effet qu'on pourrait désirer dans un grand nombre d'opérations. Pour admettre d'abord. par le bas un volume d'air suffisant, il faut, au lieu d'une ouverture G au cendrier, en avoir deux GG : on en condamne une lorsqu'on le juge à propos, et alors on n'obtient plus qu'un degré de feu modéré ; on les ouvre, au contraire, l'une et l'autre, quand on veut donner le plus grand coup de feu que le fourneau puisse produire. L'ouverture supérieure SS du dôme, ainsi que celle des tuyaux VVXX doit être aussi beaucoup plus grande qu'on n'a coutume de la faire. Il est important de ne point employer des cornues trop grosses relativement à la grandeur du fourneau. Il faut qu'il y ait touj ours un


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espace suffisant pour le passage de l'air entre les parois du fourneau et celles du vaisseau qui y est contenu. La cornue A, dans la figure 2, est un peu trop petite pour ce fourneau , et je trouve plus facile d'en avertir que de faire rectifier la figure. Le dôme a pour objet d'obliger la flamme et la chaleur à environner de toutes pans la cornue et de la réverbérer ; c'est de là qu'est venu le nom de fourneau de réverbère. Sans cette réverbération de la chaleur, la cornue ne serait échauffée que par son fond ; les vapeurs qui s'en élèveraient se condenseraient dans la partie supérieure, elles se recohoberaient continuellement sans passer dans le récipient : mais, au moyen du dôme, la cornue se trouve échauffée de toutes parts ; les vapeurs ne peuvent donc se condenser que dans le col et dans le récipient, et elles sont forcées de sortir de la cornue. Quelquefois, pour empêcher que le fond de la cornue ne soit échauffé ou refroidi trop brusquement, et pour éviter que ces alternatives de chaud et de froid n'en occasionnent la fracture, on place sur les barres une petite capsule de terre cuite dans laquelle on met un peu de sable, et on pose sur ce sable le fond de la cornue. Dans beaucoup d'opérations, on enduit les cornues de différents luts. Quelques-uns de ces luts n'ont pour objet que de les défendre des alternatives de chaud et de froid ; quelquefois ils ont pour objet de contenir le verre, ou plutôt de former une double cornue qui supplée à celle de verre dans les opérations où le degré de feu est assez fort. pour le ramollir. Le premier de ces luts se fait avec de la terre à four à laquelle on joint un peu de bourre ou poil de vache : on fait une pâte de ces matières, et on l’étend sur les cornues de verre ou de grès. Si, au lieu de terre à four qui est mélangée, on n'avait que de l’argile ou de la glaise pure, il faudrait y ajouter du sable. A l’égard de la bourre, elle est utile pour mieux lier ensemble la terre : elle brûle à la première impression du feu, mais les interstices qu'elle laisse empêchent que l'eau qui est contenue dans la terre, en se vaporisant, ne rompe la continuité du lut, et qu'il ne tombe en poussière.


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Le second lut est composé d'argile et de fragments de poteries de grès grossièrement pilés. On en fait une pâte assez ferme, qu'on étend sur les cornues. Ce lut se dessèche et se durcit par le feu, et forme lui-même une véritable cornue supplémentaire, qui contient les matières quand la cornue de verre vient à se ramollir. Mais ce lut n'est d'aucune utilité dans les expériences où on a pour objet de recueillir les gaz, parce qu'il est toujours poreux et que les fluides aériformes passent au travers. Dans un grand nombre d'opérations, et, en général, toutes les fois qu'on n'a pas besoin de donner au corps qu'on traite un degré de chaleur très-violent, le fourneau de réverbère peut servir de fourneau de fusion. On supprime alors le laboratoire MNUP, et on établit à la place le dôme RSRS, comme on le voit représenté planche XIII, figure 3. Un fourneau de fusion très-commode est celui représenté figure G. Il est composé d'un foyer ABCD, d'un cendrier sans porte et d'un dôme ABGH. Il est troué en E pour recevoir le bout d'un soufflet qu'on y lute solidement. Il doit être proportionnellement moins haut qu'il n'est représenté dans la figure. Ce fourneau ne procure pas un degré de feu très-violent ; mais il suffit pour toutes les opérations courantes. Il a, de plus, l'avantage d'être transporté commodément, et de pouvoir être placé dans tel lieu du laboratoire qu'on le juge à propos. Mais ces fourneaux particuliers ne dispensent pas d'avoir dans un laboratoire une forge garnie d'un bon soufflet, et, ce qui est encore plus important, un bon fourneau de fusion. Je vais donner la description de celui dont je me sers, et détailler les principes d'après lesquels je l'ai construit. L'air ne circule dans un fourneau que parce qu'il s'échauffe en passant à travers les charbons : alors il se dilate ; devenu plus léger que l'air environnant, il est, forcé de monter par la pression des colonnes latérales, et il est remplacé par de nouvel air, qui arrive de toutes parts, principalement par-dessous. Cette circulation de l'air a lieu lorsque l'on brûle du charbon même dans un simple réchaud : mais il


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est aisé de concevoir que la masse d'air qui passe par un fourneau ainsi ouvert de toutes parts ne peut pas être, toutes choses d'ailleurs égales, aussi grande clac celle qui est contrainte de passer par un fourneau formé en tour creuse, comme le sont en général les fourneaux chimiques, et que, par conséquent, la combustion ne peut pas y être aussi rapide. Soit supposé, par exemple, un fourneau ABCDEF (pl. XIII, fig. 5), ouvert par le haut et rempli de charbons ardents ; la force avec laquelle l'air sera obligé de passer à travers les charbons sera mesurée par la différence de pesanteur spécifique de deux colonnes AC, l'une d'air froid pris en dehors du fourneau, l'autre d'air chaud pris en dedans. Ce n'est pas qu'il n'y ait encore de l'air échauffé au-dessus de l'ouverture AB du fourneau, et il est certain que son excès de légèreté doit entrer aussi pour quelque chose dans le calcul ; mais, comme cet air chaud est continuellement refroidi et emporté par l'air extérieur, cette portion ne peut pas faire beaucoup d'effet. Mais si à ce même fourneau on ajoute un grand tuyau creux de même diamètre que celui GHAB, qui défende l'air qui a été échauffé par les charbons ardents d'être refroidi, dispersé et emporté par l'air environnant, la différence de pesanteur spécifique en vertu de laquelle s'opérera la circulation de l'air ne sera plus celle de deux colonnes AC, l'une extérieure, l'autre intérieure ; ce sera celle de deux colonnes égales à GG'. Or, à chaleur égale, si la colonne GC = 3 AC, la circulation de l'air se fera en raison d'une force triple. Il est vrai clac je suppose ici que l'air contenu dans la capacité GHCD est autant échauffé que l'était l'air contenu dans la capacité ABCD, ce qui n'est pas rigoureusement vrai ; car la chaleur doit décroître de AB à GH mais , comme il est évident que l'air de la capacité GHAB est beaucoup plus chaud que l'air extérieur, il en résulte touj ours que l’addition de la tour creuse GHAB augmente la rapidité du courant d'air, qu'il en passe plus à travers les charbons, et que, par conséquent, il y aura plus de combustion. Conclurons-nous de ces principes qu'il faille augmenter indéfini- [indéfiniment]


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ment la longueur du tuyau GHAB ? Non, sans doute ; car, puisque la chaleur de l'air diminue de AB en GH, ne fût-ce que par le refroidissement causé à cet air par le contact des parois du tuyau, il en résulte que la pesanteur spécifique de l'air qui le traverse diminue graduellement, et que, si le tuyau était prolongé à un certain point, on arriverait à un terme où la pesanteur spécifique de l'air serait égale en dedans et en dehors du tuyau ; et il est évident qu'alors cet air froid, qui ne tendrait plus à monter, serait une masse à déplacer, qui apporterait une résistance à l'ascension de l'air inférieur. Bien plus, comme cet air est nécessairement mêlé de gaz acide carbonique, et. que ce gaz est plus lourd que l'air atmosphérique, il arriverait, si ce tuyau était assez long pour que l'air, avant de parvenir à son extrémité , pût se rapprocher de la température extérieure, qu'il tendrait à redescendre ; d'où il faut conclure que la longueur des tuyaux qu'on ajoute sur les fourneaux est limitée par la nature des choses. Les conséquences auxquelles nous conduisent ces réflexions sont 1° Que le premier pied de tuyau qu'on ajoute sur le dôme d'un fourneau fait plus d'effet que le sixième, par exemple ; que le sixième en fait plus que le dixième : mais aucune expérience ne nous a encore fait connaître à quel terme on doit s'arrêter ; 2° Que ce terme est d'autant plus éloigné que le tuyau est moins bon conducteur de chaleur, puisque l'air s'y refroidit d'autant moins ; en sorte que la terre cuite est beaucoup préférable à la tôle pour faire des tuyaux de fourneaux, et que, si même on les formait d'une double enveloppe, si on remplissait l'intervalle de charbon pilé, qui est une des substances les moins propres à transmettre la chaleur, on retarderait le refroidissement de l'air, et on augmenterait, par conséquent, la rapidité du courant et la possibilité d'employer un tuyau plus long ; 3° Que le foyer du fourneau étant l'endroit le plus chaud et celui, par conséquent, où l'air qui le traverse est le plus dilaté, cette partie du fourneau doit être aussi la plus volumineuse, et qu'il est nécessaire d'y ménager un renflement considérable. Il est d'une nécessité d'au- [autant]


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tant plus indispensable de donner beaucoup de capacité à cette partie du fourneau, qu'elle n'est pas seulement destinée au passage de l'air, qui doit favoriser, ou, pour mieux dire, opérer la combustion ; elle doit encore contenir le charbon et le creuset ; en sorte qu'on ne peut compter, pour le passage de l'air, que l'intervalle due laissent entre eux les charbons. C'est d'après ces principes que j'ai construit mon fourneau de fusion, et je ne crois pas qu'il en existe aucun qui produise un effet plus violent. Cependant je n'ose pas encore me flatter d'être arrivé à la plus grande intensité de chaleur qu'on puisse produire dans les fourneaux chimiques. On n'a point encore déterminé par des expériences exactes l'augmentation de volume que prend l'air en traversant oui fourneau de fusion, en sorte qu'on ne connaît point le rapport qu'on doit observer entre les ouvertures inférieures et supérieures d'un fourneau : on connaît encore moins la grandeur absolue qu'il convient de donner à ces ouvertures. Les données manquent donc, et on ne peut encore arriver au but que par tâtonnement. Ce fourneau est représenté pl. XIII, fig. 6. Je lui ai donné, d'après les principes que je viens d'exposer, la forme d'un sphéroïde elliptique ABCD, dont les deux bouts sont coupés par un plan qui passerait par chacun des foyers perpendiculairement au grand axe. Au moyen du renflement qui résulte de cette figure, le fourneau peut tenir une masse de charbon considérable, et il reste encore dans l'intervalle assez d'espace pour le passage du courant d'air. Pour que rien ne s'oppose au libre accès de fait extérieur, je l'ai laissé entièrement ouvert par-dessous, à l'exemple de M. Macquer, qui avait déjà pris cette même précaution pour son fourneau de fusion, et je l'ai posé sur un trépied. La grille dont je me sers est à claire-voie et en fer méplat ; et, pour que les barreaux opposent moins d'obstacle au passage de l'air, je les ai fait poser, non sur leur coté plat, mais sur le côté le plus étroit, comme on le voit figure 7. Enfin, j'ai ajouté à la partie supérieure AB un tuyau de 18 pieds de long en terre cuite, et dont le diamètre intérieur est presque de moitié


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de celui du fourneau. Quoique j'obtienne déjà avec ce fourneau un feu supérieur à celui qu'aucun chimiste se soit encore procuré jusqu'ici, je le crois susceptible d'être sensiblement augmenté par les moyens simples que j'ai indiqués, et dont le principal consiste à rendre le tuyau FGAB le moins bon conducteur de chaleur qu'il soit possible. Il me reste à dire un mot du fourneau de coupelle ou fourneau d'essai. Lorsqu'on veut connaître si du plomb contient du fer ou de l'argent, on le chauffe à grand feu dans de petites capsules faites avec des os calcinés, et qui, eu termes d'essai, se nomment coupelles. Le plomb s'oxyde, il devient susceptible de se vitrifier, il s'imbibe et s'incorpore avec la coupelle. On conçoit que le plomb ne peut s'oxyder qu'avec le contact de l’air ; ce ne peut donc être, ni dans un creuset, où le libre accès de l'air extérieur est interdit, ni même au milieu d'un fourneau, à travers les charbons ardents, puisque l'air de l'intérieur d'un fourneau, altéré par la combustion et réduit, pour la plus grande partie, à l'état de gaz azote et de gaz acide carbonique, n'est plus propre à la calcination et à l’oxydation des métaux. Il a donc fallu imaginer un appareil particulier où le métal fût en même temps exposé à la grande violence du feu, et garanti du contact de l'air devenu incombustible par son passage à travers les charbons. Le fourneau destiné à remplir ce double objet a été nommé, dans les arts, fourneau de coupelle. Il est communément de forme carrée, ainsi qu'il est représenté planche XIII, figure 8. Voyez aussi sa coupe figure 10. Comme tous les fourneaux bien construits, il doit avoir un cendrier AABB, un foyer BBCC, un laboratoire CCDD, un dôme DDEE. C'est dans le laboratoire qu'on place ce qu'on nomme le mouffle. C'est une espèce de petit four GH (fig. 9 et 10), fait de terre cuite et fermé par le fond. On le pose sur des barres qui traversent le fourneau ; il s'ajuste avec l’ouverture G de la porte, et on l'y lute avec de l'argile délayée avec de l'eau. C'est dans cette espèce de four que se placent les coupelles. On met du charbon dessus et dessous le mouffle par les portes du dôme et du foyer ; l'air qui est entré par les ouver- [ouvertures]


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tures du cendrier, après avoir servi à la combustion, s'échappe par l'ouverture supérieure EE. A l'égard du mouffle, l'air extérieur y pénètre par la porte GG, et il y entretient la calcination métallique. En réfléchissant sur cette construction, on s'aperçoit aisément combien elle est vicieuse. Elle a deux inconvénients principaux : quand la porte GG est fermée, l'oxydation se fait lentement et difficilement, à défaut d'air pour l'entretenir ; lorsqu'elle est ouverte, le courant d'air froid qui s'introduit fait figer le métal et suspend l'opération. Il ne serait pas difficile de remédier à ces inconvénients, en construisant le mouffle et le fourneau de manière qu'il y eût un courant d'air extérieur touj ours renouvelé, qui rasât la surface du métal. On ferait passer cet air à travers un tuyau de terre qui serait entretenu rouge par le feu même du fourneau, afin que l'intérieur du mouille ne fût jamais refroidi ; et on ferait en quelques minutes ce qui demande souvent un temps considérable. M. Sage a été conduit par d'autres principes à de semblables conséquences. Il place la coupelle qui contient le plomb allié de fin dans un fourneau ordinaire à travers les charbons ; il la recouvre avec un petit mouffle de porcelaine, et, quand le tout est suffisamment chaud, il dirige sur le métal le courant d'air d'un soufflet ordinaire à main : la coupellation, de cette manière, se fait avec une grande facilité, et, à ce qu'il paraît, avec beaucoup d'exactitude.

§ III. DES MOYENS D'AUGMENTER CONSIDÉRABLEMENT L'ACTION DU FEU, EN SUBSTITUANT LE GAZ OXIGÈNE À L'AIR DE L'ATMOSPHÈRE

On a obtenu avec les grands verres ardents qui ont été construits jusqu'à ce jour, tels que ceux de Tschirnhausen et celui de M. de Trudaine, une intensité de chaleur un peu plus grande que celle qui a lieu dans les fourneaux chimiques, et même dans les fours où l'on cuit la porcelaine dure. Mais ces instruments sont extrêmement chers, et ils ne vont pas même jusqu'à fondre le platine brut ; en sorte que leur avantage, relativement à l'effet qu'ils produisent, n'est presque


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d'aucune considération, et qu'il est plus que compensé par la difficulté de se les procurer et même d'en faire usage. Les miroirs concaves à diamètre égal font un peu plus d'effet que les verres ardents ; on en a la preuve par les expériences faites par MM. Marquer et Baumé, avec le miroir de M. l’abbé Bouriot ; mais, comme la direction des rayons réfléchis est de bas en haut, il faut opérer en l'air et sans support, ce qui rend absolument impossible le plus grand nombre des expériences chimiques. Ces considérations m'avaient déterminé d'abord à essayer de remplir de grandes vessies de gaz oxygène, à y adapter un tube susceptible d'être fermé par un robinet, et à m'en servir pour animer avec ce gaz le feu des charbons allumés. L'intensité de chaleur fut telle, même dans mes premières tentatives, que je parvins à fondre une petite quantité de platine brut avec assez de facilité. C'est à ce premier succès que je dois l’idée du gazomètre dont j'ai donné la description, pag. 260 et suivantes. Je l'ai substitué aux vessies ; et, comme on peut donner au gaz oxygène le degré de pression qu'on juge à propos, on peut non- seulement s'en procurer un écoulement continu, mais lui donner même un grand degré de vitesse. Le seul appareil dont on ait besoin pour ce genre d'expériences consiste en une petite table ABCD (pl. XII, fig. 15), percée d'un trou en F, à travers lequel on fait passer un tube de cuivre ou d'argent FG, terminé en G par une très-petite ouverture, qu’on peut ouvrir ou fermer par le moyen du robinet H. Ce tube se continue par-dessous la table en lmno et va s'adapter au gazomètre, avec l'intérieur duquel il communique. Lorsqu'on veut opérer, on commence à faire avec le tournevis KI un creux de quelques lignes de profondeur dans un gros charbon noir. On place dans ce creux le corps que l'on veut fondre : on allume ensuite le charbon avec un chalumeau de verre, à la flamme d'une chandelle ou d'une bougie ; après quoi on l’expose au, courant du gaz oxygène qui sort avec rapidité par le bec on extrémité G du tube FG. Cette manière d'opérer ne peut être employée que pour les corps


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qui peuvent être mis sans inconvénient en contact avec les charbons, tels que les métaux, les terres simples, etc. A l'égard des corps dont les principes ont de l'affinité avec le charbon, et que cette substance décompose, comme les sulfates, les phosphates, et en général presque tous les sels neutres, les verres métalliques, les émaux, etc. on se sert de la lampe d'émailleur, à travers laquelle on fait passer un courant de gaz oxygène. Alors, au lieu de l'ajutage recourbé FG, on se sert de celui coudé ST, qu'on visse à la place, et qui dirige le courant de gaz oxygène à travers la flamme de la lampe. L'intensité de chaleur que donne ce second moyen n'est pas aussi forte que celle qu'on obtient par le premier, et ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on parvient à fondre le platine. Les supports dont on se sert dans cette seconde panière d'opérer sont ou des coupelles d'os calcinés, ou de petites capsules de porcelaine, ou même des capsules ou cuillers métalliques. Pourvu que ces dernières ne soient pas trop petites, elles ne fondent pas, attendu que les métaux sont bons conducteurs de chaleur, que le calorique se répartit en conséquence promptement et facilement dans toute la masse, et n'en échauffe que médiocrement chacune des parties. On peut voir dans les volumes de l'Académie, année 1782, p. 476. et 1783, p. 573, la suite d'expériences que j'ai faites avec cet appareil. Il en résulte 1° Que le cristal de roche, c'est-à-dire la terre siliceuse pure, est infusible ; mais qu'elle devient susceptible de ramollissement et de fusion, dés qu'elle est mélangée ; 2° Que la chaux, la magnésie et la baryte ne sont fusibles ni seules, ni combinées ensemble ; mais qu'elles facilitent, surtout la chaux, la fusion de toutes les autres substances ; 3° Que l'alumine est complètement fusible seule, et qu'il résulte de sa fusion une substance vitreuse opaque, très-dure, qui raye le verre comme les pierres précieuses ; 4° Que toutes les terres et pierres composées se fondent avec beaucoup de facilité, et forment un verre brun ;


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5° Que toutes les substances salines, même l’alcali fixe, se volatilisent en peu d'instants ; 6° Que l’or, l’argent, etc. et probablement le platine, se volatilisent lentement à ce degré de feu, et se dissipent sans aucune circonstance particulière ; 7° Que toutes les autres substances métalliques, à l’exception du mercure, s'oxydent, quoique placées sur un charbon ; qu'elles y brûlent avec une flamme plus ou moins grande et diversement colorée, et finissent par se dissiper entièrement ; 8° Que les oxydes métalliques brûlent également tous avec flamme ; ce qui semble établir un caractère distinctif de ces substances, et ce qui me porte à croire, comme Bergman fanait soupçonné, que la baryte est un oxyde métallique, quoiqu'on ne soit pas encore parvenu à en obtenir le métal dans son état de pureté ; 9° Que, parmi les pierres précieuses, les unes, comme le rubis, sont susceptibles de se ramollir et de se souder, sans que leur couleur et même que leur poids soient altérés ; que d'autres, comme l'hyacinthe, dont la fixité est presque égale à celle du rubis, perdent facilement leur couleur ; que la topaze de Saxe, la topaze et le rubis du Brésil non-seulement se décolorent promptement à ce degré de feu, mais qu'ils perdent même un cinquième de leur poids, et qu'il reste, lorsqu'ils ont subi cette altération, une terre blanche semblable en apparence à du quartz blanc ou à du biscuit de porcelaine ; enfin, que l’émeraude, la chrysolite et le grenat fondent presque sur-le-champ en un verre opaque et coloré ; 10° Qu'à l’égard du diamant, il présente une propriété qui lui est tonte particulière, celle de se brûler à la manière des corps combustibles et de se dissiper entièrement. Il est un autre moyen dont je n'ai point encore fait usage, pour augmenter encore davantage l’activité du feu par le moyen du gaz oxygène ; c'est de l’employer à souffler un feu de forge. M. Achard en a eu la première idée ; mais les procédés qu'il a employés, et au moyen desquels il croyait déphlogistiquer l'air de l’atmosphère, ne l’ont con- [conduit]


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duit à rien de satisfaisant. L'appareil que je me propose de faire construire sera très- simple : il consistera dans un fourneau ou espèce de forge d'une terre extrêmement réfractaire ; sa figure sera à peu près semblable à celle du fourneau représenté planche XIII, figure 4 ; il sera seulement moins élevé, et, en général, construit sur de plus petites dimensions. Il aura deux ouvertures, l'une en E, à laquelle s'adaptera le bout d'un soufflet, et une seconde, toute semblable, à laquelle s'ajustera un tuyau qui communiquera avec le gazomètre. Je pousserai d'abord le feu aussi loin qu'il sera possible par le vent du soufflet ; et, quand je serai parvenu à ce point, je remplirai entièrement le fourneau de charbons embrasés ; puis, interceptant tout à coup le vent du soufflet, je donnerai, par l'ouverture d'un robinet, accès au gaz oxygène du gazomètre, et je le ferai arriver avec quatre ou cinq pouces de pression. Je puis réunir ainsi le gaz oxygène de plusieurs gazomètres de manière à en faire passer jusqu'à huit à neuf pieds cubes à travers le fourneau, et je produirai une intensité de chaleur certainement très-supérieure à ce que nous connaissons. J'aurai soin de tenir l'ouverture supérieure du fourneau très-grande, afin que le calorique ait une libre issue, et qu'une expansion trop rapide de ce fluide si éminemment élastique ne produise point une explosion.


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TABLES À L’USAGE DES CHIMISTES.


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TABLES À L’USAGE DES CHIMISTES. I. - TABLE POUR CONVERTIR LES ONCES, GROS ET GRAINS, EN FRACTIONS DÉCIMALES DE LIVRE, POIDS ET MARC. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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[Tableau non reproduit dans cette version.]


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II. - TABLE POUR CONVERTIR LES FRACTIONS DÉCIMALES DE LIVRE EN FRACTIONS VULGAIRES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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III. - TABLE DU NOMBRE DE POUCES CUBES CORRRESPONDANTS À UN POIDS DÉTERMINÉ D’EAU. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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IV. - TABLE POUR CONVERTIR LES LIGNES ET FRACTIONS DE LIGNE EN FRACTIONS DÉCIMALES DE POUCE. [Tableau non reproduit dans cette version.] V. – TABLE POUR CONVERTIR LES HAUTEURS D’EAU OBSERVÉES DANS LES CLOCHES OU JARRES EN HAUTEURS CORRESPONDANTES DE MERCURE EXPRIMÉES EN FRACTIONS DÉCIMALES DE POUCE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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VI. – TABLE DES QUANTITÉS DE POUCES CUBIQUES FRANÇAIS CORRESPONDANTS À UNE ONCE-MESURE, DE M. PRIESTLEY. [Tableau non reproduit dans cette version.] VII. – TABLE DES PESANTEURS DES DIFÉRENTES GAZ, A 28 POUCES DE PRESSION ET À 10 DEGRÉS DU THERMOMÈTRE. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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VIII. – TABLE DES PESANTEURS SPÉCIFIQUES DES SUBSTANCES MINÉRALES, EXTRAITE DE L’OUVRAGE DE M. BRISSON. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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[Tableau non reproduit dans cette version.]


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Pagination originale du document : p.402


TABLE DES PESANTEURS SPÉCIFIQUES DES FLUIDES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.403


[Tableau non reproduit dans cette version.]


Pagination originale du document : p.404


TABLE DES PESANTEURS SPÉCIFIQUES DE QUELQUES SUBSTANCES VÉGÉTALES ET ANIMALES. [Tableau non reproduit dans cette version.]


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[Tableau non reproduit dans cette version.] FIN DES TABLES À L’USAGE DES CHIMISTES.


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EXTRAIT DES REGISTRES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES.

Du 4 février 1789. L'Académie nous a chargés, M. d'Arcet et moi, de lui rendre compte d'un traité élémentaire de chimie, que lui a présenté M. Lavoisier. Ce traité est divisé en trois parties : la première a principalement pour objet la formation des fluides aériformes et leur décomposition, la combustion des corps simples et la formation des acides. Les molécules des corps peuvent être considérées comme obéissant à deux forces, l'une répulsive, l'autre attractive. Pendant que la dernière de ces forces l'emporte, le corps demeure dans l’état solide ; si, au contraire, l'attraction est plus faible, les parties du corps perdent l'adhérence qu'elles avaient entre elles, et il cesse d'être un solide. La force répulsive est due au fluide très-subtil qui insinue à travers les molécules de tous les corps, et qui les écarte; cette substance, quelle qu' elle soit, étant la cause du la chaleur, ou, en d'autres termes, la sensation que nous appelons chaleur étant l'effet de l'accumulation de cette substance, on ne peut pas, dans un langage rigoureux, la désigner par le nom de chaleur, parce que la même dénomination ne peut pas exprimer la cause et l'effet; c'est ce qui a déterminé M. Lavoisier, avec les autres auteurs de la nomenclature chimique, à la désigner sous le nom de calorique. Nous nous contenterons, dans ce rapport, d'employer la nomenclature adoptée par M. Lavoisier; mais, dans le cours de son ouvrage, après avoir établi, par les expériences les plus exactes, les faits qui doivent servir de base aux connaissances


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chimiques, il a touj ours soin de justifier la nomenclature dont il fait usage, et de suivre les rapports qui doivent se trouver entre les idées et les mots qui les représentent. S'il n'existait que la force attractive des molécules de la matière, et la force répulsive du calorique, les corps passeraient brusquement de l’état de solide à celui de fluide aériforme ; mais une troisième force, la pression de l'atmosphère, met obstacle à cet écartement, et c'est à cet obstacle qu'est due l’existence des fluides. M. Lavoisier établit, par plusieurs expériences, quel est le degré de pression qui est nécessaire pour contenir différentes substances dans l’état liquide, et quel est le degré de chaleur nécessaire pour vaincre cette résistance. Mais il y a un certain nombre de substances qui, à la pression de notre atmosphère et au degré de froid connu, n'abandonnent jamais l'état de fluide aériforme ; ce sont celles-là qu'on désigne sous le nom de gaz. Puisque les molécules de tous les corps de la nature sont dans un état d'équilibre entre l'attraction, qui tend à les rapprocher et à les réunir, et les efforts du calorique, qui tend à les écarter, non-seulement le calorique environne de toutes parts les corps, mais encore il remplit les intervalles que les molécules laissent entre elles, et, comme, c'est un fluide extrêmement compressible, il s'y accumule, il s'y resserre et s'y combine en partie. De ces considérations, M. Lavoisier déduit l’explication de ce qu'on doit entendre par le calorique libre, le calorique combiné, la capacité de calorique, la chaleur absolue, la chaleur latente, la chaleur sensible. On pourrait lui reprocher d'avoir insisté trop peu sur la propriété élastique et compressible du calorique, et de là résulte une différence entre ses principes et la théorie de M. Black sur la capacité de chaleur ; mais, en écartant cette considération, les idées de M. Lavoisier ont acquis l'avantage d'avoir plus de clarté. Après ces principes généraux, M. Lavoisier décrit le moyen qu'a imaginé M. de Laplace pour déterminer par la quantité de glace fondue celle du calorique qui s'est dégagé, au milieu de cette glace, d'un corps qui était élevé à une certaine température, ou d'une combinaison qui s'y est formée. Il passe ensuite à des vues générales sur la formation et la constitution de l'atmosphère de la terre, non- seulement en la considérant dans l’état où elle se trouve, mais encore dans différents états hypothétiques. Notre atmosphère est formée de toutes les substances susceptibles de demeurer dans l’état aériforme au degré habituel de température et de pression que nous éprouvons. Il était bien important de déterminer quel est le nombre et quelle est la nature des fluides élastiques qui composent cette couche inférieure que nous habitons. On sait que les connaissances que nous avons acquises sur cet objet font la gloire de la chimie moderne ; que non-seulement on a analysé ces fluides, mais qu'on a encore appris à connaître une foule de combinaisons qu'ils formaient avec


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les substances terrestres, et que par là le vide immense que les anciens chimistes cherchaient à déguiser par quelques suppositions a été comblé pour la plus grande partie. Il est bien intéressant de voir celui qui a le plus contribué à nous procurer ces connaissances nouvelles en tracer lui-même le tableau, rapprocher les résultats des expériences qui ont fait l’objet d'un grand nombre de ses mémoires, perfectionner ces expériences et tous les appareils qu'il a fallu imaginer ; mais il n'est pas possible de suivre dans un extrait les descriptions que M. Lavoisier présente, avec beaucoup de concision, sur l'analyse de l'air de l'atmosphère, la décomposition du gaz oxygène par le soufre, le phosphore et le charbon, sur la formation des acides en général, la décomposition du gaz oxygène par les métaux, la formation des oxydes métalliques, le principe radical de l'eau, sa décomposition par le charbon et par le fer, la quantité de calorique qui se dégage des différentes espèces de combustion, et la formation de l'acide nitrique. Après tous ces objets, M. Lavoisier examine la combinaison des substances combustibles les unes avec les autres. Le soufre, le phosphore, le charbon, ont la propriété de s'unir avec les métaux, et de là naissent les combinaisons que M. Lavoisier désigne sous le nom de sulfures, phosphores et carbures. L'hydrogène peut aussi se combiner avec un grand nombre de substances combustibles ; dans l’état de gaz, il dissout le carbone ou charbon pur, le soufre, le phosphore, et de là viennent les différentes espèces de gaz inflammable. Lorsque l’hydrogène et le carbone s'unissent ensemble, sans que l'hydrogène ait été porté à l’état de gaz par le calorique, il en résulte, selon M. Lavoisier, cette combinaison particulière qui est connue sous le nom d'huile, et cette huile est fixe ou volatile, selon les proportions de l'hydrogène et du carbone. Il a exposé dans les Mémoires de 1784 les expériences qui font conduit à cette opinion. Cependant il nous parait que cette opinion n'est pas à l’abri des objections ; nous nous contenterons d'en proposer une. Toutes les huiles donnent un peu d'eau et un peu d'acide lorsqu'on les distille, et, en réitérant les distillations, on peut les réduire entièrement en eau, en acide, en charbon, en gaz carbonique et en gaz hydrogène carboné. Cet acide et cette eau, qu'on retire dans chaque opération, n' annoncent-ils pas qu'il entrait de l’oxygène dans la composition de l’huile ; car il est facile de prouver que l’air qui est contenu dans les vaisseaux qui servent à la distillation n'a pas pu contribuer d'une manière sensible à leur production ? Il fallait d'abord examiner les phénomènes que présente l’oxygénation des quatre substances combustibles simples, le phosphore, le soufre, le carbone et l'hydrogène ; mais ces substances, en se combinant les unes avec les autres, ont formé des corps combustibles composés, tels que les huiles, dont l’oxygénation doit présenter d'autres résultats. Selon M. Lavoisier, il existe des acides et des


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oxydes à base double et triple : il donne en général le nom d'oxyde à toutes les substances qui ne sont pas oxygénées pour prendre le caractère acide. Tous les acides du règne végétal ont pour base l'hydrogène et le carbone, quelquefois l’hydrogène, le carbone et le phosphore. Les acides et oxydes du règne animal sont encore plus composés ; il entre dans la composition de la plupart quatre bases acidifiables, l'hydrogène, le carbone, le phosphore et l'azote. M. Lavoisier tâche de rendre raison, par ces principes très simples, de la nature et de la différence des acides végétaux et des autres substances d'une nature végétale et d'une nature animale ; il ne serait pas juste, dans ce moment, de juger avec sévérité ces aperçus ingénieux, parce que l’auteur se propose de les développer dans les Mémoires particuliers. L'hydrogène, l’oxygène et le carbone sont des principes communs à tous les végétaux, et, pour cette raison, M. Lavoisier les appelle primitifs. Ces principes, en raison de la quantité de calorique avec lequel ils se trouvent combinés dans les végétaux, sont tous à peu près en équilibre à la température dans laquelle nous vivons ; ainsi les végétaux ne contiennent ni huile, ni eau, ni acide carbonique, et seulement les éléments de toutes ces substances ; mais un changement léger dans la température suit pour renverser cet ordre de combinaison. L'hydrogène et l'oxygène s'unissent plus intimement et forment de l'eau, qui passe dans la distillation ; une portion de l'hydrogène et une portion du carbone se réunissent ensemble pour former de l’huile volatile, une autre partie du carbone devient libre et reste dans la cornue. Dans les substances animales, l’azote, qui est un de leurs principes primitifs, s'unit à une portion d'hydrogène pour former l’alcali volatil. M. Lavoisier donne des explications analogues à celles que nous venons d'indiquer, des phénomènes et des produits de la fermentation vineuse et de la putréfaction. Il y a un grand rapport entre ces dernières idées de M. Lavoisier et celles que M. Higgins a exposées dans un traité sur l’acide acéteux, la distillation, la fermentation, etc. qu'il a publié en 1786, et dans lequel il admet la formation de l'eau et des huiles par faction de la chaleur ; mais, n'ayant pas distingué le gaz hydrogène, qu'il appelle phlogistique (ce qui est tout à fait indifférent), du charbon et de leur combinaison, il n'a pu déterminer les effets de la chaleur et de la fermentation avec autant d'exactitude que M. Lavoisier. Les substances acidifiables, en s'unissant avec l’oxygène et en se convertissant en acides, acquièrent une grande tendance à la combinaison : elles deviennent propres à s'unir avec des substances terreuses et métalliques. Mais une circonstance remarquable distingue ces deux espèces de combinaison ; c'est que les métaux ne peuvent contracter d'union avec les acides que par l'intermède de l'oxygène, de manière qu'il faut qu'ils soient réduits en oxydes, ou qu'ils décomposent l'eau,


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dont ils dégagent alors le gaz hydrogène, ou qu'ils trouvent de l'oxygène dans l'acide, et c'est ainsi qu’ils forment du gaz nitreux avec l'acide nitrique. La considération des phénomènes qui accompagnent les dissolutions conduit M. Lavoisier à celle des bases alcalines, des terres et des métaux, et à déterminer le nombre des sels qui peuvent résulter de la combinaison de ces différentes bases avec tous les acides connus. Dans la seconde partie de son ouvrage, M. Lavoisier présente successivement le tableau des substances simples, ou plutôt de celles que l'état actuel de nos connaissances nous oblige à considérer comme telles ; celui des radicaux ou bases oxydables et acidifiables, composées de la réunion de plusieurs substances simples ; ceux des combinaisons de l'azote, de l'hydrogène, du carbone, du soufre et du phosphore, avec des substances simples, et enfin ceux des combinaisons de tous les acides connus avec les différentes bases. Chaque tableau est accompagné d'une explication sur la nature et les préparations de la substance qui en est l’objet, et sur ses principales combinaisons. M. Lavoisier a réuni, dans la troisième partie de son ouvrage, la description sommaire de tous les appareils et de toutes les opérations manuelles qui ont rapport à la chimie élémentaire. Les détails indispensables dans lesquels il faut entrer auraient interrompu la marche des idées rapides qu'il a présentées dans les deux premières parties, et en auraient rendu la lecture fatigante. Cette description est d'autant plus précieuse, que non-seulement elle est faite avec beaucoup de méthode et de clarté, mais encore qu'elle a particulièrement pour objet les appareils relatifs à la chimie moderne, dont plusieurs sont dus à M. Lavoisier lui- même, et qui, en général, sont encore peu connus, même de ceux qui font une étude particulière de la chimie ; mais il est impossible de tracer une esquisse de ces descriptions, et nous sommes obligés de nous borner à l’énumération des chapitres dans lesquels elles sont classées. Le chapitre premier traite des instruments propres à déterminer le poids absolu et la pesanteur spécifique des corps solides et liquides. Le second est destiné à la gazométrie, ou à la mesure du poids et du volume des substances aériformes. Le chapitre troisième contient la description des opérations purement mécaniques qui ont pour objet de diviser les corps, telles que la trituration, la porphyrisation, le tamisage, le filtrage, etc. M. Lavoisier décrit, dans le chapitre cinquième, les moyens que la chimie emploie pour écarter les unes des autres les molécules des corps sans les décomposer, et, réciproquement, pour les réunir, ce qui comprend la solution des sels, leur lixiviation, leur évaporation, leur cristallisation, et les appareils distillatoires. Les distillations pneumato-chimiques, les dissolutions métalliques, et quelques


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autres opérations, qui exigent des appareils très compliqués, sont l’objet du sixième chapitre. Le chapitre septième contient la description des opérations relatives à la combustion et à la détonation. Les appareils qui sont décrits dans ce chapitre sont entièrement nouveaux. Enfin, le chapitre huitième est destiné aux instruments nécessaires pour opérer sur les corps à de très hautes températures. Toutes ces descriptions sont rendues sensibles par un grand nombre de planches lui présentent tous les détails qu'on peut désirer, et qui sont gravées avec beaucoup de soin. Nous ne devons pas laisser ignorer à la reconnaissance des chimistes quelles ne sont point l’ouvrage d'un burin mercenaire, mais qu'elles sont dues au zèle et aux talents variés d'un traducteur de l'ouvrage de M. Kirwan sur le phlogistique. Ces nouveaux éléments sont terminés par quatre tables : la première donne le nombre des pouces cubiques correspondant à un poids déterminé d'eau ; la seconde est destinée à convertir les fractions vulgaires en fractions décimales, et réciproquement; la troisième présente le poids des différents gaz, et la quatrième, la pesanteur spécifique des différentes substances. Ainsi, M. Lavoisier, en partant des notions les plus simples et des objets les plus élémentaires, conduit successivement aux combinaisons plus composées. Ses raisonnements sont presque touj ours fondés sur des expériences rigoureuses, ou plutôt ils n'en sont que le résultat, et il finit par donner les éléments de l’art des expériences, qui doit servir de guide aux chimistes qui, au lieu de se livrer à de vaines hypothèses, veulent établir leurs opinions la balance à la main. L'ouvrage est précédé d'un discours dans lequel M. Lavoisier rend compte des motifs qui l’ont engagé à l’entreprendre, et de la marche qu'il a suivie dans son exécution. S'étant imposé la loi de ne rien conclure au delà de ce que les expériences présentent et de ne jamais suppléer au silence des faits, il n'a point compris dans ses éléments la partie de la chimie la plus susceptible peut-être de devenir un jour une science exacte ; c'est celle qui traite des affinités ou attractions chimiques ; mais les données principales manquent, ou du moins celles que nous avons ne sont encore ni assez précises ni assez certaines pour devenir la base sur laquelle doit porter une partie aussi importante de la chimie. M. Lavoisier a la modestie d'avouer qu'une considération secrète a peut-être donné du poids aux raisons qu'il pouvait avoir du se taire sur les affinités ; c'est que M. de Morveau est au moment de publier l’article Affinité de l’Encyclopédie méthodique, et qu'il a redouté de traiter en concurrence avec lui un objet qui exige des discussions très délicates.


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Quoique les savants s'empressent de toutes parts de rendre justice aux connaissances profondes de M. de Morveau, il doit néanmoins être flatté d'un aveu qui honore également celui qui l’a fait. Si M. Lavoisier ne parle point, dans ce traité, des parties constituantes et élémentaires des corps, c'est qu'il regarde comme hypothétique tout ce qu'on a dit sur les quatre éléments : il est probable que nous ne connaissons pas les molécules simples et indivisibles qui composent les corps ; mais il est un terme auquel nous conduisent nos analyses, et ce sont les derniers résultats que nous en obtenons qui sont pour nous des substances simples, ou, si l'on veut, des éléments. Mais l’objet principal de ce discours est de faire sentir la liaison qui se trouve entre l'abus des mots et les idées fausses, entre la précision du langage et les progrès des sciences. Nous pensons que ces nouveaux éléments sont très-dignes d'être imprimés sous le privilège de l’Académie. Fait à l'Académie, le 4 février 1789. Signé d'ARCET et BERTHOLLET. Je certifie le présent extrait conforma à l’original et au jugement de l’Académie. A Paris, ce 7 février 1789 Signé le Marquis de CONDORCET.


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EXTRAIT DES REGISTRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE MÉDECINE.

Du 6 février 1789. La Société nous a chargés, M. de Horne et moi, d'examiner un ouvrage de M. Lavoisier, ayant pour titre : Traité élémentaire de chimie, présenté dans un ordre nouveau, et d'après les découvertes modernes. Comme ce traité, que nous avons lu avec le plus vif intérêt, offre une méthode élémentaire différente de toutes celles qu'on a suivies dans les ouvrages du même genre, nous avons cru devoir en rendre un compte très détaillé à la Compagnie. Les physiciens et tous les hommes qui s'adonnent à l’étude de la philosophie naturelle savent que c'est aux expériences de M. Lavoisier qu'est due la révolution que la chimie a éprouvée depuis quelques années ; à peine M. Black eut-il fait connaître, il y a bientôt vingt ans, l'être fugace qui adoucit la chaux et les alcalis, et qui avait jusque- là échappé aux recherches des chimistes ; à peine M. Priestley eut-il donné ses premières expériences sur l’air fixe et ce qu'il appelait les différentes espèces d'air, que M. Lavoisier, qui ne s'était encore appliqué qu'à mettre. dans les opérations de chimie de l'exactitude et de la précision, conçut le vaste projet de répéter et de varier toutes les expériences des deux célèbres physiciens anglais, et de poursuivre avec une ardeur infatigable une carrière nouvelle, dont il prévoyait dès lors l’étendue. Il sentit surtout que l'art de faire des expériences vraiment utiles et de contribuer aux progrès de la science de l'analyse consistait à ne rien laisser échapper, à tout recueillir, à tout peser. Celle idée ingénieuse, à laquelle sont dues toutes les découvertes modernes, l'engagea à imaginer, pour les effervescences, pour les combustions, pour la calcination des métaux, etc. des appareils capables de porter la lumière la plus vive sur la cause et les résultats de ces opérations. On connaît trop généralement aujourd'hui la


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plupart des faits et des découvertes que cette route expérimentale nouvelle a fait naître, pour que nous ayons besoin d'en suivre ici les détails ; nous nous contenterons de rappeler que c'est à l'aide de ces procédés, à l'aide de ce nouveau sens, ajouté, pour ainsi dire, à ceux que le physicien possédait déjà, que M. Lavoisier est parvenu à établir des vérités et une doctrine nouvelles sur la combustion, sur la calcination des métaux, sur la nature de l'eau, sur la formation des acides, sur la dissolution des métaux, sur la fermentation et sur les principaux phénomènes de la nature. Ces instruments si ingénieux, cette méthode expérimentale si exacte et, si différente des procédés employés autrefois par les chimistes, n'ont cessé, depuis 1772, de devenir, entre les mains de M. Lavoisier et des physiciens qui out suivi la même route, une source féconde de découvertes. Les Mémoires de l'Académie des Sciences offrent, depuis 1779 jusqu'en 1786, une suite non interrompue de travaux, d'expériences, d'analyses faites par ce physicien sur le même plan. Ce qu'il y a de plus frappant pour ceux qui aiment à suivre les progrès de l'esprit humain dans ce genre de recherches, dont on n'avait aucune idée il y a vingt ans, c'est que toutes les découvertes qui se sont succédées depuis cette époque n'ont fait que confirmer les premiers résultats trouvés par M. Lavoisier, et donner plus de force et plus de solidité à la doctrine qu'il a proposée. Une autre considération, qui nous paraît également importante, c'est que les expériences de Bergman de Scheele, de MM. Cavendish, Priestley, et d'un grand nombre d'autres chimistes dans différentes parties de l'Europe, quoique faites sous des points de vue et avec des moyens différents en apparence., se sont tellement accordées avec les résultats généraux dont nous parlions plus haut, que cet accord, bien propre à convaincre les physiciens qui cherchent la vérité sans prévention et avec le courage nécessaire pour résister aux préjugés, n'a fait que rendre plus solides et plus inébranlables les fondements sur lesquels repose la nouvelle doctrine chimique. C'est dans cet état de la science, c'est à l’époque où les faits nouveaux, généralement reconnus, n'excitent encore des discussions entre les physiciens que relativement à leur explication, que M. Lavoisier, auteur de la plus grande partie de ces découvertes et de la théorie simple et lumineuse qu'elles ont créée, s'est proposé d'enchaîner dans un nouvel ordre les vérités nouvelles, et d'offrir aux savants, ainsi qu'à ceux qui veulent le devenir, l'ensemble de ses travaux. Ceux qui ont suivi avec soin les progrès successifs de la chimie ne trouveront dans l'ouvrage dont nous nous occupons que les faits qu'ils connaissent déjà ; mais ils se présenteront à eux dans un ordre qui les frappera par sa clarté et sa précision. Ce sera donc spécialement sur la marche des faits, des idées et des raisonnements tracés par M. Lavoisier, que nous insisterons dans ce rapport. Ce traité est divisé eu trois parties. Dans la première, M. Lavoisier expose les éléments de la science et les bases sur lesquelles elle est fondée. C'est sur les corps


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les plus simples, et sur le premier ordre de leurs combinaisons, que roule cette première partie, comme nous le dirons tout à l'heure. La seconde partie présente les tableaux de toutes les combinaisons de ces corps simples entre eux, et des mixtes qu'ils forment les uns avec les autres. Les composés salins neutres en sont particulièrement le sujet. Dans la troisième partie, M. Lavoisier décrit les appareils nouveaux, dont il a imaginé la plus grande partie, et à l'aide desquels il a établi les vérités exposées dans la première partie. Considérons chacune de ces parties plus en détail, et suivons l'auteur jusqu'à ses dernières divisions, pour faire connaître l'utilité et l'importance de son ouvrage.

PREMIÈRE PARTIE.

En exposant, dans un discours préliminaire, les motifs qui l'ont engagé à écrire son ouvrage, M. Lavoisier annonce que c'est en s'occupant de la nomenclature et en développant ses idées sur les avantages et la nécessité de lier les mots aux faits qu'il a été entraîné comme malgré lui à faire un traité élémentaire de chimie ; que cette nomenclature méthodique l'ayant conduit du connu à l'inconnu, cette marche, qu'il s'est trouvé forcé de suivre, lui a paru propre à guider les pas de ceux qui veulent étudier la chimie ; il pense que, quoique cette science ait encore beaucoup de lacunes et ne soit pas complète comme la géométrie élémentaire, les faits qui la composent s'arrangent cependant d'une manière si heureuse dans la doctrine moderne, qu'il est permis de la comparer à cette dernière, et qu'on peut espérer de la voir s'approcher, de nos jours, du degré de perfection qu'elle est susceptible d'atteindre. Son but a été de ne rien conclure au delà de l'expérience, de ne jamais suppléer au silence des faits. C'est pour cela qu'il n'a point parlé des principes des corps, sur lesquels on a depuis si longtemps donné des idées vagues dans les écoles et dans les ouvrages élémentaires ; qu'il n'a rien dit des attractions ou affinités chimiques, qui ne sont point encore connues, suivant lui, avec l'exactitude nécessaire pour en exposer les généralités dans des éléments. Il termine ce discours en retraçant les raisons et les motifs qui ont guidé les chimistes dans le travail de sa nouvelle nomenclature, et en faisant voir quelle influence les noms exacts proposés dans ce travail peuvent avoir sur les progrès et l'étude de la science. La première partie qui suit immédiatement ce discours préliminaire comprend dix- sept chapitres. M. Lavoisier annonce qu'il traite, dans cette première partie, de la formation des fluides aériformes et de leur décomposition; de la combustion des corps sim- [simples]


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ples et de la formation des acides. Ce titre, qui n'aurait certainement pas rappelé aux anciens chimistes l'ensemble de leur science, le comprend cependant tout entier pour ceux qui la possèdent; et, en effet, l'un de nous, en traçant la marche et l'état de toutes les connaissances chimiques modernes dans quelques séances sur les fluides élastiques, a fait voir que toute la science est comprise dans l'histoire de leur développement et de leur fixation. Il est donc vrai de dire que, quoique le domaine de la chimie ait été singulièrement agrandi par le nombre considérable de faits nouveaux qu'elle a acquis depuis quelques années, le rapprochement, la liaison et la cohérence de ces faits peuvent en resserrer les éléments dans l’esprit de ceux qui les possèdent et de ceux qu'une méthode exacte guide dans leurs études ; si les expériences semblent effrayer l'imagination par leur nombre, les résultats simples qu'on en tire et les données générales qu'elles fournissent font évanouir les difficultés et rendent le travail de la mémoire plus facile. Cette vérité sera mise dans tout son jour par l'exposé des divers objets compris dans cette première partie de l’ouvrage de M. Lavoisier. Le premier chapitre traite de la combinaison des corps avec le calorique ou la matière de la chaleur, et de la formation des fluides élastiques. Le calorique dilate tous les corps en écartant leurs molécules, qui tendent à se rapprocher par la force d'attraction. On peut donc considérer son effet comme celui d'une force répulsive ou opposée à l'attraction. Lorsque l’attraction des molécules est, plus forte que l’écartement ou la force répulsive communiquée par le calorique, le corps est solide ; si la force répulsive l’emporte sur l'attraction, les molécules, s'écartent jusqu'à un certain point, la fusion, et enfin la fluidité, élastique naissent de cet effet. Comme la diminution ou l’enlèvement du calorique permet le rapprochement des molécules des corps dont l'attraction agit alors librement, et comme on peut concevoir un refroidissement touj ours croissant, beaucoup plus fort que celui que nous connaissons, et conséquemment un rapprochement proportionné dans les molécules des corps, il s'ensuit que ces molécules ne se touchent pas, qu'il existe des intervalles entre elles ; ces intervalles sont remplis par le calorique. On peut l'y accumuler; c'est cette accumulation qui détruit l'attraction de ces molécules, et qui donne enfin naissance à un fluide élastique. Tous les corps liquides prendraient, à la surface du globe, cette forme de fluides élastiques, si la pression de l'air atmosphérique ne s'y opposent pas ; c'est en raison de cette pression qu'il faut que la température de l'eau soit élevée à 80 degrés pour qu'elle se réduise en vapeur ; l'éther à 30 ou 33 degrés, l’alcool à 67. Mais les fluides, supposés réduits en vapeurs par la suppression du poids de l'atmosphère, se formeraient bientôt un obstacle à eux- mêmes par leur pression. On voit, d'après cela, qu'un fluide élastique ou un gaz n'est qu'une combinaison d'un corps quelconque ou d'une base avec le calorique. On voit encore que, sui- [suivant]


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vant les espaces ou les intervalles compris entre les molécules des différents corps, il faudra plus ou moins de calorique pour les dilater au même point ; c'est cette différence qu'on nomme capacité de chaleur, et la quantité de calorique nécessaire pour élever chaque corps à la même température se nomme chaleur ou calorique spécifique. Comme les corps, en se combinant au calorique, deviennent des fluides élastiques, l’élasticité paraît être due à la répulsion des molécules du calorique, ou plutôt à une attraction plus forte entre ces dernières qu'entre celles des corps fluides élastiques, qui sont alors repoussées par l’effet du premier. Ces idées simples, et fondées sur des expériences exactes, conduisent l'auteur à donner, dans le second chapitre, des vues sur la formation et la constitution de l'atmosphère de la terre ; elle doit être formée des substances susceptibles de se volatiliser au degré ordinaire de chaleur qui existe sur le globe, et à la pression moyenne qui soutient le mercure à 28 pouces. La terre étant supposée à la, place d'une planète beaucoup plus rapprochée du soleil, comme l'est Mercure, l’eau, le mercure même, entreraient en expansion et se mêleraient à l’air, jusqu'à ce que cette expansion fût limitée par la pression exercée par ces nouveaux fluides élastiques. Si le globe était, au contraire, transporté à une distance beaucoup plus éloignée du soleil qu'il ne l'est, l’eau serait solide et comme une pierre dure et transparente. La solidité, la liquidité, la fluidité élastique sont donc des modifications des corps dues au calorique. Les fluides habituellement vaporeux qui forment notre atmosphère doivent, ou se mêler lorsqu'ils ont de l’affinité, ou se séparer suivant l'ordre de leurs pesanteurs spécifiques, s'ils ne sont pas susceptibles de s'unir. M. Lavoisier pense que la couche supérieure de l'atmosphère est surmoulée de gaz inflammables légers, qu'il regarde comme la matière et le foyer des météores lumineux. Il était très naturel que ces considérations générales sur l'atmosphère de la terre fussent suivies de l'analyse de l'air qui la compose ; cette analyse fait le sujet du troisième chapitre, dans lequel est consignée une des plus belles découvertes du siècle et de la chimie moderne. La combustion du mercure dans un ballon, la perte de poids d'un sixième de l'air, l'augmentation correspondante du poids du mercure, la dualité délétère des cinq sixièmes d'air restant, la séparation de fait de la chaux de mercure fortement échauffée, la pureté de celui-ci, la recomposition de l'air semblable à celui de l'atmosphère par l’addition de cette partie tirée du mercure à celle restée dans le ballon, la chaleur vive et la flamme brillante dégagée de l'air par le fer qu'on y brûle, suffisent à M. Lavoisier pour prouver que l'air atmosphérique est un composé de deux fluides élastiques différents, l'un respirable, l’autre non respirable ; que le premier en forme 0,97, et le second 0,73. Dans le quatrième chapitre, ce savant expose les noms donnés à ces deux gaz


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qui composent l’air atmosphérique, et les raisons qui les ont fait proposer; le premier porte, comme on sait, le nom d'air vital et de gaz oxygène, et le second, celui de gaz azote. La quantité des principes de l'atmosphère étant connue, la nature du gaz oxygène occupe ensuite M. Lavoisier. Le cinquième chapitre est destiné à l'examen de la décomposition du gaz oxygène ou air vital par le soufre, le phosphore, le charbon, et de la formation des acides. Cent grains de phosphore brûlés dans un ballon bien plein d'air vital absorbent 154 grains de cet air ou de sa base, et forment 254 grains d'acide phosphorique concret. 28 grains de charbon absorbent ; 72 grains d'air vital, et forment 100 grains d'acide carbonique. Le soufre en absorbe plus que son poids et devient acide sulfurique. La base de cet air a donc la propriété, en se combinant avec ces trois corps combustibles, de les convertir en acides ; de là le nom d'oxygène donné à cette base de l'air vital, et celui d'oxygénation donné à l'opération par laquelle cette base se fixe. La nomenclature des différents acides forme le sujet du sixième chapitre ; le nom général d'acide désigne la combinaison avec l’oxygène ; les noms particuliers appartiennent aux bases différentes unies à l'oxygène. Le soufre forme l’acide sulfurique, le phosphore l'acide phosphorique, le carbone ou charbon pur l'acide carbonique. La terminaison variée dans ces mots exprime la proportion d'oxygène ; ainsi, le soufre combiné avec peu d'oxygène, et dans l’état d'un acide faible, donne l'acide sulfureux, tandis qu'une plus grande proportion de ce principe acidifiant forme l'acide sulfurique. Nous n'insisterons pas davantage sur les principes de cette nomenclature, qui sont déjà bien connus de la Société. M. Lavoisier donne, à la fin de ce chapitre, les proportions d'azote et d'oxygène qui constituent l'acide du nitre en différents états, comme l'a découvert M. Cavendish. Il parle, dans le septième chapitre, de la décomposition du gaz oxygène par les métaux. On sait que ces corps combustibles absorbent la base de l'air vital plus ou moins facilement, et à des températures plus ou moins élevées ; mais, comme l'affinité de ces corps pour l'oxygène est en général rarement plus forte que celle de celui-ci pour le calorique, les métaux s'y combinent plus ou moins difficilement. Les composés des métaux et d'oxygène n'étant pas des acides, on a proposé le nom d'oxydes pour les désigner, au lieu de celui de chaux, qui était équivoque et fondé sur une fausse analogie. M. Lavoisier donne les détails de cette nomenclature à la fin de ce chapitre. Il traite, dans le huitième, du principe radical de l'eau et de la décomposition de ce fluide par le charbon et le fer. L'eau que l’on fait passer à travers un tube de verre ou de porcelaine rougi au feu se réduit seulement en vapeur, sans éprouver d'altération. En passant à travers le même tube chargé de 28 grains de charbon, il y a 85 grains d'eau changée de nature, et le charbon disparaît. On


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obtient 100 grains ou 144 pouces d'acide carbonique, qui contiennent, outre les 28 grains de carbone, 72 grains d'oxygène, provenant nécessairement de l'eau, puisque aucun autre corps n'a pu le lui fournir ; ce gaz acide carbonique est mêlé de 13 grains ou 380 pouces cubes de gaz inflammable ; ces 13 grains, ajoutés aux 72 grains d'oxygène enlevé par le carbone, font les 85 grains d'eau qui manquent; et, en effet, en brûlant dans un appareil fermé 85 grains d'air vital et 15 de gaz inflammable, on a 100 grains d'eau. L'eau est donc composée de ces deux principes. L'oxygène est déjà connu par les détails précédents ; la base du gaz inflammable a été nommée hydrogène, ou principe radical de l'eau ; M. Lavoisier en décrit les propriétés, et surtout celles qu'il a dans l’état de gaz. Le neuvième chapitre contient des détails absolument neufs sur la quantité de calorique qui se dégage dans la combustion de différents corps combustibles, ou, ce qui est la même chose en d'autres termes, pendant la fixation de l'air vital ou gaz oxygène. Pour bien concevoir l'objet de cet article important, rappelons que l'air vital est, comme tous les autres fluides élastiques, une base solidifiable unie à du calorique ; que ce gaz ne peut se fixer, ou sa base devenir solide dans les combinaisons où elle entre, qu'en perdant le calorique qui la tenait écartée et divisée en fluide élastique. Cela posé, il est clair qu'en partant d'une expérience où l'air vital parait laisser déposer sa base la plus solide possible en perdant tout le calorique qu'il contient, on aura une mesure à peu de chose près exacte de la quantité absolue de calorique contenu dans une quantité donnée de gaz oxygène. Mais comment mesurer cette chaleur ? M. Lavoisier s'est servi, pour cela, d'un appareil ingénieux, dont la première idée est due à M. Wilcke, physicien anglais, mais qui a été changé et bien perfectionné par M. de Laplace. Ce sont des enveloppes de tôle garnies de glace, et laissant un espace vide dans lequel on fait les expériences de combustion, absolument comme dans une sphère de glace assez épaisse pour que la température extérieure n'influe en aucune manière sur sa cavité intérieure. Le calorique se sépare pendant la fixation de l'oxygène, fond une partie de cette glace, proportionnelle à la quantité qui s'en dégage. En opérant ainsi la combustion du phosphore, M. Lavoisier a vu qu'une livre de ce combustible fond 100 livres de glace, en absorbant une livre 8 onces d'air vital ; et, comme l'acide phosphorique concret qui résulte de cette combustion paraît contenir l'oxygène le plus solide et le plus séparé de calorique, il en conclut que, dans l'état d'air vital, une livre d'oxygène contient une quantité de calorique suffisante pour fondre 66 livres 10 noces 5 gros 24 grains de glace à zéro. En partant de cette expérience, M. Lavoisier a trouvé qu'une livre de charbon absorbant 2 livres 9 onces 1 gros 10 grains d'oxygène, et ne faisant fondre que 96 livres 8 onces de glace, tout le calorique contenu dans cette quantité d'air vital n'est pas dégagé, puisqu'il se serait fondu 171 livres 6 onces 5 gros de glace ; la différence


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de cette quantité de calorique, c'est-à-dire une quantité capable de fondre 74 livres 14 onces 5 gros de glace, est employée à tenir sous forme de gaz 3 livres 9 onces 1 gros 10 grains d'acide carbonique, produit dans cette opération. La combustion du gaz hydrogène brûlé dans l'appareil de glace lui a présenté le résultat suivant, relativement au dégagement du calorique : une livre de ce gaz absorbe 5 livres 10 onces 3 gros 24 grains d'air vital en brûlant ; il se dégage dans cette combustion une quantité de calorique capable de faire fondre 295 livres 9 onces 3 gros 1/2 de glace ; or, comme cette dose d'air vital aurait donné, si on l'avait fait servir à la combustion du phosphore, où l'oxygène paraît être le plus solide possible, une quantité de calorique suffisante pour fondre 377 livres 12 onces 3 gros de glace, il s'ensuit que la différence de ces deux quantités de calorique, qui est exprimée par celle de 82 livres 9 onces 7 gros 1/2 de glace fondue, reste dans l'eau à zéro de température, et que chaque livre de ce liquide, à cette température, contient, dans la portion d'oxygène qui fait un de ses principes, une quantité de calorique capable de fondre 12 livres 5 onces 2 gros 48 grains de glace. M. Lavoisier a trouvé, par les mêmes expériences, la quantité de calorique contenu dans l'oxygène de l’acide nitrique, et celle qui se dégage dans la combustion de la cire et de l’huile ; et, si ces recherches avaient été suivies avec un soin égal sur la quantité de calorique que chaque métal dégage de l’air vital en absorbant l'oxygène ou en se calcinant, cette appréciation serait, comme le dit M. Lavoisier à la fin de ce chapitre, d'une grande utilité pour l’explication de beaucoup de phénomènes chimiques. L'auteur décrit, clans le dixième chapitre, la nature générale des combinaisons des substances combustibles déjà examinées dans les chapitres précédents, les unes avec les autres. Les alliages des métaux, les dissolutions du soufre, du phosphore, du charbon dans le gaz hydrogène, l'union du carbone et de l'hydrogène, qui constitue les huiles en général, sont indiqués successivement. Dans ce chapitre, comme dans tous les précédents, on trouve des vues neuves sur l'union encore inconnue de plusieurs substances combustibles entre elles. Dans tous les chapitres précédents, qui ont pour objet la décomposition de l'air vital, l'absorption de l'oxygène par les corps combustibles et les phénomènes de leur combustion et de leurs produits, il n'est question que des substances combinées une à une avec l'oxygène. Le deuxième chapitre présente les combinaisons de ce principe acidifiant avec plusieurs bases à la fois, conséquemment des oxydes et des acides à plusieurs bases, et la composition des matières végétales et animales. On reconnaît, par la lecture de ce chapitre, la clarté des principes de la chimie moderne, et en même temps la richesse de la nature dans la variété des composés qu'elle forme avec très peu d'éléments. L'analyse la plus exacte prouve que l’hydrogène et le carbone, privés de la plus grande quantité de leur calorique et unis ensemble, dans des proportions différentes, à des quantités diverses d'oxygène


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constituent les matières végétales. M. Lavoisier range ces matières parmi les oxydes, lorsque la quantité d'oxygène est trop peu abondante pour leur donner le caractère acide, ou parmi les acides, lorsque ce principe y est plus abondant. Le phosphore et l’azote font quelquefois partie de ces composés ; et alors ils se rapprochent des matières animales. Ainsi, trois ou quatre corps simples, unis en différentes proportions et dans différents états de pression ou de privation de calorique, suffisent à la chimie moderne pour rendre raison de la diversité des matières végétales, oxydes et acides ; et, en y ajoutant l’azote, le phosphore et le soufre, les composés plus compliqués qui en résultent donnent une idée exacte de la nature des substances animales, oxydes ou acides. M. Lavoisier fait voir qu'on pourrait, suivant les règles de sa nouvelle nomenclature, désigner les principales espèces des matières végétales composées d'hydrogène de carbone et d'oxygène, soit oxydes, soit acides ; mais la nécessité d'associer trop de mots pour désigner ces composés formerait un langage barbare, et l'auteur préfère les noms des treize acides végétaux et des six acides animaux, adoptés dans la nouvelle nomenclature. Il termine ce chapitre par le dénombrement de ces acides. Ces principes, aussi clairs que simples, sur la composition des substances végétales et animales, conduisent M. Lavoisier à faire connaître, avec une égale clarté ; dans le douzième chapitre, la décomposition de ces matières par le feu. Des trois principes les plus abondants qui les constituent, l'hydrogène et l'oxygène tendent à prendre la forme de gaz par leur combinaison avec le calorique ; le troisième, ou le carbone, n'a pas la même propriété. Une chaleur au-dessus de celle où ces principes restent en équilibre doit donc détruire cet équilibre. A une température supérieure à celle de l'eau bouillante, l’oxygène s'unit à l’hydrogène et forme de l'eau qui se dégage ; une partie du carbone unie séparément à l’hydrogène forme de l'huile ; une autre se précipite seule. Une chaleur beaucoup plus forte, comme celle qu'on nomme chaleur rouge, sépare ces principes dans un autre ordre, décompose même l'huile formée par la première chaleur, et réduit entièrement les matières végétales à de l’acide carbonique, à de l'eau et à une partie de charbon isolée. L'azote, le phosphore et le soufre, ajoutés à ces premiers principes, dans les matières animales, compliquent cet effet du feu, et donnent naissance à l’ammoniaque, que ces matières fournissent dans leur distillation. Tous ces phénomènes ne tiennent qu'à des changements de proportions dans l’union des principes et à leur diverse affinité pour le calorique. Des changements également simples ont lieu dans les fermentations vineuse, putride et acéteuse, dont M. Lavoisier expose avec soin les phénomènes dans les chapitres XIII, XIV et XV. Ces opérations naturelles paraissaient autrefois inexplicables aux chimistes, et il n'y a pas plus de quinze ans qu'on désespérait encore d'en apprécier la cause. M. Lavoisier, par des procédés ingénieux, est parvenu à


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prouver que, dans la fermentation vineuse, la matière sucrée, qu'il regarde comme un oxyde, et qui est formée, suivant ses recherches, de 8 parties d'hydrogène, 28 de carbone et 64 d'oxygène, sur 100 parties de cette matière, est séparée en deux portions (par le changement et le partage seul de l'oxygène entre les deux bases oxydables) : une grande partie du carbone prend plus d'oxygène en se séparant de l'hydrogène, et se convertit. en gaz acide carbonique, qui se dégage pendant cette fermentation, tandis que l’hydrogène, privé de l'oxygène et uni à un peu de carbone et à l'eau ajoutée, constitue l’alcool. Ainsi, la nature change par cette fermentation des combinaisons ternaires en combinaisons binaires. Un effet analogue a lieu dans la putréfaction. Les cinq substances simples et combustibles qui forment les bases oxydables et acidifiables des matières animales, l'hydrogène, le carbone, l'azote, le soufre et le phosphore, et qui sont unies en différentes proportions à l'oxygène, se dégagent peu à peu en gaz hydrogène sulfuré, carboné. phosphore, en gaz azote, en gaz acide carbonique et en gaz ammoniaque. La fermentation acéteuse ne consiste que dans l’absorption de l’oxygène, qui y porte plus de principe acidifiant. Il semble que l'acide carbonique n'ait besoin que d'hydrogène pour devenir acide acéteux, puisque, en effet, ôtez ce dernier principe au vinaigre, il passe à l'état d'acide carbonique. Quoique cette théorie de la putréfaction et de l'acétification paraisse presque aussi simple que celle de la fermentation vineuse, M. Lavoisier convient que la chimie n'est pas aussi avancée dans la connaissance de ces deux phénomènes que dans celle du premier. Dans le seizième chapitre, l'auteur considère la formation des sels neutres et les bases de ces sels. Les acides dont, M. Lavoisier a exposé la nature dans les premiers chapitres peuvent se combiner avec quatre bases terreuses, trois bases alcalines et dix-sept bases métalliques. Il expose succinctement l'origine, l’extraction et les principales propriétés de la potasse, de la soude, de l'ammoniaque, de la chaux, de la magnésie, de la baryte et de l'alumine ; ces matières, si l'on en excepte l’ammoniaque, sont les moins connues de tous les corps naturels, et, quoique, d'après quelques expériences, on pense qu'elles sont composées, on n'en a point encore séparé les éléments; aussi M. Lavoisier n'en parle-t-il que très brièvement. Il termine cet exposé en annonçant qu'il est possible que les alcalis fixes se forment pendant la combustion des substances végétales à l'air. L'un de nous a déjà fait présumer, dans plusieurs mémoires et dans ses leçons, que l'azote, qu'il a considéré comme principe des alcalis ou comme alcaligène, pourrait bien se précipiter de l’atmosphère dans les substances végétales qu'on brûle dans l'atmosphère. Alors l'air atmosphérique serait un réservoir des principes acidifiant et alcalifiant où la nature puiserait sans cesse ces principes pour les fixer dans des bases et produire les diverses matières salines, acides et alcalines. Mais cette assertion, loin d'être une vérité démontrée, ne doit être regardée que comme une hypothèse, jusqu'à ce


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que les expériences dont on s'occupe en ce moment dans plusieurs laboratoires aient permis de prononcer. Le chapitre dix-septième et dernier de cette première partie de l’ouvrage de M. Lavoisier contient une suite de réflexions sur la formation des sels neutres et sur leurs bases, qu'il nomme salifiables. Il y fait voir que les terres et les alcalis s'unissent aux acides sans éprouver d'altération, et qu'il n'en est pas de même des métaux. Aucun de ces corps ne peut se combiner avec les acides sans s'oxygéner ; ils enlèvent l’oxygène soit à l'eau, dont ils séparent l'hydrogène en gaz, soit aux acides eux-mêmes, dont ils volatilisent une portion de la base unit à une portion d'oxygène. De ce dégagement naît l'effervescence qui accompagne la dissolution des métaux dans les acides. On pourrait peut-être désirer dans ce chapitre des détails plus étendus sur les dissolutions métalliques ; mais M. Lavoisier voulait mettre une grande précision dans cette partie de son ouvrage, et celle qu'il y a mise en effet en rend la marche plus rapide, sans nuire à la clarté des principes qui y sont exposés. Ce chapitre est terminé par un dénombrement des quarante-huit, substances simples qui peuvent être oxydées et acidifiées dans différents états, en y comprenant les dix- sept substances métalliques qu'il croit devoir aussi considérer comme des acides, lorsqu'elles sont portées à un grand degré d'oxygénation. Il résulte de ce dénombrement que quarante-huit acides qui peuvent être unis à vingt-quatre bases terreuses, alcalines et métalliques, donnent onze cent cinquante-deux sels neutres, dont la nature et les propriétés n'auraient jamais été connues avec précision, si, comme l’observe M. Lavoisier, on avait continué à leur donner des noms, ou impropres, ou insignifiants, comme on l’avait fait à l’époque des premières découvertes de chimie, et qui, cependant, peuvent être placés avec ordre dans la mémoire, à l’aide de la nouvelle nomenclature. Tels sont les faits, tel est l’ordre qui les lie, telles sont les conséquence ; qui en découlent naturellement, consignés dans la première partie de ce traité élémentaire. Nous les avons fait connaître assez en détail pour que la société pût apprécier l’ensemble du travail de M. Lavoisier, et le comparer à ce qu'était encore la science chimique il v a vingt ans. On a pu y voir qu'à l’aide des expériences modernes les éléments de cette science sont aujourd'hui beaucoup plus faciles à saisir qu'ils n'étaient autrefois, parce que tout se réduit à concevoir les effets généraux du calorique, à distinguer les matières simples, bases de toutes les combinaisons possible ; à considérer leur union avec l’oxygène ; c'est presque sur ces trois faits généraux que sont fondés les détails contenus dans la première partie. En y ajoutant les attractions de l’oxygène pour les différents corps, les décompositions qui résultent des effets de ces attractions, on aurait l'ensemble complet de ces éléments. Mais M. Lavoisier a omis cet objet à dessein, et nous avons exposé ailleurs les raisons qui font déterminé à prendre ce parti.


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DEUXIÈME PARTIE.

Après avoir rendu un compte exact de la marche nouvelle que M. Lavoisier a suivie dans la première partie, qui constitue seule les éléments de la science, il ne sera pas nécessaire d'entrer dans des détails aussi étendus pour faire connaître les deux autres parties. La seconde est entièrement destinée à présenter dans des tableaux les combinaisons salines neutres, ou les composés de deux mixtes, car on se rappellera facilement que les acides sont des mixtes formés de bases unies à l'oxygène, les oxydes métalliques également formés de l’oxygène uni aux métaux, et enfin les terres et les alcalis vraisemblablement des composés. Mais, pour rendre cette seconde partie plus complète, M Lavoisier a mis avant les tableaux des sels neutres ix tableaux qui offrent les combinaisons simples dont il a été parlé dans la première partie, et qui sont destinés à servir de résumé à cette première partie. On trouve dans ces dix tableaux : 1° Les substances simples, ou au moins celles que les chimistes ne sont pas parvenus à décomposer, au nombre de trente-trois, savoir la lumière, le calorique, l'oxygène, l'azote, l’hydrogène, le soufre, le phosphore, le carbone, le radical muriatique, le radical fluorique, le radical boracique, les dix-sept substances métalliques, la chaux, la magnésie, la baryte, l’alumine et la silice ; 2° Les bases oxydables et acidifiables composées, au nombre de vingt, qui comprennent le radical nitro-murialique, les radicaux des douze arides végétaux et ceux des sept acides animaux ; 3° Les combinaisons de l’oxygène avec des substances simples ; 4° Les combinaisons des vingt radicaux composés, avec l'oxygène, ou les acides nitro-muriatiques, les radicaux des douze acides végétaux et ceux des sept acides animaux ; 5° Les combinaisons binaires de l'azote avec les substances simples ; M. Lavoisier nomme celles de ces combinaisons qui ne sont pas connues, des azotures ; 6° Les combinaisons binaires de l'hydrogène avec les mêmes substances simples ; M. Lavoisier désigne par le nom d'hydrures celles de ces combinaisons qui n'ont point été examinées ; 7° Les combinaisons binaires du soufre avec les corps simples ; Excepté les acides sulfurique et sulfureux, toutes ces combinaisons sont des sulfures ; 8° Celles du phosphore avec les mêmes corps ; tels sont l'oxyde de phosphore, les acides phosphoreux et phosphorique et les phosphures ; 9° Celles du carbone avec les substances simples, savoir l’oxyde do carbone, l'acide carbonique et les carbures ; 10° Enfin, celles de quelques radicaux avec les substances simples. A ces ta


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bleaux sont jointes des observations dans lesquelles M. Lavoisier donne l’explication, et retrace sous de nouveaux points de vue une partie des faits consignés dans la première partie. Les tableaux des sels neutres sont au nombre de trente-quatre ; on y trouve successivement les nitrites, les nitrates, les sulfites, les sulfates, les phosphites, les phosphates, les carbonates, les muriates, les muriates oxygénés, les nitro-muriates, les fluates, les borates, les arséniates, les molybdates, les tungstates, les tartrites, les malates, les citrates, les pyrolignites, les pyrotartrites, les pyromucites, les oxalates, les acétites, les acétates, les succinates, les benzoates, les camphorates, les gallates, les lactates, les saccholates, les formiates, les bombiates, les sébates, les lithiates et les prussiates. Le nombre de chaque classe de ces sels neutres contenus dans ces tableaux est presque dans tous de vingt-quatre. M. Lavoisier a eu soin de disposer ces sels suivant l’ordre connu des affinités de leur bases pour les acides. Comme la plupart de ces acides sont nouvellement découverts, l’auteur a joint à chaque tableau des observations sur la manière de préparer ces sels, sur l’époque de leurs découvertes, sur les chimistes à qui elles sont dues, et souvent même sur la comparaison de leur nature et de leurs propriétés. M. Lavoisier n'a point eu l’intention d'offrir, dans cette seconde partie, une histoire des sels neutres ; il n'a rien dit de la forme, de la saveur, de la dissolubilité, de la décomposition des sels neutres, ni de la proportion et de l’adhérence de leurs principes. Ces détails, que l’on trouve dans les Éléments de Chimie de l'un de nous, n'entraient point dans le plan de M. Lavoisier; son but était de présenter nue esquisse rapide de ces combinaisons, et il est très bien rempli par les tableaux et par les courtes notices qui lus accompagnent.

TROISIÈME PARTIE.

La troisième partie, qui a pour titre, Description des appareils et des opérations manuelles de !a chimie, montre aussi bien que les deux premières, combien la science a acquis de moyens, et la différence qui existe entre les expériences que l'on fait aujourd'hui et celles que l’on faisait autrefois. M. Lavoisier a rejeté cette description à la fin, parce que les détails qu'elle exige auraient détourné l'attention et trop occupé l’esprit des lecteurs, si elle avait été placée avec la théorie, et parce que, d'ailleurs, elle suppose des connaissances qu'on n'a pu acquérir qu'en lisant les deux premières parties. Quoique M. Lavoisier fait présentée comme une explication des planches qu'on place ordinairement à la fin d'un ouvrage, nous y avons trouvé une méthode descriptive très claire, et des observations intéressantes sur l’usage des instruments et sur les phénomènes que présentent les corps qu'on soumet à leur action. Sans prétendre donner ici un extrait de cette troisième


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partie, qui n'en est pas susceptible, nous nous bornerons à offrir un léger aperçu des principaux objets contenus dans les huit chapitres qui la composent. Le premier traite des instruments nécessaires pour déterminer le poids absolu et la pesanteur spécifique des corps solides et fluides ; telles sont les balances exactes de différentes sensibilités, depuis celles où l'on pèse cinquante à soixante livres, jusqu'à celles qui trébuchent à des cinq cent douzièmes de grain (M. Lavoisier y propose des poids en fractions décimales de la livre, au lieu des divisions de la livre en onces, gros et grains) ; tels sont encore la balance hydrostatique, les aréomètres, surtout celui dont se sert M. Lavoisier, et qui lui est particulier. Dans le chapitre second, sont décrits les instruments propres à mesurer les gaz, les raves pneumato-chimiques à l'eau et au mercure, les différents récipients, le ballon à peser les gaz, la machine construite par les soins de M. Lavoisier, pour mesurer le volume et connaître la quantité des gaz suivant la pression et la température qu'ils éprouvent. M. Lavoisier nomme cette ingénieuse machine gazomètre. Le chapitre III est destiné à la description d'un instrument imaginé par M. de Laplace pour déterminer la chaleur spécifique des corps et la quantité de calorique qui se dégage dans les combustions, dans la respiration des animaux et dans toutes les opérations de la chimie. Cette utile machine, dont nous avons déjà indiqué les avantages dans la première partie, est nommée calorimètre par M. Lavoisier. Un trouve exposés, dans le quatrième chapitre, les instruments dont on se sert dans les simples opérations mécaniques de la chimie, telles que la trituration, la porphyrisation, le tamisage, le lavage, la filtration et la décantation. Le cinquième chapitre contient la description des moyens et des instruments qu'on emploie pour opérer l'écartement ou le rapprochement des molécules des corps ; tels sont les vases destinés à la solution des sels, à la lixiviation, à l'évaporation, à la cristallisation et à la distillation simple, ou évaporation en vaisseaux clos. M. Lavoisier décrit, dans le sixième chapitre, les instruments qui servent aux distillations composées et pneumato-chimiques, et surtout les appareils de Woulfe, variés de beaucoup de manières ; ceux qu'on emploie dans les dissolutions métalliques ; ceux qu'il a imaginés pour recueillir les produits des fermentations vineuse et putride, pour la décomposition de l'eau. Il y joint une histoire des différents lots et de leurs diverses utilités. Les détails contenus dans le septième chapitre font connaître les appareils dont ce physicien s'est servi avec succès pour connaître avec exactitude les phénomènes qui ont lieu dans la combustion du phosphore, du charbon, des huiles, de l’alcool, de l’éther, du gaz hydrogène, et, conséquemment, dans la recomposition de l'eau ; ainsi que dans l'oxydation des métaux. Enfin, le huitième et dernier chapitre de l’ouvrage traite des instruments et des procédés propres à exposer les corps à de hautes températures; il est question de


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la fusion, des creusets, des fourneaux, de la théorie de leur construction, du moyen d'augmenter considérablement l'action du feu, en substituant à l'air atmosphérique l'air vital ou gaz oxygène. Quand ces détails ne seraient que des descriptions simples des machines auxquelles la chimie doit toutes ses nouvelles connaissances, ils n'en seraient pas moins utiles, et on n'en aurait pas moins d'obligation à M. Lavoisier pour avoir publié des procédés et des appareils trop peu connus, même d'une partie de ceux qui professent aujourd'hui la chimie, comme l’a dit l’auteur. Mais ce n'est point seulement une description sèche et aride que présente cette troisième partie : on y décrit l'usage des diverses machines, on y fait connaître la manière de s'en servir et les phénomènes qu'elles offrent à l’observateur; souvent même des points particuliers de la théorie générale exposée dans tout l’ouvrage portent un jour éclatant sur le résultat des opérations auxquelles servent ces instruments. On peut considérer cette troisième partie comme une histoire des principaux appareils nécessaires aux opérations de la chimie moderne, et sans lesquels on ne pourrait plus espérer de faire faire des progrès à cette science. Les planches placées à la fin de l’ouvrage ont été gravées avec soin par la personne qui nous a déjà donné la traduction de Kirwan, et qui sait allier la culture des lettres à celle des arts et des sciences. L'ouvrage est terminé par des tables où sont exposées la pesanteur du pied cube des différents gaz, la pesanteur spécifique d'un grand nombre de corps naturels, les méthodes pour convertir les fractions vulgaires en fractions décimales et réciproquement, des moyens de correction pour la pesanteur des gaz relativement à la hauteur du mercure dans le baromètre et dans le thermomètre. Ces tables deviennent aujourd'hui aussi nécessaires aux chimistes pour obtenir des résultats exacts dans leurs expériences, que le sont les tables de logarithmes aux géomètres et aux astronomes, pour l'exactitude et. la rapidité de leurs calculs. Nous pensons que l’ouvrage de M. Lavoisier mérite l’approbation de la société, et d'être imprimé sous son privilège. Au Louvre, le 6 février 1789. Signé DE HORNE et DE FOURCROY. La société de médecine ayant entendu, dans sa séance tenue au Louvre, le 6 du présent mois, la lecture du rapport ci-dessus, en a entièrement adopté le contenu. Ce que je certifie véritable. Ce 7 février 1789. Signé VICQ D'AZUR, Secrétaire perpétuel.


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EXTRAIT DES REGISTRES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE.

Du 5 février 1789 Nous avons été chargés par la Société d'Agriculture, M. de Fourcroy et moi, de lui rendre compte d'un traité élémentaire de chimie, par M. Lavoisier. Des savants de l'Europe, l'un de ceux qui a le plus contribué à l'heureuse révolution que la chimie pneumatique a éprouvée de nos jours, c'est, sans contredit, M. Lavoisier. Les mémoires importants qu' il a publiés depuis quinze ans, les faits brillants dont on lui est spécialement redevable, toutes les expériences connues qu'il a vérifiées avec un zèle infatigable, l'élégance et la précision des appareils qu'il a imaginés, la théorie nouvelle, enfin, sur laquelle il a singulièrement influé, et qu'on peut vraiment regarder comme lui étant propre, faisaient désirer que M. Lavoisier réduisit ces nombreux matériaux en un corps d'ouvrage, et surtout qu'il en fit un ouvrage élémentaire : il était difficile de mieux remplir ce vœu. Ce traité peut servir à l'étude de la chimie par la méthode et l'ordre qui y règnent; quant au chimiste déjà familiarisé avec la science, il y trouvera les faits réunis et classes, ainsi que de grandes vues sur le système de notre atmosphère, de la végétation, de l'animalisation, etc. ce qui offre une vaste carrière à ses recherches. La chimie recule de jour en jour ses bornes ; elle embrasse maintenant toutes les sciences physiques, et l'agriculture est peut-être une de celles qui aura le plus à s'applaudir des succès de la chimie, l'analyse étant le seul moyeu de conduire sûrement à la connaissance des terres, des amendements et des engrais : enfin, la chimie pneumatique peut seule expliquer les grands phénomènes de la végétation, la formation des différents principes des végétaux, l'étiolement des plantes, etc.


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c'est elle qui nous a fait connaître cette double émission d'un gaz homicide et d'un gaz vital. Dans le petit nombre d'ouvrages qui ont été récemment publiés sur la chimie, tout étant neuf, la nomenclature, les faits, l'application de la méthode des géomètres à ces mêmes faits, et la théorie entière, l'analyse d'un pareil traité serait une tache longue et difficile à remplir; nous nous bornerons donc à des réflexions sur ce nouvel ordre de choses, qui, au milieu de beaucoup de prosélytes, a encore quelques détracteurs. On peut établir comme vérité qu'il n'y a pas d'art mécanique, le dernier de tous, dont la nomenclature ne soit moins vicieuse, moins insignifiante, que ne l’était celle de l'ancienne chimie. Pas un mot, dans l’ancienne langue chimique, qui n'ait été enfanté par l'amour du mystère, et quelquefois même par le charlatanisme. Glauber, Stahl, emportés par le torrent et l'espèce de mode régnante alors, introduisent, l'un son sel admirable, l’autre, son double arcane. Un mot neuf, mot qui n'a aucune acception, peut en recevoir une ; il n'en est pas de même d'un mot déjà usité. Il fallait donc une langue nouvelle pour une nouvelle science, des mots nouveaux pour de nouveaux produits ; enfin, il fallait créer des expressions pour les phénomènes que créait journellement la chimie. Il importait surtout que cette nomenclature fit raisonnée, que le mot fixât l'idée, et que, semblable à la langue des Grecs et des Latins, les augmentatifs, les privatifs et le changement de terminaison devinssent autant de moyens de faire naître des idées accessoires et précises, et c'est l’objet que remplissent, par exemple, les mots soufre, sulfate, sulfite, sulfure. Tel est le but qu'ont rempli les savants qui se sont réunis pour former cette nouvelle nomenclature, et le traité de M. Lavoisier la rend très intelligible. Rien de plus imposant dans l'ouvrage de M. Lavoisier que ce nombre d'expériences ingénieuses, dont beaucoup lui appartiennent, toutes présentées avec cette précision mathématique, inconnue avant cette époque, que Rouelle avait devinée, et qui, soumettant l’analyse à la rigueur du calcul, fait le complément de la science, en rendant la recomposition des corps aussi facile que leur décomposition. L'ancienne chimie parvenait bien quelquefois à la synthèse : elle décomposait et recomposait l'alun, les vitriols, les sels neutres en général, elle minéralisait et revivifiait les métaux; mais l'eau, mais l'air échappaient à son analyse. Elle les regardait comme des corps simples et élémentaires : il était réservé à la chimie pneumatique de leur faire subir la double loi de la décomposition et de la recomposition. Il nous reste à parler de la théorie, puisque nous sommes restreints à des généralités. Cette théorie pose sur une grande masse de faits, qui lui forment un


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rempart solide où elle paraît inattaquable : elle ne le serait pas, sans doute, si elle prétendait tout expliquer, mais elle sait s'arrêter quand les faits lui manquent ou qu'ils sont en trop petit nombre pour consolider de nouveaux points de doctrine. Tel est le caractère de sagesse qui la distingue de l'ancienne théorie, qui expliquait tout de dix manières différentes, parce qu'au défaut de routes il faut se pratiquer des sentiers. Dans la théorie actuelle, les faits s'enchaînent ; chaque proposition est étayée d'expériences qui se pressent, et on paraît réduit à ne pouvoir pas en tirer d'autres conséquences que celle que présente cette même théorie. Nous pensons donc que cet ouvrage, dont plusieurs chapitres sont immédiatement applicables à la physique végétale, mérite l'approbation de la Société d'Agriculture. Signé DE FOURCROY et CADET DE VAUX. Je certifie cet extrait conforme à l'original et au jugement de la Société. A Paris, ce 6 février 1789. Signé BROUSSONET, Secrétaire perpétuel.


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TABLE DES MATIÈRES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.

TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE DE CHIMIE

A

ACIDES. Ils résultent en général d'un premier ordre de combinaisons formées par la réunion de deux principes simples, 115 ; - savoir, d'un radical particulier et d'un principe acidifiant commun à tous, l'oxygène, 57. - C'est, en général, le résultat de la combustion ou de l’oxygénation d'un corps, 58. - Leurs dénominations générales se tirent de celle de leur base acidifiable, 59. - Difficulté de les nommer lorsque les bases sont inconnues, ibid. - Leurs noms se terminent en eux, lorsqu'ils contiennent peu d'oxygène, ibid. - Ils se terminent en ique, lorsqu'ils sont plus chargé, de ce principe, ibid.- Ils peuvent être regardés comme de véritables principes salifiants, 115. - Leurs combinaisons avec les bases salifiables, 133. - Leur nombre s'est beaucoup accru depuis les nouvelles découvertes chimiques, 147. - Chaque acide nouveau enrichit la chimie de vingt-quatre ou de quarante-huit sels, 128.

ACIDE ACÉTEUX, vulgairement appelé vinaigre, 113. - Son radical est composé d'une proportion encore indéterminée d’hydrogène et de carbone, ibid. - Il est le résultat de l'oxygénation du vin, ibid. - Il absorbe l'oxygène de l'air en se formant, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 216.

ACIDE ACETIQUE. Tableau de ses combinaisons, 220 - Appelé autrefois vinaigre radical. - Dernier degré d'oxygénation que puisse prendre le radical hydro-carboneux. - Il n'est pas encore démontré qu'il soit plus oxygéné que l'aride acéteux ; il pourrait en différer par la différence de proportion des principes du radical. - Moyens do l'obtenir, 221.

ACIDES ANIMAUX. On n'en tonnait encore que six. 95. - Il paraît qu'ils se rapprochent beaucoup les uns des autres, ibid. - Il entre ordinairement dans leur composition quatre bases acidifiables, 91. ACIDE ARSENIQUE. Tableau de ses combinaisons, 193. - Enlève l’oxygène à l'acide


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nitrique, devient un véritable acide, soluble dans l'eau, 194. - Se combine avec la potasse et avec un grand nombre de bases salifiables, ibid. - Plusieurs moyens de l'obtenir, ibid.

ACIDE BENZOÏQUE. Tableau de ses combinaisons, 224 - On l’obtient par sublimation et par la voie humide. - Procédé pour l'obtenir. - On le recueille sous forme concrète, 225.

ACIDE BOMBIQUE. Tableau de ses combinaisons, 236. - Se tire de la chrysalide du ver à soie. - Moyen de l'obtenir. - Ses propriétés et ses affinités ne sont pas bien déterminées. - Son radical paraît être composé de carbone, d’hydrogène et peut-être de phosphore, 237.

ACIDE BORACIQUE. Combinaison du radical boracique avec l’oxygène, 162 - Tableau de ses combinaisons, 189. - Se tire du borax. - Sel sédatif des anciens, 190. - Moyens de l’obtenir du borax, 191. - Ses propriétés, ses affinités différentes, selon qu’on opère par voie sèche ou par voie humide. - Son radical est inconnu. - Ce n'est que par analogie qu’on croit que l'oxygène fait partie de sa composition, 192.

ACIDE CAMPHORIQUE. Tableau de ses combinaisons, 226. - Moyens de l'obtenir. - Il est très-analogue à l’acide oxalique. Il peut être regardé comme un mélange d'acide oxalique et d'acide malique, 227.

ACIDE CARBONIQUE. Très-abondamment répandu dans la nature. - Tout formé dans les craies, les marbres, neutralisé par la chaux. - Moyens de l'obtenir. - Il s’unit à l'eau à peu près à volume égal. - Le carbone est son radical. - On peut le former artificiellement en oxygénant le carbone, 180 - Sa formation dans la combustion des végétaux, 117. - Il emporte avec lui une portion de calorique qui le constitue dans l’état de gaz, ibid. - Il est un des produits de la fermentation vineuse, 100. - On le convertit en un acide végétal en lui combinant de l’hydrogène, 114. - Sa décomposition serait bien importante pour les arts. - On peut y parvenir par les affinités doubles, 180. - Tableau de ses combinaisons, 179.

ACIDE CITRIQUE. Tableau de ses combinaisons, 205. - On le tire du jus de citron ; on le trouve dans beaucoup d'autres fruits. - Moyens de l’obtenir pur, 206.

ACIDE FLUORIQUE. Combinaison du radical fluorique avec l'oxygène, 162. - Tableau de ses combinaisons, 188. - Il est tout formé dans le spath fluor ou spath phosphorique. - Moyens de le dégager de ses bases. - Il est naturellement sous forme de gaz. - Dissout le verre. - On pourrait tenter de le décomposer par les affinités doubles, 189.

ACIDE FORMIQUE. Tableau de ses combinaisons, 234. - Il a été connu dans le siècle dernier. - Espèce de fourmi dont on le tire. - Moyens de l'obtenir, 235.

ACIDE GALLIQUE. Tableau de ses combinaisons, 228. - Se tire de la noix de galle. - Moyen de l'obtenir. - Ses propriétés acides sont peu marquées. - Il se trouve dans beaucoup de végétaux. - Son radical est inconnu, 229.

ACIDE LACTIQUE. Tableau de ses combinaisons, 230. - Se trouve dans le petit-lait. - Procédés pour l'obtenir. - S'unit avec toutes les bases salifiables. - Il a beaucoup de rapport avec l'acide acéteux, 131.

ACIDE LITHIQUE. Tableau de ses combinaisons, 240. - Moyens de l'obtenir. - Ses propriétés sont peu connues. - Il pourrait bien être déjà combiné à une


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base et dans l'état de phosphate de chaux, 241.

ACIDE MALIQUE. Tableau de ses combinaisons, 203. - Se trouve tout formé dans le jus de pommes et d'autres fruits. - Moyen de l'obtenir. - Il est mêle avec l’acide citrique et tartareux dans beaucoup de fruits. - Tient le milieu entre l'acide oxalique et l’acide acéteux. - Son radical contient du carbone et de l’hydrogène. - On le forme artificiellement, 204.

ACIDE MARIN. Est naturellement dans l'état de gaz, au degré de pression de l’atmosphère, 60. - Voy. Acide muriatique oxygéné.

ACIDE MARIN OXYGÉNÉ. S'obtient en distillant de l'acide marin sur des oxydes métalliques, 185. - Voy. Acide muriatique oxygéné.

ACIDE MOLYBDIQUE. Tableau de ses combinaisons, 196. - Moyens de l'obtenir. - On le recueille sous forme pulvérulente de couleur blanche comme la craie. - Il est touj ours concret et peu soluble, 197 ; ACIDE MURIATIQUE. Combinaison du radical muriatique avec l'oxygène, 162. - Son nom dérivé du mot latin muria, 61. Il est dans l’état de gaz au degré de pression et de température ordinaire, 60. - Se combine facilement avec l'eau, 61. - Il est très-répandu dans le règne minéral, uni à différentes bases. - N’a été décomposé dans aucune expérience chimique. - Son radical est inconnu, 61 et 184. - Opinion sur sa nature, 184. - Tient faiblement à ses bases. - Moyen de l’en séparer. - Appareils pour sa distillation, ibid. - On le surcharge d'oxygène, en le distillant sur des oxydes métalliques, tels que le manganèse, ibid. - Il est susceptible de différents genres d'oxygénation, 61. - L'excès d’oxygène le rend moins miscible à l’eau, 62 ; plus volatil, ibid. - Pourquoi on n'a pas donné à son nom la terminaison en eux, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 182.

ACIDE MURIATIQUE OXYGÉNÉ. Il est plus volatil que l’acide muriatique ordinaire, 62. - Il ne peut exister que sous forme gazeuse. - N'est absorbable par l'eau qu'en petite quantité. - Se combine avec un grand nombre de bases salifiables. - Les sels qu'il forme détonent avec le carbone. Ces détonations sont dangereuses pur l’expansion du calorique, 185. - Il dissout les substances métalliques sans effervescence, 125. - Il perd son excès d'oxygène dans la dissolution des métaux et devient acide muriatique ordinaire, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 183.

ACIDE NITREUX. Raisons de lui conserver ce nom ; celui d’azotique lui conviendrait mieux, 63. - Se tire ordinairement du salpêtre, 58 et 165. - Moyens de l’obtenir, 165. - Il est le résultat de la combinaison de l'oxygène et de l’azote, 62 et 150. - C'est l’acide du nitre surchargé d'azote ou de gaz nitreux, 64 ; - et par conséquent un véritable acide azoteux, 63. - Il est le premier dans lequel l’existence de l’oxygène ait été bien démontrée, 62. - Les principes qui le constituent tiennent peu ensemble, ibid. - Il est rouge et fumant, 64. - Il laisse échapper son excès de gaz nitreux à une légère chaleur, ibid. - Il est formé par la réunion de trois parties d'oxygène et d'une d'azote, 63. - Tableau de ses combinaisons, 164.

ACIDE NITRIQUE. Le gaz azote est son radical, 49. - C'est l’acide nitreux surcharge d'oxygène, 64. - Il est composé de quatre parties d’oxygène et d’une d'azote, ibid. - Il est blanc, sans couleur, plus


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fixe au feu que l’acide nitreux, 64. - Se tire ordinairement du salpêtre, 155. - Moyens de l'obtenir, ibid. - Retient une grande partie du calorique de l’oxygène qui est entré dans sa composition, 82. - Le calorique s'en dégage avec fracas lors de sa décomposition, 83. - Peut servir à oxygéner beaucoup de substances par la voie humide, 145. - Il est uni très-souvent à la chaux et à la magnésie, 165. - Moyens de l’obtenir pur, 167. - Il a une grande tendance à la combinaison et se décompose lui-même aisément, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 163.

ACIDE NITROMURIATIQUE. Anciennement appelé eau régale. - C'est un acide à deux bases, 187. - Il a des propriétés particulières qui dépendent de l'action combinée de ses deux bases acidifiables, 90 et 187. - Les métaux s'oxydent dans cet acide avant de s'y dissoudre. - Gaz qui se dégagent pendant la dissolution, 187. - Tableau de ses combinaisons, 186.

ACIDE OXALIQUE. Tableau de ses combinaisons, 213. - Il se retire du suc de l’oseille ; il se trouve, dans cette plante, uni à la potasse, et dans l'état d'un sel neutre avec excès d'acide. - Moyen de le dégager de sa base. - Il cristallise lorsqu'il est pur. - Uni à sa base, peut entrer tout entier dans un grand nombre de combinaisons ; il en résulte des sels à deux bases, 214.

ACIDE PHOSPHOREUX. Combinaison du phosphore avec l’oxygène par une combustion lente, 177. - Se convertit en acide phosphorique par une longue exposition à l'air, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 175.

ACIDE PHOSPHORIQUE. Produit par la combustion du phosphore dans le gaz oxygène, 51. - Il est naturellement dans l'état concret après la combustion, 52, 78 et 178. - Moyen de l'obtenir pur, 178. - Quantité d'oxygène qu'absorbe le phosphore dans sa conversion en acide, ibid. - Ne peut pas être regardé comme un acide animal, parce qu'il appartient aux trois règnes, 95. - Tableau de ses combinaisons, 176.

ACIDE PRUSSIQUE. Tableau de ses combinaisons, 242. - Uni au fer, il le colore en bleu. - Son radical est inconnu. - C’est un acide à base double ou triple, dont l'azote est un des principes constituants, 243. - Il ne jouit même que d’une partie des propriétés acides, ibid.

ACIDE PYROLIGNEUX. Tableau de ses combinaisons, 207. - Se retire du bois. - Moyens de l’obtenir pur.- Son radical est formé d'hydrogène et de carbone. - Il est le même, de quelque nature de bois qu'on le retire, 208.

ACIDE PYROMUQUEUX. Tableau de ses combinaison, 211. - On le retire de tous les corps sucrés par la distillation à feu nu. - Accidents à éviter. - Procédé pour le concentrer. - On le convertit en acide malique et en acide oxalique en l’oxygénant, 212.

ACIDE PYROTARTAREUX. On le retire du tartre pur distillation à feu nu. - Moyen, pour l'obtenir. - Il se dégage, pendant la distillation une grande quantité d'acide carbonique. - Explosion dans la rectification, 210. - Tableau de ses combinaisons, 209.

ACIDE SACCHOLACTIQUE. Tableau de ses combinaisons, 232. - Extrait du sucre de petit lait. - Son action sur les métaux, peu connue. - Les sels qui résultent de sa combinaison avec les bases salifiables sont peu solubles, 233.


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ACIDE SÉBACIQUE. Tableau de ses combinaisons, 238. - C'est la graisse animale oxygénée. - Moyen de l'obtenir, 239.

ACIDE SUCCINIQUE. Tableau de ses combinaisons, 222 - On le relire du succin. - Moyens de l'obtenir. - Il n'a pas dans un degré très-éminent les qualités acides, 223.

ACIDE SULFUREUX. Premier degré d'oxygénation du soufre, 58 et 173. - Les métaux, lorsqu'ils sont oxydés, sont dissolubles dans cet acide, 173. - On l'obtient par différents procédés, ibid. - Il est dans l'état de gaz à la pression ordinaire de l'atmosphère. - Il se condense par le froid, ibid. - Tableau de ses combinaisons, 172.

ACIDE SULFURIQUE. Il est formé par la combinaison du soufre et de l’oxygène, 55, 59 et 170. - Proportion d'oxygène qui entre dans sa combinaison, 171. - Il est incombustible, 55. - Son poids est égal à celui du soufre qu'on a brûlé pour le former, et de l’oxygène qu'il a absorbé pendant la combustion, ibid. - Difficulté de le condenser, ibid. - Il se combine avec l'eau en toutes proportions, ibid. - On le trouve tout formé dans les argiles, les gypses. - Moyens de le ramener à l’étal de soufre par voie de décomposition et d'affinité, 156. - Décompose le nitre, 62. - Les métaux le décomposent et le réduisent à l'étal d'acide sulfureux, 171. - Tableau de ses combinaisons avec les bases salifiables, 168.

ACIDE TARTAREUX. Tableau de ses combinaisons, 200. - Moyens de l'obtenir pur. - Son radical est en excès. - C'est par cette raison qu'on a donné à son nom la terminaison en eux. - Sa base est le radical carbone-hydreux. - L'azote entre dans sa composition. - En l'oxygénant on le change en acides malique, oxalique et acéteux, 201 et 202. - On observe deux degrés de saturation dans ses combinaisons avec les alcalis. - Le premier degré avec excès d'acide ; tartrite acidule de potasse. - Le second degré, sel parfaitement neutre : tartrite de potasse, 202.

ACIDE TUNGSTIQUE. Tableau de ses combinaisons, 198. - Se retire de la mine de tungstène, dans laquelle il est déjà sous forme d'acide. - Moyens de l'obtenir. - Ses affinités avec les acides métalliques ne sont pas déterminées, 199.

ACIDES VEGETAUX. On en connaît treize jusqu'à présent, 94. - Leur composition est connue, mais la proportion des principes qui les constituent ne l'est pas encore, 92 et 114. - Ils ont tous pour base l'hydrogène, le carbone et quelquefois le phosphore, 91 et 139. - Ils ne diffèrent entre eux que par la proportion d'hydrogène et de carbone, et par leur degré d'oxygénation, 91. - Quoique composés d'hydrogène et de carbone, ne contiennent cependant ni eau, ni acide carbonique, mais les principes propres à les former, 94. - Peuvent se convertir les uns dans les autres, en changeant la proportion de leurs principes constituants, 147.

AFFINITÉS. Les données manquent encore pour entreprendre un traité complet sur cet objet, Discours préliminaire, 4 et 5. - Il s'en exerce de doubles et triples dans la décomposition des végétaux, 98. - Elles sont très-compliquées dans la putréfaction, 109.

AGENTS CHIMIQUES. Ce que c'est, 305.

AIR ATMOSPHERIQUE composé de deux fluides élastiques, l'un respirable et l'autre qui


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ne l'est pas, 38 et 48. - Observations sur les expériences analytiques, relatives à l’air atmosphérique, 43 et suiv. - Sa décomposition par le mercure, 36 et suiv. - N'est plus respirable après la calcination du mercure, 37. - Est décomposé parle fer, 39. - Diminue d'une quantité en poids égale à l'augmentation que le fer acquiert dans sa calcination, 43. - Est décomposé par le gaz nitreux, 64 ; - par la combustion du soufre, 55.- Voy. Atmosphère.

AIR FIXE. Premier nom de l'acide carbonique, 56. - Voy. Acide carbonique.

AIR VITAL. Voy. Gaz oxygène.

ALCALI DE LA SOUDE. Se retire de la lixiviation des cendres des plantes qui croissent au bord de la mer, principalement du kali, 119. - On ne connaît pas ses principes constituants, ibid. - On ne sait pas si cette substance est toute formée dans les végétaux antérieurement à la combustion, ibid. - Elle est presque touj ours saturée d'acide carbonique, ibid. - Ses cristaux s’effleurissent à l’air et y perdent leur eau de cristallisation, ibid. ALCALI FIXE, OU POTASSE. C'est un résultat de la combustion des végétaux, 117. - Moyens de l'obtenir, 118. - On ne connaît pas ses principes constituants, 119. - L'analogie pourrait porter à croire que l'azote est un des principes constituants des alcalis en général, ibid. - Se volatilise très-promptement au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

ALCOOL. Raisons qui ont fait adopter ce nom générique pour toutes les liqueurs spiritueuses, 100. - Il est composé de carbone et d'hydrogene, 107. - L'hydrogène et le carbone ne sont pas dans l'état d’huile dans cette combinaison, ibid. - Se décompose en passant à travers un tube de verre rougi au feu, ibid. - Appareil pour sa combustion, 351.

ALLIAGES. Combinaison des métaux les uns avec les aurtes, 86. - Celui des métaux qui prédomine donne le nom à l’alliage. - Les alliages ont leur degré de saturation très-marqué, 162.

ALUMINE. C'est principalement dans les argiles qu'on la rencontre, 121. - La composition de cette terre est absolument inconnue, ibid. - Elle a moins de tendance à la combinaison que les autres terres, ibid. - Est parfaitement fusible au feu alimenté par le gaz oxygène, 383. - Son étal après la combustion, ibid.

AMALGAME. Combinaison du mercure avec les autres métaux, 87.

AMIDON. Oxyde végétal à deux bases, 91. AMMONIAQUE. Résultat de la combinaison de l'azote et de l’hydrogène, 63 et 110. - Sur 1,000 parties, elle est composée de 807 d'azote et de 193 d'hydrogène, 120. - Moyens de l’amener à un grand degré de pureté, ibid. - Lorsqu'elle est très-pure, elle ne peut exister que sous forme gazeuse, ibid. - Dans l’état aériforme, elle porte le nom de gaz ammoniac, ibid. - Dans cet état, l’eau en absorbe une grande quantité, ibid.

APPAREILS CHIMIQUES. Raisons qui ont déterminé à en placer la description à la fin de l’ouvrage, 246.

APPAREILS PNEUMATOCHIMIQUES, À L’EAU ET AU MERCURE. Leur description, 257 et suiv.

ARGENT. Se volatilise lentement au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

ARSENIC. Est susceptible de s’oxygéner. Dans cet état, il a la propriété de s'unir aux bases salifiables, 194.

ATMOSPHÈRE TERRESTRE. Sa constitution, 26, 32 et suiv. - Son analyse, 35. - Composée de tous les fluides susceptibles


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d'exister dans un état de vapeurs et d'élasticité constante au degré habituel de chaleur et de pression que nous éprouvons, 34. - Sa pression est un obstacle à la vaporisation, 33. - Quelles sont ses parties constituantes, 46. - Sa limite, 33. - Voy. Air atmosphérique, Gaz oxygène, Gaz azote.

ATTRACTION. Tend à réunir les molécules des corps, tandis que le calorique tend à les écarter, 18.

AURORES BORÉALES. Conjectures faites sur les causes qui les produisent, 34.

AZOTE. C'est la partie non respirable de l'air, 63. - C'est un des principes le plus abondamment répandus dans la nature, 150. - Avec le calorique, il forme le gaz azote, qui demeure toujours dans l’état de gaz à la pression de l’atmosphère, ibid. - Combiné avec l’oxygène, il forme les acides nitreux et nitrique, 63, 150 et 166. - Se trouve dans les substances végétales et animales, 98 et 139 ; - surtout dans les matières animales, dont il forme un des principes, 150. - Combiné avec l’hydrogène, il forme l’ammoniaque, 63, 150. - Dans la décomposition des végétaux et des matières animales, il s’unit à l’hydrogène pour former l’ammoniaque, 98 et 110. _ C’est un des principes constituants de l’acide prussique, 151. - Ses combinaisons avec les substances simples sont peu connues ; elles portent le nom d’azotures, 150.

B

BALANCES. Instruments dont l'objet est de déterminer le poids absolu des corps. - Combien il en faut dans un laboratoire. - De leur perfection. - Des précautions pour les conserver, 251 et suiv.

BALANCE HYDROSTATIQUE. Moyen de s'en servir. - Ses usages, 253.

BAROMÈTRE. Corrections barométriques du volume des gaz, relativement à la différence de pression de l'atmosphère, 273 et suiv. - Modèle de calcul pour ces corrections, 279 et suiv.

BARYTE. La composition de cette terre est encore inconnue, 121. - Il est probable que c'est un oxyde métallique, 122 ; - mais qui n'est pas réductible par les moyens que nous employons, ibid.- Elle est peu abondante ; on ne la trouve que dans le règne minéral, 121. - Effet que produit sur elle le feu le plus violent, alimenté par le gaz oxygène, 383.

BASES SALIFIABLES. Il en existe 24 ; savoir : 3 alcalis, 4 terres et 17 substances métalliques, 128.

BORAX. Sel concret avec excès de base, qui est la soude. - Son origine est inconnue. - Sa purification est encore un mystère, 191.

BOUGIE. Sa combustion, 83.

C

CALCUL DE LA VESSIE. Fournit l'acide lithique, 241. CALORIMÈTRE. Se description, 284 et suiv. - Principes de sa construction, ibid. - Manière de s'en servir, 289 et suiv.

CALORIQUE. Cause de la chaleur, 19. - Peut être considéré d’une manière abs- [abstraite]


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traite, 19. - Comment il agit sur les corps, 20. - Paraît être le plus élastique de la nature, 30. - Tous les corps y sont plongés, et il remplit les intervalles que laissent entre elles leurs molécules. - Il se fixe quelquefois de manière à constituer leurs parties solides. - C'est de son accumulation que dépend l'état aériforme, 141. - Il fait l’office de dissolvant dans toute espèce de gaz, 26. - On appelle du nom générique de gaz toute substance portée à l'état aériforme par une addition suffisante de calorique, 141. - Le soufre et le charbon, en brûlant, lui enlèvent l'oxygène, 55. - Il en est de même du gaz hydrogène, 73. - Moyen de mesurer la quantité de calorique qui se dégage des corps pendant leur combustion, 29, 78 et suiv. - Appareil imaginé pont remplir cet objet, 284 - Plan d'expériences pour déterminer la quantité que la plupart des corps en contiennent, 85. - Son dégagement dans la combustion du fer, 39. - Dans la combinaison des métaux avec la base du gaz oxygène, 65 - Dans la combustion du charbon, 55 et 81. - Dans la combustion du phosphore, 80. - Dans la combustion de la cire, 83. - Dans la combustion de l’huile d’olives, 84. - Dans la combustion du gaz hydrogène, 81. - Il reste uni à l’oxygène dans la formation de l'acide nitrique, 82 - Il entre dans la composition des nitrates et des muriates, en quantité presque égale à celle qui est nécessaire pour constituer le gaz oxygène, 145. - Il se dégage avec une telle abondance, dans la combinaison de l’oxygène avec les corps combustibles, que rien ne peut résister à son expansion, ibid. - Il décompose les substances végétales et animales, 96.

CALORIQUE COMBINÉ. Tient aux corps par l'attraction, et constitue une partie de leur substance, 28.

CALORIQUE LIBRE. C’est celui qui n'est engagé dans aucune combinaison, 28.

CALORIQUE SPECIFIQUE DES CORPS. C'est le rapport des quantités de calorique nécessaires pour élever d'un même nombre de degrés la température de plusieurs corps égaux en poids, 28.

CAMPHRE. Espèce d'huile concrète qu'on retire par sublimation dan laurier du Japon, 227 .

CAPSULES DE PORCELAINE. Servent de support aux substances dans la fusion par le gaz oxygène, 383.

CARBONE ou CHARBON PUR. Substance simple combustible, 55 et 161. - Manière d'opérer sa combustion, 56. - Décompose le gaz oxygène à une certaine température, 56, 96 et 161. - Appareil pour sa combustion, 341 et suiv. - Quantité de calorique qui se dégage dans cette opération, 56, 81. - Enlève sa base an calorique, 56. - Décompose l'eau à une chaleur rouge et enlève l’oxygène à l’hydrogène, 70, 153. - Il s'en dissout une portion dans le gaz hydrogène, 71, 87. - Il est contenu dans le fer et dans l’acier, 43. - Il existe dans les végétaux antérieurement à la combustion, et forme avec le phosphore l'hydrogène et l'azote des radicaux composés, 161. - Moyens d'obtenir celui qui est contenu dans les matières végétales et animales, ibid. - Ses combinaisons avec les substances simples, 159. - Il a très-peu d'affinité avec le calorique, 96. - Il forme une des parties constituantes des huiles, 88 ; - et, en général, de tous les acides végétaux, 91. - Il tient très-peu aux huiles volatiles animales, 99 - Il fait partie du radical


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des gommes, du sucre et de l’amidon. - Il est combiné, dans ces substances, avec I’hydrogène, de manière à ne former qu'une seule base portée à l'état d'oxyde par une portion d'oxygène, 92. - Quantité qu'en contient le sucre, 102.

CARBURES. Nom donné aux combinaisons du carbone avec les métaux, 87.

CENDRES. Elles forment ordinairement la vingtième portion du poids d'un végétal brûlé, 117. - Il paraît qu' elles existent dans les végétaux avant leur incinération. - C'est la terre qui forme la partie osseuse ou la carcasse des végétaux, 119.

CHALEUR. Dilate les corps, 17. - Ses causes. - Nécessaire à l'oxygénation. - Différente pour l’oxygénation des différents corps, 143 et suiv. - Ce qu'on entend par cette expression, 96. -Voy.. Calorique.

CHALEUR SENSIBLE. N'est que l'effet produit sur nos organes par le dégagement du calorique des corps environnants, 28.

CHARBON DE BOIS. On croit qu'il contient du phosphore, 159. - Sert de support aux substances simples fondues au feu alimenté par le gaz oxygène, 382.

CHAUX. C'est, de toutes les bases salifiables, la plus abondamment répandue dans la nature, 121. - Sa composition est absolument inconnue, ibid. - Elle est presque toujours saturée d'acide carbonique, et forme alors la craie, les spaths calcaires et une partie des marbres, ibid. - Les anciens ont appelé de ce nom générique toutes les substances longtemps exposées au feu sans se fondre, 66. - Effet que produit sur elle le feu le plus violent alimenté par le gaz oxygène, 383.

CHRYSOLITE. Se fond presque sur-le-champ au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

CIRE. Quantité de calorique qui se dégage pendant sa combustion, 83.

CLARIFICATION. Moyen pour mettre une liqueur en état d'être filtrée, 302.

CLOCHES. Manière de les graduer, 269.

COMBUSTION du fer, 39 et suiv. - Du phosphore, 50 et suiv. - Du soufre, 55. - Du charbon, 56 et suiv. - Du gaz hydrogène, 74 et suiv. - Voy. ces mots. - Théorie de la combustion des végétaux, 117. - La plus grande portion du végétal est réduite en eau et en acide carbonique, ibid. - Opérations relatives à la combustion, 338 et suiv. - Conditions nécessaires pour l’opérer, 339 et suiv.

CREUSETS, instruments propres à la fusion, 371.

CRISTAL DE ROCHE. Effet que produit sur lui le feu le plus violent alimenté par le gaz oxygène, 383.

CRISTALLISATION. Opération par laquelle les parties intégrantes d'un corps, qui étaient séparées par un fluide, sont réunies par la force d'attraction, 313. - Calorique qui se dégage pendant cette opération, ibid. - Vaisseaux dans lesquels on l'opère, 316.

D

DÉCANTATION. Peut suppléer à la filtration, 303. - Elle est préférable dans les opérations qui exigent une précision rigoureuse, 304.

DÉTONATION. Explication de ses phénomènes, 365 et suiv. - Ils sont produits par le passage brusque et instantané d'une substance concrète à l'état aériforme, 366. - Expériences sur celle du salpêtre, 367 et suiv.


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DIAMANT. Se brûle à la manière des corps combustibles, et s'évapore au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

DISSOLUTIONS MÉTALLIQUES. Appareils pour les opérer, 326 et suiv.

DISTILLATION COMPOSÉE. Elle opère une véritable décomposition.- C'est une des opérations les plus compliquées de la chimie. - Appareils pour cet objet, 321 et suiv.

DISTILLATION SIMPLE. N'est autre chose qu'une évaporation en vaisseaux clos. - Appareils distillatoires, 317 et suiv.

E

EAU. Ses différents états selon la quantité de calorique qui lui est combinée, 18 et 47. - Se transforme en un fluide élastique à un degré de chaleur supérieur à celui de l’ébullition, 25. - Se dissout dans les gaz, 44. - Regardée par les anciens comme un élément ou substance simple, 68. - Preuves qu’elle est composée, 76 ; - d'un radical qui lui est propre et d'oxygène, 72. - Son passage à travers un tube de verre incandescent, 68. - Appareil pour sa décomposition, 330 et suiv. - Sa décomposition par le carbone, 68. - Sa décomposition par le fer ; il n'y a pas de dégagement d'acide carbonique, 68, 71 et 75.- Oxyde de fer qui en résulte, 72. - Phénomènes de la fermentation spiritueuse et de la putréfaction dus à la décomposition de l'eau, 76. - Cette décomposition s'opère continuellement dans la nature, ibid. - Les principes qui la constituent, séparés l'un de l’autre, ne peuvent exister que sous forme de gaz, ibid. - Sa recomposition, 73 et suiv. 354 et suiv. - 85 parties en poids d'oxygène et 15 en poids d'hydrogène composent 100 parties d'eau, 76. - Se combine avec le gaz acide carbonique, 55. - Se combine en toutes proportions avec l’acide sulfurique, ibid. - Avec l’acide muriatique, très-facilement, 60. - N'est pas tout formée dans le sucre, 108. EAU RÉGALE. Nom ancien donné à un acide composé qui dissout l’or, 90. - Voy. Acide nitromuriatique. ÉBULLITION. N'est autre chose que la vaporisation d'un fluide ou sa combinaison avec le calorique, 23.

EFFERVESCENCE. Est produite par le passage rapide d'un corps solide ou liquide à l'état gazeux, 124. ÉLASTICITÉ. Comment on doit la concevoir, 30 et suiv.

ÉMERAUDE. Fond sur-le-champ en un verre opaque au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

ÉTHER. Serait habituellement dans l'état aériforme, sans la pression de l'atmosphère, 21. - Se vaporise à 33 degrés, 244 et suiv. - Appareil pour sa combustion, 353 et suiv.

ÉVAPORATION. Opération pour séparer deux substances qui ont un degré de volatilité différent, 310 et suiv. - Action du calorique dans cette opération, 312. F FER. Il décompose l’air atmosphérique, 39. - Il augmente de poids, dans la calcination, d’une quantité égale a celle que l’air a perdue, 43. - Appareil pour son oxy- [oxydation]


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dation, 369. - Sa combustion dans le gaz oxygène, 39. - Il décompose l’eau et s'oxyde à un degré de chaleur ronge, 71 et 154. - Il est moins attirable à l’aimant après qu'il a décomposé l'eau ; c'est de l'oxyde noir de fer, 40 et 72. - Ce métal contient de la matière charbonneuse, 44.

FERMENTATION ACÉTEUSE. C'est l'acidification du vin à l’air libre par l’absorption de l’oxygène, 113.

FERMENTATION PUTRIDE. S'opère en raison d'affinités très-compliquées, 109. - Appareil relatif à cette opération, 328 et suiv. - L'hydrogène se dégage sous la forme de gaz pendant la décomposition des substances animales, 109. - Il se forme des combinaisons binaires, ibid.

FERMENTATION VINEUSE. Moyens de l’exciter, 100. - Moyen d'analyse des substances susceptibles de fermenter, 108. - Description des appareils relatifs à cette opération, 328 et suiv. - Ses résultats et ces effets, 107 et suiv. - Détail de ce qui se passe dans la décomposition du sucre, 106.

FILTRATION. C'est un tamisage qui ne laisse passer que les parties liquides, 299.

FILTRES. De leur choix et des moyens de s'en servir, 299 et suiv.

FLUIDES ÉLASTIQUES. Sont une modification des corps, 22. - Il s'absorbe du calorique dans leur formation, ibid. - S'obtiennent à un degré de chaleur déterminé, 23. - Leurs noms génériques et particuliers, 48.

FOURMIS. Espèce qui fournit l’acide formique, 235.

FOURNEAUX. De leur construction, 373 et suiv. - Des fourneaux de fusion, 376. - Leur objet, ibid. - Principes de leur construction, 378 et suiv. - Moyen de faire passer à travers les fourneaux un courant de gaz oxygène, 384 et suiv.

FOURNEAU DE COUPELLE. Sa description, 380 et suiv. - Son objet, ibid. - Sa construction est vicieuse, 381. - Moyens qu'a employés M. Sage pour y suppléer, ibid.

FUSION. C'est une véritable solution par le feu, 371. - Description de l'appareil pour l’opérer à l’aide du gaz oxygène, 381 et suiv. G GAZ. Explication de ce mot, 26. - C'est le nom générique par lequel on désigne une substance quelconque, assez imprégnée de calorique pour passer de l’état liquide à l’état aériforme, 47 et 141. - Ils dissolvent l'eau, 44. - Manière d'en mesurer le poids et le volume, 267 et suiv. 281 et suiv. - Moyens de les séparer les uns des antres, 270 et suiv. - De la correction à faire à leur volume, relativement à la pression de l'atmosphère, 273 et suiv. - et aux degrés du thermomètre, 278.

GAZ AQUEUX. Eau combinée avec le calorique, 47.

GAZ ACIDE CARBONIQUE. Formé par la combustion du charbon dans le gaz oxygène, 55. - Est susceptible d'être absorbé par l’eau, ibid. - Ne se condense pas au degré de pression de l’atmosphère, ibid. - De tous les gaz, c'est celui qui dissout le plus d'eau, 45. - S'unit à toutes les bases susceptibles de former des sels neutres, 56. - Provenant de la décomposition de l’eau par le charbon, 70.


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GAZ ACIDE MURIATIQUE. Moyens de le dégager, 60.

GAZ AZOTE. Fait partie de l'air atmosphérique, 38 et 143. - Plusieurs manières de l'obtenir, 150, 151. - Sa pesanteur, 48. - Ses propriétés chimiques ne sont pas encore bien connues, ibid. - Il prive de la vie les animaux qui le respirent, 49. - L'azote entre dans la composition de l’acide nitrique, ibid. - dans celle de l'ammoniaque, ibid.

GAZ HÉPATIQUE. C'est le gaz hydrogène sulfuré, 87.

GAZ HYDROGÈNE. Est formé par l'union du calorique et de l'hydrogène, 72 et 153. - C'est le radical constitutif de l’eau, 72. - On l’obtient en présentant à l’eau un corps pour lequel l’oxygène ait plus d'affinité ; l’hydrogène s'unit au calorique pour le former, 153. - Se dégage dans la décomposition de l’eau par le fer, 72 ; - et dans celle de l’eau par le charbon, 70 - Moyens de l'obtenir pur, 75. - Sa pesanteur, 73.-Ne peut se condenser au degré de pression de l’atmosphère, 75. - Enlève l'oxygène au calorique et décompose l'air dans la combustion, 73. - Sa combustion avec le gaz oxygène s'opère instantanément et avec explosion. - Précautions qu'exige cette expérience, ibid. - Appareil pour sa combustion en grand, 354 et suiv. - Quantité de calorique qui se dégage pendant sa combustion, 81. - Dans la combustion des végétaux, il s'allume par le contact de l’air et produit la flamme, 117. Il n'est pas absorbable par l'eau, 73. - Il se combine avec tous les corps combustibles, 111. - Il dissout le carbone, 87 ; - le phosphore, ibid. - le soufre, ibid. - les métaux, ibid. - Dénomination qu'il prend alors, ibid. - On en obtient d'autant moins, qu’on a pris plus de précautions pour écarter l’eau dans les expériences sur les métaux, 89.

GAZ HYDROGÈNE CARBONÉ. Résultat de la combinaison du gaz hydrogène avec le carbone, 111.

GAZ HYDROGÈNE PHOSPHORÉ. Résultat de la combinaison du gaz hydrogène avec le phosphore, 111 et 159. - S'enflamme spontanément lorsqu'il a le contact de l'air, 87. - Il a l’odeur du poisson pourri, ibid. - Et il s'exhale vraisemblablement de la chair des poissons en putréfaction, ibid.

GAZ HYDROGÈNE SULFURÉ. Résultat de la combinaison du gaz hydrogène avec le soufre, 111. - C'est à son émanation que les déjections animales doivent leur odeur infecte, 87.

GAZ INFLAMMABLE. Voy. Gaz hydrogène.

GAZ NITREUX. Premier degré de combinaison de l'azote avec l’oxygène, 63. - C'est une espèce d'oxyde d'azote, 64. - Proportions d'azote et d'oxygène qui le constituent, 63. - Surchargé d'oxygène, compose un acide très-puissant, l’acide nitrique, 64. - Enlève l'oxygène à l'air de l'atmosphère, ibid. - Sert d'eudiomètre pour connaître la quantité d'oxygène contenue dans l'air atmosphérique, ibid. - Il est immiscible à l'eau, 63.

GAZ NITROMURIATIQUE. Se dégage pendant la dissolution de l'or dans l'acide nitromuriatiqne. - N'a pas enture été décrit. - Son odeur est désagréable. - Il est funeste aux animaux qui le respirent. - L'eau en absorbe une grande quantité, 187.

GAZ OXYGÈNE. Combinaison de l’oxygène avec le calorique, 48. - Moyen de s'assurer s'il ne contient point d'acide carbonique, 75. - Le calorique et la lumière qui se


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dégagent dans la combustion sont-ils fournis par le corps qui brûle, ou par le gaz oxygène qui se fixe dans les opérations ? 154. - Est décomposé par le charbon, 55 ; - par le phosphore, 50 et suiv. - Perd son calorique dans cette combinaison, 52. - Sa décomposition par les métaux, 65. - Par le fer, 39. - Par le soufre, 55. - Entre dans la décomposition de l'air atmosphérique, 48. - Retiré de l'oxyde de mercure, 364. Retiré de l’oxyde de manganèse ou du nitrate de potasse, 365. - Change de nature par la détonation avec le charbon, et se convertit en acide carbonique, 366. - Moyen de s'en servir pour augmenter l’intensité du feu, 381. - Son emploi dans les fusions, ibid.

GAZOMÈTRE. Instrument propre à mesurer le volume des substances aériformes, 257. - Sa description, 260 et suiv. - Sa graduation, 266 et suiv. - Expériences qui ont donné l’idée de sa construction, 382. - On peut, avec cet instrument, donner un grand degré de vitesse au gaz oxygène, ibid. - et l’employer à augmenter l’action du feu, ibid. et suiv. GAZOMÉTRIE. C’est l’art de mesurer le poids et le volume des substances aériformes, 257.

GOMMES. Oxydes végétaux à deux bases, 91. - Réunies sous le nom générique de muqueux, ibid.

GRAISSE ANIMALE. Formée par la parie musculaire des cadavres enterrés à une certaine profondeur et privés du contact de l’air, 111. - Le suif fournit l’acide sébacique, 239.

GRENAT. Fond presque sur-le-champ au gaz alimenté par le gaz oxygène, 384.

H

HUILES. Elles sont composées de carbone et d'hydrogène, 88. - Ce sont de véritables radicaux carbone-hydreux, 139. - Proportion des principes qui les constituent, 88. - Sont-elles base ou radical des acides végétaux et animaux ? - Raisons qui font pencher pour la négative, 148. - Appareil pour leur combustion, 347 et suiv. - Se convertissent, en brûlant, en acide carbonique et en eau, 94.

HUILES D’OLIVES. Quantité de calorique qui s'en dégage, 84.

HUILES FIXES. Contiennent un excès dé carbone, 88. - Elles le perdent à un degré de chaleur supérieur à l'eau bouillante, ibid.

HUILES VOLATILES. Elles sont formées par une juste proportion d'hydrogène et de carbone, 88. - A un degré supérieur à l'eau bouillante, elles se combinent au calorique pour former un gaz ; c'est dans cet état qu'elles passent dans la distillation, ibid.

HUILES VOLATILES ANIMALES. Le carbone y tient si peu, qu'il s'en sépare par leur simple exposition à l'air libre, 99. - Il se sépare encore plus promptement quand on les expose dans le gaz oxygène, et l’huile devient noire ; en même temps, il se forme de l’eau, ibid. - Elles redeviennent blanches par la rectification, et le charbon s'en sépare, ibid. - Elles se décomposent et se convertissent entièrement en charbon et en eau par des rectifications répétées, ibid.

HYACINTHE. Perd sa couleur au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

HYDROGÈNE. Est un des principes de l’eau,


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152. - Son existence et ses propriétés ne sont connues que depuis peu de temps. - C'est un des principes les plus répandus dans la nature. - Il joue le principal rôle dans le règne animal et végétal, 153. - Son affinité avec le calorique est telle, qu'il est toujours dans l'état de gaz. - Il est impossible de l'obtenir seul sous forme concrète, ibid. et suiv. - On l'obtient dans l'état de gaz en décomposant l’eau par le fer et par le carbone, ibid. - Sa combinaison avec le phosphore, 159 ; - avec l'oxygène, 153. - Est-il susceptible de se combiner avec les corps simples dans l'état correct ? 89. - Ce ne peut être qu'en très-petite quantité, ibid. - Il est un des principes constitutifs des huiles et du radical de tous les acides végétaux et animaux, 119 ; - de l’amidon, des gommes, du sucre, 91. - Quantité qu'en contient le sucre, 102. - Quelques chimistes ont supposé que c'était le phlogistique de Stahl. - Ils ne le prouvent point. - Ils n'expliquent pas les phénomènes de la calcination de la combustion. 154

I

INSTRUMENTS propres à déterminer le poids absolu et la pesanteur spécifique des cops, 246 et suiv. - Description de la machine qui sert à les comparer.- Elle se comme balance. - L'action se nomme pesée. - Variation de l'unité d’un pays à l’autre. - De la nécessité de n'employer que des poids dont on connaît les rapports entre eux, ibid.

L

LAMPE D'ÉMAILLEUR. Sert d'intermédiaire, dans la fusion par le gaz oxygène, pour les substances composées qui ont de l’affinité avec le charbon, 381. LAVAGE. Moyen de diviser les corps en poudres de grosseurs uniformes, 304.

LIMES. Servent à diviser les matières, soit malléables, soit fibreuses, 295.

LIXIVIATION. Opération dont l’objet est de séparer les substances solubles dans l’eau, de celles qui ne le sont pas, 309 et suiv. LUMIÈRE. Qualités qui lui sont communes avec le calorique, 20. - Nécessaire aux animaux comme aux végétaux. - Il n'existe d'êtres organisés que dans les lieux exposés à la lumière, 149. - Son dégagement dans la combustion du fer, 39. - Sa manière d'agir sur les corps est inconnue. - Elle contribue avec le calorique à constituer l'oxygène dans l’état de gaz. - Se combine avec quelques parties des plantes ; - c ’est à cette combinaison qu'est due la couleur verte des feuilles, 141.

LUTS. (Préparation des), 332. - Résineux ; - gras. - De chaux et de blancs d'oeufs, 332 et suiv. - Leur emploi, 336 et suiv. - Moyens d'y suppléer, 337. - Pour enduire les cornues, 210.

LYMPHE. Oxyde animal, 94.


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MAGNESIE. La composition de cette terre est absolument inconnue, 121. - On la trouve dans l'eau de la mer, ibid. - et dans un grand nombre d'eaux minérales, ibid. - Effet que produit sur elle le feu le plus violent, alimenté par le gaz oxygène, 383.

MATIÈRES FÉCALES. Sont composées de carbone et d'hydrogène, 111. - Produisent de l'huile par la distillation, ibid.

MERCURE. Appareil pour son oxydation, 36, 355 et suiv. - Absorbe, dans cette opération, la partie respirable de l'air, 38. - Ne l'absorbe pas en entier, 39.

MÉTAUX. Sont susceptibles de se combiner les uns avec les autres, 86. - Ne sont pas dissolubles dans les acides : il faut qu'ils aient été portés auparavant à l'état d'oxydes, 124.

MIROIRS CONCAVES. Ont on plu, grand degré d'intensité que les verres ardents, 382. -La difficulté de s'en servir rend impossibles un grand nombre des expériences chimiques. ibid.

MOFETTE. Voy. Azote et Gaz azote.

MOLÉCULES élémentaires des corps ne se touchent point, 18.

MOLYBDÈNE. Substance métallique qui a la propriété de s'oxygéner et de former un véritable acide. - La nature nous le présente dans l'état de sulfure de molybdène, 197.

MORTIERS. Leur description. - Leur usage, 294.

MURIATES OXYGENES. Le calorique entre dans leur composition en quantité presque égale à celle qui est nécessaire pour constituer le gaz oxygène, 145.

N

NITRATES. Sels résultant de l'union de l'acide nitrique avec différentes bases, 167. - Appareil pour en retirer l'acide, 62. - Dégagement de gaz oxygène qui l'accompagne, ibid.

NITRITES. Sels résultant de l'union de l'acide nitreux avec différentes bases, 167.

NOIX DE GALLE. Elles fournissent le principe astringent, ou acide gallique, par une simple infusion dans l'eau, 229.

NOMENCLATURE. Système général d'après lequel elle est formée, Discours préliminaire. - Ses difficultés, 93. - Le point où en est la science oblige de conserver, au moins pour un temps, les noms anciens pour les acides et oxydes animaux et végétaux, ibid.

O

ODEUR FÉTIDE. Elle est produite par la dissolution des corps combustibles dans le gaz hydrogène, 111.

OPÉRATIONS MANUELLES DE LA CHIMIE. Se divisent en plusieurs classes, 246. - Les unes ne sont que mécaniques : elles ne font que diviser les corps. - Les autres sont véritablement chimiques, ibid. et suiv.

OR. Se dissout dans l'acide nitromuriatique. - S'oxyde avant sa dissolution, 187. -


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Se volatilise lentement au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

OS DES ANIMAUX. Ce sont de véritables phosphates de chaux, 158.

OXYDES. Nom générique pour exprimer le premier degré d'oxygénation de toutes les substances, 66. - Le règne végétal et le règne animal ont leurs oxydes, ibid.

OXYDES À DEUX BASES. Moyen d'expliquer sans périphrase le principe qui est en excès, 92. OXYDES ANIMAUX. Leur nombre est encore indéterminé, 94. - Il entre ordinairement dans leur composition quatre bases oxydables, 61. - Les principes qui les constituent se désunissent à un très-léger changement de température, 95.

OXIDES MÉTALLIQUES. Combinaisons de l'oxygène avec les métaux, 65. - Les anciens chimistes les confondaient, sous le nom de chaux, avec un grand nombre de substances de nature très-différente, 66. - On les spécifie par leur couleur, qui varie en raison de la quantité plus ou moins grande d'oxygène qu'ils contiennent, ibid. - Brillent avec flamme au feu alimenté par le gaz oxygène, 384. - Réflexions sur ce phénomène, ibid.

OXYDES VÉGÉTAUX. Leur nomenclature, 93 et suiv. - Se décomposent à un degré de chaleur supérieur à l'eau bouillante ; le calorique rompt l’équilibre qui existait entre les parties qui les constituaient, 94. - Comment ils diffèrent entre eux, 147. - Leur décomposition par la fermentation vineuse, 100.

OXYDE ROUGE DE MÉRCURE. L’oxygène y lient très-peu. - Moyens d'oxyder les corps à une chaleur médiocre, 144.

OXYGÉNATION. Combinaison d'un corps avec l’oxygène, 55.

OXYGÈNE. A une grande affinité pour la lumière. - Elle contribue avec le calorique à le constituer dans l’état de gaz, 141. - Dans cet état, il forme la partie respirable de l'air, 48. - Il entre pour un tiers dans le poids de notre atmosphère ; l'azote constitue les deux autres tiers, 143. - Abandonne le calorique pour s'unir à l'hydrogène dans la combustion, 73. - C'est le principe acidifiant de tous les acides, 57. - Un premier degré de combinaison de ce principe avec l'azote forme le gaz nitreux, 63. - Un second degré constitue l’acide nitreux, ibid. - Un troisième constitue l'acide nitrique, 150. - Ses combinaisons avec les substances simples se nomment binaires, ternaires, quaternaires, selon le nombre de ces substances, 145. - Tableau de ses combinaisons binaires avec las substances simples métalliques et non métalliques, 143. - Se dégage pendant la décomposition du nitre par l'acide sulfurique, 62. - Il tient peu à l'acide nitrique, 145. - Condition nécessaire pour la combinaison, 143 et suiv. - Il est le moyen d'union entre les métaux et les acides, 126. - Tout porte à croire que les substances qui ont une grande affinité avec les acides contiennent de l'oxygène, ibid. - et qu'il entre dans la composition des terres regardées comme simples, ibid. - Quantité que le sucre en contient, 101. - Il conserve une grande partie de son calorique en se combinant au gaz nitreux, 82.

P

PESANTEUR SPÉCIFIQUE. On a désigné sous ce nom le poids absolu des corps, divisé par


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leur volume, 253. - On détermine cette pesanteur par le moyen de la balance hydrostatique, 254.

PÈSE-LIQUEURS. Servent à déterminer la pesanteur spécifique des fluides, 254. - Leur description. - Manière de s'en servir. - On les construit en verre et en métal, ibid. et suiv. PHOSPHORE. Substance inconnue des anciens chimistes. - C'est un produit de l'art. - Époque de sa découverte. - On le retire à présent des os des animaux. - Manière de le préparer, 158. - C'est un corps combustible simple.- Il se rencontre, à ce qu'il paraît, dans toutes les substances animales et dans quelques plantes, 139 et 159. - Il y est ordinairement combiné avec l'azote, l'hydrogène, etc. - Il s'allume à 32 degrés de chaleur, 159. - Décompose le gaz oxygène à cette température, 50 et suiv. - Absorbe une fois et demie son poids d'oxygène, 53. - Se convertit en un acide, 55. - Il devient incombustible par sa combinaison avec l'oxygène, 54. - Appareils pour sa combustion, 50, 52, 340 et suiv. - Quantité de calorique qui se dégage pendant sa combustion, 53 et 80. - Ses combinaisons avec les substances simples, 157 ; - avec les métaux, 87. - avec le gaz hydrogène, ibid. - Il parait qu'il demeure combiné avec le charbon dans la distillation des végétaux, 98. - Enlève l'oxygène à l'acide nitrique et à l'acide muriatique oxygéné, 177. - C'est une des bases des acides animaux, 91.

PIERRES COMPOSÉES. Se fondent au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

PIERRES PRÉCIEUSES. Celles qui sont décolorées par le feu alimenté de gaz oxygène ont l'apparence d'une terre blanche et de la porcelaine, 384.

PLANTES. La couleur des feuilles et la diversité de celle des fleurs tiennent à la combinaison de la lumière avec elles, 142. - Contiennent du phosphore, 159.

POIDS. Division de la livre en fractions décimales ; moyen de simplifier les calculs, 250. - Table pour convertir les fractions décimales en fractions vulgaires, et réciproquement, 389.

PORPHYRISATION. Instruments propres à l'opérer, 281.

POTASSE. Son origine.- Procédés pour l’extraire, 116 et suiv. - Il n'est pas démontré qu'elle existe dans le charbon avant la combustion, 161. - Il ne parait pas qu'on puisse l'extraire des végétaux sans des intermèdes qui fournissent de l'azote et de l'oxygène, 119. - Presque toujours saturée d'acide carbonique ; pourquoi, 118. - Elle est soluble dans l'eau, ibid. - Elle attire l’humidité de l'air avec une grande rapidité. - Elle est, en conséquence, très-propre à opérer la dessiccation des gaz, ibid. - Elle est soluble dans l'esprit-de-vin, ibid.

POUDRE À CANON. Il se dégage de l'azote et du gaz acide carbonique dans son inflammation, 365.

PRESSION DE L'ATMOSPHÈRE. Elle met obstacle à l'écartement des molécules des corps, 21. - Sans elle, il n'y aurait pas de fluides proprement dits, ibid. - Expériences qui le prouvent, ibid.

PULVÉRISATION. Instruments propres à l'opérer, 294.

PUTRÉFACTION. Ses phénomènes sont dus en partie à la décomposition de l'eau, 76. - Est très-lente lorsque le corps qui l'éprouve ne contient pas d'azote, 110. - C'est dans le mélange des substances végétales et animales que consiste toute la


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science des amendements et des fumiers, 110.

PUTREFACTION DES VÉGÉTAUX. N'est autre chose que l'analyse des substances végétales, dans laquelle la totalité de leurs principes se dégage sous la forme de gaz, 109.

PYRITES. Nom que les anciens donnaient à la combinaison du soufre et des métaux, 87.

R

RADICAL ACÉTEUX. Tableau de ses combinaisons, 216. - Acide à deux bases. - C'est le plus oxygéné des acides végétaux. - Contient un peu d'azote. - Moyens de l'obtenir et de l'avoir pur. - Libre de toute combinaison, il est dans l'état de gaz au degré de température dans lequel nous vivons. - La plupart des sels qu'il forme avec les bases salifiables ne sont pas cristallisables, 218 et suiv.

RADICAL BORACIQUE. Sa nature est inconnue, 162.

RADICAL FLUORIQUE. Sa nature est inconnue, 162. - Ses combinaisons avec l’oxygène, ibid.

RADICAL MALIQUE. Tableau de ses combinaisons, 203.

RADICAL MURIATIQUE. Sa nature est encore inconnue, 162. RADICAL TARTAREUX. Tableau de ses combinaisons, 160.

RADICAUX DES ACIDES. Leur tableau, 138. - Combinaisons des radicaux simples avec l'oxygène, 143 et suiv. - Combinaison des radicaux composés avec l’oxygène, 146 et suiv.

RADICAUX HYDROCARBONEUX et CARBONE-HYDREUX, 139.

RADICAUX OXYDABLES et ACIDIFIABLES. Sont simples dans le règne minéral. - Sont composés dans les deux autres, 147.

RÂPE. Sert à diviser les substances pulpeuses, 297.

RÉDUCTIONS MÉTALLIQUES. Ne sont autre chose que des oxygénations du charbon par l’oxygène contenu dans les oxydes métalliques, 145.

RESPIRATION. Raisons qui ont empêché d'en parler dans cet ouvrage, 142.

RUBIS. Se ramollit, se soude et se fond sans altération de sa couleur, par l'action du feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

RUBIS DU BRÉSIL. Se décolore et perd un cinquième de son poids au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

S

SALPÊTRE. Combinaison de l'acide nitrique et de la potasse, 165. - Moyens d'obtenir ce sel, ibid. - Son raffinage fondé sur la différente solubilité des sels, 315.

SANG. La partie rouge est un oxyde animal, 94. SÉCRÉTIONS ANIMALES. Sont de véritables oxydes, 94.

SEL MARIN. Combinaison de l'acide muriatique et de la soude, 255.

SEL MURIATIQUE OXYGÉNÉ DE POTASSE. Fournit un gaz oxygène absolument pur, 355.

SEL SÉDATIF. Voy. Acide boracique, 191.

SELS NEUTRES. Leur formation, 115 et 133. - Ils résultent de la réunion d'une substance simple oxygénée avec une base


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quelconque, 116 ; - ou, ce qui est la même chose, de l’union des acides avec les substances métalliques, terreuses et alcalines, 115. - Quelles sont les bases salifiables susceptibles de se combiner avec les acides, ibid. - Le nombre des sels connus a augmenté en raison des acides qui ont été découverts, 147. - Dans l'état actuel de nos connaissances, il est de onze cent cinquante-deux, 128. - Mais il est probable que toutes ces combinaisons salines ne sont pas possibles, ibid. - Combinaisons salines présentées sous la forme de tableaux. - On a suivi, pour les classer, les mêmes principes que pour les substances simples, 133 et suiv. - Leur nomenclature, 129. - On les distingue par le nom de leur base salifiable, ibid. - Plan d'expériences sur les sels neutres, 131. - De leur solution, 305 ; - par le calorique, 306 et 314. - On confondait autrefois la solution et la dissolution, 305. - Des différents degrés de solubilité des sels, 307 et suiv. - Travail à faire sur les sels neutres, 308.

SYPHON. Sa description, 299.

SOUFRE. Substance combustible qui est dans l'état concret à la température de l'atmosphère, et qui se liquéfie à une chaleur supérieure à l'eau bouillante, 156. - Sa combinaison avec les substances simples, ibid. - avec le gaz hydrogène, 87 ; avec différents autres gaz, 55.- Il décompose l'air, ibid. - Enlève l'oxygène au calorique, ibid. - Il est susceptible de plusieurs degrés de saturation en se combinant avec l'oxygène, 59. - Moyen d'exciter sa combustion pour la formation de l'acide sulfurique, 170.

SUBLIMATION. Distillation des matières qui se condensent sous forme concrète, 320.

SUBSTANCES ANIMALES. Sont composées d'hydrogène, de carbone, de phosphore, d'azote et de soufre, le tout porté à l’état d’oxyde par une portion d'oxygène, 112. - Leur distillation donne les mêmes résultats que les plantes crucifères, 98. - Elles donnent seulement plus d'huile et plus d'ammoniaque, en raison de l'azote et de l'hydrogène qu'elles contiennent dans une plus grande proportion, 111. - Elles favorisent la putréfaction, parce qu'elles contiennent de l'azote, 110. - Elles peuvent varier en raison de la proportion de leurs principes constituants et de leur degré d'oxygénation, 150. - Sont décomposées par le feu, 96.

SUBSTANCES COMBUSTIBLES. Ce sont celles qui ont une grande appétence pour l'oxygène, 86. - Peuvent s'oxygéner par leur combinaison avec les nitrates et les muriates oxygénés, 145.

SUBSTANCES MÉTALLIQUES. A l'exception de l'or, et quelquefois de l'argent, elles se présentent rarement dans la nature sous la forme métallique, 122. - Celles que nous pouvons réduire sous forme métallique sont au nombre de dix-sept, ibid. - Celles qui ont plus d'affinité avec l'oxygène qu'avec le carbone ne sont pas susceptibles d'être amenées à cet état, ibid. - Considérées comme bases salifiables, 123. - Ne peuvent se dissoudre que lorsqu’elles s'oxydent, 124. - L'effervescence qui a lieu pendant leur dissolution dans les acides prouve qu'elles s'oxydent, 125. - Se dissolvent sans effervescence dans les acides lorsqu'elles ont été préalablement oxydées, ibid. - Se dissolvent sans effervescence dans l'acide muriatique oxygéné, ibid. - dans l'acide sulfureux, 173. - Celles qui sont trop oxygénées s'y dissolvent et forment des


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sulfites métalliques, 173. - Décomposent toutes le gaz oxygène, excepté l'or et l'argent, 65, 143 et suiv. - Elles s'oxydent et perdent leur éclat métallique, 65. - Pendant cette opération, elles augmentent de poids, à proportion de l'oxygène qu'elles absorbent, ibid. - Les anciens donnaient improprement le nom de chaux aux métaux calcinés ou oxydes métalliques, 66. - Appareils pour accélérer l'oxydation, 359 et suiv. - N'ont pas toutes le même degré d'affinité pour l'oxygène, 359. - Lorsqu'on ne peut en séparer l'oxygène, elles demeurent constamment dans l'état d'oxydes et se confondent pour nous avec les terres, 122. - Décomposent l'acide sulfurique en lui enlevant une portion de son oxygène, et alors elles s'y dissolvent, 171. - Leurs combinaisons les unes avec les autres, 162. - Les alliages qui en résultent sont plus cassants que les métaux alliés, 86. - C'est à leurs différents degrés de fusibilité que sont dus une partie des phénomènes que présentent ces combinaisons, ibid. - Brûlent avec flamme colorée et se dissipent entièrement au feu alimenté par le gaz oxygène, 384. - Toutes, excepté le mercure, s'y oxydent sur un charbon, ibid.

SUBSTANCES SALINES. Se volatilisent au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

SUBSTANCES SIMPLES. Leur définition. - Ce sont celles que la chimie n'a pas encore pu parvenir à décomposer, 135 et suiv. - Leur tableau, 136. - Leurs combinaisons avec le soufre, 155 ; - avec le phosphore, 157 ; - avec le carbone, 16o ; - avec l'hydrogène, 152 ; - avec l'azote, 149.

SUBSTANCES VÉGÉTALES. Leurs principes constitutifs sont l'hydrogène et le carbone, 96. - Contiennent quelquefois du phosphore et de l'azote, 98. - Manière d'envisager leur composition et leur décomposition, 96. - Leur décomposition se fait en vertu d'affinités doubles et triples, 98. - Tous les principes qui les composent sont en équilibre entre eux au degré de température dans lequel nous vivons, 96. - Leur distillation fournit la preuve de cette théorie, 98. - A un degré peu supérieur à l'eau bouillante, une partie du carbone devient libre, 97. - L'hydrogène et l'oxygène se réunissent pour former de l'eau, ibid. - Une portion d'hydrogène et de carbone s'unissent et forment de l'huile volatile, ibid. - A une chaleur rouge, l'huile formée serait décomposée, 98. - L'oxygène, alors, s'unit au carbone, avec lequel il a plus d'affinité à ce degré, 97. - L'hydrogène s'échappe sous la forme de gaz en s'unissant au calorique, ibid.

SUCRE. Oxyde végétal à deux bases, 91. - Son analyse, 102. - En l'oxygénant, on forme de l'acide oxalique, de l'acide malique, de l'acide acéteux, selon la proportion d'oxygène, 214. - Moyens de rompre l'équilibre de ces principes par la fermentation, 102. - Récapitulation des résultats obtenus par la fermentation, 106. - Contient les substances propres à former de l'eau, mais non de l’eau toute formée, 108. SUCRE DE LAIT OXYGÉNÉ. Forme l'acide saccholactique, 233.

SULFATES. Combinaisons de l'acide sulfurique avec les différentes bases,170.

SULFATES MÉTALLIQUES. Combinaisons des métaux avec l'acide sulfurique, 170.

SULFITES. Combinaisons de l'acide sulfureux avec les différentes bases, 173.


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SULFITES MÉTALLIQUES. Pourraient bien ne pas exister, 173.

SULFURES. Combinaisons du soufre avec les métaux, 87.

T

TABLEAU des acides et de leurs bases salifiables, 126. - Des substances simples, 135. - Des radicaux composés, 138. - Des combinaisons de l'oxygène, 143 et 146. - Des combinaisons de l'azote, 149. - De l'hydrogène, 152. - Du soufre, 155. - Du phosphore, 157. - Du carbone, 160. - De l'acide nitreux, 163. - De l'acide nitrique, 164. - De l'acide sulfurique, 168. - De l'acide sulfureux, 172. - De l'acide phosphoreux, 175. - De l'acide phosphorique, 176. - De l'acide carbonique, 179. - De l'acide muriatique, 182. - De l'acide muriatique oxygéné, 183. - De l'acide nitromuriatique, 186. - De l'acide fluorique, 188. - De l'acide boracique, 190. - De l'acide arsénique, 193. - De l'acide molybdique, 196. - De l'acide tungstique, 198. - De l'acide tartareux, 200. - De l'acide malique, 203. - De l'acide citrique, 205. - De l'acide pyroligneux, 207. - De l'acide pyrotartareux, 209. - De l'acide pyromuqueux, 211. - De l'acide oxalique, 213. - De l'acide acétique, 220. - De l'acide succinique, 222. - De l'acide benzoïque, 224. - De l'acide camphorique, 226. - De l’acide gallique, 228. - De l'acide lactique, 230. - De l'acide saccholactique, 232. - De l'acide formique, 234. - De l'acide bombique, 236. - De l'acide sébacique, 238. - De l'acide lithique, 240. - De l'acide prussique, 242.

TAMISAGE. Moyen de séparer les corps en molécules de grosseurs à peu près uniformes, 297.

TARTRE. Est composé de l'acide appelé tartarum et de potasse. - Moyen de le décomposer pour en obtenir l'acide pur, 201.

TARTRITE ACIDULE DE POTASSE. Combinaison de la potasse et de l'acide tartareux, avec excès d'acide, 202.

TARTRITE DE POTASSE. Sel parfaitement neutre, résultant de la combinaison de l'acide tartareux et de la potasse, 202.

TERRE ou TERREAU. Principe fixe qui reste après l'analyse des substances végétales fermentées, 110. - On les regarde comme des êtres simples, 121. - Il y a quelques raisons de penser qu'elles contiennent de l’oxygène, 126 et 137. - Et peut- être qu'elles sont des métaux oxydés, ibid. - Elles ont une grande tendance à la combinaison, 121.

TERRES COMPO SÉES. Se fondent au feu alimenté par le gaz oxygène sous la forme d'un verre blanc, 384.

THERMOMÈTRE. Corrections du volume des gaz, relatives aux différents degrés du thermomètre. - Modèle de calcul pour ces corrections, 279 et suiv.

TOPAZE DE SAXE. Se décolore et perd un cinquième de son poids au feu alimenté par le gaz oxygène, 384.

TRITURATION. Instruments propres à l'opérer, 294.

TUNGSTÈNE. Métal particulier, souvent confondu avec l'étain. - Sa cristallisation. - Sa pesanteur spécifique. - Il se trouve naturellement dans l'état d'oxyde. - Il fait fonction d'acide. - Il y est uni à la chaux, 199.


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V

VAISSEAUX ÉVAPORATOIRES. Leur forme, 312.

VAPORISATION. Passage d'un fluide liquide à l’état aériforme, 23.

VERRES ARDENTS. Ne produisent pas d'aussi grands effets qu’on avait lieu de l'attendre, 381.

VERS À SOIE. Leur chrysalide fournit l'acide bombique, 237.

W

WOLFRAM. Substance métallique. - Véritable tungstène, 199.


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Text from Lavoisier.CNRS.Fr

Formatted in HTML by Institute for the Study of Nature, 2010.